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Dossier - Les premières années d'enseignement

Préparation au métier des nouveaux enseignants et besoins en développement professionnel

Résultats de TALIS 2013
New teachers’ perceived preparedness and professional development needs. Findings from TALIS 2013
Preparación al oficio de los nuevos docentes y necesidades en desarrollo profesional. Resultados de TALIS 2013
Yoon Young Lee
Traduction de Sylvaine Herold
p. 125-137

Résumés

Des études internationales ont mis en évidence l’importance du sentiment d’efficacité personnelle et de préparation des enseignants pour l’apprentissage des élèves et le maintien des enseignants dans la profession. Pour les nouveaux enseignants – définis ici comme ayant moins de trois ans d’expérience – la qualité de la formation initiale et continue est la pierre angulaire d’une carrière réussie et gratifiante dans l’enseignement. En s’appuyant sur les données issues de l’enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS) de l’OCDE, cet article compare les niveaux de sentiment de préparation des enseignants nouveaux et expérimentés en matière de contenu, de pédagogie et de pratique dans les matières qu’ils enseignent, ainsi que leurs niveaux déclarés de besoins de développement professionnel dans 14 domaines. Il conclut que lier la connaissance des contenus aux compétences pédagogiques et offrir des expériences pratiques de qualité en classe sont deux aspects essentiels pour permettre aux nouveaux enseignants de se préparer à leur carrière.

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Notes de l’auteur

Les opinions exprimées et les arguments utilisés ici sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions officielles de l’OCDE ou de ses pays membres.

Texte intégral

1Former des enseignants bien préparés est un aspect fondamental de l’apprentissage des élèves. Des études internationales ont constaté l’impact positif du sentiment d’efficacité personnelle des enseignants sur la réussite des élèves (Caprara et al., 2006) et la relation positive entre le sentiment de préparation des enseignants et leur intention de continuer à être enseignant (Smith, 2015). Néanmoins, dans la plupart des pays, les nouveaux enseignants expriment un sentiment d’efficacité personnelle moins élevé que leurs collègues plus expérimentés (OCDE, 2012). Les enseignants débutants seraient en outre moins aptes à faire face à des situations difficiles, et certains souffrent même d’épuisement professionnel de manière prématurée (Gavish et Friedman, 2010). Dans certains pays, plus d’un tiers des nouveaux enseignants quittent la profession dans les cinq premières années d’exercice (OCDE, 2014a).

2Une stratégie habile paraît donc nécessaire pour encourager les nouveaux enseignants à rester dans la profession. Il faut certes doter les nouveaux enseignants des connaissances et compétences nécessaires avant leur entrée dans la profession, mais la recherche a également montré que leur fournir un soutien sous la forme d’un programme d’intégration formelle peut améliorer leur maintien dans la profession et leur engagement, ainsi que leurs pratiques pédagogiques et la réussite des élèves pendant cette période formatrice (Ingersoll et Strong, 2011).

  • 1 . Teaching and Learning International Survey en anglais. (NdT)
  • 2 . L’enquête TALIS 2013 définit l’enseignant comme « une personne dont l’activité première ou princi (...)
  • 3 . L’enquête TALIS est basée sur des données déclaratives. L’information collectée est donc subjecti (...)

3L’enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS)1 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est une enquête internationale menée tous les cinq ans auprès des enseignants et des chefs d’établissements du premier cycle de l’enseignement secondaire2. La seconde édition de l’enquête TALIS, en 2013, a porté sur les thèmes suivants : environnement d’apprentissage, évaluations et commentaires sur la pratique des enseignants, pratiques pédagogiques et climat au sein de la salle de classe, développement professionnel et accompagnement des enseignants, direction d’établissement, sentiment d’efficacité personnelle et niveau de satisfaction professionnelle. Un échantillon représentatif de 200 établissements a été sélectionné dans chacun des 38 pays et économies participant à l’étude et, au sein de ces établissements, vingt enseignants et le chef d’établissement ont été interrogés3 (OCDE, 2014b). Ainsi, ce sont plus de 121 000 enseignants du premier cycle du secondaire qui ont répondu à l’enquête, représentant plus de 5 millions d’enseignants.

  • 4 . On a demandé aux enseignants d’arrondir leur expérience professionnelle à un entier. L’échantillo (...)

4Se fondant sur les données de TALIS 2013, cet article explore le sentiment de préparation des « nouveaux enseignants » par rapport à leurs pairs plus expérimentés. Les « nouveaux enseignants » sont les enseignants qui ont déclaré avoir moins de trois ans d’expérience professionnelle au total en tant qu’enseignant4, tandis que le terme « enseignants expérimentés » désigne tous les autres enseignants de l’échantillon. Dans cet article, nous commencerons par examiner le sentiment de préparation des enseignants et leurs besoins de développement professionnel dans différents domaines, avant de décrire les implications en termes de politiques publiques d’une telle analyse. Ce travail s’inscrit dans une nouvelle étude menée par l’OCDE sur les systèmes de formation initiale des enseignants dans sept pays.

Sentiment de préparation des nouveaux enseignants

5En moyenne, les nouveaux enseignants représentent environ 10 % de la population enseignante totale de l’enquête TALIS 2013, soit plus de 10 000 enseignants. Singapour a une proportion de nouveaux enseignants près de deux fois plus élevée que l’Angleterre (16 %), qui occupe pourtant la deuxième place derrière Singapour (30 %). L’Italie (3 %), le Portugal (1 %) et l’Espagne (3 %) ont la plus faible proportion de nouveaux enseignants parmi les pays et économies participant à l’enquête. Bien que ces données soient difficiles à interpréter, elles fournissent néanmoins une indication de la démographie de la population enseignante. Elles montrent également qu’on observe un plus grand nombre de nouveaux enseignants entrant dans la profession dans certains pays que dans d’autres. Cela peut refléter des politiques publiques plus efficaces pour attirer les futurs enseignants dans ces pays – probablement du fait du statut plus élevé de la profession ou en raison d’autres incitations –, de problèmes d’équilibre entre l’offre et la demande ou d’autres facteurs.

6Les nouveaux enseignants ont été interrogés sur leur perception de la préparation qu’ils ont reçue – « pas du tout », « un peu », « bien » ou « très bien » préparés – dans trois domaines : le contenu, la pédagogie et la pratique en classe des matières qu’ils enseignent. Le graphique 1 compare les réponses des nouveaux enseignants et des enseignants expérimentés dans chacun de ces trois domaines. Sans surprise, les enseignants expérimentés ont des niveaux de sentiment de préparation beaucoup plus élevés que les nouveaux enseignants, mais il émerge des tendances intéressantes si l’on examine les différences entre les niveaux de préparation déclarés des enseignants nouveaux et expérimentés pour chacun des domaines. Le graphique 2 présente les écarts en points de pourcentage entre la proportion d’enseignants nouveaux et expérimentés ayant déclaré se sentir « très bien » préparés pour chacun des domaines. Il est révélateur de l’ampleur de l’écart entre les niveaux de préparation des enseignants nouveaux et expérimentés dans les pays et économies de TALIS 2013. Des écarts importants suggèrent que davantage de ressources et de meilleures stratégies sont nécessaires dans ces pays, afin de mieux préparer les nouveaux enseignants. En Finlande, en France, en Géorgie, au Japon et en Corée du Sud, l’écart entre les niveaux de sentiment de préparation des enseignants nouveaux et expérimentés est inférieur à 10 %, ou non significatif, dans tous les domaines, tandis que cet écart est supérieur à 20 % en Australie, en Estonie et en Nouvelle-Zélande.

Graphique 1. Sentiment de préparation des enseignants nouveaux et expérimentés

Part des enseignants nouveaux et expérimentés ayant déclaré se sentir « très bien », « bien », « un peu » et « pas du tout » préparés en termes de contenu, de pédagogie et de pratique en classe dans les matières qu’ils enseignent.

Source : OCDE (2013), Teaching and Learning International Survey (TALIS): 2013 complete database [http://stats.oecd.org/​index,aspx?datasetcode=talis_2013%20].

Préparation au contenu de la ou des matière(s) enseignée(s)

7Il est intéressant de constater que les enseignants, nouveaux et expérimentés, déclarent être mieux préparés au contenu qu’à la pédagogie ou à la pratique en classe de la ou des matière(s) qu’ils enseignent. Plus de 90 % des enseignants, nouveaux et expérimentés, ont ainsi déclaré se sentir « bien » ou « très bien » préparés au contenu de leur(s) matière(s).

8En outre, dans ce domaine (le contenu), des différences statistiquement significatives entre les deux groupes d’enseignants sont observables dans seulement 22 des 38 pays et économies de TALIS 2013, alors que ces différences sont significatives dans plus de 32 pays dans les deux autres domaines (la pédagogie et la pratique en classe). Ainsi, l’écart entre les enseignants nouveaux et expérimentés qui déclarent se sentir « très bien » préparés en termes de contenu n’était pas significatif statistiquement en France, en Géorgie, en Italie ou en Corée du Sud. Des pays comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande présentaient en revanche les écarts les plus importants, avec des différences de 26 et 27 points de pourcentage respectivement (voir graphique 2).

Graphique 2. Écarts dans le sentiment de préparation entre nouveaux enseignants et enseignants expérimentés

Différences, en points de pourcentage, entre les proportions d’enseignants nouveaux et expérimentés ayant déclaré se sentir « très bien préparés » en matière de contenu, de pédagogie et de pratique en classe dans les matières enseignées.

Source : OCDE (2013), Teaching and Learning International Survey (TALIS): 2013 complete database [http://stats.oecd.org/​index,aspx?datasetcode=talis_2013%20].

Préparation à la pédagogie de la ou des matière(s) enseignée(s)

9Dans de nombreux pays et économies de TALIS 2013, la différence la plus importante entre les nouveaux enseignants et les enseignants expérimentés résidait dans la préparation à la pédagogie de la ou des matière(s) enseignée(s). Dans ce domaine, les écarts étaient les plus importants en Israël (30 points de pourcentage), en Estonie (29 points de pourcentage), en Roumanie (27 points de pourcentage) et en Malaisie (21 points de pourcentage). En revanche, cet écart n’était que de 6 points de pourcentage en Finlande, en France et au Japon, bien que ces différences fussent statistiquement significatives. L’Italie et la Corée du Sud avaient des écarts encore plus faibles, mais non significatifs statistiquement. Là encore, l’ampleur des écarts peut suggérer que, dans certains pays, les nouveaux enseignants ont besoin d’un soutien plus important que dans d’autres, afin d’élaborer des stratégies pédagogiques efficaces pour enseigner et ce, probablement du fait d’une formation initiale ou continue insuffisante.

Préparation à la pratique en classe de la ou des matière(s) enseignée(s)

10La pratique en classe est un autre domaine qui présente des écarts importants et statistiquement significatifs entre le sentiment de préparation des enseignants nouveaux et expérimentés dans de nombreux pays et économies de l’enquête TALIS 2013. En République tchèque, en Islande ou en Suède, par exemple, les écarts entre la part des enseignants nouveaux et expérimentés se sentant « très bien » préparés à la pratique en classe dans la ou les matière(s) qu’ils enseignent étaient supérieurs à 30 points de pourcentage. En France et au Japon, en revanche, l’écart entre ces deux groupes n’était que de 4 et 7 points de pourcentage respectivement, mais significatif statistiquement. Cependant, les résultats pour la Finlande et la Corée du Sud indiquent des écarts encore plus faibles, mais non significatifs statistiquement. Ces résultats peuvent refléter le niveau d’exposition à l’enseignement plus ou moins grand des futurs enseignants dans le cadre de la formation initiale, et/ou les différents niveaux de soutien offert aux nouveaux enseignants pour qu’ils bénéficient de formation continue.

Besoins en développement professionnel des nouveaux enseignants

11Un nombre croissant de travaux de recherche s’intéresse aux compétences, aux connaissances et aux valeurs nécessaires aux élèves et aux enseignants pour s’épanouir dans des sociétés de plus en plus complexes (Lauermann, 2015). Le défi pour les décideurs politiques, les établissements de formation des enseignants et les autorités éducatives est de faire en sorte qu’il y ait une étroite correspondance entre le contenu des programmes de formation initiale des enseignants et les réalités auxquelles ceux-ci seront confrontés en classe. De toute évidence, plus la théorie et la pratique seront alignées, plus les enseignants se sentiront prêts à enseigner.

12Dans l’enquête TALIS 2013, les enseignants étaient également interrogés sur leurs besoins spécifiques de développement professionnel dans quatorze domaines. Les enseignants étaient invités à indiquer leur niveau de besoin – « pas de besoin pour le moment », « niveau de besoin faible », « niveau de besoin modéré », « niveau de besoin élevé » – concernant : l’enseignement adapté aux élèves à besoins éducatifs particuliers ; le comportement des élèves et la gestion de classe ; les approches pour un apprentissage individualisé ; les compétences pédagogiques dans la ou les matière(s) enseignée(s) ; les nouvelles technologies en milieu de travail ; les pratiques d’évaluation des élèves ; le conseil et l’orientation professionnelle des élèves ; les compétences en technologies de l’information et de la communication (TIC) pour l’enseignement ; l’enseignement en contexte multiculturel ou multilingue ; l’enseignement des compétences transversales (par exemple, la résolution de problèmes, l’« apprendre à apprendre ») ; les approches pour développer les compétences interprofessionnelles ; la connaissance et la compréhension de la matière enseignée ; la gestion et l’administration scolaires ; la connaissance du curriculum. Le graphique 3, qui présente les pourcentages d’enseignants nouveaux et expérimentés ayant exprimé des niveaux élevés de besoin de développement professionnel dans chacun de ces domaines, illustre très clairement les besoins spécifiques des enseignants débutants par rapport à ceux de leurs collègues plus expérimentés.

13Sans surprise, les nouveaux enseignants ont indiqué des niveaux de besoin de développement professionnel plus importants que les enseignants expérimentés dans la plupart des domaines, en particulier en ce qui concerne les comportements des élèves et à la gestion de classes, et les compétences pédagogiques dans la ou les matière(s) enseignée(s). Cependant, dans deux domaines – les nouvelles technologies en milieu de travail et les compétences en TIC pour l’enseignement –, les enseignants plus expérimentés ont indiqué des besoins plus importants que les nouveaux enseignants.

Graphique 3. Besoins de développement professionnel des enseignants nouveaux et expérimentés

Pourcentage des enseignants nouveaux et expérimentés ayant indiqué un besoin de développement professionnel élevé dans les 14 domaines.

Source : OCDE (2013), Teaching and Learning International Survey (TALIS): 2013 complete database [http://stats.oecd.org/​index,aspx?datasetcode=talis_2013%20].

Connaissance des contenus et compétences pédagogiques dans la ou les matière(s) enseignée(s)

14Conformément aux résultats de la section précédente, dans tous les pays à l’exception de l’Estonie et de la Malaisie, les nouveaux enseignants ont plus fréquemment indiqué des besoins de développement professionnel élevés en matière de compétences pédagogiques que de connaissance et de compréhension des matières enseignées. En fait, le domaine de la connaissance et de la compréhension des matières enseignées est celui pour lequel les nouveaux enseignants sont les moins susceptibles d’exprimer d’importants besoins de développement professionnel, après la connaissance du curriculum (11 %) et la gestion et l’administration scolaires (11 %). En moyenne dans l’ensemble des pays et économies de TALIS 2013, 16 % des nouveaux enseignants ont indiqué des besoins élevés d’amélioration de leurs compétences pédagogiques dans les matières qu’ils enseignent, contre seulement 12 % pour la connaissance et la compréhension des matières (les différences sont statistiquement significatives). Cet écart était particulièrement frappant au Japon et à Shanghai (Chine), où 71 % et 51 % des nouveaux enseignants, respectivement, ont indiqué des besoins élevés de développement de leurs compétences pédagogiques. En outre, dans la plupart des pays, l’écart entre les enseignants nouveaux et expérimentés était en moyenne deux fois plus important pour les compétences pédagogiques que pour la connaissance et la compréhension de la ou des matière(s) enseignée(s).

Enseignement adapté aux élèves à besoins éducatifs spécifiques

15L’enseignement adapté aux élèves à besoins éducatifs spécifiques a été le plus fréquemment cité par les nouveaux enseignants comme domaine où il existe un besoin élevé de développement professionnel : en moyenne, plus d’un nouvel enseignant sur quatre a exprimé un besoin élevé de développement professionnel dans ce domaine, et autour de 50 % de l’ensemble des nouveaux enseignants au Brésil, au Japon et au Mexique. Dans vingt des pays ou économies de l’enquête TALIS 2013, dont l’Alberta (Canada), la Finlande, Israël, la Nouvelle-Zélande et la Norvège, l’enseignement adapté aux élèves à besoins éducatifs spécifiques s’est classé premier parmi les quatorze domaines. Un enseignant expérimenté sur cinq, en moyenne, a indiqué un besoin élevé de développement professionnel en matière d’enseignement adapté à ces élèves. Le besoin élevé de développement professionnel perçu par tous les enseignants dans ce domaine indique clairement qu’il est urgent d’améliorer la capacité des enseignants à accompagner ce type d’élèves dans l’environnement habituel de classe.

Comportement des élèves et gestion de classe

16Le comportement des élèves et la gestion de classe constituent le second domaine le plus fréquemment cité par les nouveaux enseignants en termes de besoin de développement professionnel élevé ; et il est intéressant de constater que c’est dans ce domaine également que l’écart entre les besoins déclarés des enseignants nouveaux et expérimentés est le plus important. Ainsi, 21 % des nouveaux enseignants ont exprimé des besoins élevés de développement professionnel dans ce domaine, contre 12 % chez les enseignants plus expérimentés. Cela suggèrerait que le comportement des élèves et les problématiques de gestion de classe demeurent des défis particuliers pour les enseignants ayant moins d’expérience, notamment en Australie, en République tchèque, en Estonie, dans les Flandres (Belgique), en Islande, en Lettonie, en Pologne et à Singapour.

Compétences en TIC pour l’enseignement et nouvelles technologies en milieu de travail

17Près de 20 % des enseignants expérimentés ont exprimé un besoin de développement professionnel élevé en matière de compétences en TIC pour l’enseignement, contre seulement 14 % chez les nouveaux enseignants. L’écart entre les deux groupes était statistiquement significatif dans 21 pays et économies de l’enquête. Ce résultat n’est guère inattendu : de plus en plus de membres de la génération du millénaire font leur entrée dans la profession enseignante et sont, pour la plupart, rompus à l’usage des nouvelles technologies et des réseaux sociaux. Au Japon cependant, 31 % des nouveaux enseignants ont indiqué un besoin de développement professionnel élevé en matière de compétences en TIC pour l’enseignement, ce qui représente plus du double de la moyenne TALIS, contre 25 % des enseignants expérimentés. En ce qui concerne les nouvelles technologies en milieu de travail, 15 % des nouveaux enseignants ont exprimé un besoin de développement professionnel élevé, contre 19 % pour les enseignants expérimentés, l’écart étant statistiquement significatif.

Autres résultats notables

18En dehors des domaines usuels mentionnés ci-dessus, les enseignants interrogés dans l’enquête TALIS 2013 ont exprimé des besoins de développement professionnel variés. Par exemple, en Malaisie (53 %) et en Suède (23 %), les nouveaux enseignants ont indiqué les pratiques d’évaluation des élèves comme le domaine dans lequel le développement professionnel était le plus nécessaire, comparé à la moyenne TALIS de 15 %. En France (73 %) et en Corée du Sud (49 %), l’orientation professionnelle et le conseil des élèves étaient pointés par les nouveaux enseignants comme la problématique la plus pressante en matière de développement professionnel. Aux Pays-Bas, un quart des nouveaux enseignants ont exprimé un besoin de développement professionnel élevé dans le domaine des approches pour un apprentissage individualisé, le taux le plus important parmi les quatorze domaines dans le pays. Il est également intéressant de noter que certains pays ont systématiquement indiqué des niveaux de besoin élevés ou faibles dans tous les domaines. Par exemple, en Angleterre (Royaume-Uni), la proportion de nouveaux enseignants exprimant un besoin de développement professionnel élevé dépassait 5 % dans quatre domaines seulement, tandis qu’au Japon, plus de 50 % des nouveaux enseignants ont exprimé des besoins de développement professionnel élevés dans cinq des quatorze domaines. Ces résultats peuvent être influencés par des facteurs ayant trait à l’attractivité sociale et au contexte spécifique en matière de formation des enseignants dans ces pays.

Implications en termes de politiques publiques

19Ces résultats donnent un aperçu de la manière dont les nouveaux enseignants perçoivent leur niveau de préparation aux différents aspects de l’enseignement – contenu, pédagogie, pratique – et des domaines dans lesquels ils ressentent le plus grand besoin d’approfondir leurs connaissances et leurs compétences dans le cadre de leur développement professionnel. Nous présentons dans ce qui suit certaines implications possibles de ces résultats en termes de formation initiale des enseignants et de politiques publiques correspondantes, en vue d’éclairer les décideurs politiques, les établissements de formation des enseignants et les autorités éducatives sur la manière de concevoir des programmes qui permettent à la fois de former des enseignants sûrs de leurs capacités et de les accompagner efficacement.

Lier connaissance des contenus et compétences pédagogiques

20L’analyse conduite révèle que les nouveaux enseignants se sentent moins bien préparés à la pédagogie qu’aux contenus de la ou les matière(s) qu’ils enseignent. De même, l’écart entre la proportion d’enseignants nouveaux et expérimentés ayant indiqué des besoins de développement professionnel élevés en matière de compétences pédagogiques était bien plus important qu’en matière de connaissance du contenu. Ces résultats suggèrent que, dans de nombreux pays, les établissements de formation des enseignants ont sans doute eu tendance à privilégier excessivement la connaissance du contenu plutôt que l’équilibre entre les différents types de savoirs : la connaissance des contenus d’enseignement, les connaissances pédagogiques et les connaissances nouvelles émergeant des sciences de l’éducation ou d’approches multidisciplinaires. S’il est bien entendu essentiel pour les enseignants de maîtriser pleinement le contenu des matières qu’ils enseignent, il a cependant été démontré qu’accroître leur connaissance des contenus n’avait pas d’impact direct sur la qualité de l’enseignement, alors qu’améliorer leurs connaissances pédagogiques en avait un (Baumert et al., 2010). C’est pourquoi la réforme des programmes de formation des enseignants devrait s’inspirer des résultats de la recherche empirique, afin de véritablement doter les futurs enseignants des connaissances pédagogiques appropriées, en plus de la connaissance des contenus.

Offrir une expérience pratique de qualité aux futurs enseignants

21Parmi les trois domaines principaux de l’enquête TALIS 2013 – contenu, pédagogie et pratique –, la pratique en classe est celui pour lequel l’écart dans les niveaux de préparation perçus entre enseignants nouveaux et expérimentés était le plus important. Il s’agit à l’évidence de l’aspect le plus difficile à maîtriser à travers la seule formation pour un grand nombre d’enseignants novices. Les domaines dans lesquels la plupart des nouveaux enseignants ont signalé d’importants besoins de développement professionnel sont également liés à des compétences pratiques ; par exemple, l’enseignement adapté aux élèves ayant des besoins spéciaux, le comportement des élèves et la gestion de classe ou encore les approches pour l’apprentissage individualisé. Bien que les programmes de formation des enseignants prévoient, dans de nombreux pays, des stages afin d’améliorer l’expérience pratique des enseignants en formation, une expérience de terrain insuffisante peut avoir conduit les nouveaux enseignants à exprimer des besoins importants de développement professionnel dans ces domaines. Les données actuelles de l’OCDE montrent que la durée des expériences pratiques varie grandement selon les pays. Dans certains pays, les enseignants en formation ont peu l’occasion d’avoir une expérience pratique d’enseignement (OCDE, 2014a). Mais le simple fait d’augmenter la durée du stage est insuffisant pour les enseignants en formation. L’un des aspects essentiels d’une expérience pratique de qualité est de veiller à ce que des enseignants tuteurs proactifs puissent fournir des retours d’expérience utiles aux futurs enseignants (Ulvik et Smith, 2016). C’est pourquoi des modèles de formation dits « empiriques » ont vu le jour, comme le modèle de résidence scolaire aux États-Unis ou celui de la formation initiale enseignante centrée sur l’école au Royaume-Uni, qui offrent aux futurs enseignants une expérience à l’école plus intensive et une préparation pratique supervisée par des enseignants tuteurs.

Concevoir des stratégies d’intégration et de développement professionnel reflétant les besoins des nouveaux enseignants

22Cette analyse a également mis en évidence les besoins de développement professionnel distincts des nouveaux enseignants, qui devraient, dans un souci d’efficacité, être pris en compte dans la conception des politiques concernant les enseignants. En effet, selon l’enquête auprès des chefs d’établissement menée dans le cadre de TALIS 2013, 34 % des enseignants exercent dans des établissements où il n’existe pas de programme d’intégration formel, et seuls 22 % des enseignants travaillent dans des établissements offrant un programme formel d’intégration aux nouveaux enseignants. En outre, 26 % des établissements ne disposent pas non plus de dispositif de tutorat, et seuls 27 % des enseignants exercent dans des établissements où il existe un programme de tutorat dédié aux nouveaux enseignants (OCDE, 2014a). Tous les enseignants n’ont donc pas accès à des dispositifs d’intégration ou de tutorat en bonne et due forme et, lorsque ces derniers existent, ils sont de portée limitée. Afin de mieux soutenir le perfectionnement et le développement des nouveaux enseignants, les décideurs politiques, les établissements de formation des enseignants et les autorités éducatives devraient travailler ensemble pour élaborer des programmes cohérents fondés sur une compréhension précise des besoins, des défis et des priorités des nouveaux enseignants.

  • 5 . L’auteure exprime sa profonde et sincère gratitude à ses collègues de l’OCDE : Pablo Fraser, Hann (...)

23Bien entendu, les nouveaux enseignants peuvent tout à fait parvenir à améliorer leur compréhension de l’enseignement et de l’apprentissage par essais successifs et tâtonnements. Mais ils pourraient débuter leurs carrières de manière plus assurée si des politiques publiques permettant une meilleure préparation à l’enseignement étaient mises en œuvre. Afin d’aider les nouveaux enseignants à relever les différents défis qui les attendent et de les doter de la juste mesure de connaissances et de compétences, les décideurs politiques doivent mieux comprendre leurs besoins afin de prioriser les ressources. La mise en œuvre de politiques publiques favorisant l’épanouissement professionnel des nouveaux enseignants permettrait également un développement professionnel continu plus harmonieux des enseignants tout au long de leur carrière5.

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Bibliographie

BAUMERT J. et al. (2010) : « Teachers’ mathematical knowledge, cognitive activation in the classroom, and student progress », American Educational Research Journal, vol. 47/1, p. 133-180.

CAPRARA G.V. et al. (2006) : « Teachers’ self-efficacy beliefs as determinants of job satisfaction and students’ academic achievement: A study at the school level », Journal of School Psychology, vol. 44/6, [en ligne] [http://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1016/j.jsp.2006.09.001].

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LAUERMANN F. (2015) : « Teacher motivation research and its implications for the instructional process. A technical report and recommendations for an international large-scale assessment of teachers’ knowledge and professional competencies », internal document EDU/CERI/CD(2015)4 accompanying the ITEL-Phase II progress report, OCDE, Paris.

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ULVIK M., SMITH K. (2011) : « What characterises a good practicum in teacher education? », Education Inquiry, vol. 2/3, p. 517-536.

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Notes

1 . Teaching and Learning International Survey en anglais. (NdT)

2 . L’enquête TALIS 2013 définit l’enseignant comme « une personne dont l’activité première ou principale dans l’établissement consiste à enseigner, c’est-à-dire à dispenser des cours à des élèves » (OCDE, 2014b). Cette définition comprend donc les enseignants travaillant auprès d’enfants ayant des besoins éducatifs spécifiques (contrairement à TALIS 2008) et, dans cette définition, les enseignants peuvent également partager leur temps d’enseignement entre plusieurs établissements. Les auxiliaires d’éducation, le personnel de soutien médical et social, le personnel de soutien pédagogique, tels que les documentalistes ou les conseillers d’orientation ne sont pas inclus dans cette définition, de même que les enseignants suppléants, remplaçants ou occasionnels, ceux qui s’occupent exclusivement de la formation des adultes et les enseignants en congé de longue durée.

3 . L’enquête TALIS est basée sur des données déclaratives. L’information collectée est donc subjective et reflète les opinions et les perceptions des participants. De plus, pour comparer précisément les échelles et indices internationaux, il faut prendre en compte le fait que le contexte culturel et divers facteurs individuels peuvent avoir entraîné des niveaux de fréquence ou de validation différents dans les réponses des enseignants.

4 . On a demandé aux enseignants d’arrondir leur expérience professionnelle à un entier. L’échantillon des « nouveaux enseignants » comprend donc en fait les enseignants ayant moins de 3,5 années d’expérience. Plus de 10 000 enseignants correspondent à cette définition dans les pays et économies de TALIS 2013.

5 . L’auteure exprime sa profonde et sincère gratitude à ses collègues de l’OCDE : Pablo Fraser, Hannah von Ahlefeld, Kjetil Helgeland, Emily Groves, Noémie Le Donné, Inhoi Heo et Karine Tremblay, pour leurs commentaires perspicaces, l’assistance technique et le soutien éditorial qu’ils lui ont apportés, et qui ont grandement contribué à cette recherche.

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Table des illustrations

Crédits Source : OCDE (2013), Teaching and Learning International Survey (TALIS): 2013 complete database [http://stats.oecd.org/​index,aspx?datasetcode=talis_2013%20].
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/docannexe/image/5833/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 180k
Crédits Source : OCDE (2013), Teaching and Learning International Survey (TALIS): 2013 complete database [http://stats.oecd.org/​index,aspx?datasetcode=talis_2013%20].
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/docannexe/image/5833/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 340k
Crédits Source : OCDE (2013), Teaching and Learning International Survey (TALIS): 2013 complete database [http://stats.oecd.org/​index,aspx?datasetcode=talis_2013%20].
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/docannexe/image/5833/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 224k
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Pour citer cet article

Référence papier

Yoon Young Lee, « Préparation au métier des nouveaux enseignants et besoins en développement professionnel »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 74 | 2017, 125-137.

Référence électronique

Yoon Young Lee, « Préparation au métier des nouveaux enseignants et besoins en développement professionnel »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 74 | avril 2017, mis en ligne le 01 avril 2019, consulté le 09 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/5833 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ries.5833

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Auteur

Yoon Young Lee

Yoon Young Lee est consultante pour l’étude sur la formation initiale des enseignants de l’OCDE (Initial Teacher Training Preparation [ITP] Study). Avant de rejoindre l’OCDE, elle a été enseignante dans le secondaire en Corée du Sud. Elle a obtenu un master en leadership éducatif à l’Université de Jyväskylä (Finlande). Son mémoire « Le leadership pédagogique pour soutenir le développement des nouveaux enseignants » explorait les caractéristiques du leadership scolaire et les stratégies de soutien aux nouveaux enseignants. De nationalité coréenne, elle détient également un diplôme d’enseignement en sciences sociales et géographie. Courriel : YoonYoung.LEE@oecd.org

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