1Comme dans nombre de champs professionnels, la gestion est aux prises avec de multiples enjeux qui se reflètent indéniablement dans ses enseignements à tous les niveaux de formation. Dans le cadre de cet article, de type compte-rendu de pratique, nous présentons comment l’hybridation des enseignements par les technologies éducatives a eu un impact positif sur les perceptions des étudiants adultes inscrits dans des formations universitaires courtes (certificats de 1er cycle) d’une grande école de gestion nord-américaine. Nous introduisons tout d’abord le contexte de cette innovation pédagogique pour enchaîner avec le déploiement du projet-pilote. S’ensuit un travail d’évaluation dans une perspective holistique, avec un regard sur des variations possibles dans les résultats selon les sessions académiques et les modèles pédagogiques hybrides. Cet article débouche à la fois sur une réflexion institutionnelle et sur la présentation de quatre propositions reliées à un cadre théorique en émergence.
2Les technologies de l’information et de la communication en éducation font maintenant partie du paysage de l’enseignement supérieur, mais avec des variations importantes entre les enseignants-chercheurs, les établissements et même les pays (Depover, Karsenti & Komis, 2008). Dans ce contexte de l’apprentissage distribué par la technologie, deux modèles marquent la littérature ; le modèle de l’apprentissage complètement en ligne (online learning) et le modèle hybride (hybrid learning) qui mélange des activités en présentiel et des activités en ligne.
3Plusieurs recherches tentent de cerner le phénomène de l’apprentissage en ligne où l’on se centre sur l’apprenant et les processus cognitifs tout en utilisant Internet comme plateforme de diffusion avec des applications technopédagogiques web 2.0. À titre d’exemple, certains travaux se penchent sur le travail des enseignants (Seok, 2008 ; Wilson, 2007), d’autres scrutent la qualité des dispositifs et des effets sur les étudiants et leurs apprentissages (Ebersole, 2005 ; Frydenberg, 2007 ; Khare & Lam, 2008). Certaines recherches esquissent le portrait des étudiants dans ces dispositifs et des processus organisationnels nécessaires à une telle implantation (Leitner, 2008 ; Sandeen, 2008). Finalement, d’autres chercheurs se lancent dans une ébauche de théorisation de l’apprentissage en ligne (Anderson, 2008).
4Parallèlement à ce courant de recherche majeur, plusieurs auteurs documentent le modèle de l’apprentissage hybride, initient quelques modèles de base ou proposent des solutions pour le futur des institutions d’enseignement supérieur et des entreprises (Aycock, Graham & Kaleta, 2002 ; Dziuban, Hartman & Moskal, 2004 ; Garrison & Vaughan, 2008 ; Kelly, 2007 ; Masson, MacNeill, Murphy & Ross, 2008 ; Morote, Wittmann & Kelly, 2007 ; Stacey & Gerbic, 2008). L’apprentissage hybride, dispositif pédagogique qui allie les avantages du présentiel à la flexibilité du web, amène à réduire les heures de classe en présence des étudiants et à leur proposer des activités individuelles et collaboratives avec des outils en ligne spécifiques, et ce, en mode synchrone ou asynchrone. En conséquence, ce scénario engage les enseignants à reconcevoir leurs cours de façon à permettre un apprentissage en profondeur en classe et hors classe, individuellement et en équipe.
5D’autres travaux ont plutôt cherché à comprendre le phénomène de l’apprentissage hybride dans son ensemble, particulièrement dans l’enseignement supérieur américain (Allen, Seaman, & Garrett, 2007 ; Diaz & Brown, 2010), pendant que d’autres chercheurs ont scruté la qualité de l’apprentissage dans un tel dispositif pédagogique (Ginns & Ellis, 2007), ou le niveau épistémologique et méthodologique des recherches dans ce domaine (Bliuc, Goodyear & Ellis, 2007). Finalement, s’appuyant davantage sur des points de vue et des essais, certains auteurs se sont risqués à prévoir ce que pourrait devenir l’apprentissage hybride dans un futur rapproché, tant en éducation qu’en formation dans les organisations (Bonk, Kim & Zeng, 2006 ; Garrison & Kanuka, 2004 ; Kim, Bonk & Oh, 2008 ; Vaughan, 2007).
6Dans l’enseignement de la gestion, les recherches empruntent ce même genre de découpage, soit l’analyse d’expériences sur le terrain (Arbaugh, Godfrey, Johnson, Leisen Pollack, Niendorf & Wresch, 2009 ; Noblet, 2011), soit la mesure des attitudes et des perceptions des étudiants en situation pédagogique hybride (Hwang & Arbaugh, 2009 ; Lopez-Perez, Perez-Lopez, & Rodriguez-Arisa, 2011), soit l’évaluation de la qualité de la recherche dans le domaine (Arbaugh et al., 2009 ; Arbaugh, Desai, Rau & Sridhar 2011), pour terminer sur un effort de prospective de ce modèle hybride pour les écoles et facultés de gestion (Thomas, 2007). De cette littérature, il ressort que la définition de l’apprentissage hybride n’est pas toujours claire, que le niveau de sophistication méthodologique des recherches est peu élevé, qu’une approche holistique de ce type de recherche est nécessaire et qu’il y a peu de consensus sur les variables clés en jeu dans un tel phénomène.
7Dans le cadre de cet article, nous voulons dépasser la confusion entourant la définition de l’apprentissage hybride. Graham (2006) mentionne que ce concept réfère soit à une combinaison de modalités technopédagogiques ou de méthodes pédagogiques, ou soit à une combinaison de modalités d’enseignement en classe et en ligne. C’est à cette dernière signification que nous nous référons quand nous parlons d’apprentissage hybride. Ainsi, selon Laster, Otte, Picciano et Sorg (2005), un cours selon le modèle de l’apprentissage hybride est celui qui intègre des activités en ligne avec des activités en classe de façon planifiée et pédagogique et dont la proportion des activités en classe (définie par l’institution) est remplacée par des activités en ligne. D’après les travaux du Sloan Consortium (Picciano & Dziuban, 2007), un cours hybride contient entre 30 % et 79 % d’activités en ligne, comparativement à un cours en ligne (80 % des activités sont en ligne) ou un cours enrichi par les technologies éducatives (1 % à 29 % d’activités en ligne).
8Dans la foulée d’un tel contexte théorique et face à un environnement concurrentiel de plus en plus exigeant perçu comme tel par les écoles et facultés de gestion anglo-américaines et francophones, nous avons conçu et implanté, durant les années universitaires 2009-2010 et 2010-2011, un projet d’apprentissage hybride dans les programmes de certificat (éducation permanente au 1er cycle) d’une grande école de gestion nord-américaine. Après avoir mis en contexte cette expérimentation pédagogique, nous avons analysé les données recueillies par sondage auprès des 805 étudiants inscrits dans 27 classes (dix cours distincts au total sur les deux ans). L’évaluation de cette innovation pédagogique permettra de dégager les principales leçons pédagogiques et organisationnelles, de jeter les bases d’une diffusion institutionnelle à plus grande échelle et de démarrer une conceptualisation du phénomène à l’étude.
- 1 Le Comité aviseur est composé de dix personnes nommées par le directeur du projet et qui représent (...)
9En juin 2008, la direction générale de l’établissement donne le mandat au nouveau directeur des programmes de certificat de faire une proposition concernant l’apprentissage en ligne. Appuyée par les enseignants et un comité aviseur1, la direction élabore un projet qui se concentre principalement sur l’apprentissage hybride. Quatre principes sont à la base de cette innovation : la technologie existante peut servir à hybrider les cours ; la motivation des enseignants est le premier moteur de l’innovation pédagogique ; les cours sont adaptés en fonction des besoins des étudiants, de la matière à apprendre et des enseignants ; la formation techno-pédagogique des étudiants et des enseignants est incontournable.
10Pour mettre en œuvre ce projet, un comité de pilotage (un groupe restreint de six personnes issues du comité aviseur) s’est assuré de la bonne marche du déploiement durant les deux années du projet. Tous les enseignants ont bénéficié d’un accompagnement individuel et collectif de la part des conseillères pédagogiques de la direction de l’apprentissage et de l’innovation pédagogique de l’établissement, et ce, durant toute la période de l’implantation. Cette même équipe a aussi contribué à la construction du questionnaire ainsi qu’à la cueillette et à l’analyse de données pour documenter ce projet pédagogique. Mentionnons que des séances d’information-démonstration des outils ont été proposées aux étudiants en début de chaque session. Le tableau 1 présente les deux modèles hybrides que nous avons expérimentés. Les premiers résultats de cette expérimentation ont fait l’objet de deux présentations orales devant les diverses instances pédagogiques de l’institution (hiver 2010 et 2011) ainsi que devant la communauté scientifique (Béchard, Blanc, Frankel, Carré & Bazinet, 2010 ; Béchard, Bazinet, Carré, Frankel, Souli & Goyette, 2011).
Tableau 1. Deux modèles hybrides au banc d’essai
11Plusieurs outils ont été utilisés dans les modèles par séance et par bloc de séances. Citons, par exemple, l’environnement numérique d’apprentissage de l’institution, des outils de classes virtuelles synchrones, des forums de discussion, des questionnaires automatisés, des outils de collaboration, sans compter des capsules de contenus préenregistrées et des ressources électroniques de la bibliothèque et du service de l’audiovisuel. Les enseignants ont été non seulement formés à ces moyens, mais ont surtout bénéficié d’une aide techno-pédagogique pour repenser leur cours. Mentionnons qu’aucun enseignant n’avait préalablement vécu dans un contexte d’apprentissage hybride de même que pour les responsables de l’implantation qui ont été invités à déployer beaucoup de flexibilité et d’innovation organisationnelle.
12Tout au long de cette section, nous abordons l’évaluation de l’innovation pédagogique de façon globale en agrégeant l’ensemble des données, puis de façon plus spécifique, en comparant les résultats selon les sessions académiques et le modèle pédagogique hybride. Dans les deux cas, notre préoccupation est triple. Nous questionnons tout d’abord les raisons qui ont poussé les étudiants à s’inscrire à un cours hybride, puis leur degré d’appréciation du dispositif d’enseignement et d’apprentissage et nous terminons avec leurs perceptions des impacts d’une telle expérience sur leurs apprentissages. Fait important à noter, toutes les données présentées sont de nature descriptive et aucun traitement statistique n’a été appliqué. Mentionnons de plus que tous les énoncés du questionnaire ont été développés, non pas à partir d’une revue de littérature, mais plutôt des préoccupations des praticiens membres du comité de pilotage. Nous avions des questions, des doutes et des hésitations et nous voulions avoir un début de réponse pour ainsi progresser avec un peu plus de certitude dans ce projet institutionnel.
13Les tableaux 2 et 3 détaillent les cours hybrides selon les sessions, les titres de cours, les professeurs désignés, le nombre de répondants aux sondages (format papier ou en ligne à la fin des cours), le nombre d’étudiants inscrits et, finalement, le taux de réponse par cours. En ce qui concerne le modèle hybride par séance, 419 étudiants sur un total de 568 étudiants ont répondu à notre appel, tandis que dans le modèle hybride par bloc de séances, 168 étudiants sur un total de 237 étudiants ont fait de même. Au global, 587 étudiants sur les 805 inscrits ont répondu à l’évaluation pédagogique, pour un taux de réponse de 72,9 %.
Tableau 2. Taux de réponse par session et par cours – modèle par séance
Tableau 3. Taux de réponse par session et par cours – modèle par bloc de séances
14Le tableau 4 fait état du profil sociodémographique des 587 répondants de l’étude. Le portrait type se lit comme suit : l’étudiant est un homme (52,4 %), est âgé majoritairement entre 26 et 35 ans, est un travailleur à temps plein (71,3 %), est inscrit à un seul cours (36,6 %) et réside à 20 kilomètres et plus du campus (44,3 %). On peut avancer, sans crainte de se tromper que ce profil est très similaire au profil des étudiants adultes qui fréquentent habituellement nos programmes courts de 1er cycle en gestion. Nous ne sommes donc pas devant un segment non représentatif de la population générale.
Tableau 4. Profil de tous les répondants de l’enquête
15La première question posée aux étudiants concernait leurs raisons de s’inscrire à un cours hybride. La figure 1 fait état de leurs réponses. La flexibilité dans les déplacements est de loin la plus importante raison (30,5 %), suivie de la flexibilité des horaires (19,1 %) et de la curiosité pour cette innovation dans notre établissement (16,1 %). La quatrième raison a trait à la conciliation travail-famille-études (7,4 %) et le contenu du cours (7,3 %). La technologie vient loin derrière (2,8 %).
Figure 1. Raisons des étudiants de s’inscrire à un cours hybride
16Sur le plan pédagogique, les réponses du tableau 5 sont intéressantes. L’appréciation générale est très forte (plus de 90 %) eu égard au dispositif et à la possibilité de planifier les apprentissages selon leur propre rythme. Dans près de 80 % des cas, les étudiants n’ont pas eu de difficulté à gérer leur temps de travail et ne se sont pas sentis isolés pendant les séances de classe virtuelle.
Tableau 5. Appréciation générale des cours hybrides
17Quand on creuse la question des impacts perçus de cette innovation pédagogique sur les apprentissages des étudiants, leurs réponses portent à réflexion comme en témoigne le tableau 6. Tout d’abord, les résultats font état de perceptions majoritairement similaires à celles que les étudiants vivent dans les classes en présentiel (dominance du score « également »). Par ailleurs, dans la colonne des réponses « plus », les chiffres expriment une plus grande motivation (34,8 %), un meilleur niveau d’activité (26,9 %), une plus grande charge de travail (17,8 %) et de meilleurs résultats d’apprentissage (18,7 %) que s’ils avaient suivi le cours entièrement en classe. Fait important à noter, le niveau d’interactions perçu est aussi celui qui a le score « moins » le plus élevé, faisant état d’une polarisation des réponses face à cette question. On peut se questionner sur la nature du dispositif hybride. Le fait que l’enseignant est physiquement moins présent et qu’une partie de la matière doit être apprise de façon autonome (lors des séances en ligne en mode asynchrone) nous porte à croire que l’étudiant s’engage davantage dans le cours hybride que dans un cours complètement en présentiel.
Tableau 6. Perceptions des impacts des cours hybrides
18Peut-on déceler des variations dans les réponses tout au long des quatre sessions de notre expérimentation pédagogique et aussi selon les deux modèles pédagogiques ? La prochaine section fait le point sur ces dimensions.
19L’analyse des résultats en fonction des sessions de l’expérimentation propose des nuances intéressantes. Sur le plan des raisons de s’inscrire à un cours hybride, c’est la flexibilité dans les déplacements qui prend de plus en plus d’importance (de 24,7 % à l’automne 2009 à 32,9 % à l’hiver 2011) ; vient ensuite la flexibilité des horaires (de 16,0 % à 19,6 %), reléguant au troisième rang la curiosité (de 18,0 % à 16,7 %). Par ailleurs, la conciliation travail-famille-études est une raison qui semble perdre de l’importance au fil des sessions (de 8,7 % à 5,4 %). Quand on compare les réponses en fonction des modèles pédagogiques en alternance et thématique, aucune différence ne ressort, les raisons et leur importance relative étant identiques.
20Au chapitre de l’appréciation générale des cours hybrides selon les sessions, la figure 2 présente les réponses des étudiants. Il semble que les pourcentages de réponses sous la rubrique « en accord » avec la satisfaction par rapport au dispositif et la planification de l’apprentissage soient très élevés d’une part (plus de 90 % en général) et comparables au fil des quatre sessions. Par contre, la gestion du temps de travail est passée de 26,4 % à 17,0 %, signifiant une moins grande difficulté chez les étudiants à s’organiser et un plus grand sentiment d’isolement à partir de l’hiver 2010 jusqu’à l’hiver 2011 (de 12,6 % à 24,9 %, mais sans jamais atteindre les sommets de l’automne de 2009 (29,2 %).
Figure 2. Évolution de l’appréciation générale du cours en pourcentage des étudiants ayant répondu « En accord »
21Quand on examine les résultats de l’appréciation générale selon les modèles pédagogiques à l’étude, nous observons trois différences.
Figure 3. Appréciation générale du cours selon les modèles hybrides
22Tout d’abord, le modèle par séance semble susciter plus d’accords sur le plan de la satisfaction du dispositif que le modèle par bloc de séances (respectivement 92,2 % et 84,4 %), même si les deux taux de réponse sont très élevés. Du côté de la gestion du temps de travail, le modèle par séance dépasse le modèle par bloc de séances (24,2 % et 19,0 %). Même chose du côté du sentiment d’isolement avec des scores respectifs de 26,5 % et 17,9 %. D’après les réponses des étudiants, seule celle qui a trait à la planification de l’apprentissage selon son propre rythme semble être identique. Poursuivons notre investigation sur les perceptions des étudiants par rapport aux impacts sur les apprentissages, et ce, en fonction des sessions et des modèles hybrides choisis. Le tableau 7 présente les réponses des étudiants selon les quatre énoncés à compléter.
Tableau 7. Perceptions des impacts selon les sessions et selon les réponses « également » et « plus » (27 cours)
23Au fil du temps sous observation, les étudiants ont eu cette perception d’être « également et plus » motivés avec un sommet de 83,1 % à l’hiver 2011. Même observation pour le niveau d’activité perçu qui semble être en croissance (à l’exception des réponses de l’hiver 2010). La charge de travail semble relativement stable selon les périodes. Mais, les perceptions des apprentissages ont fait un bond, passant de 74,5 à 85,1 %.
24Finalement, le tableau 8 étale les réponses des étudiants au chapitre des impacts perçus selon les modèles pédagogiques. Quand on agrège les réponses « également » et « plus » associés aux impacts des dispositifs hybrides sur les apprentissages, les résultats sont marquants. Sur toutes les questions (motivation, niveau d’activité, charge de travail et résultats d’apprentissage), le modèle pédagogique par séance semble supérieur au modèle pédagogique par bloc de séances. De plus, nos rencontres informelles avec les enseignants ont renforcé cette idée que le modèle par bloc de séances semble plus difficile pour les étudiants adultes. Ces derniers retournent aux études après une période de travail plus ou moins longue et n’ont pas toujours retrouvé ou acquis les bonnes habitudes associées au métier d’étudiant. Rappelons toutefois qu’aucun traitement statistique n’a été appliqué, ce qui nous invite à la prudence dans l’analyse des résultats.
Tableau 8. Perceptions des impacts selon les modèles pédagogiques
25La section suivante se penche sur la suite de nos réflexions pédagogiques et organisationnelles et jette les bases d’une première conceptualisation.
26L’évaluation de cette innovation pédagogique, à partir des perceptions des étudiants qui ont vécu le dispositif hybride, a permis de déceler quelques éléments clés :
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Les raisons de s’inscrire à un cours hybride réfèrent principalement à la flexibilité dans les déplacements et les horaires, et ce, peu importe la session et le modèle ; ceci semble aller de pair avec les besoins des étudiants adultes de nos programmes ;
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L’appréciation générale des cours hybrides est très élevée, malgré une certaine difficulté à gérer le temps de travail et le fait de vivre un sentiment d’isolement qui varie quelque peu dans le temps et selon les modèles pédagogiques ;
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À mesure que les sessions avancent, les impacts positifs de cette expérimentation ressortent de plus en plus et sous toutes les dimensions sondées ;
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Le modèle pédagogique par séance semble, à nos yeux un dispositif plus adapté à notre clientèle d’adultes en sciences de gestion.
27La comparaison de nos résultats avec ceux obtenus dans d’autres institutions nous conforte dans la démarche que nous avons entreprise. Par exemple, à l’Université du Wisconsin Milwaukee, Aycock, Graham, et Kaleta (2002) ont identifié dix leçons qu’ils ont dégagées de l’hybridation de certains de leurs cours.
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Il n’y a pas d’approche standard de l’apprentissage hybride ;
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Le redesign d’un cours traditionnel prend du temps ;
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Commencer petit et garder cela simple ;
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Le redesign est la clé la plus efficace pour intégrer les séances en face à face avec les séances en ligne ;
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Les cours hybrides facilitent l’interaction entre les étudiants et entre l’enseignant et les étudiants ;
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Les étudiants ne saisissent pas rapidement le concept d’hybridation des cours ;
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La flexibilité du temps apporté par l’hybridation est universellement populaire ;
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La technologie n’est pas un obstacle significatif ;
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Développer un cours hybride fait appel à un processus collégial ;
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Les enseignants et les étudiants aiment le modèle hybride.
28Dans une autre expérience à l’Université de Calgary au Canada, Garrison et Vaughan (2008) ont sondé les perceptions des étudiants ayant participé à l’un des huit cours hybrides mis sur pied. En résumé, ce que les étudiants ont le plus apprécié est le travail en équipe, les discussions en face à face et en ligne, l’augmentation des interactions entre les étudiants et les enseignants et les ressources disponibles en ligne. Ces mêmes étudiants ont, par contre, moins apprécié le manque d’attentes claires et de lignes directrices, les composantes en ligne, les discussions en ligne, l’approche en autoformation et l’augmentation de la charge de travail.
29En fait, l’évaluation de notre expérimentation pédagogique (qui a aussi été menée auprès des enseignants, mais dont les résultats ne font pas partie de cet article) a créé la légitimité pour accroître la diffusion de cette approche, non seulement dans les programmes de certificat (éducation permanente au 1er cycle universitaire en gestion), mais aussi dans les cycles professionnels supérieurs de notre institution. Face à une demande de plus en plus importante de flexibilité de la part des apprenants adultes, cette approche semble une tendance lourde dans les prochaines années. De plus, l’apprentissage hybride n’est plus perçu comme une étape intermédiaire entre le présentiel et le 100 % en ligne, mais plutôt comme une stratégie institutionnelle autonome tant pour les clientèles actuelles que pour les clientèles futures adultes. Ceci aura comme conséquence de mieux réfléchir à la qualité des apprentissages en contexte d’hybridité, tel que le suggèrent les travaux consacrés aux classes virtuelles synchrones (Clark & Kwinn, 2007 ; MacDonald, 2008).
30Sur le plan conceptuel, notre travail de terrain, couplé à une lecture attentive des recherches du domaine, amène à suggérer un cadre intégrateur en trois pôles (étudiants, enseignants, organisations) et à avancer quatre pistes de réflexion pour le futur.
Figure 4. Pistes de réflexion pour l’apprentissage hybride
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Piste de réflexion 1 : Dans un contexte d’apprentissage hybride, il y aurait rehaussement de la pédagogie. Ce que nous avançons est que cette plus-value à la pédagogie serait influencée entre autres par le type d’hybridation, la perception positive de l’apprentissage hybride, la formation des enseignants et des étudiants aux technologies de l’information et de la communication en éducation, le redesign des cours, l’ajout de ressources humaines, matérielles et financières, sans oublier la capacité des étudiants et des enseignants à s’entraider ;
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Piste de réflexion 2 : Dans un contexte d’apprentissage hybride, il y aurait une accessibilité accrue aux études universitaires par la réponse aux besoins de flexibilité (temps et espace), des adultes dans notre cas, à une meilleure conciliation travail-famille-études et qui se traduirait pour l’organisation en gains économiques comme l’augmentation des inscriptions ;
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Piste de réflexion 3 : Dans un contexte d’apprentissage hybride, il y aurait une meilleure efficacité des coûts en améliorant la coordination des différents services de l’institution, en optimisant les environnements numériques d’apprentissage et en ayant la possibilité de réduire le nombre de sièges de classe physique ;
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Piste de réflexion 4 : Dans un contexte d’apprentissage hybride, le rehaussement de la pédagogie, l’accessibilité accrue aux études universitaires et une meilleure efficacité des coûts varieraient selon les contextes de programme, obligeant toute conceptualisation et implantation à tenir compte de la réalité de diffusion.
31Bien évidemment, ces pistes de réflexion dépassent largement les résultats de la présente étude. Toutefois, nous pensons qu’elles sont porteuses d’idées dignes d’une pratique réflexive collective.
32En conclusion, ce compte-rendu de pratique a tenté de pousser un peu plus loin la réflexion sur l’apprentissage hybride. Par une définition plus claire de ce qu’est l’apprentissage hybride, par une approche plus holistique de ce type de recherche et par une esquisse de conceptualisation de l’apprentissage hybride, nous avons voulu dépasser les limites de la littérature actuelle. Tout un travail reste à faire pour tester les pistes de réflexion dans différents programmes, scientifiques ou professionnels, de plusieurs institutions et auprès de l’ensemble des parties prenantes de l’innovation, comme le suggèrent les travaux de Noblet (2011).
33Pour la suite des recherches sur l’apprentissage hybride, nous suggérons de construire un questionnaire à partir de la littérature existante sur la pédagogie en enseignement supérieur, de traiter les données statistiquement et de comparer les résultats des classes hybrides avec ceux des classes complètement en présentiel, tout en contrôlant idéalement les variables associées aux étudiants, aux enseignants et à la matière étudiée.