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Dossier - Les privatisations de l’éducation

De la privatisation à la marchandisation de l’éducation en Côte d’Ivoire

Forms of privatization of education at work in Ivory Coast: From privatization to commodification
Las formas de privatización en marcha en Costa de Marfil: de la privatización a la mercantilización
Zamblé Théodore Goin Bi et N’guessan Claude Koutou
p. 85-92

Résumés

Pour répondre à une demande de scolarisation sans cesse croissante, l’État ivoirien a sollicité le secteur privé pour l’aider à remplir sa mission d’éducation et de formation de la jeunesse, en particulier dans l’enseignement secondaire. Cet article propose un état des lieux du système éducatif privé en Côte d’Ivoire, en s’appuyant sur une enquête mixte menée dans deux régions. Les résultats indiquent que le partenariat public-privé est indispensable pour atteindre les objectifs de scolarisation. Cependant, dans les quartiers modestes et défavorisés, les établissements privés n’offrent pas de conditions suffisantes pour un enseignement de qualité. La plupart des enseignants, peu qualifiés et sous-payés, n’ont pas reçu de formation initiale. Pour minimiser les coûts, les promoteurs privilégient des contrats précaires et réduisent les investissements dans les achats d’outils didactiques et pédagogiques de qualité.

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Texte intégral

Un secteur privé omniprésent et hétéroclite

1Au moment de son accession à l’indépendance politique en 1960, la Côte d’Ivoire enregistre un faible taux de scolarisation d’environ 10 %. Ce taux est considéré par les dirigeants ivoiriens comme un défi à relever. Les pouvoirs publics affichent alors leur volonté de scolariser à 100 % les enfants du pays. Pour ce faire, ils réservent chaque année environ 44 % du budget national au secteur de l’éducation et de la formation. L’objectif visé est d’augmenter l’accès à l’éducation de base et d’améliorer la qualité et le rendement de l’éducation, de la formation et de la recherche. Les importants efforts ainsi consentis en faveur de l’éducation et de la formation permettent d’atteindre des résultats remarquables. À titre d’illustration, on peut citer la construction de plusieurs établissements scolaires et de structures de formation de formateurs, la formation de nombreux enseignants, le taux de scolarisation en nette progression, etc.

2Cependant, à partir des années 1980, le système éducatif ivoirien, dans son ensemble, est confronté à des difficultés de tous ordres. Le système reste fragile et éprouve des difficultés à se transformer pour devenir un véritable moteur de développement. La situation à cette époque est marquée, entre autres, par la faiblesse du taux brut de scolarisation, par des inégalités persistantes entre genres et entre régions, et par la faiblesse des ressources disponibles au regard des besoins de financement des différents niveaux d’éducation. Il faut ajouter qu’au fil du temps, les structures d’instruction publique se caractérisent par un manque d’équipements pédagogiques de base. La demande de scolarisation dépasse de loin les capacités de l’offre. Il en résulte une surcharge des classes et une baisse de la qualité de l’enseignement à tous les niveaux. En réalité, au début des années 1990, l’économie ivoirienne, qui a subi les contrecoups de son succès des décennies précédentes et traverse une profonde crise, doit faire face à des réformes dont les coûts sociaux sont importants (Akindes, 2001). Malgré les engagements des États en faveur d’une éducation de qualité pour tous et des progrès importants faits au cours de la dernière décennie, la situation éducative reste très problématique, tant en termes d’accès à l’éducation que de qualité ou d’équité.

3Pour faire face aux besoins éducatifs sans cesse croissants du pays, l’État ivoirien développe un partenariat raisonnable avec le secteur privé. Ce partenariat, défini dans le cadre de la loi sur l’enseignement de 1995, stipule que l’État peut concéder le service public de l’enseignement aux établissements privés d’enseignement (Odounfa, 2003).

4Le secteur privé d’éducation bénéficie ainsi d’une politique favorable et d’un appui financier de l’État, qui prend notamment, pour les établissements privés, la forme de subventions, de prise en charge totale ou partielle par l’État des frais de scolarité des élèves et d’aides pour les élèves affectés. Cette politique incitative et volontariste encourage de nombreuses personnes et organisations à investir dans le secteur de l’éducation en créant des établissements scolaires privés, et entraîne l’accroissement du nombre et de la capacité d’accueil des établissements privés laïcs et confessionnels aux différents niveaux d’éducation (préscolaire, primaire, secondaire et supérieur).

5Ainsi, en Côte d’Ivoire, le secteur privé de l’éducation et de la formation occupe une place importante. Si, au moment de son accession à l’indépendance, le pays ne comptait que 604 établissements privés, en 2018, selon les statistiques du ministère de l’éducation nationale (2019), on dénombre 4 255 établissements privés (2 481 dans l’enseignement primaire, 1 495 dans l’enseignement secondaire général et 279 dans l’enseignement technique).

6On peut souligner que l’enseignement secondaire est majoritairement composé d’écoles privées, le nombre d’établissements publics n’étant que de 524 dans l’enseignement général et de 4 dans l’enseignement technique. Les écoles privées représentent ainsi 74 % des écoles du secondaire général et 99 % du secondaire technique. Face à la floraison d’établissements dans le secteur privé, il faut s’interroger sur la qualité de la formation dispensée de nos jours et sur la valeur du système éducatif face à l’autonomie croissante des établissements scolaires privés.

7L’enseignement privé se définit d’abord a contrario comme ce qui ne relève pas du service public. L’expression « enseignement privé » est usuelle et traditionnelle (Durand-Prinborgne, 2005). Toutefois, pour d’Aiglepierre (2003), la frontière entre public et privé, dans le domaine de l’éducation, est beaucoup plus floue qu’il n’y paraît. L’enseignement privé peut se définir comme comprenant les établissements contrôlés et gérés par des entités autres que gouvernementales, laissant ainsi ouvert un grand nombre de combinaisons de ressources publiques et privées. Les institutions d’enseignement privé forment donc une catégorie extrêmement hétérogène, avec des différences importantes en matière de vocation, de lien à la religion et de reconnaissance par l’État.

8Pour l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), une structure éducative privée est un « établissement contrôlé et géré par une organisation non gouvernementale (église, syndicat ou entreprise), qu’il reçoive ou non des fonds publics » (Unesco, 2009), et c’est cette définition que nous retenons dans le cadre de cet article.

9Nous proposons d’abord un état des lieux du système éducatif privé en Côte d’Ivoire à travers les cycles d’enseignement primaire et secondaire. Il s’agit d’analyser les facteurs qui ont contribué au développement de l’enseignement privé, d’étudier les conditions d’exercice des enseignants dans les écoles privées et d’identifier les faiblesses du système éducatif privé en Côte d’Ivoire.

Une enquête originale sur différents sites

10Une enquête a été réalisée dans le cadre d’une recherche pour l’Internationale de l’Éducation (Koutou et Goin Bi, 2019). La collecte des informations s’est faite dans les villes d’Abidjan (sud) et de Daloa (centre-ouest), qui sont les deux localités de Côte d’Ivoire les plus denses en établissements privés. Les données ont été recueillies auprès d’enseignants, de parents d’élèves et d’élèves au moyen de questionnaires qui visaient à récolter des informations relatives aux conditions d’étude et d’enseignement dans les établissements privés. Différents entretiens ont été menés avec les fondateurs d’établissements privés, des structures syndicales, des associations de parents d’élèves, des organisations de la société civile pour le recueil d’informations qualitatives.

11Compte tenu du caractère sensible du sujet, la participation volontaire a été retenue pour choisir les personnes enquêtées. Sur cette base, nous avons collecté des données dans 18 établissements dont 15 à Abidjan et 3 à Daloa ; interrogé 286 élèves dont 132 garçons et 154 filles, 90 enseignants dont 70 hommes et 20 femmes, et enfin 32 parents d’élèves dont 17 hommes et 15 femmes.

Une réponse à une offre publique d’enseignement insuffisante

12Pendant que la Banque mondiale et les autres institutions partenaires font le plaidoyer auprès des gouvernants pour que tous les enfants aillent à l’école, l’État ne dispose pas de structures d’accueil suffisantes. Le partenariat public-privé a été utilisé comme une solution pour pallier ce problème.

« Ce partenariat est avantageux et bénéfique pour tous. Il permet de mettre à exécution le principe du droit à l’éducation pour tous inscrit dans la constitution. Ce partenariat est une nécessité pour combler le manque en matière d’offre d’éducation. Puisque les établissements publics sont en nombre insuffisant pour répondre aux besoins en matière d’éducation. » (Un responsable de DREN)

13Dans la convention de concession du service public de l’enseignement au secteur privé, l’État précise que les frais de scolarité sont fixés à 120 000 francs CFA (172 euros) pour l’élève du premier cycle ; 140 000 francs CFA (200 euros) pour l’élève du second cycle ; 175 000 francs CFA (250 euros) pour l’élève de l’enseignement technique, alors que le salaire moyen par habitant est de 75 848 francs CFA (environ 115 euros) et que le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) s’élève actuellement à 60 000 francs CFA, soit 86 euros.

14Dans le système éducatif ivoirien, les écoles privées occupent une place de plus en plus importante. Il existe des écoles reconnues par le ministère et d’autres qui opèrent de façon clandestine dans les quartiers. Quelle que soit leur nature, le nombre grandissant de ces écoles tient à deux raisons : la faible capacité d’accueil dans le public par rapport à la forte demande et la recherche de profit par des promoteurs hommes d’affaires. Dans tous les cas, l’existence de ces écoles permet de répondre à la demande de formation sans cesse exprimée par les parents d’élèves.

« On trouve les établissements privés un peu partout dans notre DREN. À côté des établissements reconnus, il existe ceux qui fonctionnent de façon clandestine. Ils fonctionnent sous la bannière d’autres établissements reconnus ; on parle de tutorat qui est un type de fonctionnement illégal. » (Un secrétaire général de la direction régionale de l’éducation nationale et de l’enseignement technique : DRENET).

15Il s’agit en fait d’établissements qui n’ont pas d’autorisation mais qui fonctionnent sous le couvert d’un autre établissement autorisé et dont les dossiers des élèves sont annexés à ceux de l’établissement autorisé, afin que les élèves puissent se présenter aux examens nationaux. En d’autres termes, les établissements autorisés assurent une sorte de couverture pour ceux n’ayant pas d’autorisation.

Le choix des écoles privées par des parents peu instruits

16Les parents dont les enfants sont inscrits dans les écoles visitées sont, pour la grande majorité d’entre eux, de classe sociale défavorisée. Ils sont peu instruits et exercent dans le secteur informel principalement le commerce et l’artisanat.

17Les parents d’élèves de ces établissements privés ont, en général, un faible niveau d’études : 41 % des pères ont suivi l’enseignement secondaire alors que 45 % des mères sont analphabètes. Les pères sont principalement commerçants (15 %), chauffeurs (10 %), ouvriers (6 %) et planteurs (5 %). Les mères sont le plus souvent des commerçantes (60 %) et des ménagères (20 %).

18Le fait que ces parents soient en grand nombre analphabètes ou peu scolarisés pourrait-il expliquer leur penchant pour les écoles peu recommandées ? Ont-ils la capacité d’apprécier le contenu des enseignements dispensés dans ces écoles ou se satisfont-ils du fait que ces écoles sont reconnues par l’État ivoirien ?

Le choix du privé par les parents : une logique pragmatique

19Selon d’Aiglepierre (2003), il arrive que l’enseignement public ne puisse faire face à une forte demande. Dans ce cas, certaines familles, qui auraient préféré scolariser leurs enfants dans le public, se voient contraintes de se tourner vers l’enseignement privé. Les établissements éducatifs publics et privés peuvent alors être considérés comme des substituts, le privé étant la deuxième meilleure solution après le choix de l’enseignement public.

20Ce n’est pas exactement ce que met en évidence notre enquête. En effet, en Côte d’Ivoire, dans les familles modestes ou pauvres, trois raisons expliquent de manière prépondérante l’inscription dans le privé.

Tableau 1. Les motifs d’inscription dans les établissements privés

Tableau 1. Les motifs d’inscription dans les établissements privés

21La raison principale qui milite en faveur du choix des écoles privées par les parents, pour la scolarisation de leurs enfants, est la proximité avec la maison, pour 39 % des répondants. Les parents réduisent ainsi les coûts de transport et d’alimentation. La proximité peut être aussi source de sécurité et éventuellement de contrôle.

22La seconde raison est le fait que les apprenants peuvent avoir été affectés par l’État, avec 23 % des parents d’élèves interrogés concernés par ces pratiques. Dans ce cas, les coûts de scolarité sont pris en charge par l’État, si bien que les parents n’ont pas à débourser des montants importants pour scolariser leurs enfants. Généralement, dans cette situation, les parents laissent leurs enfants bénéficier des affectations de l’État sans se demander si l’établissement choisi pour leurs enfants est en mesure de leur dispenser les connaissances attendues et de leur fournir une éducation de qualité.

23La troisième raison se situe au niveau des résultats de ces écoles, surtout pour les examens à fort enjeu. Plusieurs parents choisissent ces écoles afin de donner une chance de réussite au brevet d’études du premier cycle (BEPC) et au baccalauréat, leurs enfants ayant déjà échoué à ces examens dans d’autres écoles, bien souvent publiques. Les taux de réussite affichés par les écoles incitent à la scolarisation, alors qu’ils ne sont pas toujours conformes à la réalité.

« Plusieurs de ces écoles multiplient leurs résultats scolaires par deux pour attirer les élèves et leurs parents alors que la réalité est tout autre. Malheureusement, les parents n’ont pas le réflexe de venir se renseigner dans nos locaux pour avoir les vrais chiffres ». (Un agent d’une DREN)

24En dehors des questions liées aux résultats scolaires pour le choix de ces écoles, 10 % des parents mettent l’accent sur leur capacité à financer le coût de la scolarité. À titre d’exemple, certaines écoles privées des quartiers défavorisés proposent, de la sixième à la terminale, des frais de scolarité de 35 000 francs CFA (soit 64 $ USD), alors que cette somme ne suffit même pas pour payer l’inscription annuelle dans les écoles privées des quartiers riches, surtout les plus recommandées.

Conditions de travail dans les écoles privées

25Le matériel pédagogique mis à la disposition des élèves dans le cadre de leur formation dans les écoles privées est insuffisant ou inexistant. Les apprenants qui déclarent bénéficier d’une bibliothèque au sein de leur établissement sont à peine 18 %, soit moins d’un sur cinq. Les salles d’informatique sont absentes dans les établissements de l’enquête pour près de 65 % des apprenants. L’accès à internet au sein de leur établissement est inexistant pour la quasi-totalité des apprenants, soit 95 %. Les apprenants dont l’établissement dispose d’un laboratoire de sciences sont à peine 12 % de l’effectif des enquêtés.

26Dans presque tous les établissements, les élèves bénéficient de points d’eau (81 %) et de toilettes (95 %). Cependant, dans la majorité de ces écoles, les latrines ne sont pas fonctionnelles et dégagent des odeurs nauséabondes, si bien que les élèves préfèrent ne pas les utiliser. Un apprenant sur deux affirme que son école dispose d’un terrain de sport.

Des enseignants diplômés mais peu formés à la pédagogie

27Les enseignants rencontrés dans les écoles privées sont majoritairement des hommes (70 %) et principalement des vacataires (67 %) diplômés de l’enseignement supérieur (81 %). Les enseignants âgés de 30 à 40 ans représentent 56 % des effectifs. La moitié d’entre eux a moins de cinq années d’expérience, ce qui montre que la fonction d’enseignant dans le privé est peu attractive et que le personnel est en perpétuel renouvellement.

28Le recrutement des enseignants dans les écoles privées se fait suivant trois modes : le test de sélection, l’analyse de dossiers et la recommandation par un tiers. Dans les écoles ciblées par notre enquête, la majorité des enseignants a été recrutée sur dossier (84 %).

29Très souvent, le candidat en quête d’emploi présente ses qualifications liées à son parcours universitaire et sollicite un poste d’enseignant dans une école privée. Le constat qui se dégage est que dans plusieurs écoles, ce qui prime est le diplôme universitaire et non l’aptitude pédagogique. En effet, répondant à la question sur le processus de recrutement, la majorité des directeurs des études a affirmé mettre l’accent sur le niveau d’études du postulant et non sur le fait d’avoir été formé dans une école ou institution de formation de formateurs. C’est seulement après le recrutement que sont organisées des formations internes sur les aspects pédagogiques et déontologiques du métier.

30En fait, recruter un enseignant diplômé d’une institution de formation de formateurs serait beaucoup plus coûteux pour ces établissements privés, en raison des charges salariales. Dans ces conditions, les administrateurs préfèrent réduire les charges en recrutant majoritairement des enseignants peu qualifiés pédagogiquement. En principe, tout enseignant qui intervient dans une école privée doit présenter une autorisation d’enseigner, document qui est délivré par les services du ministère de l’éducation nationale. Dans la pratique, peu d’établissements respectent cette consigne, car les contrôles sont irréguliers.

31Les enseignants dans les écoles privées ne sont pas issus des établissements qui forment à la pédagogie tels que l’École normale supérieure (ENS) et l’Institut pédagogique national pour l’enseignement technique et professionnel. Ils se forment généralement sur le tas ou dans les établissements qui les recrutent. La durée de ces formations étant très inférieure au temps de formation dans les écoles de formation pédagogique, ces enseignants abordent le métier sans vraiment le connaître. Parmi les structures de formation parallèles auxquelles ils ont accès, on peut citer des organisations non gouvernementales (ONG), des centres de formation en cours du soir, des groupements religieux pour l’éducation, des formations en ligne. À cela il faut ajouter les formations dispensées par des inspecteurs au sein d’unités pédagogiques spécifiques (33 %) et les formations assurées par la direction de la pédagogie, en collaboration avec les DREN, pendant les vacances scolaires (43 %).

32Les enseignants de ces établissements perçoivent soit un salaire fixe mensuel (17 %) soit une rémunération sur la base du taux horaire (83 %). Seuls 24,75 % des enseignants se déclarent satisfaits de leurs salaires.

33En raison du taux de chômage élevé des diplômés de l’enseignement supérieur, occuper la fonction d’enseignant est devenu comme un passage « obligé » pour les sortants de l’université. En attendant de trouver mieux, ils se contentent d’un poste de contractuel dans les établissements privés.

Un temps de formation plus court dans les écoles privées

34Dans les écoles privées, les cours ne commencent généralement pas au même moment que dans les écoles publiques. En effet, les établissements attendent de savoir quels élèves seront recalés à l’entrée en sixième et en seconde dans les établissements publics, faute de place ou en raison de résultats insuffisants, car les parents orienteront leurs enfants vers les écoles privées pour leur permettre de poursuivre leurs études. Pour les autres classes, les administrateurs attendent que le maximum d’élèves s’inscrive avant de débuter les cours. Cette phase dure très souvent un mois. Cette perte de temps rend très difficile l’achèvement du programme scolaire. C’est pourquoi les enseignants tentent d’y parvenir aux niveaux sanctionnés par des examens, afin de donner toutes les chances aux candidats. Dans le but de réduire leurs charges salariales, les établissements privés n’appliquent pas correctement les programmes de formation définis par le ministère. Pire, dans certains établissements privés, les volumes horaires par discipline définis par le ministère de l’éducation nationale ne sont pas respectés.

Faiblesses des établissements privés

35Près de quarante ans après l’ouverture du secteur de l’éducation et de la formation aux investisseurs privés, l’on constate qu’à tous les cycles d’enseignement, les écoles privées sont, de loin, plus nombreuses que les écoles publiques. Pour autant, peut-on dire que l’enseignement qui y est dispensé est de qualité ? Y respecte-t-on les directives des différents ministères ? Les observations et les constats faits montrent que de nombreuses écoles privées sont passées de la privatisation à la marchandisation de l’école : non-respect de la réglementation, non-paiement des salaires des enseignants pendant de longs mois, non-respect des critères de recrutement des enseignants, insuffisance de matériels didactiques, etc.

36Ces établissements sont pour la plupart uniquement à la recherche du profit, comme le souligne Aiglepierre (2013). Pour cet auteur, les établissements à vocation lucrative sont de petites entreprises avec des objectifs de rentabilité financière. L’enseignement privé peut alors être perçu comme un marché avec des opérateurs qui répondent à une demande éducative solvable non satisfaite par l’enseignement public. À l’exception des contraintes administratives spécifiques imposées par les États en matière d’ouverture et de gestion d’établissements éducatifs, le fonctionnement du marché de l’enseignement privé à vocation lucrative apparaît semblable aux autres types de marchés commerciaux.

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Bibliographie

AIGLEPIERRE (d’) R. (2013). L’enseignement privé en Afrique subsaharienne. Enjeux, situations et perspectives de partenariats public-privé. Paris : Agence française de développement.

AKINDES F. (2010). « Dynamique de la politique sociale en Côte d’Ivoire ». Institut de politique sociale et développement. Document du programme n° 8., 53 p.

KOUTOU N.C. et GOIN BI Z.T. (2019). Étude sur la privation de l’éducation en Côte d’Ivoire. Bruxelles : International Education, 52 p.

Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle (MENEFP) (2017) : Statistiques scolaire de poche 2016-2017. Abidjan : MENEFP/DSPS, 98 p.

Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle (MENEFP) (2019). Statistiques scolaires de poche 2018-2019. Abidjan : MENEFP/DSPS, 120 p.

ODOUNFA A. (2003). « Le défi de l’éducation pour tous en Côte d’Ivoire ». Paper commissioned for the EFA Global Monitoring Report 2003/4, The Leap to Equality, 24 p.

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Table des illustrations

Titre Tableau 1. Les motifs d’inscription dans les établissements privés
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/docannexe/image/9180/img-1.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Zamblé Théodore Goin Bi et N’guessan Claude Koutou, « De la privatisation à la marchandisation de l’éducation en Côte d’Ivoire »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 82 | 2019, 85-92.

Référence électronique

Zamblé Théodore Goin Bi et N’guessan Claude Koutou, « De la privatisation à la marchandisation de l’éducation en Côte d’Ivoire »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 82 | décembre 2019, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 10 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/9180 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ries.9180

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Auteurs

Zamblé Théodore Goin Bi

Zamblé Théodore Goin Bi est enseignant-chercheur au département de sociologie de l’Université Peleforo-Gon-Coulibaly de Korhogo, en Côte d’Ivoire. Il enseigne la sociologie de l’éducation. Il par ailleurs le président du conseil scientifique de l’Association ivoirienne de recherche en éducation (AIRE). Courriel : goinbited@yahoo.fr

N’guessan Claude Koutou

N’guessan Claude Koutou est enseignant-chercheur à l’Institut d’ethnosociologie de l’Université Felix-Houphouët-Boigny de Cocody, en Côte d’Ivoire. Il enseigne la sociologie de l’éducation et la sociologie des organisations. Courriel : nkoutou1@yahoo.fr

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