1À partir de 1960, les gouvernements et les autorités scolaires ont été à l’origine de mesures pour favoriser la situation éducative des filles et la promotion des femmes, à travers des réformes telles que celle de 1962, la Nouvelle école fondamentale en 1994, le Programme décennal de développement de l’éducation (Prodec) en 1998. L’article 18 de la Constitution et l’article 4 de la Loi d’orientation sur l’éducation stipulent que tout citoyen a droit à l’instruction et que l’enseignement public est gratuit, obligatoire et laïc.
2Ces réformes, visant l’amélioration du système éducatif, se sont attaquées à la situation éducative des filles qui étaient victimes de discrimination à l’école depuis l’époque coloniale (Loua, 2018). Les réformes étaient importantes pour le pays et son système éducatif car, en reconnaissant le rôle des femmes dans le processus de développement, les gouvernements voulaient respecter les conventions de l’Unesco contre la discrimination dans l’enseignement (1960) et sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979). Les autorités cherchèrent ensuite à renforcer la participation des femmes à la vie publique, lors de l’avènement de la démocratie en 1991, et à respecter la Constitution de 1992, qui bannit toute discrimination à l’école.
3Ces réformes, s’inscrivant dans une dynamique de démocratisation de l’enseignement, voulaient réaliser entre autres, « un enseignement de masse et de qualité pour tous » (1962) et « un village, une école » (Prodec, 1998), afin de garantir l’équité et de parvenir à un système scolaire réellement inclusif. Initiées par les autorités politiques et scolaires, elles étaient soutenues par des partenaires tels que la Banque mondiale, l’Unesco, l’ONG Save the children, le Programme alimentaire mondial, etc. Certains groupements, comme l’Association pour le développement des droits des femmes, la Coordination des associations et ONG féminines du Mali, les femmes députées membres du Réseau des femmes parlementaires, soutiennent aujourd’hui encore ces réformes en luttant contre toute forme de discrimination faite aux femmes et en organisant des activités de formation et d’information sur leurs droits. Les ministères et académies d’enseignement soutiennent les réformes à travers des formations destinées aux enseignants.
4Cependant, les groupes présumés djihadistes, comme le Front de libération du Macina ou Ansardine, qui s’insurgent contre l’école occidentale depuis 2012, peuvent entraver la mise en œuvre des réformes éducatives (Loua, 2018).
5Pour favoriser les réformes, des mesures spécifiques ont été prises. Après la table ronde sur l’éducation pour tous en 1991, il y a eu, en 1992, la création d’une Cellule nationale pour la promotion de la scolarisation des filles ; en 1993, la décision du maintien des filles enceintes dans l’enseignement fondamental et en 1994, la mise en œuvre de la décentralisation de l’éducation. Il y a eu, en 2011, la création de la Division scolarisation des filles et en 2013, celle de la Politique nationale genre, pour leur scolarisation et leur maintien à l’école ainsi que pour la promotion des femmes. Un Centre national des cantines scolaires a été créé par l’État en 2011, à travers le programme national d’alimentation, avec 1 500 cantines et des rations régulières d’huile attribuées aux filles assidues. Pour permettre aux femmes de participer à la vie publique, l’assemblée nationale a adopté la Loi n° 2015-052 du 18 décembre 2015, qui leur accorde au moins 30 % des postes faisant l’objet de nominations ou d’élections.
6Ces réformes en faveur de la scolarisation des filles et de la participation des femmes à la vie publique ne souffrent pas d’oppositions déclarées sur le plan politique et social. Cependant, les cultures et traditions familiales peuvent constituer des obstacles à l’atteinte des objectifs.
7Avec les exigences du foyer ou de la maternité, les mariages et grossesses précoces constituent les principaux obstacles à la réussite scolaire des filles. Selon l’Enquête démographique et de santé au Mali (EDSM V, 2012-2013), une femme sur cinq (20 %) était déjà en union avant d’atteindre l’âge de 15 ans et la moitié des femmes (50 %) était en union avant 18 ans. De plus, de nombreux mariages coutumiers et religieux n’apparaissent dans aucun registre officiel.
8Le poids de la tradition et des activités familiales doit être souligné, car la préparation au rôle de futures épouses des filles commence à l’adolescence, pendant qu’elles sont scolarisées. Un rapport de l’ONU (1995) indique ainsi :
[O]n attend des jeunes filles qu’elles s’acquittent de leurs obligations scolaires sans négliger leurs tâches domestiques, ce qui se traduit par des résultats scolaires médiocres et des abandons précoces.
9En milieu bambara, au village de Djenidiébougou par exemple, quand le nouveau-né est une fille, l’accoucheuse traditionnelle affirme » A be gua so kono » (littéralement : elle est dans le ventre de la cuisine), supposant ainsi que sa place est dans le foyer. Les filles doivent apprendre très tôt à concilier l’école et le travail, ce qui semble plus difficile au début de la scolarité (Lange, 1998). Le pouvoir économique des familles peut être évoqué car, dans certains milieux, la fille doit constituer son trousseau de mariage, ce qui la conduit souvent à chercher du travail au détriment de l’école. Les considérations religieuses selon lesquelles la femme doit se marier et avoir des enfants assez tôt favorisent également la déscolarisation.
10Avec ces réformes, la disparité entre garçons et filles, en ce qui concerne le taux net de scolarisation au niveau fondamental 1, s’est atténuée progressivement, avec respectivement 51,3 % et 44,3 % en 2003, 74,8 % et 63,4 % en 2015, 61,4 % et 60,4 % en 2018 (Ministère de l’éducation nationale du Mali, 2018. Institut national de statistique, 2017). Cependant, ce taux est de 81,1 % en milieu urbain et de 54,7 % en milieu rural. Lors des examens de juin 2018, les taux de réussite au diplôme d’études fondamentales étaient de 70,39 % pour les garçons et 69,06 % pour les filles. Au baccalauréat général, ces taux étaient respectivement de 28,71 % et 28,34 % (Centre national des examens et concours de l’éducation, 2018). La nomination d’une femme Premier ministre an avril 2011 et la présence de onze femmes ministres sur trente-deux en septembre 2018 peuvent être signalées.
11Bien que ces avancées soient considérables, le taux brut de scolarisation dans l’enseignement secondaire reste faible, avec 22,7 % pour les garçons et 15,4 % pour les filles (Cellule de planification et de statistique, 2017). La participation des femmes à la vie publique reste limitée, avec quatorze femmes députées sur 147, huit femmes maires sur 703, aucune sur 49 préfets de cercle, 370 professeures d’enseignement supérieur sur 2 543, etc. (INSTAT, 2014).
12La mise en œuvre de ces réformes montre que la promotion des femmes est souhaitée par les autorités politiques. Les droits des femmes ont été institutionnellement reconnus et il s’agit à présent de réaliser leur promotion à travers l’éducation et la formation. Les cultures et traditions, notamment dans le milieu rural où vit 74 % de la population, font que trop de femmes restent non lettrées, subordonnées à l’homme et que peu d’entre elles accèdent aux postes de responsabilité.