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Le texte religieux occitan moderne et contemporain

Entre critique et poésie, les voies d’une écriture : la Cantata per Maria Magdalena (2017) de Jean-Yves Casanova

Between criticism and poetry, the routes of a writing: the Cantata per Maria Magdalena (2017) by Jean-Yves Casanova
Philippe Gardy
p. 353-370

Résumés

Jean-Yves Casanova (Marseille, 1957) a publié en 2017 une Cantata per Maria Magdalena/Cantate pour Marie Madeleine, s.l., La Pantiera. Cet ensemble poétique et musical s’inscrit dans la longue durée des textes consacrés à la présence, légendaire, de Marie Madeleine en Provence, autour, notamment, du site de la Sainte Baume. Enracinée dans le versant proprement occitan de cette vaste tradition, depuis Burles à la fin du xvie siècle jusqu’à Mistral, la cantate de Casanova est en même temps un texte très personnel, faisant écho à l’œuvre aussi bien poétique que romanesque de son auteur, sans oublier sa production critique (tout récemment La Perte. Stendhal, Proust, Céline, Pau, La Pantiera, 2018).

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Texte intégral

  • 1  [Pèlerin bienheureux, ne regrette pas ton voyage,/ ni d’être de trop loin venu jusqu’à cet ermitag (...)

Pelegrin ben heureux, non regretis ton viagi
ny d’estre de trop luench vengut à l’harmitagi
que vezes fabricat dedins aquest auenc
1
Balthasar Burle, vers 1575

  • 2  [L’attente vénitienne]. J’emploie le terme de « récit » par commodité. Aucun genre n’étant revendi (...)

Jean-Yves Casanova, né à Marseille en 1957, est à la tête d’une des œuvres littéraires en langue occitane (provençal) parmi les plus significatives et surtout les plus originales de celles produites ces dernières dizaines d’années. Poète, prosateur (auteur de récits, romans et nouvelles), Casanova, depuis ses premiers textes publiés (par exemple le court récit poétique intitulé L’espèra veneciana2, 1982), n’a pas cessé d’écrire, ne rendant publique, ou non, par choix ou par nécessité, qu’une partie de sa production proprement littéraire.

  • 3  À Richard Millet, Casanova a aussi dédié ultérieurement l’une des quatre nouvelles de son recueil (...)

1La Cantata per Maria Magdalena (2017) constitue sans doute une étape importante dans cette aventure d’écriture, d’abord, en première analyse, parce que s’y rejoignent visiblement quelques-uns des points de repère forts qui ont jusqu’à aujourd’hui rythmé et nourri sa réflexion à propos de la littérature (Casanova est également l’auteur d’une œuvre de chercheur exigeante) et à l’intérieur même de celle-ci. Une dédicace et une citation placée en exergue du livre signalent, comme un affleurement, cette rencontre. La dédicace offre ce poème à un autre écrivain contemporain de Jean Yves Casanova, Richard Millet3. Cette dédicace est suivie d’une citation de trois vers tirés du chant 12 et dernier de la Mirèio de Frédéric Mistral, chant intitulé, en français comme en provençal, « La Mort » :

  • 4  La mer, belle plaine agitée, / Est l’avenue du Paradis, / Car le bleu de l’étendue / Touche tout à (...)

La mar, bello plano esmougudo,
Dóu Paradis es l’avengudo,
Car la bluiour de l’estendudo
Tout à l’entour se toco emé lou toumple amar4.

2Cet enracinement de la Cantata dans une (double) tradition littéraire n’est pas un simple clin d’œil culturel. Il est aussi, et d’abord, la marque d’un itinéraire personnel dont la Cantata apparaît comme l’approfondissement. Il signale en effet, avec discrétion, mais de façon indubitable, une appartenance : non seulement à la littérature, mais plus particulièrement à une certaine conception de la littérature, vue comme une totalité qui, au-delà des diversités formelles, dessine un territoire où être, vivre et écrire se rejoignent jusqu’à s’y confondre. Jean-Yves Casanova a insisté à plusieurs reprises, comme Millet encore, sur cette exigence, à la fois minimale et extrême. Notamment dans un petit livre très acéré, A l’esperduda dau silenci (2007), et, plus récemment, dans une intervention polémique accueillie par La Revue littéraire toujours, « De l’enseignement de la littérature à l’Université » (2016).

  • 5  Voir sur cette distribution, pour la période qui va du xvie siècle au début du xixe, l’ouvrage de (...)
  • 6  On pense aussitôt à L’enterrament a Sabres de Manciet ou au Camin de la Crous de Delavouët.

3Poème sur un thème incontestablement religieux, la Cantata ne s’inscrit pas, pour son auteur, dans un contexte marqué par ce choix. Au long de la tapisserie très bigarrée à cet égard que forment les œuvres en occitan dans lesquelles une religion (singulièrement la religion catholique, mais pas seulement5) occupe une place importante, elle appartient à la catégorie, fort vague il est vrai, des textes non fonctionnels, pour lesquels le lien établi avec la religion est d’abord personnel, loin de tout contexte institutionnel repérable. Casanova n’est pas prêtre, comme l’étaient ou le sont nombre d’auteurs d’oc des xviiie, xixe et xxe siècles ; il ne se revendique pas davantage d’une religion (à l’instar par exemple de Bernard Manciet pour le catholicisme, ou, autrement, de Max-Philippe Delavouët6), mais c’est bien, dans la Cantata, à la rencontre entre un itinéraire d’écrivain bien dessiné et le parti pris d’une référence religieuse revendiquée que le lecteur est convié.

4Cette rencontre interroge. Elle pourrait sembler banale, aussi bien dans le devenir de l’écrit littéraire en occitan que dans un champ plus élargi. Mais elle ne l’est pas vraiment. Il s’agit en effet ici, de façon explicite, de l’émergence assumée d’une thématique dont la tonalité religieuse indéniable rattache en même temps l’œuvre à une chaîne de textes dont la mention en exergue de la Mirèio de Mistral signale la nécessaire présence.

5On sait que Casanova, depuis de nombreuses années, lit et relit l’œuvre de Mistral. Il a notamment consacré au Maillanais, outre de nombreux articles, deux livres importants : en 2004, Frédéric Mistral. L’Enfant, la mort et les rêves ; en 2016, Frédéric Mistral. L’ombre et l’écho. La Cantata ne saurait bien sûr être séparée de cette activité de lecteur et de critique avisé et scrupuleux. Si son écriture est en particulier issue, comme son auteur le précise dans l’entrevue publiée ici en annexe, de souvenirs d’enfance demeurés très vivants, on peut penser que ces souvenirs ont sans doute joué, dans une élaboration assurément complexe, un double rôle. Ils ont en effet pu aussi bien prendre part à l’attachement de tout un itinéraire à l’œuvre mistralienne que, dans un second temps, au miroir même de cette œuvre (et du contexte de sa production) longuement lue et relue, méditée et assimilée au plus profond, imposer la nécessité intérieure de ce long poème. Le catholicisme de Mistral, qui a fait couler pas mal d’encre depuis Léon Teissier et Berthe Gavalda jusqu’à Jean Rouquette/Larzac en passant par beaucoup d’autres, aurait ainsi poursuivi sa carrière poétique, par des chemins méandreux, jusqu’au poème de Casanova.

6Pour devenir autre chose, comme c’était d’ailleurs le cas déjà dans Mirèio, dont on n’a pas manqué d’interroger les derniers chants pour tenter, confrontant en particulier l’écriture à la vie, de trouver un (un seul ?) sens à un cheminement poétique et imaginaire d’abord fondé, cependant, sur l’ambiguïté et les égarements que suscite l’énigme de la fin.

  • 7  Le massif de la Sainte-Baume, à cheval de nos jours sur les départements des Bouches-du-Rhône et d (...)
  • 8  Ratis (2016, avec en fin de volume des pages très éclairantes de Claude Mauron sur la genèse du te (...)
  • 9  « La barco di Santo », dans Li Cant palustre (Arbaud 1951, 48-57).

7Les récits autour de Marie-Madeleine, quittant la Palestine pour aborder aux rivages de la Provence et s’installer pour y mourir à la Sainte-Baume7, constituent une sorte de labyrinthe narratif répété et reformulé sans relâche au cours des siècles. Nombreux sont ceux qui, de ces récits, ont tiré la matière de leur propre vision d’un voyage susceptible de multiples interprétations. Pour le xxe siècle provençal, on se contentera de mentionner, pour leur valeur emblématique et leur force de suggestion, le récit en prose d’Henriette Dibon (Farfantello), opportunément enfin réédité ces dernières années8, ou tel poème de Joseph d’Arbaud9.

  • 10  Cf. Chabaneau 1885 et 1887. Voir également Laurent Brun, Archives de littérature du Moyen Âge, 201 (...)

8Casanova se situe dans cette lignée littéraire en dérive à travers le temps et les espaces méditerranéens. La Cantata s’empare de ce bouquet foisonnant de récits légendaires dont l’écriture provençale elle-même a depuis des siècles illustré les principaux thèmes10 pour en faire la matière, verbale et imaginaire, de sa propre écriture. À cet égard, dans un même mouvement, il reprend à son compte un corpus légendaire étroitement associé à certains paysages provençaux et, contradictoirement, s’en dégage, pour, à partir de plusieurs de ses composantes, se l’approprier et lui conférer une couleur personnelle d’une grande intensité.

  • 11  On lira une excellente approche de cette oscillation forcément floue et ambiguë entre réalité et f (...)

9Maria Magdalena, pour Casanova, n’est pas en premier lieu un personnage religieux, fût-il légendaire. Elle est d’abord, en profondeur, une figure liée à sa propre histoire, familiale, et sans doute aussi, à celle de son expérience d’écrivain, entre prose et poésie, les deux étant très étroitement liées. Il suffit pour s’en persuader de se reporter aux premières pages de la section « Biographie » du site internet de l’auteur dont la référence a été donnée au début de cet article : l’écrivain, pour illustrer et, surtout, incarner certains moments décisifs (inéluctables) de son histoire familiale, y propose de larges extraits de plusieurs de ses livres, en prose ou en poésie. Cette rencontre volontaire et revendiquée entre l’écriture et la vie est une des caractéristique majeure d’une œuvre qui, par ailleurs, n’en propose aucune interprétation ostentatoire : dans l’écriture, la vie de l’écrivain, comme le roman familial, sont la chair d’une fiction qui n’en finit pas de se recomposer et de s’imaginer à l’épreuve sans relâche revécue du réel11.

10Tout, dans la mise en œuvre du récit comme du poème, contribue à faire fonctionner à plein cette alchimie du vivre et de l’écriture et en premier lieu la force d’un style qui, par masses successives, fait surgir lieux, personnages et fragments narratifs comme autant de motifs (comme on peint sur le motif) qui apparaissent et disparaissent dans les circonvolutions infinies du temps. Maria Magdalena est l’une de ces présences faites d’ombres et de lumières que l’écriture va chercher au plus épais de l’existence et finit par cerner pour donner à en apercevoir la silhouette sauvée de l’oubli. On peut à son sujet faire l’hypothèse qu’elle est un élément du roman familial, qu’à un moment donné l’écriture la rend visible, palpable, et que cette émergence lui donne corps et voix de mots.

  • 12  Elegias vengudas de negre e de Mar (1995), Cap de Creus (1999), … enfra lei trèus… (limbs) (2009). (...)
  • 13  Celle-ci n’est pas notée, mais seulement suggérée, assez précisément, au long de deux pages en fin (...)
  • 14  Les parties I et II s’intitulent chacune Jerusalèm ; la III, La Resurreccion ; la IV, La mar, la t (...)

11La Cantata emprunte une vêture formelle qui ne se distingue que partiellement de celle des autres textes (publiés) de Casanova. Les recueils de poèmes antérieurs de l’auteur12 utilisaient eux aussi un vers, en tout cas une unité de respiration de la parole sur la page, très ample, dont les « poèmes » clairement distribués de la Cantata (sept multipliés par sept ensembles de dix vers chacun) sont les héritiers. Sans entrer dans le détail d’une analyse de ces choix et de leur possible évolution, qui reste donc à faire, on notera que l’irruption de la musique (« Cordes : violons, altos, violoncelles13 ») dans la Cantata change jusqu’à un certain point la nature d’un texte dont elle contribue, par sa seule annonce, à faire une sorte de célébration, traversée par un mouvement d’élévation signalé par le titre de la septième partie14 (septième mouvement ?) : Tèrra, mar, cèu.

12À cet égard, en tout cas, la Cantata marque un certain aboutissement. Le légendaire familial, celui des morts revenant parmi les vivants par le moyen de l’écriture, y rejoint les antiques récits qui ont irrigué la Provence depuis la Palestine, mais aussi ceux qui, sous des formes diverses, ont repris à leur compte, comme écrivains, les personnages habitant des récits. Frédéric Mistral en premier, dont la Mirèio, par de nombreux aspects, peut se confondre avec Maria Magdalena, mais encore, pour s’en tenir au seul domaine provençal, quelques grandes œuvres du xxe siècle dont l’écriture est hantée par tel ou tel moment de cette narration par définition inachevée, et, probablement, inachevable.

*

  • 15  La date de publication ne figure pas dans l’ouvrage. Cet ouvrage, en page intérieure, est présenté (...)

Chez Casanova, deux grands thèmes, faudrait-il écrire deux grandes hantises, ordonnent et orientent cet héritage. Le premier est celui de la mémoire des morts, et de sa lente perte au fil du temps. Tandis que s’écoule la durée d’une existence, celle de l’écrivain, le souvenir des morts s’impose et devient, de plus en plus clairement, l’un des motifs majeurs de l’œuvre en cours. Cette nécessité affrontée aux destructions infligée par le temps ouvre un court texte publié en 2016, Affectus mortis15. On lit dans les premiers paragraphes de ce texte (p. 10) :

  • 16  [Les morts, nos morts, sont destinés o l’oubli, bien qu’il viennent encore, pour un temps, peupler (...)

Lei mòrts, nòstrei mòrts, son destinats a l’oblidança, e mai se venon encara per un temps poblar nòstre present de sei caras e de sei figuras […] E pasmens, ieu tanben mòrt, l’oblit serà complit ; de generacions en generacions lei mòrts venon ansin un amolonament sens nom e sens cara16 […].

  • 17  « La mort, une “engano” nécessaire » (Casanova 2016, 143).

13La littérature, à cet égard, s’affirme à son origine comme un mémorial dont la visée serait d’ailleurs moins d’effacer ou de tenter de contrecarrer la force ravageuse de l’oubli que de faire accéder la disparition des êtres à un statut autre que de celui de la mort proprement dite. De façon significative, telle est l’interprétation que Casanova propose du dernier chant de la Mirèio mistralienne, chant qui s’intitule précisément « La Mort » dans un chapitre de l’un de ses livres consacrés à Mistral. Pour lui, en effet, il ne s’agit pas à proprement parler de mort de l’héroïne, mais bien plutôt de « son évanescence, sa disparition, sa dilution dans l’espace, le temps et la transcendance que les hommes ne peuvent pas comprendre et entendre17 ». Ce qui est complété dans les lignes de conclusion de ce chapitre par l’idée qu’il s’agit là d’un « lent et assomptif mouvement d’une élévation mystique, poétique et linguistique » (Casanova 2016, 149). On reconnaît, en substance, les vers cités en exergue de la Cantata, des vers que Casanova, d’ailleurs, cite également dans le cours du même chapitre (id. 142) avant de les commenter ainsi : « … la mort n’est qu’une tromperie, une invention des hommes, un rideau de brume, un leurre, la vie ne serait au contraire qu’une nuit que la mort réveille afin que la lumière soit plus éclatante ».

  • 18  J’interprète ainsi, avec prudence, ces trois propositions : Ici l’éternité balance ; Ici l’éternit (...)

14À la hantise de la mémoire des morts que le temps effacerait inexorablement fait écho une autre certitude (si un tel terme fait bien partie du discours de l’écrivain) : celle de l’éternité. Dès son premier livre, L’espèra veneciana, Casanova faisait se mouvoir son écriture autour de sa présence obsédante, en formulant trois propositions qui, en gros caractères majuscules, dominent le déroulement de la partie centrale du texte : « Aquí l’eternitat balin-bala » (Casanova 1982, 17) ; « Aquí l’eternitat bacèla » (10) ; « Aquí l’eternitat trauca18 » (21). C’est bien d’éternité que la Cantata traite. Et c’est vers elle que Maria Magdalena, telle Mirèio, s’élève finalement,

  • 19  … pour l’éternité des temps à travers l’espace clair des ondées infinies (p. 77 et 151).

… per l’eternitat dei temps s’enaurant tras l’espaci clar deis ondadas infinidas19.

  • 20  Le titre du recueil est aussi celui de la première nouvelle. Le cadre de la deuxième nouvelle, Un (...)

15Et c’est d’elle encore, sous une autre modalité, apparemment beaucoup plus fragile, que nous entretient le recueil de quatre nouvelles publié à peu près au même moment que la Cantata : L’Eternitat estraviada / L’Éternité égarée20.

*

  • 21  Celle qui, / ses bras blancs serrés contre elle, / prie au fond d’une grotte.

L’avant-dernier chant de Mirèio, « Li Santo », évoque la venue en barque des trois Marie et de quelques autres depuis la Palestine jusqu’aux rivages provençaux de la Camargue après la Crucifixion. Maria Magdalena (Madaleno), « … aquelo / que, si bras blanc sarra contro elo, / Prègo au founs d’uno baumo21 », y est bien entendu présente, dans quelques strophes dont on croit comprendre qu’elles ont pu nourrir au long cours la méditation, personnelle et familiale, de Casanova et participer ainsi à la conception et au développement de la Cantata. La généalogie perceptible de cette dernière, telle qu’elle vient d’être à peine esquissée, en fait une œuvre assez vertigineuse. S’y rejoignent notamment, à divers degrés : l’esprit d’un lieu, la figure légendaire d’une figure biblique elle-même travaillée et retravaillée au long des siècles par de multiples récits et variations, entre religion savante ou populaire et littérature, l’expérience intime d’un écrivain confronté depuis son temps d’enfance à ce lieu et aux récits et aux pratiques qui lui sont attachés. Et, pour finir de façon toute provisoire : le déroulement sur plusieurs dizaines d’années d’une œuvre littéraire dans laquelle la Cantata a puisé, consciemment ou inconsciemment, une partie importante des éléments qui ont contribué à son élaboration.

  • 22  On peut commodément trouver la reproduction photographique du texte publié par Belleforest à l’adr (...)

16Parmi les textes provençaux rassemblés à la fin du xixe siècle par Camille Chabaneau, figure un poème de Balthasar (de La) Burle, déjà signalé par La Croix du Maine et Du Verdier (1772, I, 67). Ce poème de 68 alexandrins (rimes plates) est connu par la citation qu’en a fait François de Belleforest dans sa Cosmographie universelle et de tout le monde…22 (Paris, M. Sonnius, 1575). Il est précédé d’une description détaillée du lieu, en prose française, qui semble avoir été écrite dans le même esprit. Ces deux textes, de la seconde moitié du xvie siècle, expriment une sorte d’étonnement, au sens fort, émerveillé, que résume assez bien le début du passage en français :

  • 23  Cité d’après Chabaneau 1887, 174-175.

Entre Aix et Marseille est ce lieu tant renommé pour la solitude effroyable et pleine de ce je ne sçay quoy qui esgare les sens de toute affection charnelle, à cause de l’aspreté de la solitude, à sçavoir la Baulme, qui est l’oratoire ancien où jadis la glorieuse Magdaleine feit sa penitence, et où elle rendit son esprit à Dieu, ainsi que porte son histoire, et la description duquel lieu il vous faut exprimer, au moins mal qu’il nous sera possible23.

  • 24  [femme fragile, craintive, peureuse]. Les citations de ce poème reproduisent sans modifications le (...)

17S’adressant au pèlerin, le poème de Burle oppose la posture rayonnante de cette « frema fragilla, crentiva, temerouza24 » (v. 5) et la force de sa foi à la froideur terrible du lieu et des tempêtes qui pouvaient s’y déchaîner. Il s’achève par l’évocation de sa fin, quand Dieu voulut bien mettre fin à sa pénitence :

  • 25  [Les Anges l’ont au Ciel heureusement ravie,/ ils l’ont présentée devant la majesté de Dieu,/où po (...)

Lous Angis l’an au cel hurousament rauida,
davant la maiestad de Dieu l’an presentada,
donte per tout iamay en glory es coronada.
auqual, ty preguan tous, hurouzo Magdaleno,
que faces enuers el que non sentan la peno
de l’Enfert eternal, mais que nous fasse gracy,
qu’en son sant Paradis lou veguan tous en faci25.

  • 26  Casanova, sauf erreur de ma part, ne mentionne pas Burle dans l’édition de sa thèse de 1990 publié (...)

18On peut tenir pour certain que le poète de la Cantata, par ailleurs spécialiste reconnu de l’écrit en provençal du xvie siècle, connaissait depuis longtemps le poème de Burle quand il a entrepris l’écriture de son texte26. On ne peut pas ne pas voir aussi dans les strophes du poème de 2017 l’écho, lointain certes, mais intense, de celui, bien oublié, que François de Belleforest avait opportunément recueilli et Camille Chabaneau réédité. Œuvre éminemment personnelle, immergée dans son époque, la Cantata est aussi, de nombreuses façons, œuvre mémorielle.

  • 27  Casanova 2012, 416.

19« La sainte n’est probablement jamais venue en Provence », a écrit Jean-Yves Casanova, conformément à ce que l’on peut savoir à ce sujet27. Confrontée à cette affirmation, la présence de Maria Magdalena, telle que la fait surgir la Cantata, n’en est que plus réelle. Loin, pourrait-on dire, de la légende, et dans le plein de la vie et des mots.

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Bibliographie

Textes de Jean-Yves Casanova

L’espèra veneciana, Nîmes, Imprimerie Barnier, 1982.

Elegias vengudas de negre e de Mar/ Élégies venues du noir et de la mer, Montpeyroux, Jorn, 1995.

Cap de Creus, Montpeyroux, Jorn, 1999.

Frédéric Mistral. L’Enfant, la mort et les rêves, Canet en Roussillon, Trabucaire, 2004.

A l’esperduda dau silenci, Morlanne, C&S, 2007.

… enfra lei trèus… (limbs) / … traversée des brumes… (limbes), Montpeyroux, Jorn, 2009.

Historiographie et littérature au xvie siècle en Provence. L’œuvre de Jean de Nostredame, Turnhout, Brepols, 2012.

L’Enfugida, Canet, Trabucaire, 2014.

« De l’enseignement de la littérature à l’Université », Revue littéraire 62, mars-avril 2016, 132-144.

Affectus mortis Pau, La Pantiera [2016].

Frédéric Mistral. L’ombre et l’écho, Paris, Classiques Garnier, 2016.

L’eternitat extraviada / L’éternité égarée, Salinelles, L’Aucèu libre, 2017.

Cantata per Maria Magdalena / Cantate pour Marie Madeleine, [Pau], La Pantiera, 2017.

Autres textes

Arbaud (d’), Joseph, Li Cant palustre / Les Chants palustres, Paris, Éditions des Horizons de France, 1951.

Farfantello Ratis, Montfaucon, À l’asard Bautezar !, 2016.

La Croix du Maine / Du Verdier, Les bibliothèques françoises de La Croix du Maine et de Du Verdier […] nouvelle édition par M. Rigolet de Juvisy, Paris, Saillant & Nyon, 1772.

Études et éditions de textes

Chabaneau, Camille (éd.), Vie de sainte Marie-Madeleine : poème provençal, publié pour la première fois, d’après le ms. unique appartenant à M. Paul Arbaud, Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1885.

Chabaneau, Camille (éd.), Sainte Marie Madeleine dans la littérature provençale. Recueil des textes provençaux en prose et en vers relatifs à cette sainte (Extrait de la Revue des langues romanes), Paris, Maisonneuve et Leclerc, 1887.

Chocheyras, Jacques, Les saintes de la mer : Madeleine, Marthe, les saintes Maries. De la Provence à la Bourgogne, Orléans, Paradigme, 1998.

Écrivains d’aujourd’hui. Richard Millet, Paris, Léo Scheer, 2016.

Eygun, Jean, Au risque de Babel. Le texte religieux occitan de 1600 à 1850, Bordeaux, Association d’étude du texte occitan, 2002.

Geoffroy, Marguerite / Montandon, Alain (éd.), Marie-Madeleine, figure mythique dans la littérature et les arts, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 1999.

Larzac, Jean, Anthologie de la poésie religieuse occitane, Toulouse, Privat, 1972.

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Annexe

Entretien réalisé par courrier électronique le vendredi 24 février 2017 avec Jean-Yves Casanova (Questions de Philippe Gardy)

Avez-vous songé à certains des textes, poétiques ou non, écrits en diverses langues sur le même thème, et en particulier à certains textes rédigés en provençal à diverses époques ? Et si oui, à quel moment de l’écriture de la Cantata ?

J’ai eu en mémoire essentiellement les textes baroques, pour la plupart provençaux, ceux de Burle, et tout ce corpus aujourd’hui méconnu, en provençal et en français, de Nostredame à Galaup de Chasteuil et La Ceppède. Je fréquente ces textes depuis longtemps. Je les ai lus bien avant la rédaction de ce poème. Je lisais plutôt en écrivant ce texte des textes chrétiens plus antérieurs, Tertulien, Origène ou saint Augustin (dans la traduction de D’Andilly), bien qu’ils ne soient pas reliés à la figure de Marie-Madeleine. Tout cela a formé un socle littéraire dont je me suis servi, une base qui, pour le lecteur averti, est reconnaissable du point de vue littéraire et même linguistique.

Comment l’idée d’écrire un texte sur la présence de Magdalena en Provence vous est-elle venue ? S’agit-il d’un thème religieux, littéraire, personnel ?…

Les trois raisons sont mêlées. Je me souviens des promenades familiales que nous faisions souvent à la Sainte-Baume et même si nous n’allions pas jusqu’à la crête, la présence de la montagne (le crestenc) était magique pour l’enfant que j’étais. On accédait au pied par une magnifique hêtraie aujourd’hui menacée. Ce poème est en quelque sorte pétri par ce souvenir d’enfance. Ma mère, croyante mais peu pratiquante, respectait au plus haut point cette figure. Mon père, athée républicain laïque, s’en moquait. Mais la montagne était là, indiscutablement. Elle était pour ma famille bien plus présente que la Sainte-Victoire par exemple. Une sorte de promontoire, une présence que l’on devinait par exemple chaque année du bateau qui nous ramenait de Corse.

Les thèmes religieux et littéraires sont un. Pour moi, les Évangiles constituent un texte littéraire. Très tôt, malgré l’hostilité paternelle, je les ai lus. Je dois à mon ami de jeunesse poétique, Christian Gabrielle Guez Ricord, d’avoir rencontré un mystique et de savoir ce que peut être une aventure spirituelle. Je crois que ce texte lui doit beaucoup, car nous discutions souvent de la Madeleine, d’un point de vue à la fois religieux, spirituel et littéraire. Pour ma part, je me définirai plutôt comme un agnostique chrétien, très attaché à la culture chrétienne et à ce qu’elle a produit en littérature et art. Ne pas le reconnaître, le refuser, c’est se priver d’une fondation pour notre maison commune. L’ami écrivain à qui est dédié la Cantata ne me contredirait pas, beaucoup plus radical que moi sur ce point. Ce qui a été pour moi indispensable dans cette Cantate est de l’ordre d’une voix qui se ferait jour et se transformerait en parole. Quant au thème littéraire, il prolonge Mistral si je peux dire. Le lecteur attentif aura compris que Marie-Madeleine se confond parfois avec Mirèio, notamment par leur assomption. C’est le sens, une fois sur le crestenc, des vers mistraliens mis en exergue. Marie-Madeleine et Mirèio sont deux héroïnes familiales en quelque sorte : ma mère connaissait leur histoire et nous la racontait (par ailleurs j’ai déjà dit et écrit que ma mère se prénommait Mireille). Ces deux figures se sont entremêlées. Je me suis toujours demandé pourquoi Mistral n’avait pas écrit un grand poème sur la Madeleine. Je crois que Mirèio avait pris la place…

Ce texte semble en rupture, en tout cas thématique, avec ce que vous avez publié auparavant. S’agit-il d’une rupture véritable, ou seulement de surface ?

Je ne parlerai pas de rupture. Il y a une continuité entre les anges et la mer des Elegias et la Cantata. Présence de la mer et surtout celle de la Parole. Les Elegias ne sont pas un texte désespéré comme on l’a souvent dit, c’est un texte de la douleur d’existence et de son dépassement par une spiritualité qui s’impose à l’homme. La spiritualité n’est pas forcément religieuse. Mon agnosticisme s’arrange bien avec elle. Les Elegias comme la Cantata s’accordent avec un dépassement. Il est cependant possible que les années qui passent me mènent à plus de dialogue. Le ciel est-il vide ? Si un jour j’obtiens une réponse ou si je l’ai déjà obtenue, je la garderai pour moi.

Formellement, cependant, on songe en vous lisant à la forme que vous avez adoptée dans les livres de poésie que vous avez déjà publiés aux éditions Jorn. Est-ce un hasard ou, au contraire, la marque préalable d’une forme qui s’est globalement imposée à vous depuis longtemps et à laquelle vous restez fidèle ? Ou encore à laquelle il vous serait impossible d’échapper, pour des raisons dont vous avez conscience, ou non ?

Je pense que je peux y échapper. J’ai écrit dernièrement des haïkus qui y échappent. J’ai choisi cette forme après avoir utilisé des formes libres ou fixes comme la sextine. Je l’ai choisie parce que la direction et la tension du vers me conviennent. Un vers tendu comme une période linguistique propre qui dépasse à la fois le vers et la phrase poétique. Ma prose a rejoint ce vers. Je me suis installé dans cette forme. Je crois que je suis semblable à certains poètes qui ont besoin d’un moule singulier. J’ai lu Dante avec plaisir, en italien, et je le relis souvent. Mistral et plus près de nous Delavouët, voire Manciet et Delpastre ont fait parfois ce choix d’une forme fixe. Qu’est-ce qui a guidé ce choix ? Je ne sais pas. À quoi correspond le nombre 10 ? Je le saurai peut-être un jour. La réponse à la question n’est pas essentielle pour moi.

Le choix de la cantate comme « genre » viendrait se surimposer à cette forme, pour la compléter et lui donner un surcroît de sens. Est-ce pour vous le cas ?

Évidemment. Mais avant tout une cantate est une affaire de voix. Je voulais que la voix et la Parole de la Madeleine fussent portées poétiquement. J’ai longtemps hésité, pensé écrire un texte en prose (la Cantata comporte des arguments en prose), mais peu à peu l’idée du poème s’est imposée. Il ne pouvait s’agir que d’un cantus, une litanie comme celle de la Semaine sainte ou une Leçon de Ténèbres. Je me rends compte d’ailleurs que cette cantata doit beaucoup aux grands oratorios baroques, aux Leçons de Ténèbres de Charpentier et Couperin, aux pièces de Tallis, Campra ou au merveilleux O vos omnes de Vittoria.

Et pourquoi la cantate ?

Pour les raisons dites plus haut. La nécessité du chant. La voix chrétienne a utilisé en priorité le Verbe et le Chant. Verbum et Cantus.

Des indications d’ordre musical sont données à la fin du livre. S’agit-il d’indications destinées à permettre une interprétation, sur scène par exemple, de ce poème, ou de suggestions à l’adresse du lecteur qui désirerait se représenter plus intensément les couleurs et les sonorités de votre texte ? De telles indications ne figurent pas dans vos précédents ouvrages poétiques, qui sont cependant fortement marqués, pour le lecteur que je suis en tout cas, par la présence de la musique.

Présence de la musique, c’est indéniable. Les Elegias (aucun lecteur ne s’en est aperçu, je crois) ont été élaborées sur le modèle des Folies d’Espagne, celle d’une phrase musicale qui revient avec des modifications légères, mais significatives. C’est ce que je retrouve dans la musique indienne des Ragas que j’écoute souvent. Cette Cantata est donc une véritable cantate. Je l’ai conçue comme une pièce musicale, en écoutant et composant une musique intérieure. J’ai donné quelques indications de cette musique personnelle, mais comme je ne suis pas compositeur ni musicien, je ne peux pas l’écrire. J’attends qu’un musicien vienne le faire, mais j’ai bien peur d’attendre longtemps… Quelques musiciens à qui j’en avais parlé m’avaient signifié leur intérêt, très tôt déçu, car ils y projetaient une musique traditionnelle occitane. J’ai fui avec ma Madeleine sous le bras…

Quel rôle attribuez-vous au vers dans le déroulé des strophes qui composent votre poème ? Vous faites le choix d’une unité métrique ample, qui se développe bien au-delà de l’alexandrin par exemple. Est-ce une contrainte que vous vous imposez, ou encore une façon de rompre avec des modèles trop stricts, trop étroits, qui brideraient l’écriture en lui imposant un espace trop restreint ?

Non, ce n’est pas une contrainte, mais une liberté. Le vers ample permet le déploiement de la Parole, la reprise et la clausule finale. C’est une sorte de mélisme pour reprendre un terme musical. Quelque chose d’infini qui n’aurait ni commencement ni fin. Le poème n’est que l’irruption d’une Parole qui est réfugiée autre part…

Les diverses parties, ou unités narratives et thématiques, qui composent la cantate sont-elles le fruit d’un plan déjà établi, ou se sont-elles imposées peu à peu ? Ce choix, si choix conscient il y a eu, est-il le résultat d’une élaboration très étudiée ou renvoie-t-il plutôt à des exigences intérieures dont les mots déjà écrits auraient été porteurs ?

Le schéma était en place avant l’écriture. Pour des raisons évidentes, il ne pouvait s’agir que de sept parties de sept poèmes qui suivent la trajectoire de la Madeleine en commençant par la Crucifixion. La scène de la mise en Croix et de la déposition a d’ailleurs été guidée par le film superbe de Pasolini que je pense être un chef-d’œuvre. Les arguments en prose se sont imposés par la suite.

Je reviens à la langue : l’occitan, l’occitan provençal, est votre langue d’écriture unique. Mais vos poèmes, en tout cas ceux qui ont été publiés, sont toujours accompagnés d’une version française. Comment concevez-vous cette version française, et quelle fonction lui attribuez-vous par rapport à la version originale ? Ce qui revient peut-être à vous demander quel rôle joue le provençal dans votre écriture, en poésie ou en prose. Est-ce un guide capable de vous conduire là où une autre langue ne vous conduirait pas, ou seulement la marque d’un choix préalable qui n’aurait pas grand chose à voir avec l’écriture du poème, ou du roman ?

Vaste question… ce que je sais, c’est que j’écris directement en provençal et que je traduis immédiatement le poème écrit en français, ce qui me permet d’y revenir, de le modifier et de me livrer à un jeu incessant. En prose, je fais la même chose. Imagine-t-on le travail qui est donc nécessaire à tout cela ? Je crois que j’écris dans une métalangue, une sorte de provençal-français. Je ne peux pas faire autrement. Je crois aussi que cette écriture m’a permis de mettre à distance une autre langue familialement présente dans mon enfance et ma jeunesse. Ce que je sais, c’est que la plastique linguistique de l’occitan m’enchante (ainsi que celle de l’italien), ce que le français ne fait que rarement, sauf en prose, avec les grands textes de Saint-Simon ou de Proust. Lire de l’occitan, à haute voix, parce que je n’ai plus trop l’occasion de le parler, m’est souvent indispensable. Pour le reste, je ne sais pas trop…

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Notes

1  [Pèlerin bienheureux, ne regrette pas ton voyage,/ ni d’être de trop loin venu jusqu’à cet ermitage/ que tu vois bâti au dedans de cette grotte]. On trouvera plus loin les références de ce poème de Burle, qui ne comporte pas de titre.

2  [L’attente vénitienne]. J’emploie le terme de « récit » par commodité. Aucun genre n’étant revendiqué pour ce texte qui ne fut publié qu’en occitan. Dans la bibliographie figurant au début de la Cantata, il est cependant enregistré à la rubrique « Poesia ». On trouvera la bio-bibliographie détaillée de Jean-Yves Casanova sur son site internet https://jycasanova.jimdo.com.

3  À Richard Millet, Casanova a aussi dédié ultérieurement l’une des quatre nouvelles de son recueil L’eternitat estraviada / L’éternité égarée (2017), L’Arca, qui se situe en Corse. C’est d’ailleurs dans La Revue littéraire, dont Richard Millet est le rédacteur en chef, que Jean-Yves Casanova a publié en belles pages de larges extraits de la Cantata (n° 63, mai-juin-juillet 2016, p. 54-61). Sur Richard Millet, on se reportera à l’ouvrage collectif Écrivains d’aujourd’hui. Richard Millet (2016).

4  La mer, belle plaine agitée, / Est l’avenue du Paradis, / Car le bleu de l’étendue / Touche tout à l’entour au gouffre amer (version française de F. Mistral).

5  Voir sur cette distribution, pour la période qui va du xvie siècle au début du xixe, l’ouvrage de référence de Jean Eygun (2002). On y ajoutera notamment, pour la tournure plus franchement littéraire de sa conception, celui de Jean Larzac, Anthologie de la poésie religieuse occitane (1972).

6  On pense aussitôt à L’enterrament a Sabres de Manciet ou au Camin de la Crous de Delavouët.

7  Le massif de la Sainte-Baume, à cheval de nos jours sur les départements des Bouches-du-Rhône et du Var, a tiré son nom de la grotte où Marie-Madeleine aurait établi son ermitage.

8  Ratis (2016, avec en fin de volume des pages très éclairantes de Claude Mauron sur la genèse du texte et son auteure).

9  « La barco di Santo », dans Li Cant palustre (Arbaud 1951, 48-57).

10  Cf. Chabaneau 1885 et 1887. Voir également Laurent Brun, Archives de littérature du Moyen Âge, 2016 (https://www.arlima.net/uz/vida_de_santa_maria_magdalena.html).

Et deux titres dans une littérature forcément abondante : Chocheyras (1998) et Geoffroy/Montandon 1999 (notamment, dans ce volume, Joseph Beaude, « Le désert de la Sainte-Baume »).

11  On lira une excellente approche de cette oscillation forcément floue et ambiguë entre réalité et fiction chez Casanova romancier (et poète) dans le compte rendu qu’a fait Jean-Claude Forêt du roman L’Enfugida (Canet, Trabucaire, 2014) sous le titre « Dinamica dels fluids e dels desastres » dans la revue ÒC (n° 109-110-11, hiver 2014, n.p.).

12  Elegias vengudas de negre e de Mar (1995), Cap de Creus (1999), … enfra lei trèus… (limbs) (2009). Rappelons que dans la liste de ses publications littéraires, Casanova inclut son premier livre dans la catégorie des recueils poétiques : L’espèra veneciana. La couverture de l’ouvrage est illustrée par un dessin de Christian Gabriel(le) Guez Ricord (1948-1988), ami de l’auteur (une photographie où ils figurent tous les deux est visible sur le site internet). Ce dessin donne à voir un ange, motif que Guez Ricord a beaucoup traité à cette époque et plus tard.

13  Celle-ci n’est pas notée, mais seulement suggérée, assez précisément, au long de deux pages en fin de poème.

14  Les parties I et II s’intitulent chacune Jerusalèm ; la III, La Resurreccion ; la IV, La mar, la tèrra ; la V, La bauma ; la VI, Paraulas per l’estelam.

15  La date de publication ne figure pas dans l’ouvrage. Cet ouvrage, en page intérieure, est présenté comme le deuxième mouvement de celui inauguré par le recueil poétique … enfra lei trèus… (limbs) : il est sous-titré Limbs II.

16  [Les morts, nos morts, sont destinés o l’oubli, bien qu’il viennent encore, pour un temps, peupler notre présent de leurs visages et de leurs figures […] Et pourtant, moi mort à mon tour, l’oubli sera accompli; de générations en générations les morts deviennent ainsi un amoncellement sans nom et sans visage]. Je n’ai retenu ici que le début d’une longue phrase; puis le commencement d’une autre. La version française est mienne. Ce passage, comme toutes les œuvres en prose de Casanova, ne peut être appréhendé dans sa vérité première que lu dans son décours presque inachevable, chaque phrase ne trouvant sa fin que dans une sorte de longue montée, qui peut être assimilée à la fois, en cela même, à une élévation et une agonie.

17  « La mort, une “engano” nécessaire » (Casanova 2016, 143).

18  J’interprète ainsi, avec prudence, ces trois propositions : Ici l’éternité balance ; Ici l’éternité frappe; Ici l’éternité jaillit.

19  … pour l’éternité des temps à travers l’espace clair des ondées infinies (p. 77 et 151).

20  Le titre du recueil est aussi celui de la première nouvelle. Le cadre de la deuxième nouvelle, Un auratge/ Un orage, est identique à celui, pour partie, du roman L’Enfugida, publié en 2014 (la montagne de La Clavelière, aux confins de la Drôme et du Buëch). La Sainte-Baume est présente dans cette nouvelle : « … lei remembres dei temps aürós, quand totei tres, ambé son espós e l’enfantonet, se passejavan a La Santa Bauma per festejar l’arribada d’una prima doça e benaürosa »… (« … les souvenirs des temps heureux, quand tous les trois avec son époux et son petit enfant, ils se promenaient à La Sainte Baume pour fêter l’arrivée d’un printemps doux et bienheureux »…, p. 50 et 64-65). Comme si le bonheur rayonnant de Maria Magdalena trouvait un écho par delà les siècles dans le temps un moment retrouvé de l’héroïne.

21  Celle qui, / ses bras blancs serrés contre elle, / prie au fond d’une grotte.

22  On peut commodément trouver la reproduction photographique du texte publié par Belleforest à l’adresse suivante : http://www.les-oratoires.asso.fr/sainte-marie-madeleine-à-la-sainte-baume.

23  Cité d’après Chabaneau 1887, 174-175.

24  [femme fragile, craintive, peureuse]. Les citations de ce poème reproduisent sans modifications le texte donné par Belleforest.

25  [Les Anges l’ont au Ciel heureusement ravie,/ ils l’ont présentée devant la majesté de Dieu,/où pour toujours elle est en gloire couronnée./ À lui, nous te prions tous, heureuse Madeleine,/ de demander que nous ne ressentions pas la peine/ de l’Enfer éternel,/ mais qu’il nous fasse grâce/ qu’en son saint Paradis nous le voyions tous en face].

26  Casanova, sauf erreur de ma part, ne mentionne pas Burle dans l’édition de sa thèse de 1990 publiée en 2012. Mais tout un volet de cette thèse n’a pas été repris dans la version imprimée (« un dernier volume consacré à la poésie des contemporains de Nostredame », Casanova 2012, 7, n.  1).

27  Casanova 2012, 416.

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Pour citer cet article

Référence papier

Philippe Gardy, « Entre critique et poésie, les voies d’une écriture : la Cantata per Maria Magdalena (2017) de Jean-Yves Casanova »Revue des langues romanes, Tome CXXII N°2 | 2018, 353-370.

Référence électronique

Philippe Gardy, « Entre critique et poésie, les voies d’une écriture : la Cantata per Maria Magdalena (2017) de Jean-Yves Casanova »Revue des langues romanes [En ligne], Tome CXXII N°2 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 11 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rlr/1124 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rlr.1124

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Auteur

Philippe Gardy

CNRS (IIAC-LAHIC) Université Paul-Valéry, Montpellier

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