1Le concept du sentiment d’efficacité personnelle (SEP) (Bandura, 2007) a suscité un intérêt croissant chez les chercheurs dans le domaine de l’éducation depuis les dernières années (Skaalvik & Skaalvik, 2007). En formation initiale à l’enseignement, il semble que les stages soient des moments particulièrement propices au développement du SEP des futurs enseignants (Androzzi, 2011; Gurvitch & Metzler, 2009; Knoblauch & Woolfolk Hoy, 2008; Monfette, 2012; Monfette, Grenier & Gosselin, 2015). En effet, le stage est une période cruciale dans la trajectoire de formation des étudiants puisque c’est à cette occasion qu’ils croient réellement apprendre à enseigner (Desbiens, Borges & Spallanzani, 2009; Jordan, Phillips et Brown, 2004).
2Au Québec, la formation initiale comporte quatre stages, totalisant minimum 700 heures réparties sur les quatre années de formation et l’implication du stagiaire dans le milieu scolaire est graduelle (Gervais, 2003; Martineau & Presseau, 2007; MELS, 2008). Bien que la durée et l’organisation des stages diffèrent selon les programmes et les universités, les deux premiers stages sont généralement plus courts variant entre 5 et 20 jours. Au cours de ces stages, il n’est pas demandé aux étudiants d’assumer la totalité de la tâche d’un enseignant. Les troisième et quatrième stages varient généralement de 7 à 12 semaines et sont conçus pour que les étudiants prennent graduellement en charge l’ensemble de la tâche d’un enseignant. Ainsi, le stagiaire devra, à la fin des quatre stages, démontrer sa capacité à assumer seul le rôle de l’enseignant tout en démontrant son niveau de maitrise des 12 compétences professionnelles prescrites par le MELS (MEQ, 2001a).
3Bien que de nombreuses recherches aient porté sur le SEP des enseignants en exercice (Lecomte, 2004; Martin, Mccaughtry, Kulinna & Corthran, 2008; Melby, 2001) ainsi que sur la trajectoire de développement du SEP au cours de la formation initiale (Hoy & Spero, 2005; Knoblauch & Woolfolk Hoy, 2008), peu d’entre elles permettent de comprendre comment se développe le SEP. Cet article a pour objectif de présenter les conditions qui ont favorisé le développement du SEP de deux stagiaires finissants en enseignement de l’éducation physique et à la santé (ÉPS). Ces deux stagiaires ont été choisis sur une base volontaire et présentent une évolution de leur SEP différente à la suite de leurs stages respectifs. Ils ont été recrutés à la suite d’une recherche quantitative antérieure qui avait pour but de mesurer le développement du SEP face aux 12 compétences professionnelles à la suite d’un stage (Monfette, 2012; Monfette et al., 2015). Ainsi, cet article permet de mieux comprendre ce qui a contribué à l’évolution de leur SEP à la suite de leurs deux derniers stages en ÉPS.
4Notre article se décline en quatre sections. D’abord, un état concis des recherches sur l’influence du SEP des enseignants ainsi que sur le développement du SEP lors de la formation initiale permet de concevoir l’importance de s’y attarder dès le début de leur formation. Le concept du SEP est ensuite présenté, notamment en qui a trait aux sources d’informations permettant son développement selon Bandura (2007). Les éléments méthodologiques s’en suivent, pour terminer avec la présentation des résultats qui seront discutés en parallèle.
5L’influence du SEP sur les enseignants, sur leurs pratiques pédagogiques ainsi que sur la réussite de leurs élèves est largement démontrée (Skaalvik & Skaalvik, 2007). En effet, les enseignants qui ont un fort SEP tendent à être plus motivés au travail, à utiliser de meilleures stratégies de résolution de problèmes et à utiliser des méthodes d’enseignement plus efficaces (Eslami & Fatihi, 2008; Gaudreau, Royer, Beaumont & Frenette, 2012; Martin et al., 2008). Les enseignants présentant un SEP élevé adhèreraient plus volontairement à l’implantation de nouveaux programmes (Evers, Brouwers & Tomic, 2002; Gorozidis & Papaioannou, 2011) ainsi qu’à l’utilisation plus fréquente de styles d’enseignement centrés sur l’élève (Gorozidis & Papaioannou, 2011). Au plan personnel, ces enseignants ont tendance à s’engager et à persévérer davantage dans la profession en plus de mieux gérer leurs émotions et leur stress, d’avoir une attitude plus positive, de se sentir plus en contrôle, d’être plus satisfaits au travail et ils présentent moins de risques de vivre un épuisement professionnel que leurs collègues ayant un SEP peu élevé (Chan, 2007; Domenech-Betoret, 2006; Eslami & Fatihi, 2008; Gaudreau et al., 2012; Gurvitch & Metzler, 2009; Klassen & Chiu, 2010; Martin et al., 2008; Moè, Pazzaglia & Ronconi, 2010; Skaalvik & Skaalvik, 2007).
6Les enseignants ayant un fort SEP tendent à croire en leur capacité à influencer l’apprentissage des élèves, ce qui a un impact sur la motivation, l’apprentissage, l’engagement et la réussite scolaire de ces derniers (Ménard, Legault & Dion, 2012; Ross & Bruce, 2007; Tschannen-Moran & Hoy, 2001, 2007). Des recherches ont démontré que les élèves performent mieux lorsque leur enseignant a un fort SEP et que les enseignants se perçoivent plus efficaces lorsque leurs élèves performent bien (Gaudreau et al., 2012; Ross, Hogaboam, Gray & Hannay, 2001).
7Knoblauch et Woolfolk Hoy (2008) soulignent l’importance de développer le SEP des étudiants en formation initiale à l’enseignement afin qu’il soit suffisamment fort pour surmonter les obstacles auxquels ils feront face lors de leur entrée dans la profession. En effet, il semble que pour la majorité des nouveaux enseignants, l’insertion professionnelle soit une étape difficile dans leur carrière puisqu’ils doivent assumer les mêmes responsabilités que les enseignants d’expérience (Curtner-Smith, 2001; Fantilli & McDougall, 2009; Le Maistre & Paré, 2010; Tait, 2008), que les conditions de travail sont peu favorables telles que les classes les moins convoitées et les queues de tâches (Gingras & Mukamurera, 2008) et qu’ils font face à une réelle précarité d’emploi (Portelance, Mukamurera, Martineau & Gervais, 2008).
8Certaines recherches sur le SEP ont permis de décrire son évolution au cours de la formation initiale des enseignants. Des auteurs rapportent que le SEP évolue positivement au cours de la formation initiale et avancent que c’est à ce moment qu’il est le plus malléable (Hoy & Spero, 2005; Knoblauch & Woolfolk Hoy, 2008; Monfette, 2012; Monfette et al., 2015). Pour sa part, Bandura (1997) rapporte que les stages sont plus propices au développement du SEP que le début de la carrière de l’enseignant. D’autres auteurs indiquent une augmentation du SEP directement reliée à l’expérience de stage en milieu scolaire (Ballinger & Bishop, 2011). Toutefois, des recherches révèlent que malgré une augmentation significative du SEP durant les stages et la formation initiale, il diminue au cours de la première année d’insertion professionnelle (Hoy & Spero, 2005; Shoval, Erlich & Fejgin, 2010). Enfin, Ménard, Legault et Dion (2012) soutiennent qu’il est primordial de s’attarder au développement du SEP des futurs enseignants et des enseignants débutants puisque l’accumulation de l’expérience aurait un effet négatif sur la malléabilité du SEP.
9Les recherches reconnaissent l’importance de développer un fort SEP chez les enseignants et démontrent l’évolution positive du SEP en formation initiale lors des cours et des stages. Pourtant, peu de recherches permettent de comprendre comment évolue le SEP lors de la formation initiale et en début de carrière (Labone, 2004; Ménard et al., 2012). Ainsi, notre recherche vise à mieux comprendre ce qui contribue à l’évolution du SEP pendant la formation initiale, notamment lors des stages.
10Le concept du SEP s’inscrit dans la théorie sociale cognitive de Bandura (2007) et représente « la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (p. 12). Le SEP correspond aux jugements personnels des individus face à des domaines spécifiques. Ainsi, le SEP n’est pas lié aux aptitudes réelles que l’individu possède, mais plutôt à ce que l’individu croit qu’il peut accomplir avec celles qu’il possède. Les individus ayant un SEP élevé dans un domaine en particulier ont tendance à avoir de meilleures performances, à se fixer des objectifs plus grands, à fournir un effort supplémentaire, à maintenir leur engagement plus longtemps malgré les obstacles et à vivre moins de stress que les individus avec des aptitudes équivalentes dans ce domaine, mais ayant un SEP plus faible (Ménard et al., 2012; Bong & Skaalvik, 2003; Schunk, Pintrich & Meece, 2008).
11Le SEP est un concept bidimensionnel qui regroupe les croyances d’efficacité et les attentes de résultats (Bandura, 2007; Gaudreau et al., 2012; Lecomte, 2004; Ménard et al., 2012). Les croyances d’efficacité font référence à la croyance de l’individu face à sa capacité à réussir la tâche et les attentes de résultat font référence aux conséquences probables que l’individu imagine suite à sa performance. Ainsi, pour s’engager dans une tâche et pour avoir une performance optimale, l’individu doit non seulement posséder les aptitudes nécessaires, mais aussi avoir de fortes croyances d’efficacité et imaginer un résultat positif à la suite de sa réalisation.
12Concrètement, la construction du SEP se fait par l’entremise de quatre sources principales : l’expérience active de maitrise, l’expérience vicariante, la persuasion verbale et l’interprétation de son état physiologique et émotionnel (Bandura, 2007). Le développement du SEP se fait suite au traitement cognitif de l’information, c’est-à-dire par la pensée réflexive après la tâche et par la sélection des souvenirs qui seront évalués et intégrés dans la mémoire de l’individu. Dans le cadre de cette recherche, l’attention est portée sur l’une des quatre sources de développement du SEP, celle de l’expérience active de maitrise.
13Bandura (2007) stipule que les expériences actives de maitrises, telles que les expériences antérieures, les succès et les échecs représentent les sources d’information les plus influentes pour le développement du SEP puisqu’elles permettent à l’individu de déterminer s’il a les aptitudes nécessaires pour réussir une tâche. En ce sens, les succès tendent à permettre le développement d’un fort SEP tandis que les échecs tendent à l’amoindrir, surtout si le SEP n’est pas encore solidement établi. Cependant, malgré que les succès entrainent la construction d’un SEP élevé, il est bénéfique de vivre des obstacles à travers les succès, ce qui laisse entrevoir que la réussite requiert des efforts et de la persévérance. De plus, la performance ne permet pas à elle seule d’augmenter ou de diminuer le SEP, les individus prenant aussi en considération divers facteurs personnels, sociaux et environnementaux pour interpréter leur performance. Bandura (2007) souligne l’influence de plusieurs éléments sur le développement du SEP lors d’une expérience active de maitrise : 1) les structures préexistantes de la connaissance de soi, 2) la difficulté de l’activité et les facteurs contextuels, 3) les efforts fournis, 4) l’auto-observation sélective, et 5) la trajectoire de réalisation.
14La connaissance de soi représente la construction cognitive que les individus bâtissent à la suite d’expériences vécues (Bandura, 2007). Ainsi, même s’ils s’engagent dans de nouvelles tâches, ils possèdent déjà une certaine notion de soi qu’ils ont préalablement élaborée. Ces notions de soi affectent la façon dont les individus interprètent et enregistrent l’information à la suite d’une tâche en plus de contribuer à la consolidation et à la stabilité de leur SEP. Or, le SEP est renforcé lorsque le traitement de l’information à la suite d’une performance permet de fournir de l’information similaire à celle qui est déjà consolidée (Bandura, 2007). En ce sens, bien que l’influence d’un fort SEP chez les enseignants soit reconnue (Skaalvik & Skaalvik, 2007), peu d’écrits permettent de comprendre la manière dont les individus interprètent leurs performances en fonction de leur « soi » préalablement établi. Les individus perçoivent les informations redondantes comme des preuves supplémentaires de leur efficacité. Ainsi, une personne qui a développé un fort SEP à la suite de succès répétés aura tendance à minimiser et à oublier les expériences en contradiction avec ses croyances de soi et à mémoriser facilement les informations concordantes avec ses croyances de soi (Bandura, 2007). Enfin, en situation d’échec, les personnes ayant un SEP élevé ont tendance à attribuer les causes de leur performance à des obstacles contextuels, à un manque d’effort ou à des stratégies inadaptées plutôt qu’à leur incapacité, ce qui n’engendre pas de diminution de leur SEP.
15La valeur que les individus attribuent à leurs performances dépend de la difficulté perçue de la tâche. Ainsi, réussir des tâches faciles n’alimente pas les croyances d’efficacité d’une personne, tandis que la réussite des tâches difficiles encourage les gens à réévaluer leur SEP (Bandura, 2007). Par ailleurs, les individus évaluent leurs performances en prenant compte le contexte. À cet égard, les obstacles contextuels, l’aide fournie, les ressources, le matériel disponible ainsi que les circonstances dans lesquelles se déroule la tâche ont tous un effet sur l’évaluation de la performance et sur le SEP (Bandura, 2007). Par exemple, un succès obtenu avec l’aide d’autrui n’aura pas tendance à augmenter le SEP des individus de même qu’un échec obtenu dans des conditions jugées trop difficiles n’aura pas tendance à le diminuer. Pour avoir un effet positif sur le SEP, les individus doivent obtenir une bonne performance lors d’une tâche jugée difficile dans des conditions favorables. Cependant, puisque les croyances de soi préexistantes sont habituellement déjà bien établies, modifier le SEP des individus nécessite de vivre plusieurs expériences positives dans divers contextes (Bandura, 2007). Dans cette optique, la consolidation du SEP au cours de la formation initiale qu’indiquent les recherches antérieures pourrait s’expliquer par l’opportunité de faire des stages dans des contextes variés.
16Les performances sont partiellement déterminées par la quantité d’effort fourni lors d’une tâche (Bandura, 2007). Cependant, la quantité d’effort produit pour vivre un succès peut avoir un impact tant positif que négatif sur le SEP de l’individu, selon son interprétation. Certaines personnes considèrent qu’un effort soutenu entraine l’acquisition d’aptitudes supérieures tandis que d’autres tendent à penser que beaucoup d’efforts supposent de faibles aptitudes. De plus, un succès à la suite d’un effort minimal lors d’une tâche que d’autres estiment difficile aura tendance à avoir un effet positif sur le SEP tandis qu’un effort important dans la même situation n’aura pas tendance à augmenter le SEP. Aussi, un échec obtenu à la suite d’une performance où l’individu n’a déployé que peu d’effort ne diminuera pas nécessairement son SEP puisqu’il aura tendance à penser qu’il n’a jamais vraiment essayé de réussir et donc, qu’il ne sait pas ce qu’il est véritablement capable de faire (Bandura, 2007). La régression du SEP noté par les chercheurs lors de l’insertion professionnelle pourrait s’expliquer par la comparaison réalisée par les enseignants débutants entre la quantité d’effort nécessaire pour vivre un succès en stage et celle nécessaire en début de carrière, les contextes de stage proposant généralement des milieux moins difficiles que les classes les moins convoitées et les queues de tâches attribuées aux nouveaux enseignants (Gingras & Mukamurera, 2008).
17Le SEP est influencé par l’auto-observation sélective et la reconstruction des expériences vécues (Bandura, 2007). Chaque expérience engendre une performance qui varie d’une occasion à une autre. La variation de la performance peut avoir un impact sur le SEP des individus, surtout lorsque celui-ci n’est pas encore fortement établi, ce qui concorde avec les recherches qui indiquent que le SEP est davantage malléable lors de la formation initiale qu’en début de carrière (Bandura, 1997; Hoy & Spero, 2005; Knoblauch & Woolfolk Hoy, 2008). Cette variabilité permet une certaine liberté à l’individu quant aux informations qui seront retenues et enregistrées dans sa mémoire, que ce soit des succès ou des échecs. Les individus qui se souviennent davantage des échecs auront tendance à avoir un SEP plus faible tandis que ceux qui mémorisent davantage les succès auront tendance à avoir un SEP plus élevé (Bandura, 2007). Ainsi, l’établissement du SEP est biaisé par la représentation cognitive et le jugement subjectif des individus.
18Les aptitudes se développent sur une longue période de temps et le progrès dans l’acquisition d’aptitudes a une influence sur le développement du SEP. Habituellement, plusieurs sous-aptitudes doivent être développées pour vivre de meilleures performances. Le rythme d’acquisition de ces aptitudes ainsi que le rythme d’amélioration et de changements dans les performances au fil du temps influencent le SEP. Les personnes qui vivent périodiquement des échecs, mais qui continuent tout de même à s’améliorer et à percevoir de meilleurs résultats auront tendance à augmenter davantage leur SEP que ceux qui vivent du succès, mais qui voient leurs performances se stabiliser. Ces derniers ont tendance à penser que la stabilisation de leur performance sous-tend l’atteinte de la limite de leurs capacités.
19En somme, puisqu’il est reconnu que le SEP peut avoir une influence positive sur les enseignants, une meilleure compréhension de son évolution lors de la formation initiale représenterait un apport aux écrits scientifiques (Ménard et al., 2012). Pour ce faire, l’étude des expériences actives de maitrise d’étudiants finissants en formation initiale à l’enseignement de l’ÉPS semble être une voie prometteuse pour mieux comprendre comment se développe le SEP face à la capacité à enseigner.
- 1 Pour plus d’informations sur la recherche, consulter Monfette, Grenier et Gosselin (2015).
- 2 Les résultats ont démontré une augmentation significative du SEP chez les étudiants finissants en (...)
20Notre recherche découle d’une étude menée en 2011 auprès de 91 étudiants provenant des quatre années de formation du programme Activité physique et à la santé – profil enseignement de l’Université du Québec à Montréal qui ont rempli le questionnaire SEP-ÉPS (Grenier et al., 2012) selon un devis pré-test/post-test1. Afin de mieux comprendre comment évolue le SEP des finissants en enseignement de l’ÉPS et de répondre à la question suivante : « quels regards portent des étudiants finissants en enseignement de l’ÉPS sur l’évolution de leur SEP lors des deux derniers stages de leur formation? », les 23 étudiants finissants2 ayant participé à la recherche ont été à nouveau sollicités pour poursuivre leur participation. Parmi ceux-ci, deux étudiants finissants volontaires qui présentent des évolutions différentes de leur SEP à la suite de leurs deux derniers stages ont accepté de poursuivre leur participation à l’étude (tableau 1). Ils ont donc répondu à quatre reprises au questionnaire (SEP-ÉPS) (Grenier et al., 2012). La première passation a été réalisée avant le troisième stage, la deuxième passation a eu lieu après ce même stage puis les troisième et quatrième passations ont été réalisées avant et après le quatrième stage.
21Le questionnaire SEP-ÉPS emploie une échelle linéaire allant de 0 à 100 points où 0 signifie « je ne peux pas le faire », et 100 signifie « je suis sûr de pouvoir le faire » sur laquelle les participants indiquent le chiffre qui représente le mieux la perception de leur compétence face à chaque item (n= 62) du questionnaire qui correspondent aux 12 compétences professionnelles des enseignants.
Tableau 1. Évolution du SEP de Guillaume et Simon au stage 3 et 4
22Par ailleurs, puisque le but de ce volet exploratoire de la recherche était de mieux comprendre l’évolution du SEP des étudiants finissants, une méthodologie d’études de cas qualitative basée sur une approche narrative a été privilégiée. À cet égard, Tschannen-Moran, Woolfook Hoy et Hoy (1998) indiquent que davantage d’études de cas serviraient à approfondir la compréhension des façons dont le SEP des enseignants se développe, rapportant notamment que l’approche qualitative dans le champ de recherche sur le SEP est largement négligée. Pour leur part, Klassen et Chiu (2010) proposent d’utiliser des approches méthodologiques diverses pour étudier le concept du SEP dont des approches qualitatives.
23À la suite à la dernière passation du questionnaire, les deux étudiants ont donc accepté de réaliser un entretien semi-dirigé dans le but de commenter l’évolution de leur score au SEP-ÉPS au regard de leurs deux derniers stages. L’utilisation des résultats bruts aux questionnaires de chacun des participants avait pour but de déclencher la réflexion sur chacune des compétences lors de l’entretien semi-dirigé. Ce faisant, aucune analyse statistique des résultats n’est présentée dans cet article. Lors de l’entretien, les participants devaient commenter les quatre compétences professionnelles (MEQ, 2001a) qui avaient connu les plus importantes évolutions à la suite des stages, en répondant à la question : « Selon toi, qu’est-ce qui explique ce changement? ». L’entretien comportait aussi une description de chacun des milieux de stage, un aperçu général de l’expérience vécue dans chacun des milieux puis un retour sur l’ensemble de leur formation initiale au regard du développement du SEP. Chaque entretien d’une durée de 45 à 60 minutes a été transcrit et a fait l’objet d’une analyse de contenu inductive délibératoire (Savoie-Zajc, 2004) afin de repérer les informations significatives concernant les conditions favorables à l’amélioration de leur de SEP.
24Guillaume a réalisé le troisième stage avec un enseignant associé d’expérience qui a déjà accueilli plusieurs stagiaires. Il qualifie son enseignant associé « d’excellent », car il était « très impliqué dans l’école » primaire, s’occupait d’équipes sportives et encadrait les élèves lors d’activités parascolaires le midi et après l’école. Il précise que son milieu d’accueil était un milieu favorisé et que les élèves étaient « faciles et agréables ». Durant son stage, il a apprécié la liberté dont il a bénéficié et les multiples possibilités de faire des essais en utilisant plusieurs types d’activités physiques lors des cours qu’il a donnés.
25Le quatrième stage de Guillaume s’est déroulé sous la supervision d’une enseignante associée qui avait aussi « beaucoup d’expérience et qui a reçu plusieurs stagiaires ». C’était dans un collège privé, avec une clientèle privilégiée. Guillaume indique avoir eu l’occasion de travailler plus particulièrement à l’évaluation des élèves puisqu’il a dû bâtir l’ensemble des tâches d’évaluation associées aux situations d’apprentissage.
26Il garde un souvenir très positif de ces deux stages d’une durée de huit semaines chacun qui, selon lui, l’on réellement préparé à la profession enseignante, car il était « avec des élèves pendant plusieurs semaines ».
27Simon a réalisé le troisième stage dans son ancienne école primaire, dans un milieu multiethnique défavorisé. Son enseignante associée, qu’il connaissait déjà, reçoit des stagiaires depuis plusieurs années. Il indique que son stage s’est déroulé « sans anicroche » malgré les difficultés des élèves d’immigration récente à comprendre le français. Il est particulièrement content d’avoir trouvé « sa formule », « sa manière de faire » qu’il décrit comme « un canevas d’enseignement » qu’il pourra adapter à « n’importe quel groupe » et surtout avec lequel il se sent « confortable ».
28Le quatrième stage de Simon s’est déroulé à l’école secondaire publique du même secteur. Simon a fait ses études secondaires dans un collège privé du même secteur et il avait, au cours de son adolescence, souvent entendu que ce milieu était difficile. C’est donc avec une certaine appréhension qu’il a commencé son stage au secondaire où il a été accueilli par un enseignant associé qui avait déjà supervisé d’autres stagiaires. Simon indique que ce stage était « plus difficile et plus exigeant même s’il s’est somme toute assez bien déroulé ». Il dit avoir surtout développé l’intégration des technologies à son enseignement.
29Simon considère que les stages sont des occasions de « mettre à l’épreuve » ce qu’il a vu de manière théorique à l’université et qu’il peut essayer les exercices qu’il a conçu à l’université et profiter d’une expérience bien réelle.
30Les deux participants de l’étude s’entendent sur l’importance d’être confronté au contexte authentique d’enseignement pour favoriser le développement du SEP. Pour Guillaume, les stages ont contribué au développement de son SEP, notamment avec les élèves ayant un handicap ou des difficultés d’apprentissage ou d’adaptation. Il explique que c’est « vraiment en présence » de ce type d’élèves qu’il a développé son SEP. Être confronté à cette réalité l’a obligé à développer sa capacité d’adaptation et il indique que puisque cette expérience s’est avérée réussie, elle a eu une influence positive sur le développement de son SEP. À cet égard, tel que l’avance Bandura (2007), les individus évaluent leurs performances en prenant en considération le contexte dans lequel ils se trouvent et la valeur qu’ils accordent à leur performance dépend de la difficulté perçue de la tâche. Ainsi, il est possible d’émettre l’hypothèse que les réussites vécues en stage ont plus d’impact sur le développement du SEP que les réussites vécues dans le cadre des cours à l’université dû au niveau de difficulté de la tâche. Par exemple, il est fort probable qu’enseigner en situation authentique lors des stages soit plus difficile que d’enseigner à ses collègues lors de micro-enseignements dans les cours à l’université. Or, une expérience positive dans le cadre d’un stage pourrait être davantage bénéfique pour le développement du SEP qu’une expérience positive lors d’une situation fictive à l’université.
31Pour sa part, Simon explique que l’enseignement dans un contexte authentique peut parfois engendrer une « prise de conscience » au regard de ses forces et de ses faiblesses. Ces prises de conscience sont fortement influencées par l’auto-observation sélective lors de la reconstruction des expériences vécues (Bandura, 2007). Ainsi, dépendamment de l’auto-sélection de l’individu, en l’occurrence si Simon retient davantage ses expériences positives ou négatives, cela peut avoir une influence sur le développement de son SEP, surtout lorsque celui-ci n’est pas bien établi (Bandura, 2007). Toutefois, Simon indique que les occasions de répéter la tâche à plusieurs reprises pendant le stage et les possibilités de percevoir son amélioration au cours de celles-ci lui ont permis, en fin de compte, de développer son SEP. Ainsi, il semble que bien qu’il ait perçu une variation de ses performances au cours du stage, il a été possible pour lui de percevoir ses améliorations, ce qui a ultimement eu un effet positif sur son SEP, ce qui concorde avec la théorie liée à l’expérience active de maîtrise (Bandura, 2007).
32Knoblauch et Woolfolk Hoy (2008) ainsi que Gaudreau et al. (2012) soulignent l’influence majeure du contexte sur le développement du SEP. À cet égard, rappelons que Guillaume a fait deux stages dans des écoles ayant un niveau socio-économique élevé avec des élèves privilégiés. Ainsi, l’évolution de son SEP est peut-être due aux contextes favorables des milieux de stages. À ce sujet, Malo (2010) souligne qu’être placé dans des contextes de stages facilitants a des effets bénéfiques sur le développement professionnel des stagiaires. Pour sa part, Simon a fait ses deux derniers stages dans des milieux scolaires plus complexes. Il a d’ailleurs connu une augmentation de son SEP moins marquée que Guillaume. Toutefois, Martineau et Presseau (2007) ainsi que Lamarre (2004) rapportent que les stagiaires ayant vécu un stage en milieu difficile ou défavorisé seraient plus sensibles à cette réalité et pourraient plus facilement s’intégrer et s’adapter dans ce type de milieu, favorisant leur persévérance lors des stages subséquents et lors de l’insertion professionnelle. Ainsi, une expérience de stage vécue dans un milieu jugé difficile qui s’avère réussie pourrait également contribuer à l’évolution du SEP des stagiaires si elle est vécue de manière positive. Cependant, à notre avis, il serait plus prudent de permettre des stages en milieux difficiles seulement aux étudiants ayant déjà un SEP relativement élevé afin que les échecs vécus en stage aient plus de chances d’être attribués à des obstacles contextuels ou à des stratégies inadaptées plutôt qu’à un manque de compétence de la part du stagiaire.
33En somme, Simon rapporte qu’il est essentiel d’avoir la chance de confronter à la réalité ses situations d’apprentissage et d’évaluation élaborées à l’université et de les « tester » en situation authentique. Il évoque souvent que les opportunités de faire des liens entre la « théorie apprise lors des cours à l’université et ses expériences de stages » ont eu une influence positive sur le développement de son SEP. En outre, Simon explique qu’il n’hésitait pas à « remettre en question ses pratiques d’entraineur » qui ne concordaient pas avec les informations reçues dans ses cours universitaires, il n’hésitait pas à changer ses pratiques pédagogiques et il se sentait « d’autant plus compétent » lorsque les apprentissages faits à l’université étaient en concordance avec ses pratiques à titre d’entraineur. Les propos de Simon permettent de nuancer les résultats de recherche soulevés par Bandura (1997) et Ballinger et Bishop (2011) qui attribuent essentiellement le développement du SEP des étudiants aux expériences de stages. En analysant les résultats de Simon, il semble que les cours universitaires ont une importance capitale dans le développement de son SEP. En effet, les propos ci-haut permettent de mieux comprendre l’influence qu’ont eu les apprentissages réalisés lors des cours à l’université sur l’établissement de son SEP en stage. De plus, ses scores au questionnaire SEP-ÉPS entre le troisième et le quatrième stage illustrent une augmentation de son SEP, ce qui pourrait être attribuable, entre autres, aux apprentissages réalisés lors des cours à l’université. Ainsi, il semble que les cours universitaires peuvent avoir une plus grande influence sur l’établissement du sentiment de compétence face à sa capacité à enseigner que ce qui est parfois affirmé par des enseignants qui indiquent que « c’est pendant un stage qu’on apprend vraiment à enseigner » (Boudreau, 2001, p. 1) ou encore « oublie ce que tu viens d’apprendre à la faculté. C’est ici que tu vas apprendre à enseigner » (Boudreau, 2012, p. 99). Toutefois, les propos de Simon soutiennent l’importance que les apprentissages et les travaux réalisés dans les cours suivis à l’université soient concrètement réinvestis lors des stages, ce qui concorde avec plusieurs résultats de recherche au sujet de l’importance de l’arrimage théorie-pratique (Desjardins & Dezutter, 2009; Tremblay-Wragg, 2013).
34Les propos de Guillaume et de Simon mettent de l’avant l’importance des occasions d’expérimenter librement pendant les stages. Pour Guillaume, cela se traduit par la liberté d’expérimenter diverses activités physiques et d’avoir l’occasion de choisir les activités physiques qu’il désire expérimenter ; tandis que Simon souligne les opportunités de vivre des expériences nouvelles, par exemple en ayant la liberté d’organiser des activités spéciales pour l’ensemble de l’école.
35L’enseignant d’ÉPS utilise différentes activités physiques pour développer les trois compétences du programme de formation de l’école québécoise (MEQ, 2001b). Ainsi, le nombre d’activités qui peuvent être utilisées est important, allant des sports codifiés tels que le basketball aux jeux coopératifs tels le parachute ou des habiletés d’adresses de cirque jusqu’aux épreuves d’athlétisme. À cet égard, Guillaume rapporte que la possibilité d’avoir le choix des activités physiques pour développer les compétences des élèves en ÉPS et l’occasion d’utiliser plusieurs activités physiques pendant le stage ont contribué à augmenter son SEP. Pour lui, il est primordial que l’enseignant associé permette aux stagiaires d’être « libres de choisir et d’essayer » différentes activités physiques afin de multiplier les occasions d’apprendre du stagiaire. Ce désir de liberté dans le choix des activités pourrait s’expliquer à travers les structures préexistantes de la connaissance de soi (Bandura, 2007). En effet, même si Guillaume veut avoir l’opportunité d’expérimenter, il veut peut-être d’abord avoir la liberté de choisir des activités connues et pour lesquelles il possède déjà une certaine expertise. Ainsi, les succès vécus auront tendance à consolider son SEP en développement (Bandura, 2007).
36Guillaume explique que ce qu’il retient le plus de ses deux derniers stages est d’avoir eu la « chance » de mettre à l’épreuve « diverses activités physiques », ce qui lui a donné plus d’expériences concrètes contrairement à ses deux premiers stages où il avait eu l’occasion d’utiliser « une seule activité physique » à chacun des stages. Ces résultats vont dans le même sens que ceux rapportés par Monfette et Grenier (2014) qui indiquent que les enseignants associés jumelés à des stagiaires ayant augmenté leur SEP à la suite d’un stage considèrent qu’une partie essentielle de leur rôle est de permettre aux stagiaires de vivre des expériences réelles en leur donnant du pouvoir décisionnel et organisationnel. Ce besoin d’expérimenter et de vivre des évènements nouveaux permet peut-être aux stagiaires de choisir eux-mêmes le niveau de difficulté des expériences qu’ils vivront en stage. Il est alors plausible de croire qu’ils obtiendront ainsi une bonne performance aux tâches qu’ils auront eux-mêmes jugées juste assez difficiles. De plus, cette liberté d’expérimenter leur permet aussi de choisir des tâches qui sont significatives pour eux, de s’y investir en déployant les efforts nécessaires avec une anticipation positive de réussite, ce qui ne serait pas étranger à l’augmentation du SEP.
37Pour sa part, Simon indique également que son SEP a augmenté à la suite d’expériences positives qu’il a vécues pendant ses deux derniers stages. Il met l’emphase sur l’importance de « vivre de nouvelles expériences » et indique que si l’expérience s’avère positive et représente un succès, cela aura un impact positif sur son SEP. Spécifiquement, Simon a intégré les TICS pour la première fois dans son enseignement lors de son quatrième stage et il utilise le terme « révélation » pour indiquer à quel point cela a été efficace pour améliorer « l’apprentissage des élèves et leur motivation », ce qui a eu un impact direct sur sa gestion de classe. Il explique : « je présentais du contenu audio-visuel presque à chaque cours avec mon charriot, chose que je n’avais pas faite en stage 3. C’est quelque chose qui a eu un impact direct sur ma gestion de classe et aussi au niveau de l’intérêt que les jeunes portaient à mon enseignement ». Il indique aussi que sa participation pour une première fois à l’organisation d’un évènement spécial pour l’ensemble de l’école a eu un effet positif sur son SEP : « c’était la première fois que je m’engageais dans l’organisation d’un projet de grande envergure pour l’ensemble de l’école et ça s’est bien passé, donc ça m’a fait sentir efficace ». Or, pour Simon, une réussite suite à de nouvelles expériences influencerait positivement le développement de son SEP.
38Les propos recueillis dans le cadre de cette étude laissent présager que le développement du SEP est largement tributaire de la durée des stages. Pour Guillaume, une façon de développer son SEP pendant les stages est d’avoir eu le temps de mener des situations d’apprentissage et d’évaluation complètes. À travers ses propos, il explique que les cours à l’université n’ont pas contribué à l’augmentation de son SEP par rapport à ce point puisque pour lui, quand la situation d’apprentissage et d’évaluation est fictive, il a de la difficulté à la concevoir et à imaginer la progression des activités et des apprentissages.
39Pour Simon, avoir le temps signifie « avoir le temps de se sentir à l’aise » et « avoir le temps de développer des collaborations » avec d’autres membres de l’équipe-école. Il indique : « c’est peut-être parce que le stage 4 est au secondaire et que l’équipe-école est plus grande, c’est peut-être plus facile de travailler avec eux. Tu vas nécessairement trouver une ou deux personnes avec qui tu t’entends bien ». À travers ses propos, nous constatons qu’il est primordial d’abord, de se sentir à l’aise dans son gymnase, avec sa planification et avec ses élèves avant d’être en mesure de coopérer et de collaborer avec l’équipe-école. Ainsi, pour lui, cela implique que le stage soit assez long pour qu’il se sente à l’aise dans son environnement immédiat, ce qui lui permet ensuite d’être assez confiant pour s’engager dans des collaborations et pour tisser des liens avec d’autres membres du corps enseignant. À cet égard, Bandura (2007) souligne la place centrale du temps dans le développement du SEP en avançant que les aptitudes et les compétences se développent sur une longue période. Ainsi, pour être en mesure de développer le SEP, les stages doivent être assez longs pour permettre des succès répétés dans divers contextes, ce qui laisse présager que les deux derniers stages de la formation initiale sont plus bénéfiques pour le développement du SEP puisqu’ils sont les plus longs.
40Un autre élément qui semble avoir contribué au développement du SEP de Simon pendant les stages est l’opportunité de « trouver une formule » qui lui parait efficace et qui lui convient en tant qu’enseignant. Il explique que pendant ses deux derniers stages, il a développé une « routine d’enseignement » qu’il a « peaufinée » à travers sa formation pratique et qu’il pourra l’utiliser lors de son entrée dans la profession : « peut-être parce qu’ils étaient d’une durée de huit semaines, mais j’ai réussi à me trouver une formule, une espèce de canevas d’enseignement que je pourrai adapter et avec lequel je sais que je suis confortable ». Il semble que Simon ait réussi à trouver un style de gestion de classe qui concorde avec son identité professionnelle et ses valeurs à titre d’enseignant, qu’il pourra adapter en fonction du milieu.
41Dans un autre ordre d’idées, les propos de Simon indiquent qu’il a eu de la difficulté avec la gestion de classe pour certains groupes lors de son quatrième stage, entre autres, pour adapter son enseignement pour les élèves présentant des difficultés. Toutefois, il attribue principalement ses difficultés au « manque de temps pour trouver une formule gagnante » avec ces groupes ainsi qu’avec ce type d’élèves plutôt qu’à un manque de compétence de sa part, ce qui lui laisse croire que si le stage avait été plus long, il aurait probablement trouvé un style de gestion de classe efficace pour cette clientèle, ce qui aurait pu augmenter son SEP au lieu de l’avoir diminué face à cette compétence professionnelle. À cet égard, Malo (2010) indique que trois critères d’appréciation influencent l’évaluation que les étudiants font de la réussite de leur stage : 1) l’efficacité de leurs interventions en classe, 2) le sentiment de confort dans l’application de leur propre style d’enseignement, et 3) le sentiment que les méthodes pédagogiques et les stratégies d’enseignement qu’ils mettent en place favorisent l’apprentissage des élèves. En outre, Moussay, Malo et Méard (2013), Malo (2010) ainsi que Gervais et Desrosiers (2005) rapportent que les stagiaires qui arrivent à trouver leur propre style de gestion de classe et qui sentent qu’ils arrivent à créer un climat favorable à l’apprentissage vivent des stages plus positifs, ce qui aurait une influence positive sur le développement de leur SEP.
42En somme, il est possible de remarquer à travers les propos de Simon que certaines expériences de stages moins bien réussies ont engendré une prise de conscience chez lui. En effet, il indique que les échecs qu’il a vécu à travers le stage lui ont permis de réfléchir sur son enseignement afin de « rectifier le tir » en vue des prochaines interventions. Ces propos concordent non seulement avec ceux de Bandura (2007) qui évoque que les échecs vécus périodiquement à travers des réussites favorisent le développement du SEP, mais permettent également d’entrevoir la place centrale de la pratique réflexive dans le développement professionnel des futurs enseignants. Selon Safourcade (2010), l’utilisation de l’analyse de son SEP favoriserait un véritable travail d’ « auto-perception » (p. 8) de son efficacité. Or, il semble que la durée du stage puisse avoir une influence sur la capacité de rebondir des échecs vécus en ayant le temps de réfléchir aux solutions envisageables afin de transformer les échecs en succès lors d’autres situations.
43Cet article avait pour but de mieux comprendre ce qui contribue à l’évolution du SEP de deux étudiants finissants en enseignement de l’ÉPS par le biais d’entretiens semi-dirigés durant lesquelles ils ont commenté leurs scores au questionnaire SEP-ÉPS (Grenier et al., 2012). Les résultats laissent penser que le contexte authentique d’enseignement, la liberté d’expérimenter et la durée du stage sont des conditions favorables au développement du SEP.
44Dans cette étude, le contexte authentique d’enseignement, la liberté d’expérimenter et la durée du stage représentent les conditions gagnantes du développement du SEP des deux stagiaires finissants en ÉPS puisqu’elles leur ont permis de : 1) faire et de refaire les mêmes tâches d’enseignement, 2) d’y réfléchir et de s’ajuster, 3) de réaliser une tâche d’enseignement du début à la fin, 4) d’expérimenter de nouvelles activités physiques, 5) de mettre à l’épreuve les connaissances apprises à l’université, et 6) de trouver leur style personnel de gestion de classe.
45Bien que le nombre très restreint de participants limite la portée des résultats de cette étude, ils permettent tout de même de mieux comprendre ce qui contribue au développement du SEP des stagiaires finissants en enseignement de l’ÉPS. Une recherche avec plus de participants serait souhaitable pour comprendre davantage ce qui contribue au développement de leur SEP. De plus, un volet parallèle mené auprès de leurs enseignants associés permettrait d’obtenir des données complémentaires au regard de l’évolution du SEP des stagiaires et de ce qui semble contribuer au développement de leur SEP.
46En somme, la méthodologie utilisée pour cette étude qui proposait aux participants de porter un regard sur leurs stages à la lumière des résultats obtenus à la suite d’une auto-évaluation de leur SEP a permis aux participants eux-mêmes de prendre conscience de leur perception de développement de leurs compétences professionnelles. Au-delà de la recherche, cette méthodologie pourrait aussi servir d’outil pédagogique permettant aux futurs enseignants d’analyser leurs pratiques et d’expliquer leur perception de compétence face à leur capacité à enseigner. Dans la foulée actuelle qui place la réflexivité au cœur des programmes de formation à l’enseignement, il semble qu’une auto-analyse de l’évolution de son SEP tout au long de sa formation initiale serait, pour l’étudiant en formation, un dispositif efficace.