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Dossier - Les données en éducation

Les élèves, acteurs principaux des données en éducation en Nouvelle-Zélande

Pupils as key players in education data in New Zealand
Los alumnos, actores principales de los datos en educación en Nueva Zelanda
Brian Annan et Mary Wootton
Traduction de Sylvaine Herold
p. 125-138

Résumés

Cet article analyse trois études de cas qui illustrent un changement dans l’utilisation des données. Comment est-on passé d’une insistance sur l’application de normes quantitatives à l’utilisation de données narratives visant à promouvoir la réussite et l’épanouissement des élèves ? Ce mouvement est né de la volonté de répondre au défi majeur de l’équité en Nouvelle-Zélande, où les élèves autochtones maoris et océaniens, ainsi que ceux ayant des besoins éducatifs spéciaux, sont défavorisés par le système éducatif. Les études de cas montrent que les élèves, avec le soutien des enseignants et des familles, accroissent leurs exigences, participent à des discussions approfondies sur les données liées à l’apprentissage et influencent de manière constructive leurs environnements d’apprentissage. La prochaine étape de ce processus consiste à envisager des solutions aux autres défis contemporains, en engageant un temps de réflexion commun (whai whakaaro).

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Notes de la rédaction

Article traduit de l’anglais par Sylvaine Herold.

Texte intégral

1Ces trente dernières années, la nature, les finalités et l’éthique du recours aux données ont évolué dans le système scolaire néo-zélandais, passant d’une attention portée à des normes fixes à la mise en avant de discours positifs impliquant que tous les élèves sont capables d’un apprentissage réussi. Cet article retrace cette évolution, qui a débuté dans les années 1990. Initialement, l’accent avait été mis sur l’utilisation des données par les équipes éducatives (chefs d’établissement, personnels d’encadrement intermédiaire, enseignants et personnels de soutien) en vue d’améliorer les pratiques de direction, d’enseignement et d’apprentissage. Dans cette approche, les équipes éducatives étaient incitées à assumer la responsabilité des bons résultats des élèves néo-zélandais dans les classements de l’OCDE et à relever les défis persistants en matière d’équité. À l’échelle du système, il existait alors une confiance considérable dans la capacité des équipes éducatives à utiliser les données pour éclairer leurs pratiques.

  • 1  En 1989, la réforme des écoles de demain (Tomorrow’s School) a fait des écoles néo-zélandaises des (...)

2Cette responsabilité prépondérante des équipes éducatives provient d’une législation radicale sur l’autogestion, adoptée en 19891, en vertu de laquelle chaque établissement scolaire dispose d’un conseil d’administration communautaire (community-based governing board of trustees). Par nécessité, ces conseils ont développé des relations de confiance avec les équipes éducatives, afin que celles-ci fassent « ce qu’il faut » dans le cadre de leurs responsabilités en matière de direction, d’enseignement et d’apprentissage. Les équipes éducatives ont réagi positivement et pris les décisions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de leurs établissements. À la suite du démantèlement du département d’État à l’éducation, un nouveau ministère de l’éducation a été mis en place afin de formuler des lignes directrices pour la prise de décision dans les écoles. Par ailleurs, un Bureau de supervision de l’éducation (Education Review Office, ERO) a été créé afin de contrôler l’efficacité des décisions prises dans les établissements. Ces mécanismes de base existent toujours aujourd’hui, mais ils ont évolué, passant d’une utilisation des données visant à adapter la pratique des équipes éducatives à un partage des données entre professionnels, élèves, familles et communautés.

Relever le défi de l’équité

3La décentralisation de la prise de décision dans le système scolaire néo-zélandais a permis aux communautés de s’autonomiser et de se saisir de la responsabilité de la résolution des problèmes et de la recherche d’opportunités. Les inégalités existant au sein des écoles et des communautés ont été un moteur important de changement. La communauté autochtone maorie, en particulier, souffre de ces inégalités depuis la colonisation, et nombreux sont les Maoris qui se sentent accablés en raison des épreuves qu’ils ont traversées et du discours dominant dénigrant leur mauri ora – leur force vitale. Dans le même temps, les peuples du Pacifique qui émigraient en Nouvelle-Zélande se sont vus décrits dans des termes similaires. Ces discours négatifs, souvent intériorisés par les communautés maorie et océaniennes, ont entraîné un préjudice générationnel important. Par ailleurs, la stratégie d’éducation spécialisée de 2020 ciblait également un troisième groupe prioritaire, celui des élèves à besoins éducatifs particuliers. Ces trois groupes – les Maoris, les peuples du Pacifique et les élèves à besoins éducatifs particuliers –, étaient considérés comme défavorisés par le système et nécessitant des dispositifs de soutien conséquents en tant qu’apprenants prioritaires (ERO, 2012).

4Dans les années 1990, les initiatives d’autonomisation communautaire en faveur de ces trois groupes ont d’abord été fragmentées, la responsabilité de répondre à leurs besoins étant confiée aux conseils d’administration communautaires des écoles. Ces conseils d’administration ont à leur tour reporté cette responsabilité sur les équipes éducatives. Mais, selon le Bureau de supervision de l’éducation, les attentes des équipes éducatives étaient globalement faibles pour ces trois groupes. La plupart des personnels éducatifs croyaient alors fermement à la courbe en cloche et pensaient faire leur travail en indiquant où se situait chaque élève sur cette courbe. De leur point de vue, l’activité d’évaluation consistait simplement à placer les résultats des élèves sur la courbe et à en donner les raisons. Le Bureau de supervision de l’éducation a cherché à remettre en question la croyance des équipes éducatives dans des normes fixes, en les incitant à utiliser les données pour adapter leurs pratiques et répondre aux besoins de ces élèves. Ainsi, les résultats seraient améliorés et les capacités intrinsèques des élèves mieux exploitées.

  • 2  En Nouvelle-Zélande, la scolarité obligatoire comprend deux niveaux : le premier degré, des années (...)

5Deux périodes d’amélioration ont suivi. La première a débuté avec la mise en place d’« équipes d’amélioration de l’école » (school improvement teams), afin de répondre aux préoccupations du Bureau de supervision de l’éducation dans les communautés présentant des difficultés importantes en matière de réussite scolaire. Ces équipes se sont concentrées sur le soutien aux équipes éducatives, dans une approche fondée sur les besoins, en analysant et en utilisant des données pour identifier les tendances et leurs causes profondes. De plus, l’ensemble des écoles a bénéficié d’une multitude de lignes directrices nationales visant à améliorer les résultats de tous les élèves. Ces orientations nationales comprenaient, par exemple, un curriculum national ; une nouvelle qualification pour l’enseignement secondaire, le certificat national d’acquis éducatif (National Certificate of Educational Achievement, NCEA) ; un outil d’évaluation en ligne, appelé « e‑asTTle », pour les élèves des années 1 à 102 ; une série de synthèses sur les meilleures données probantes disponibles, ainsi que des ressources en matière de formation et de développement professionnels sur le thème de l’évaluation pour l’apprentissage. Ces efforts d’amélioration reposaient sur une approche de mise en œuvre autogérée (encadré 1).

Encadré 1. Approche de mise en œuvre autogérée

Chaque chef d’établissement, en lien avec son conseil d’administration, s’inspirait des données et des lignes directrices nationales qu’il considérait comme les plus efficaces pour son établissement. Sur cette base, les membres de la direction de l’établissement élaboraient une vision et traçaient la voie à suivre pour les enseignants, qui interprétaient ensuite cette approche à leur manière. Si ces derniers établissaient un lien entre ces données et leurs pratiques, ils procédaient à des adaptations. Dans le cas contraire, « ils retournaient dans leur salle de classe et faisaient ce qu’ils avaient toujours fait » (Wootton, 2014).

6Mais les résultats scolaires sont demeurés globalement décevants, suggérant que les enseignants ne s’intéressaient pas suffisamment au lien entre les données et les pratiques d’enseignement et d’apprentissage. Des normes nationales ont alors été introduites pour expliciter ce lien entre données et pratiques, mais cet élan n’a été que de courte durée, en raison de réactions négatives des écoles et des communautés.

  • 3  Le traité de Waitangi, signé le 6 février 1840 entre les Anglais et la plupart des chefs maoris de (...)

7Les chercheurs et les leaders maoris, qui s’étaient vivement opposés à ce qu’ils considéraient comme des approches « occidentalisées » dans cette première phase, ont finalement été entendus. Ils sont à l’origine de la seconde ère de progrès autour de méthodes d’enseignement, d’apprentissage et de direction sensibles à la diversité culturelle. Les chercheurs des communautés océaniennes et ceux s’intéressant à l’apprentissage neurodivergent leur ont emboîté le pas, en affirmant comme une priorité la nécessité de revitaliser les droits des personnes à des conditions de vie et d’apprentissage équitables. Dans cette nouvelle phase, l’utilisation des données est passée d’une approche essentiellement quantitative à une approche intégrant les données narratives. Cette nouvelle perspective encourageait les équipes éducatives à fonder leurs pratiques sur les trois principes du traité de Waitangi (Te Tiriti o Waitangi)3, à savoir : le partenariat, la participation et la protection. Le lien entre données et pratiques s’est alors résolument axé sur les relations, les voix des communautés maorie, océaniennes et des élèves à besoins spécifiques étant mises en avant. Cette approche a permis de faire passer les élèves et leurs familles de l’arrière-plan au premier plan, les données mettant désormais l’accent sur l’unité d’ensemble (Te Kotahitanga).

Encadré 2. Te Kotahitanga : l’unité d’ensemble

  • 4  Le concept maori d’ako signifie à la fois enseigner et apprendre. Il reconnaît les connaissances q (...)
  • 5  Ce concept désigne une relation fondée sur le partage d’expériences et le travail en commun, qui d (...)

Les équipes éducatives sont encouragées à établir un mana orite – c’est-à-dire une répartition équitable du pouvoir entre professionnels, mais aussi avec les élèves et leurs familles. Les voix des rangatahi – les jeunes – et de leur whānau – famille – sont écoutées en premier, afin de souligner l’importance de la culture. L’apprentissage est appréhendé à travers le concept maori d’ako4 : un processus réciproque et interactif, dialogique et en spirales. Les participants s’engagent dans les relations (whanaungatanga5) en étant connectés et engagés les uns avec les autres, afin d’établir une vision commune de ce qui constitue l’excellence éducative, à savoir Te Kotahitanga – l’unité d’ensemble. (Bishop, Berryman et Wearmouth, 2014).

8Le processus d’analyse des données a ainsi évolué, passant de l’autogestion à une gestion collective, en mettant en avant les discours positifs sur les communautés maorie, océaniennes et sur les élèves à besoins éducatifs particuliers. Cette manière de percevoir les talents, la résilience et les contributions précieuses de ces groupes prioritaires s’inspirait de l’état d’esprit positif des leaders et chercheurs issus de ces communautés – un état d’esprit moins visible dans le système scolaire et la société néo-zélandaise dans son ensemble. Les équipes éducatives ont progressivement appris à travailler en partenariat avec ces communautés, commençant ainsi à déconstruire les mentalités figées qui existaient au sein du système scolaire.

Situation actuelle

  • 6  Webinaire de l’OCDE : EduSkills OECD. (2024, 30 avril). No child left behind: Tackling the school (...)
  • 7  Aotearoa Education Collective (AEC). (2024, 27 mars). AEC Launch – The real crisis in New Zealand (...)

9La Nouvelle-Zélande est entrée dans une zone de turbulences, à mesure qu’elle s’oriente vers une responsabilité partagée en matière d’utilisation des données et d’élaboration des stratégies d’amélioration avec plutôt que pour les élèves, les familles et les communautés. Cela reflète en partie l’influence des défis de plus en plus multidimensionnels du monde moderne. De multiples théories, idéologies et approches doivent prises en compte, en sus des angoisses liées aux catastrophes planétaires. Les experts n’offrent que des conseils timides. Par exemple, les données relatives à l’assiduité et à la participation des élèves en Nouvelle-Zélande montrent que le pays se classe à la 24e position, sur 25 pays, s’agissant de l’absentéisme. Andreas Schleicher, directeur de l’éducation à l’OCDE, a émis l’hypothèse selon laquelle, dans des pays comme la Nouvelle-Zélande, les élèves ne considèrent peut-être pas le curriculum de l’école comme pertinent pour leur vie6. Au niveau national, Rebecca Jesson, professeure associée à l’université d’Auckland, invitée à débattre de la crise de l’éducation, a fait remarquer que l’influence du statut socio-économique sur l’apprentissage des élèves demeurait un point aveugle7.

10Que faire à présent ? Le soutien en faveur de la responsabilité partagée est réel en Nouvelle-Zélande : dans ce cadre, les séries de données sont utilisées par les équipes éducatives, les élèves et les familles afin de cocréer des micro-solutions, répondant à l’appel du gouvernement en faveur d’une clarté et d’une cohérence plus grandes et d’un usage plus intelligent des données. Certaines écoles sont déjà engagées dans cette voie et se trouvent revitalisées par cette vision. La section suivante présente trois études de cas portant sur un élève, une école et un réseau d’écoles œuvrant en faveur d’une responsabilité partagée de l’utilisation des données pour améliorer les pratiques d’apprentissage.

11Dans toutes ces études de cas, un outil métacognitif centré sur l’élève, dénommé les Infinity Learning Maps (cartes d’apprentissage infini) (Annan, Annan et Wootton, 2016), a été utilisé. L’objectif de cet outil est de placer les élèves au centre de l’analyse des données relatives à leur apprentissage. Les élèves réfléchissent à une situation d’apprentissage en cartographiant les personnes, les outils, les lieux et les interactions qui les aident à apprendre. Ils analysent ensuite les données écologiques de leurs cartes et réfléchissent à ce qu’ils pourraient adapter ou changer. Une fois qu’ils se sont fixé un objectif, ils sont eux-mêmes responsables de procéder à des ajustements immédiats, avec le soutien de leurs enseignants et de leurs familles.

Études de cas

Étude de cas no 1 : Te Awhitu, « en avant ! »8

  • 8  Remerciements : Clare Sevicke Jones (née Curry), enseignante, Glenda Stewart, enseignante référent (...)

12Te Awhitu est un garçon maori de 9 ans, scolarisé à l’école Rata Street School, à Lower Hutt, dans la région de Wellington. Son école fait partie d’un réseau d’écoles (Naenae Way) visant à instaurer une collaboration accrue en faveur de l’apprentissage des élèves.

13Te Awhitu a été désigné comme un élève prioritaire car les données quantitatives indiquaient qu’il avait des résultats inférieurs aux normes nationales en lecture et en écriture, et bien inférieurs en mathématiques. En dépit de ces résultats, Te Awhitu a démontré qu’il était un apprenant talentueux et qu’il était cognitivement capable de réfléchir à son apprentissage et de l’adapter. Tous les élèves de sa classe ont eu à dessiner une carte d’apprentissage infini pour les mathématiques et à analyser les données qui s’y trouvaient. L’enseignante, Miss Curry, et les élèves ont identifié un thème commun : leur apprentissage était passif (« Toutes les flèches pointent vers moi »). Les élèves ne faisaient que suivre le mouvement, au lieu d’élaborer des stratégies pour résoudre les problèmes. La priorité de changement définie par Te Awhitu, à partir de sa carte, a alors été de devenir plus actif dans son apprentissage des mathématiques, en s’engageant dans des activités mathématiques plus difficiles, afin d’améliorer ses capacités de raisonnement.

14Sur la base des données de ces cartes, Miss Curry et les autres enseignants ont modifié leurs pratiques pédagogiques pour faire de leurs élèves des apprenants actifs. Il était attendu de Te Awhitu et des autres élèves qu’ils exercent leurs capacités à agir (agency), en assumant une plus grande responsabilité dans leurs apprentissages. Les élèves ont apporté des changements significatifs dans leur façon d’apprendre en mathématiques et dans d’autres matières. Le niveau de confiance et d’énergie de Te Awhitu a dépassé les attentes. Son enregistrement vidéo représente un moment marquant pour les animateurs du réseau. Te Awhitu s’y redéfinit comme passant d’« apprenant prioritaire » à « apprenant capable cognitivement ». Il y exprime le courage et les efforts qui sont nécessaires pour penser et agir différemment9.

15Te Awhitu a opéré des changements positifs importants en lecture, écriture et mathématiques, et a acquis un niveau de confiance impressionnant pour formuler les situations d’apprentissage. Il a également développé une relation d’apprentissage plus étroite avec son père, en échangeant avec lui des idées sur l’apprentissage. Te Awhitu n’a pas été livré à lui-même au cours de ce processus. Son enseignante l’a aidé à atteindre les objectifs d’apprentissage qu’il avait lui-même définis à partir des données de sa carte, mais sans le guider dans la façon de mettre en œuvre les changements qu’il souhaitait apporter.

Étude de cas no 2 : « Report Night », conversations sur l’apprentissage

  • 10  Remerciements : Nori Parata, chef d’établissement, et Jenny Cains, responsable du développement pr (...)
  • 11  En Nouvelle-Zélande, les écoles Kura Kaupapa Māori sont des établissements scolaires d’immersion l (...)

16La Tolaga Bay Area School10 organise deux fois par an une « soirée des bulletins scolaires » (Report Night), également appelée « conversations sur l’apprentissage » (Learning Conversations). Il s’agit d’une école kura11 biculturelle pour élèves âgés de 5 à 18 ans, qui propose aussi bien l’anglais comme langue d’apprentissage qu’une immersion totale (Kahukuranui) en langue maorie. Les deux sections de l’école ont participé à cette étude de cas, qui s’intéresse à la manière dont l’école rend compte aux parents des progrès des élèves, en utilisant des données narratives plutôt que chiffrées.

17Ici aussi, les élèves ont commencé par utiliser les cartes d’apprentissage infini pour déterminer leurs propres objectifs en matière d’apprentissage et d’« apprendre à apprendre », puis pour suivre et évaluer leurs progrès, avec le soutien de leurs enseignants et de leur famille. Par ce biais, les élèves apprennent également que les données peuvent être collectées de différentes manières pour les aider à réfléchir et à s’adapter : dans des tableaux de dénombrement, à l’oral en binôme, via des ajouts à leur carte d’apprentissage infini, à travers d’autres supports visuels, blogs, vlogs, des réflexions en classe, ou le recours à des amorces pour stimuler la réflexion… Lors de la soirée des bulletins scolaires, les parents reçoivent une communication de la part du chef d’établissement, leur expliquant que les bulletins commencent par les observations des élèves en tant qu’apprenants actifs et le point de vue des enseignants sur les élèves en tant qu’apprenants actifs. En voici un exemple.

Exemple de données narratives au premier plan des bulletins scolaires

18Tolaga Bay Area School :

« L’apprentissage actif forme la base de tout apprentissage dans notre école. Les élèves ont élaboré leurs cartes d’apprentissage et défini leurs priorités de changement autour de l’idée d’être un apprenant actif. Ils ont réfléchi sur eux-mêmes en tant qu’apprenants actifs. Leurs enseignants ont également fait des observations sur les caractéristiques d’apprentissage que les élèves ont démontrées jusqu’à présent cette année ».

Voix d’élève, sur l’apprentissage actif :

« Je me remets en question pour mieux réfléchir en maths. Je réfléchis et je pense beaucoup à ce que j’apprends, surtout quand j’écris. Je m’efforce de trouver des idées intéressantes sur lesquelles écrire. J’essaie de créer et d’ouvrir mes perspectives en arts. Je suis résilient, je ne baisse pas les bras et j’essaie toujours de faire de mon mieux dans tout ce que je fais. Je suis un apprenant très actif, à tout moment et partout, parce que c’est important d’être un apprenant actif ! Ce que j’aimerais changer dans mon apprentissage, c’est que j’aimerais faire plus d’efforts en maths. Je dois réfléchir à plus de stratégies et m’améliorer dans mes tables de multiplication. »

19Un enseignant de classe, sur les caractéristiques d’apprentissage actif d’une élève :

« Savannah est une apprenante active. Elle prend la responsabilité de son propre apprentissage et se concentre toujours sur les tâches à accomplir. Savannah a un esprit curieux et se pose toujours ses propres questions pour trouver des réponses. Elle est créative et fait preuve de persévérance dans les tâches difficiles. Savannah est une élève qui écoute attentivement et est un élément important des discussions de groupe. »

20Lors de la soirée des bulletins scolaires, les élèves ouvrent la conversation en partageant leurs cartes d’apprentissage infini et en exposant leurs domaines de croissance et leurs progrès. Les parents soulignent, dans leurs commentaires, ce qui a été utile dans la conversation sur l’apprentissage de leur enfant :

« Il s’est fixé un objectif réalisable et était fier de dire qu’il avait réussi à l’atteindre. Ça fait plaisir de voir qu’il aime les maths ! »

« C’est elle qui a mené le korero [conversation], en se concentrant sur son apprentissage ; elle avait des preuves pour étayer sa priorité de changement (qu’elle était capable d’exprimer), en ayant conscience d’être valorisée et mise au défi ; sa carte d’apprentissage était clairement “la sienne”. »

Étude de cas no 3 : un réseau d’écoles explorant l’agentivité des élèves

21Quatre écoles kura ont décidé d’approfondir leur compréhension du rôle de la coagentivité (coagency), en lien avec les capacités de réflexion et d’adaptation associées au méta-apprentissage. Ces écoles font partie de la communauté d’apprentissage Waimairi-iri Kāhui Ako, dans la région de Christchurch. Le terme wai se réfère à l’eau et iri-iri au baptême/à l’immersion dans l’eau des sources des cours d’eaux locaux.

22Les directeurs et les enseignants de ces quatre écoles étaient déjà familiarisés avec les pratiques de réflexion et d’adaptation, dans le cadre de leurs propres cycles de développement professionnel. Mais l’idée que les élèves puissent prendre l’initiative de la réflexion et de l’adaptation était pour eux nouvelle et inédite.

Te Kura o Tāwera – Harewood School12

  • 12  Remerciements : Janine Kroening, enseignante référente et responsable de communauté d’apprentissag (...)
  • 13  Dans cette école, chaque équipe d’apprentissage a été baptisée d’après le nom d’un arbre néo-zélan (...)

23Tous les élèves ont exploré le lien entre l’apprentissage et le cerveau, et l’équipe Matai13 de deuxième et troisième années, composée de quatre classes, a approfondi la question à l’aide des cartes d’apprentissage infini. L’approche par les cartes a été utilisée pour faire évoluer la définition des objectifs, afin de se concentrer non plus seulement sur les objectifs en matière d’apprentissage de contenu mais également sur des objectifs d’apprentissage métacognitif. Les élèves ont entrepris une série d’activités de cartographie, d’analyse et de définition d’objectifs qui ont permis d’explorer les compétences et les valeurs qu’eux et leurs enseignants considéraient comme utiles pour améliorer leur apprentissage.

24Ils ont commencé par étudier trois compétences : la pleine conscience, le courage et la collaboration. Ils ont ensuite exploré la notion d’« initiative », car ils avaient remarqué que la relation élève-enseignant était fortement dépendante des consignes données par l’enseignant, afin de se rassurer sur l’enseignement dispensé. Dans un troisième temps, ils se sont penchés sur le bien-être à travers Te Whare Tapa Wha, un modèle maori de bien-être holistique représenté par une maison de réunion (wharenui). Les quatre murs de la maison représentent chacun un aspect du bien-être : Taha Wairua (bien-être spirituel) ; Taha Hinengaro (bien-être mental et émotionnel) ; Taha Whānau (bien-être familial et social) ; Taha Tinana (bien-être physique). Finalement, à la fin de l’année scolaire, les élèves ont réalisé une carte d’apprentissage dans l’optique d’avoir une conversation sur l’apprentissage avec leur prochain enseignant, afin de garantir une transition fluide vers leur prochaine classe.

  • 14  Le concept de pensée déficitaire (deficit thinking) désigne une certaine vision normative des acte (...)

25Par cette série d’activités, l’utilisation des données est passée d’une évaluation « déficitaire14 » de l’apprentissage de contenus à des déclarations positives sur les capacités de méta-apprentissage des élèves. Leur compréhension du processus d’apprentissage a progressé et ils ont enrichi leur langage pour parler de leur apprentissage avec leurs camarades, leurs enseignants et leur famille. Les élèves se sont sentis valorisés à mesure qu’ils s’engageaient dans des conversations sur l’apprentissage. Les données globales sur la lecture et l’écriture ont progressé au sein de ce groupe, de 2022 à 2023. Néanmoins, cette période correspond également à celle de l’introduction de la littératie structurée, de sorte que les progrès peuvent être liés à l’une ou l’autre de ces évolutions.

Te Ara Maurea – Roydvale School15

  • 15  Remerciements : Michaela Johnstone, membre de la direction de l’école, et Jenny Washington, chef d (...)

26L’organisation de sessions de formation et de développement professionnels sur les cartes d’apprentissage infini a permis de sensibiliser le chef d’établissement et l’équipe de direction au fait que les élèves pouvaient agir sur leur environnement scolaire, au lieu de se contenter d’apprendre passivement des connaissances. Le chef d’établissement a immédiatement valorisé l’apport des élèves à l’analyse des résultats des devoirs écrits et l’enseignant référent a mis sur pied un groupe de « reporters scolaires », composé d’élèves de cinquième et sixième années, qui a dépassé les attentes :

« Depuis sa création, le groupe des reporters scolaires a fait bien plus que simplement couvrir les événements de l’école. Ils ont noué des liens communautaires avec des entrepreneurs en bâtiment, des organisations caritatives, le conseil municipal de Christchurch et se sont impliqués dans la prise de décision dans notre école après avoir rencontré le conseil d’administration. »

27À mesure que l’initiative prenait son essor, la nature des enquêtes menées par les élèves s’est étendue. Ils ont analysé les données relatives à l’assiduité et présenté dix idées formulées par les élèves aux familles, afin de faire progresser l’assiduité. D’autres élèves ont formé le groupe Greenville pour travailler sur le projet de jardin de l’école, les amenant à établir des liens avec des familles et des entreprises. Un autre groupe a résolu le problème de la sécurité du stationnement lorsque les parents viennent chercher leurs enfants après l’école. Ces groupes d’élèves reporters sont devenus un moyen de communication privilégié avec les familles. Les parents l’ont constaté et les équipes éducatives ont applaudi cette évolution.

28L’influence des élèves sur les développements scolaires a permis d’améliorer l’assiduité, les résultats en écriture, d’embellir le jardin et de transformer la communication entre l’école et la maison. Ces résultats ont contribué à la mise en place de médias sociaux réactifs, engageants et pondérés.

Tūora – Fendalton School

29Une dynamique est née lorsque les équipes éducatives ont présenté six « capacités en matière de caractère et de compétences » : le courage, la pleine conscience, la curiosité, l’éthique, la résilience et le leadership. Leur raisonnement, fondé sur la recherche (Fadel, Balick et Trilling, 2015), était que les élèves avaient besoin de ces aptitudes pour pouvoir réussir dans n’importe quel contexte ou défi auquel ils seraient confrontés. Un contexte authentique était essentiel pour commencer à travailler sur ces capacités. Le thème des « arts portables » a été choisi comme moyen pour les élèves d’identifier ces capacités et de se fixer des objectifs pour « laisser [leurs] capacités s’épanouir » (Isabelle Donaghy, élève de cinquième année, 2022). Cet état d’esprit positif a été utile au processus d’apprentissage autonome de conception et d’élaboration d’une œuvre d’art portable. Il a donné aux élèves la possibilité de mettre à profit les capacités les plus utiles pour la tâche à accomplir.

30Les élèves de Tūora – Fendalton School réfléchissent désormais de différentes façons à leurs objectifs et à leurs capacités, et les adaptent en conséquence. Cet apprentissage métacognitif et d’un état d’esprit de croissance personnelle s’est avéré particulièrement important à l’approche des principaux événements de l’école, notamment les camps scolaires.

« Le courage m’a aidée pendant le camp parce que je voulais grimper au sommet du grand arbre, mais j’avais peur. Une fois que j’ai grimpé, je me suis sentie fière de moi » (Scarlett, élève de cinquième année).

« La vraie réussite de notre école kura vient du fait que nos capacités de caractère sont solidement ancrées dans notre école. Ces capacités, tout comme nos valeurs, sont vivantes et respirent. Le langage du courage, de la curiosité, de l’éthique, de la pleine conscience, du leadership et de la résilience est utilisé par nos élèves dans les conversations sur l’apprentissage. On le constate lors de la définition des objectifs des camps scolaires ou de la mise en œuvre de notre approche de justice réparatrice ; les élèves sont capables de déterminer s’ils ont ou non utilisé leur éthique. C’est également très fort de voir les familles (whānau) utiliser ce même langage en dehors de la salle de classe. Notre objectif est d’inculquer ces capacités à nos enfants afin qu’ils puissent réussir à apprendre à l’intérieur et à l’extérieur de la classe » (C. Cunningham, 2024).

Breens Intermediate School16

  • 16  Remerciements : Julian Josland et Debbie McGarth, enseignants référents, et Nikki Clarke, chef d’é (...)

31Dans cette école, la « réflexion » est toujours arrivée à la fin de la liste des priorités, même si les enseignants en concevaient la valeur. Deux enseignants référents ont mené une expérimentation, puis présenté leur approche à l’ensemble de l’école, en vue d’expliquer le comment et le pourquoi de l’utilisation des cartes d’apprentissage infini. L’objectif principal était d’intégrer chaque semaine les réflexions et les objectifs dans les plans d’action. Au minimum, les élèves devaient avoir identifié une action qui les aiderait à atteindre leur objectif. Ils devaient ensuite réfléchir à leur action : leur avait-elle permis de se rapprocher de leur objectif ? Leur réflexion devait également porter sur les raisons pour lesquelles cette action avait été utile ou non. Le plan d’action pouvait durer tout le trimestre. Certains élèves sont parvenus à atteindre leur objectif avant la fin du trimestre. En concertation avec leur enseignant, ils se fixaient alors un nouvel objectif et recommençaient.

  • 17  Flip (anciennement Flipgrid) est une application de discussion et de partage de vidéos gratuite de (...)

32Une fois que les élèves avaient achevé leur plan d’action, ils devaient s’enregistrer sur Flip17. Ils exposaient leur objectif, ce qu’ils avaient fait pour l’atteindre et expliquaient ce qui avait ou non bien fonctionné, et pourquoi. Ils étaient ensuite invités à formuler des observations sur les réflexions de deux autres élèves enregistrées sur leur Flip. Les données qualitatives ont montré que l’utilisation de cet outil en classe et le leadership exercé par les élèves dans les conférences sur l’apprentissage avec les familles ont considérablement et positivement amélioré la qualité des exposés sur l’apprentissage des élèves.

33Le recours à l’outil Flip poursuivait deux objectifs. Il s’agissait, tout d’abord, de se focaliser pleinement sur la réflexion, en s’assurant que les mécanismes de cette réflexion soient de meilleure qualité technique et pédagogique que par le passé. En second lieu, il s’agissait d’habituer les élèves à se voir à l’écran.

« Les élèves adolescents peuvent devenir très immatures lorsqu’il s’agit de se filmer. Ils sont nombreux à recourir aux pictogrammes, à masquer leurs visages ou à se laisser aller dans leur façon de s’exprimer » (Julian, enseignant).

34L’utilisation répétée de Flip a permis de faire progresser leur maturité et leur concentration pour les conversations sur l’apprentissage en ligne. Flip a été utilisé pour améliorer les exposés sur l’apprentissage des élèves en axant le travail sur la réflexion, le partage et les retours critiques. Cette approche a eu un impact positif sur l’efficacité des conférences sur l’apprentissage à la fois pour les élèves et pour les parents. Les parents se sont dits impressionnés de la façon dont leurs enfants étaient capables de formuler ce qu’ils avaient appris, de quelle façon et pourquoi.

Discussion

35Ces études de cas illustrent la manière dont les équipes éducatives placent les élèves au centre de l’analyse des données, et utilisent leurs données pour améliorer leur apprentissage et influencer leurs communautés scolaires. Cette réintégration des élèves dans le processus d’apprentissage a ouvert de nouvelles perspectives pour les équipes éducatives. Julian, enseignant référent à la Breens Intermediate School, souligne la valeur de la réflexion menée par les élèves, bien qu’elle soit souvent reléguée au dernier rang des priorités. Jenny Washington, chef d’établissement de la Roydvale School, était, de prime abord, sceptique quant à la capacité des élèves à appréhender le méta-apprentissage. Son scepticisme s’est mué en ravissement, à mesure qu’une dynamique naissait au sein de son équipe, qui s’enthousiasmait de la rapidité avec laquelle les élèves atteignaient leurs objectifs d’apprentissage. Toutes ces études de cas signalent la prise de distance avec une métacognition dirigée par les enseignants sur le principe de la rétroaction, les enseignants faisant des commentaires aux élèves sur ce qu’ils savent et ne savent pas (Agarwal et Bain, 2019). L’évolution a consisté à favoriser une métacognition fondée sur les élèves, ces derniers découvrant ce qu’ils doivent adapter dans leur apprentissage, après avoir rassemblé des informations issues de leurs réflexions, les avoir analysées et avoir pris des décisions pour les prochaines étapes, avec le soutien de leur enseignant, de leurs camarades et de leur famille (Annan, Annan et Wootton, 2016).

  • 18  Voir le Webinaire de l’OCDE, No child left behind, op. cit.

36Ces études de cas ont également en commun de commencer par une structure, avant de diversifier les activités à mesure que les élèves s’engagent plus avant dans des recherches fondées sur leurs propres intérêts. Cela implique que les élèves exercent d’abord leur capacité à agir en suivant une séquence déterminée d’activités liées aux données : élaborer des cartes, analyser des données, définir des objectifs d’apprentissage et mesurer les progrès, avec le soutien de leurs enseignants et de leurs familles. La stratégie évolue ensuite vers la coagentivité, les recherches menées par les élèves les conduisant à s’engager avec leurs camarades, les équipes éducatives, les familles et les communautés. Les équipes éducatives des quatre écoles Waimairi-iri de Christchurch, par exemple, définissent les compétences pertinentes pour leurs élèves, afin que ceux-ci engagent une série de recherches allant des arts portables aux données sur l’assiduité et les résultats scolaires, en passant par la définition d’objectifs en mathématiques. Ces explorations collaboratives se fondaient sur des compétences adaptées aux défis de la vie quotidienne et sur des opportunités pertinentes pour les élèves, ce qui est absolument nécessaire pour la survie des systèmes éducatifs18. Ces études de cas montrent en effet l’importance d’améliorer la pertinence pour susciter des dynamiques dans les écoles.

37Elles reflètent également un changement dans la manière d’envisager l’évaluation des résultats, les données narratives occupant une place prépondérante. Ainsi, l’école Tolaga Bay Area, en mettant l’accent sur les caractéristiques de l’apprenant actif, a explicitement inclus des données narratives pour montrer la réussite de tous les élèves. Le principe de la « soirée des bulletins scolaires » est de mettre en avant les récits d’apprentissage actif qui mènent au succès. Ces soirées proposent comme unique menu des conversations sur l’apprentissage stimulantes avec, en entrée, le partage par les élèves de leurs cartes d’apprentissage, en plat principal des conversations sur l’apprentissage actif tel que perçu par l’élève et l’enseignant et, en dessert, les commentaires des parents. Les données quantitatives conservent leur place – les parents sont invités à prendre un autre rendez-vous pour discuter des résultats chiffrés des évaluations –, mais la priorité de ces soirées est de communiquer des messages positifs entre les élèves, les familles et les enseignants, en leur garantissant un partage égal du pouvoir (mana orite). Les équipes ont confirmé que ces conversations d’apprentissage stimulantes motivaient les élèves à venir à l’école, à s’engager dans l’apprentissage et à atteindre les résultats qu’ils s’étaient fixés. Elles ont également incité les parents à s’impliquer davantage dans l’apprentissage de leurs enfants.

38Par ailleurs, certains résultats contribuent également à améliorer l’apprentissage des élèves. Ainsi, le fait pour les élèves de se sentir en sécurité lorsqu’ils parlent de leur apprentissage les aide à prendre des décisions pour aller de l’avant et à influencer leur environnement d’apprentissage en cours de route. Le cas de Te Awhitu en est un exemple : cet élève a pris conscience que, s’il était influencé par ses enseignants, le processus d’apprentissage bidirectionnel lui permettait également d’influer sur la manière dont ceux-ci interagissaient avec lui. En mobilisant à la fois ses compétences analytiques et explicatives, il a su trouver la motivation pour bouleverser son environnement d’apprentissage. Cela l’a amené à revoir ses attentes vis-à-vis de lui-même, ainsi que celles des enseignants et des membres de la direction à son égard. Dans sa vidéo, il expose ses nouvelles ambitions d’apprentissage revitalisées, faisant une forte impression sur ses camarades, ses enseignants et les animateurs du réseau Naenae Way. L’influence considérable qu’il a su exercer fait écho à la théorie de l’agentivité des élèves de Klemenčič, qui reconnaît les capacités des élèves à intervenir sur leurs parcours d’apprentissage et leurs environnements éducatifs, et à les influencer (Klemenčič, Bergan et Primožič, 2015).

39Te Awhitu et tous les élèves ayant analysé des données sur leur apprentissage, dans ces études de cas, ont su prendre des décisions éclairées, en lien avec leurs enseignants et leurs parents. Ce travail en commun est le reflet d’un concept autochtone : whai whakaaro – le temps de la réflexion collective sur les progrès réalisés19. Les équipes éducatives se trouvent soulagées d’une grande partie de la pression qui pèse sur leurs épaules lorsque l’analyse des données et la prise de décision sont partagées équitablement entre les enseignants, les élèves et les familles. Cela ne veut pas dire que les enseignants se déchargent de leurs responsabilités, mais plutôt, comme l’illustrent les études de cas, qu’ils deviennent des facilitateurs, aidant les élèves et les familles à s’engager dans des conversations d’apprentissage stimulantes pour éclairer leurs décisions. Le travail en commun comme fondement du système éducatif a la capacité de générer des récits positifs pour tous les élèves. La pensée positive, tournée vers l’avenir, a le pouvoir d’aider les élèves à se défaire des récits négatifs qu’ils peuvent avoir intériorisés sur eux-mêmes, leur permettant de se libérer pour élaborer des stratégies et apprendre.

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40Le passage de l’autogestion à une attention portée aux relations et, désormais, à la réflexion commune dans le système scolaire néo-zélandais reflète l’évolution de la réponse que le pays s’efforce d’apporter aux défis multidimensionnels émergents du xxie siècle. Les études de cas présentées dans cet article se fondent sur des conversations d’apprentissage entre les équipes éducatives, les élèves et leurs familles pour améliorer la motivation, l’engagement, l’optimisme et les résultats des élèves. Elles montrent qu’établir un lien entre analyse des données et objectifs d’amélioration des pratiques peut éclairer la voie à suivre vers un apprentissage et une participation renforcés des élèves.

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Bibliographie

Agarwal, P. et Bain, P. (2019). Powerful Teaching: Unleash the Science of Learning. Jossey-Bass.

Annan, J., Annan, B. et Wootton, M. (2016). Active learning through Infinity Learning Maps. Research Gate. https://lstu.fr/XDSWEkCP

Bishop, R., Berryman, M. et Wearmouth, J. (2014). Te Kotahitanga: Towards effective education reform for indigenous and other minoritised students. New Zealand Council of Education and Research Press.

Education Review Office (ERO) (2012, août). Evaluation at a Glance: Priority Learners in New Zealand Schools.

Fadel, C., Bialik, M. et Trilling, B. (2015). Four-Dimensional Education: The Competencies Learners Need to Succeed. Centre for Curriculum Redesign.

Klemenčič, M., Bergan, S. et Primožič R. (eds). (2015). Student engagement in Europe: Society, higher education and student governance. Council of Europe.

Smith, L. T. (1999). Decolonizing Methodologies: Research and Indigenous Peoples. Zed Books Ltd/University of Otago Press.

Wootton, M. (2014). Facilitators’ conversations about data: How to build capability [mémoire de master, inédit]. University of Auckland.

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Notes

1  En 1989, la réforme des écoles de demain (Tomorrow’s School) a fait des écoles néo-zélandaises des entités autonomes en grande partie autogérées, sous la responsabilité de conseils d’administration dotés d’un large éventail de fonctions administratives et de gouvernance (NdT).

2  En Nouvelle-Zélande, la scolarité obligatoire comprend deux niveaux : le premier degré, des années 0 à 8 (de 5 à 12 ans) et le second degré, des années 9 à 13 (de 13 à 17 ans) (NdT).

3  Le traité de Waitangi, signé le 6 février 1840 entre les Anglais et la plupart des chefs maoris de la Nouvelle-Zélande, est l’acte fondateur de la nation néo-zélandaise, par lequel la souveraineté britannique sur les îles de Nouvelle-Zélande est reconnue. Ce traité et les principes sur lesquels il repose continuent d’occuper une place importante dans la vie politique néo-zélandaise et demeurent l’objet de vives controverses, notamment en raison des différences significatives qui existent entre les versions anglaise et maorie du texte (NdT).

4  Le concept maori d’ako signifie à la fois enseigner et apprendre. Il reconnaît les connaissances que les enseignants et les apprenants apportent aux interactions d’apprentissage, ainsi que la manière dont de nouvelles connaissances et compréhensions peuvent naître d’expériences d’apprentissage partagées (NdT).

5  Ce concept désigne une relation fondée sur le partage d’expériences et le travail en commun, qui donne aux personnes un sentiment d’appartenance (NdT).

6  Webinaire de l’OCDE : EduSkills OECD. (2024, 30 avril). No child left behind: Tackling the school absenteeism crisis [vidéo]. YouTube. https://lstu.fr/dDb6FRZ5

7  Aotearoa Education Collective (AEC). (2024, 27 mars). AEC Launch – The real crisis in New Zealand Education [vidéo]. YouTube. https://lstu.fr/KXEF2p-Q

8  Remerciements : Clare Sevicke Jones (née Curry), enseignante, Glenda Stewart, enseignante référente, et Dave Appleyard, chef d’établissement, 2013.

9  Voir https://bit.ly/TeaAwhituSharesHisLearning

10  Remerciements : Nori Parata, chef d’établissement, et Jenny Cains, responsable du développement professionnel et de l’éducation spécialisée, 2019.

11  En Nouvelle-Zélande, les écoles Kura Kaupapa Māori sont des établissements scolaires d’immersion linguistique en langue maorie. Fondées à partir de 1985, elles visent à faire perdurer la langue maorie chez les peuples autochtones de l’archipel (NdT).

12  Remerciements : Janine Kroening, enseignante référente et responsable de communauté d’apprentissage (Kāhui Ako) au sein de l’école, 2023.

13  Dans cette école, chaque équipe d’apprentissage a été baptisée d’après le nom d’un arbre néo-zélandais. L’équipe Matai correspond au niveau intermédiaire, soit des élèves âgés de 5 à 8 ans.

14  Le concept de pensée déficitaire (deficit thinking) désigne une certaine vision normative des acteurs de l’éducation vis-à-vis des élèves, parents ou communautés dont les pratiques éducatives ne correspondent pas à la norme scolaire, notamment ceux issus des groupes minoritaires. Les enseignants tentent alors de « corriger » les attitudes et comportements s’éloignant de la norme, plutôt que de s’interroger sur la façon dont les intervenants scolaires pourraient agir différemment, notamment en mettant en question leurs pratiques et la culture de l’école. Voir Magnan, M.-O. et al. (2021). Édito. L’éducation inclusive en contexte de diversité ethnoculturelle : comprendre les processus d’exclusion pour agir sur le terrain de l’école. Recherches en éducation, 44. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ree.3300 (NdT).

15  Remerciements : Michaela Johnstone, membre de la direction de l’école, et Jenny Washington, chef d’établissement, 2023.

16  Remerciements : Julian Josland et Debbie McGarth, enseignants référents, et Nikki Clarke, chef d’établissement, 2023.

17  Flip (anciennement Flipgrid) est une application de discussion et de partage de vidéos gratuite de Microsoft (NdT).

18  Voir le Webinaire de l’OCDE, No child left behind, op. cit.

19https://hepikorua.education.govt.nz/

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Pour citer cet article

Référence papier

Brian Annan et Mary Wootton, « Les élèves, acteurs principaux des données en éducation en Nouvelle-Zélande »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 96 | 2024, 125-138.

Référence électronique

Brian Annan et Mary Wootton, « Les élèves, acteurs principaux des données en éducation en Nouvelle-Zélande »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 96 | septembre 2024, mis en ligne le 01 septembre 2024, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/15755 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12fsw

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Auteurs

Brian Annan

Brian Annan est docteur en éducation. Animé de la conviction que tous les élèves peuvent réussir à l’école et dans la vie, il a commencé sa carrière en tant qu’enseignant avant de prendre la direction d’un établissement scolaire, puis de bifurquer pour œuvrer à l’amélioration de l’école. En 2007, sa thèse de doctorat portait sur l’émergence de l’apprentissage horizontal dans les projets d’amélioration de l’école, partout dans le monde. Il a représenté la Nouvelle-Zélande dans de nombreux réseaux et contribué à de multiples projets internationaux, notamment le projet « Environnements pédagogiques novateurs » de l’OCDE. Courriel : brianannan57[at]gmail.com

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Mary Wootton

Mary Wootton, après avoir été enseignante, est aujourd’hui facilitatrice dans le domaine du développement professionnel des enseignants, spécialisée dans l’évaluation pour les apprentissages de la lecture et de la numératie. Elle accompagne une grande palette d’écoles dans toute la Nouvelle-Zélande, y compris des écoles où l’enseignement est dispensé en langue maorie. Elle a également accompagné de nombreux établissements scolaires et services en charge de l’éducation en Australie et aux États-Unis. Courriel : wootts70[at]gmail.com

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