Navigation – Plan du site

AccueilNuméros71Dossier - Formation professionnel...Un besoin mondial d’enseignement ...

Dossier - Formation professionnelle et employabilité

Un besoin mondial d’enseignement supérieur professionnel court

L’exemple du Maroc
A global need for short-cycle vocational higher education. The example of Morocco
La necesidad mundial de educación superior profesional corta. El ejemplo de Marruecos
Zayer El Majid
p. 123-132

Résumés

Malgré des difficultés persistantes, le système d’enseignement supérieur professionnel court au Maroc bénéficie aujourd’hui d’un climat favorable car il répond en partie à des besoins d’une économie en constante évolution et permet, dans un contexte de fort chômage des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, d’offrir des opportunités d’emploi et d’insertion aux sortants. Le pays s’est engagé dans un processus continu de réformes politiques, économiques et sociales avec le déploiement de plans stratégiques sectoriels. La formation professionnelle doit encore relever quelques défis : la réorganisation de la politique d’orientation et d’information destinée aux jeunes et à leurs familles ainsi que la mise en place d’un observatoire des emplois et des qualifications.

Haut de page

Texte intégral

1Une dizaine d’années après la traduction de la Charte de l’éducation et de la formation au Maroc (Royaume du Maroc, 1999) en mesures d’application (textes de loi et décrets) adoptées par le parlement, il paraît légitime aujourd’hui d’en mesurer les résultats quantitatifs et qualitatifs.

2La réforme a-t-elle rempli tous les objectifs qu’on lui avait assignés ? A-t-elle répondu à tout ou partie des attentes des Marocains ? Faut-il réformer la réforme ou s’accommoder de quelques retouches apportées ici et là en fonction des vicissitudes politiques ? Ces interrogations vont jalonner cette contribution et renverront sans doute à un précédent article publié par la Revue internationale d’éducation de Sèvres (El Majid, 2003).

3Nous consacrons cet article plus particulièrement à l’enseignement supérieur professionnel court et à l’employabilité au Maroc. Nous y traitons de l’évolution du système d’éducation et de formation, de ses missions, de sa gouvernance et de ses capacités à s’adapter aux changements d’une économie mouvante, d’une complexité croissante, ainsi qu’aux nouvelles exigences que lui impose le marché de l’emploi. Notons au passage que le système d’éducation et de formation est encore traversé par des courants qui privilégient la continuité au lieu d’anticiper les changements pédagogiques, technologiques et économiques.

4À l’instar de plusieurs systèmes dans le monde, le système d’éducation et de formation au Maroc reste caractérisé par son inertie et par un certain conservatisme.

5Plus les changements sont rapides et urgents, plus les pédagogues se raidissent sur des positions presque dogmatiques, de peur de se voir submergés par les innovations imposées par les contraintes internes et externes au système. Pourtant, sans qu’elle y prenne garde, cette communauté de pédagogues est déjà en train de composer avec les intrus que sont les moyens audiovisuels et multimédia (radio, télévision, presse, Internet, réseaux sociaux, etc.) sans compter les opérateurs et fournisseurs privés de cours en présentiel ou en ligne.

6Au sein de cette communauté frileuse, les formateurs de l’enseignement technique et professionnel constituent peut-être une exception. La raison en est que, depuis plus de vingt ans, on y est convaincu que la formation doit précéder les technologies et les machines. D’où le succès des formations continues destinées aux formateurs de l’enseignement technique et professionnel et aux personnels des entreprises.

7De grandes questions demeurent toutefois sans réponse, alors que les lauréats de l’enseignement technique et professionnel court ont de meilleures chances d’insertion sur le marché de l’emploi que les autres. Ces formations restent peu ou pas assez prisées par une jeunesse pourtant à la recherche d’une intégration sociale, à laquelle le travail représente une première porte d’accès.

  • 1  Pacte Émergence industrielle (ministère de l’industrie), plan Maroc vert (ministère de l’agricultu (...)

8Dans cet article, nous proposons quelques rappels des objectifs que la réforme avait fixés au système ainsi que du niveau de leur réalisation. Un traitement particulier sera réservé à l’enseignement professionnel supérieur court en rapport avec l’employabilité. Il y sera question de pilotage et de gouvernance, d’orientation, d’implication ou non des opérateurs économiques, sans oublier la capacité du système à répondre aux différents besoins en ressources humaines clairement exprimés par les différentes stratégies sectorielles1.

Évolution de l’éducation et de la formation au Maroc

9Les objectifs fixés par la Charte de l’éducation et de la formation (2000) étaient les suivants :

  • une proportion de 50 % des personnes professionnellement qualifiées arrivant chaque année sur le marché du travail à l’horizon 2010, alors qu’en 2000 elles n’étaient que 20 % ;

  • une formation par apprentissage de 10 000 jeunes à partir de 2000, 40 000 jeunes à partir de 2005 et 60 000 en 2010 ;

  • une formation alternée de 12 000 jeunes à partir de 2000 et 30 000 à partir de 2005 ;

  • l’orientation vers les branches scientifiques techniques et professionnelles des deux tiers de l’effectif total de l’enseignement secondaire et supérieur ;

  • un développement de l’appareil de formation, dont les effectifs globaux des stagiaires, tout mode de formation confondus, passeraient de 149 600 en 2000 à 360 600 en 2011 ;

  • la mise sur le marché du travail de 170 000 personnes diplômées ou qualifiées à l’horizon 2011 contre 72 000 en 2000 ;

  • le doublement des effectifs des lauréats des sections de brevets de techniciens supérieurs ;

  • la mise en place du baccalauréat professionnel.

10En ce qui concerne les réalisations sur la période 2000-2013 (CSEFRS, 2014), on assiste à une augmentation du taux de scolarisation spécifique des enfants de 6 ans (+ 28,6 points) passant de 66,4 à 95,1 %. C’est une avancée remarquable. Toutefois, ceci ne doit pas cacher des taux de décrochage qui restent importants, notamment en milieu rural. Car même si l’école est obligatoire, il n’y a ni mesures contraignantes ni sanctions pénales prévues à l’encontre des parents ou des tuteurs qui n’y maintiennent pas les enfants. De ce fait, plusieurs jeunes restent en marge de l’école, sans la moindre qualification. Le processus de formation par apprentissage, qui intervient un peu plus tard, exigerait toujours un minimum de connaissances de base. Dans l’ensemble, des progrès importants ont été accomplis en matière d’éducation et de formation au niveau quantitatif et même qualitatif, notamment en matière de scolarisation des filles (dont le nombre est quasi équivalent à celui des garçons, avec 49,5 % du total). Ce même accroissement des effectifs s’est retrouvé ensuite dans l’enseignement collégial et secondaire, au point qu’on parle d’une massification qui touche jusqu’à l’enseignement supérieur. C’est ainsi que le nombre de bacheliers est passé de 90 362 en 2000 à 193 252 en 2013, soit un accroissement annuel moyen de l’effectif des bacheliers de l’ordre de 6 %. En 2013, 49 % des bacheliers étaient issus de la filière de sciences expérimentales. Entre 2000 et 2013, les bacheliers techniques ont affiché le plus fort taux de croissance annuel moyen (17,8 %), passant de 1 676 à 14 125 bacheliers. Enfin, entre 2001 et 2013, le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur est passé de 311 349 à 715 943 ; le nombre d’étudiants en formation professionnelle post-bac a connu le plus grand taux d’accroissement (+ 18,2 % en moyenne par an), passant de 10 619 en 2000 à 93 671 en 2013.

La formation professionnelle

11L’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) reste le grand opérateur de la formation professionnelle publique au Maroc (tous modes de formation confondus), avec 310 000 stagiaires en formation en 2013 et 370 000 en 2014. Entre 2000 et 2011, on note une augmentation des effectifs de diplômés par mode de formation résidentielle et alternée, qui passent de 65 862 à 132 045. Entre 2001 et 2010, les effectifs des lauréats de la formation par apprentissage sont passés de 787 à 18 065 lauréats.

Le Programme d’urgence 2008-2012

12Il importe de signaler qu’entre la mise en œuvre de la Charte de l’éducation et de la formation en 2000 et l’évaluation du système réalisée par l’instance nationale de l’évaluation en 2013, il y a eu la mise en place d’un Programme d’urgence qui a apporté les moyens financiers nécessaires pour résorber les déficits, rattraper les retards et accélérer la réalisation des objectifs préconisés par la Charte, voire en soutenir de nouveaux (MENESFCRS, 2008).

13Entre 2000 et 2013, le Maroc a adopté le système européen LMD lorsqu’il a intégré le processus de Bologne. Son système d’enseignement supérieur s’est rapproché de l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Parmi les objectifs assignés à l’enseignement supérieur par le programme d’urgence, on trouve :

  • l’amélioration du rendement interne de l’enseignement supérieur et l’employabilité de ses lauréats sur le marché du travail ;

  • le développement d’une offre d’enseignement supérieur adaptée aux besoins du marché de l’emploi, notamment avec la mise en place et le développement des licences professionnelles ; dans ces licences, des modules sont dispensés par des professionnels et orientés vers les secteurs en pénurie de main d’œuvre (techniciens et cadres moyens) ;

  • le développement d’une offre de formation technique et professionnalisante, avec le doublement de la capacité d’accueil des BTS, DUT et licences professionnelles en 2012 ;

  • la mise en place d’un système d’information et d’orientation efficient.

Principaux constats

14Le pilotage politique du système d’éducation et de formation au Maroc demeure marqué par une départementalisation, hormis le timide rapprochement de l’enseignement scolaire et de la formation professionnelle au sein du même ministère. L’enseignement supérieur est placé aujourd’hui sous une autre tutelle. Ceci se traduit sur le terrain par une faible coordination entre les universités, les académies régionales de l’éducation et de la formation et les représentations régionales de l’OFPPT, alors que les textes prévoient que ces institutions soient toutes représentées dans les différentes instances de gouvernance. À croire que des résistances au changement s’opposent toujours à la mise en place d’un pilotage cohérent, à même de répondre à l’attente et aux sollicitations de la société marocaine, au moment où celle-ci connaît de grandes mutations. On assiste à une croissance soutenue de la population urbaine et à une augmentation continue des besoins en scolarisation. Le système d’éducation et de formation doit tenir compte de ces changements, qui auront inéluctablement des répercussions sur les attentes d’une jeunesse qui aspire à devenir autonome et appréhende les difficultés de l’entrée sur le marché de l’emploi. Ce dernier a, du fait de la mondialisation, élevé le niveau des compétences professionnelles qu’exige un secteur économique national aspirant à promouvoir sa place sur le marché mondial ainsi que la montée d’une économie basée de plus en plus sur le savoir et les technologies nouvelles.

15Aujourd’hui, on peut dire que la mise en œuvre de la Charte de l’éducation et de la formation, d’une part, et du Programme d’urgence d’autre part, ont contribué en partie à répondre à certaines attentes et réduire quelques déficits. Néanmoins, malgré tous les efforts déployés, des difficultés persistent notamment en matière de qualification et d’insertion professionnelle des jeunes diplômés.

16Comme nous nous limitons à l’enseignement supérieur professionnel court et à l’employabilité dans cet article, il nous paraît intéressant de dérouler ce constat en ce qui concerne l’insertion professionnelle, le rôle de la formation professionnelle dans le système éducatif, le métier d’enseignant, la professionnalisation et l’employabilité, l’instauration du système LMD dans l’enseignement supérieur et enfin l’orientation pédagogique éducative et professionnelle (MENESFCRS, 2008).

L’insertion professionnelle

17Selon les données disponibles, résultats des enquêtes réalisées annuellement par le Haut commissariat au plan, les diplômés des facultés (établissements à accès ouvert) connaissent un taux de chômage élevé depuis le début de la décennie (23,4 % en 2011). Cependant, ces données ne permettent pas de mesurer le niveau de correspondance entre les qualifications des diplômés et les emplois occupés ; encore moins de fournir une précision sur les niveaux de diplômes, les filières ou les établissements les plus touchés par ce chômage.

18L’analyse des données sur les sortants du système éducatif, de la formation professionnelle ainsi que celles d’une enquête sur l’insertion professionnelle réalisée auprès des diplômés de deux universités font ressortir quelques constats importants : l’insertion s’avère très difficile pour les jeunes qui décrochent avant la fin du cycle de la scolarité obligatoire. Qu’il s’agisse du primaire ou du collégial, seulement une infime partie trouve une place dans le système de formation professionnelle.

19Concernant la formation professionnelle et malgré son extension, son mode essentiellement résidentiel en limite l’impact et les opportunités d’insertion pour les jeunes stagiaires. Pour les sortants des niveaux supérieurs, les chances d’insertion sont plus grandes. Le sortant de niveau baccalauréat reste celui qui a le plus de chances d’accéder à une formation alternative diplômante (niveau technicien), tandis que quelque 40 % des sortants du secondaire qualifiant peuvent entreprendre une formation de niveau qualification.

20Quant aux diplômés de la formation professionnelle de niveau supérieur (technicien, technicien spécialisé), ils sont mieux insérés que leurs homologues de niveau inférieur après 48 mois.

21Pour les diplômés de l’enseignement supérieur, la moyenne de la durée d’attente pour trouver un emploi après 34 mois est de 4 mois après obtention du diplôme, avec toutefois des disparités entre les diplômes et les établissements. En règle générale, les difficultés d’insertion ont tendance à s’estomper au fur et à mesure que le niveau de l’éducation et de la formation s’élève.

Rôle de la formation professionnelle

22La formation professionnelle est une composante importante du système d’éducation et de formation au Maroc. Elle dispose aujourd’hui d’une longue expérience en matière de qualification. Elle a développé un double dispositif de formation initiale et de formation continue qui représente un double atout :

  • une réponse à une demande sociale de réintégration professionnelle des jeunes sortant du système éducatif pour les qualifier pour un métier ;

  • une intervention au niveau de la formation professionnelle initiale et continue pour répondre aux besoins des entreprises et d’une économie en plein essor en ressources humaines qualifiées. Les acquis de ce secteur demandent à être affirmés pour renforcer l’articulation avec l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur.

Une évolution du rôle et de la formation des enseignants

23Le métier d’enseignant connaît des évolutions au Maroc comme dans de nombreux pays. Il est en train de passer d’un rôle de transmetteur de connaissances, disponibles et abondantes aujourd’hui sur Internet, à celui d’animateur, de tuteur du e-learning et d’encadrant qui initie les étudiants et les stagiaires aux méthodes de recherche. Rappelons que les attentes des jeunes diplômés sont focalisées sur l’obtention d’un diplôme qui leur permettra de trouver un emploi à l’issue des cycles d’études ou de formation. Ceci requiert de l’enseignant de nouvelles aptitudes, afin de pouvoir trouver un équilibre entre réflexion théorique, savoir, culture et savoir-faire scientifique, technique et pédagogique.

Professionnalisation et employabilité

24L’école marocaine est de plus en plus confrontée aux exigences du secteur économique et des attentes de la société. Cette pression implique la coordination et la convergence des départements en charge du système d’éducation et de formation ainsi que des opérateurs économiques, des entreprises et du marché de l’emploi, pour répondre à la demande sociale d’insertion.

25Le défi de la professionnalisation et de l’employabilité implique une cohérence et un partage des rôles entre le système de formation et d’éducation, le monde économique, le monde de l’entreprise et le marché de l’emploi, pour définir clairement les besoins à travers un observatoire de l’emploi.

Instauration du LMD dans l’enseignement supérieur

26Ce système a été mis en place de façon progressive depuis la rentrée universitaire 2003-2004. D’abord introduit dans les établissements à accès ouvert, il a ensuite été adopté dans les établissements à accès régulé et les formations médicales. Les programmes d’étude sont conçus sous forme de modules et de filières, ce qui permet, en principe, d’adapter l’offre de formation à l’évolution des besoins de l’économie et de la société à travers l’évaluation et l’accréditation continue des filières.

27Le système LMD a également permis de diversifier les formations. Ainsi, le nombre de filières professionnelles a été multiplié par 20, passant de 65 filières en 2005-2006 à 1 264 en 2013-2014.

28La mise en place des licences professionnelles est de nature à offrir, entre autres, des possibilités d’accès à l’enseignement universitaire aux étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles, des classes de brevets de technicien supérieur (délivrés par l’éducation nationale) ainsi qu’aux titulaires du diplôme de technicien spécialisé délivré par l’OFPPT.

29Même si la réforme LMD présente des aspects positifs en termes de rénovation et de professionnalisation des filières, elle s’est heurtée à la réalité des établissements à accès non régulé, caractérisés par le sureffectif des étudiants.

Orientation éducative et professionnelle

30Bien que la Charte considère l’orientation comme faisant partie intégrante du processus d’éducation et de formation qui accompagnera et facilitera un choix de parcours d’études mûrement réfléchi ainsi que la réorientation des apprenants, au besoin, dans les trois composantes du système (scolaire, professionnel et supérieur), ce levier important est loin d’avoir atteint ses objectifs, au point que cette orientation reste sous-encadrée et peine à répondre aux attentes des jeunes et de leurs familles.

31Qu’il s’agisse des classes préparatoires aux grandes écoles ou des BTS, qui relèvent de l’éducation nationale, ou bien des bacheliers qui accèdent aux formations professionnelles, qui relèvent de l’OFPPT, ou encore des filières techniques et professionnelles (DUT, licences professionnelles), qui relèvent de l’enseignement supérieur, les accès se font sur la base de concours après des présélections dans lesquelles l’orientation encadrée est conseillée n’a que très peu de place.

32Le taux d’affluence au niveau national, qui mesure le niveau de satisfaction de la demande sociale de formation professionnelle des jeunes, demeure encore élevé. En 2013, ce taux s’établit à 2,3 soit 173 319 places offertes contre 404 974 inscrits aux concours d’accès. Certaines filières, notamment celles relevant de l’OFPPT croulent sous la demande, particulièrement celles qui forment pour les métiers mondiaux du Maroc. Cette pression trouve son origine dans l’attractivité qu’exercent ces nouveaux métiers sur les jeunes, notamment les lycéens et les bacheliers, puisque ces filières sont souvent synonymes d’insertions professionnelles réussies.

Encadrement des stagiaires de l’OFPPT et des étudiants dans le supérieur

33L’effectif du corps enseignant de l’enseignement supérieur universitaire a connu depuis 2001 une progression de 22 %. Mais cette progression a surtout profité aux filières à accès régulé, dont l’effectif d’enseignants a progressé de plus de 54 %, alors que celui des filières à accès non régulé n’a progressé que de 8 %. Certes, le Programme d’urgence a alloué des moyens conséquents à la création de nouveaux postes d’enseignants mais la massification de l’enseignement supérieur, conjuguée à des départs à la retraite au cours des prochaines années, va nécessiter des réponses appropriées du système pour recruter de nouvelles ressources.

34Dans le secteur de la formation professionnelle publique, on note plusieurs avancées en matière d’amélioration des ressources humaines, notamment la création de centres de développement de compétences et l’établissement d’une certification des formations et des établissements. Toutefois, certaines insuffisances en matière de recrutement et de formation de formateurs demeurent. La part des vacataires reste très importante au sein des opérateurs publics et la plupart des formateurs chargés du suivi des stagiaires ne sont pas formés à la méthodologie de l’alternance.

35Sur la période du Programme d’urgence, pour laquelle des données sont disponibles, on observe un taux d’encadrement des stagiaires relativement élevé à l’OFPPT. Ce taux se situait à 28 stagiaires par classe en 2009, pour rester presque au même niveau en 2013.

Réponse aux besoins en qualification à court, moyen et long terme

36En l’absence d’un système d’orientation et d’un dispositif de tutorat efficient et même en l’absence d’un système de suivi des lauréats ou encore en l’absence d’un observatoire de l’emploi et des compétences, le système de l’éducation et de formation au Maroc a dû s’adapter, en essayant de coller et de répondre aux différentes stratégies de développement sectorielles.

37L’ensemble des grands chantiers lancés par l’État, comme le pacte Émergence industrielle, le plan Azur pour le tourisme, le plan Maroc vert pour l’agriculture, le plan Énergie, l’Initiative nationale pour le développement humain, le plan Halieutis ont tous précisé les besoins en ressources humaines à court, moyen et long terme.

38Pour répondre aux besoins de développement sectoriels, les différents départements chargés de l’enseignement supérieur professionnel court ont, en partenariat avec les acteurs socio-économiques concernés, élaboré des cursus, ouvert des filières ou développé d’autres qui existaient. À titre d’exemple et afin d’accompagner la forte croissance des secteurs mondiaux du Maroc (offshoring, automobile, aéronautique et spatial, électronique, textile et cuir, agro-alimentaire), les départements en charge de la formation se sont engagés à former, en quantité et qualité suffisantes, les ressources humaines ayant les qualifications adaptées aux besoins identifiés.

39Ils ont développé leur capacité d’accueil et multiplié les filières de formation. Les effectifs atteints cités plus haut attestent de cet effort. Ne serait-ce que pour répondre aux besoins du pacte Émergence, les universités se sont engagées à former 72 000 diplômés (cadres supérieurs, cadres intermédiaires et techniciens supérieurs). Pour cela, les effectifs des nouveaux inscrits dans les filières sciences de l’ingénieur, technologie, commerce et gestion, sciences et techniques ont été multipliés par deux à trois ; près de 25 % des étudiants du cycle licence optent pour les licences professionnelles et plus de 50 % des étudiants du cycle master optent pour les masters spécialisés.

40Le plan Azur pour le tourisme a défini dans sa vision 2020 les besoins du secteur, soit 130 000 jeunes à former. Le plan Maroc vert a fixé ses besoins à 45 000 jeunes dans 20 filières. Le plan Énergie et les autres plans ont eux aussi défini avec précision leurs besoins en ressources humaines bien formées.

*
**

41Au Maroc comme dans d’autres pays, le rôle primordial de l’éducation et de la formation est partout souligné, mais presque partout les systèmes éducatifs sont contestés. Aucun pays ne peut imposer son modèle. Certes la situation varie d’un pays à l’autre. Néanmoins, cette remise en cause générale des systèmes d’éducation et de formation montre qu’il n’y a sans doute pas de réponse miracle aux problèmes posés. Le système marocain, à l’instar des systèmes des autres pays, est toujours sujet à beaucoup d’interrogations. Comment répondre à la forte demande sociale d’éducation dans un contexte de croissance faible, alors que la population réclame plus d’éducation ? En un mot comment faire plus avec moins de moyens et un taux de chômage des jeunes élevé ? Comment s’adapter au contexte technico-économique international ? On sait que l’éducation et la formation jouent dans tous les pays un rôle de filtre pour l’acquisition de positions sociales, de même qu’il est admis que c’est aussi un facteur de développement économique essentiel. Toutefois, l’éducation à elle seule ne suffit pas à influer sur la croissance économique.

42En réalité, le remède à la crise du système éducatif et l’adaptation aux exigences de la technologie et de la mondialisation ne passe pas nécessairement par un surcroît d’éducation, mais plutôt par de nouvelles relations entre l’éducation et le monde du travail. Le Maroc, qui aspire à développer son économie, est conscient de la nécessité d’élever le niveau d’éducation de sa population pour accompagner ce développement. C’est pourquoi il s’est engagé dans un processus continu de réforme de son système d’éducation et de formation, avec la mise en œuvre de la Charte en 2000 et du Programme d’urgence en 2008. L’objectif était d’améliorer l’efficience et le rendement du système, afin qu’il réponde au mieux et au plus près des besoins du pays en pleine transition démographique.

43Quinze années après, on est toujours convaincu de la nécessité de maintenir cette dynamique de la réforme, d’où la nouvelle Vision stratégique 2015-2030, car la réforme n’a que partiellement atteint ses objectifs.

44Pour l’enseignement supérieur professionnel court, même si dans tous les pays dits émergents, il a été fortement développé et a contribué à leur essor (Brésil, Inde, Malaisie, Indonésie), au Maroc, cette composante du système a certes répondu en partie aux besoins exprimés par les différentes stratégies sectorielles mais souffre encore de quelques handicaps. Le premier handicap est la multiplicité des intervenants en matière de pilotage et de gouvernance. Le deuxième est l’absence d’une ingénierie globale, qui ne doit négliger ni la culture ni la technologie ni le savoir être et encore moins le savoir-faire. Le troisième est la non restructuration de la formation des formateurs et de la place que doivent prendre les professionnels dans l’encadrement des formations. Le quatrième est le manque criant d’un véritable système d’information et d’orientation au plus près des jeunes et de leurs familles. Enfin, le cinquième handicap est l’absence d’un observatoire national des emplois et compétences avec une mission particulière de suivi et d’insertion des lauréats du système. Car on ne peut continuer de naviguer à vue. Il est temps que la formation d’une ressource humaine nombreuse et de qualité serve de véritable levier pour drainer l’investissement et produire de la croissance et de la création de la valeur.

Haut de page

Bibliographie

Royaume du Maroc, Commission spéciale éducation formation (1999) : Charte nationale de l’éducation et de la formation [en ligne] [http://goo.gl/dO0iZo].

Royaume du Maroc, Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) (2014) : La mise en œuvre de la Charte nationale d’éducation et de formation 2000-2013. Acquis, déficits et défis, rapport analytique [en ligne] [http://goo.gl/Bvi1Cz].

EL MAJID Z. (2003) : « Un projet politique majeur », Revue internationale d’éducation de Sèvres, n° 34, p. 63-72 [en ligne] [http://ries.revues.org/1638].

Royaume du Maroc, Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifique (MENESFCRS), Rapport de synthèse du programme d’urgence 2009-2012 [en ligne] [http://goo.gl/0E6UU6].

Haut de page

Notes

1  Pacte Émergence industrielle (ministère de l’industrie), plan Maroc vert (ministère de l’agriculture), plan Azur (ministère du tourisme), plan Halieutis (ministère de l’agriculture et de la pêche maritime), Initiative nationale de développement humain (ministère de l’intérieur).

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Zayer El Majid, « Un besoin mondial d’enseignement supérieur professionnel court »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 71 | 2016, 123-132.

Référence électronique

Zayer El Majid, « Un besoin mondial d’enseignement supérieur professionnel court »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 71 | avril 2016, mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 05 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/4635 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ries.4635

Haut de page

Auteur

Zayer El Majid

Zayer El Majid est enseignant chercheur à l’École normale supérieure de l’enseignement technique de Mohammédia (Université Hassan II Casablanca, Maroc), un établissement qu’il a dirigé (1985-2000) ainsi que celui de Rabat (1998-2000). Il a été directeur de la technologie au ministère de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifiques (2004-2012). Titulaire d’un doctorat ès sciences (chimie), d’une maîtrise de sciences et techniques de fabrication et emploi des matériaux et d’un DUT de génie mécanique de l’Université de Bourgogne (Dijon), il est l’auteur de plusieurs publications et communications dans les domaines de la formation technique et professionnelle et de la formation de formateurs. Courriel : elmajidzayer@hotmail.com

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search