1Confrontée à la nécessité d’innover et de réduire sa dépendance aux hydrocarbures, l’Algérie met en œuvre une stratégie majeure d’enracinement de l’entrepreneuriat dans l’éducation. Cette démarche vise à cultiver les compétences d’innovation, de créativité et d’initiative, afin de susciter un changement économique profond marqué par la création d’emplois et l’augmentation de la compétitivité. L’analyse des récentes initiatives en éducation entrepreneuriale en Algérie met en lumière les efforts gouvernementaux et les programmes innovants, explorant les progrès déjà accomplis et les défis à relever pour renforcer l’impact de ces initiatives éducatives.
2Face à une économie algérienne largement tributaire des hydrocarbures, la diversification économique devient impérative pour réduire la vulnérabilité aux fluctuations des marchés internationaux. Le secteur des hydrocarbures, malgré son rôle de moteur économique, entrave la diversification et augmente l’exposition aux risques externes. L’entrepreneuriat se profile ainsi comme une voie prometteuse pour la diversification et l’innovation, proposant des pistes dans plusieurs secteurs pour créer de la valeur et diminuer la dépendance aux exportations pétrolières.
3Considéré comme un catalyseur pour revitaliser l’économie algérienne, l’entrepreneuriat est vu en Algérie comme un moyen d’impulser l’innovation et de dynamiser la compétitivité et l’emploi, notamment dans des secteurs clés tels que la technologie, l’agriculture et les énergies renouvelables. Cette orientation vers l’entrepreneuriat vise à construire une économie résiliente, diversifiée, apte à relever les défis actuels.
4Néanmoins, la transition vers un écosystème entrepreneurial florissant est freinée par un ensemble d’obstacles. Le système éducatif actuel, peu en phase avec les besoins de l’économie moderne, doit évoluer pour favoriser la créativité, l’esprit critique et l’autonomie. Par ailleurs, l’insuffisance de programmes de formation pour les enseignants en entrepreneuriat entrave leur capacité à éveiller l’esprit entrepreneurial chez les étudiants. De surcroît, le manque de financement pour les initiatives entrepreneuriales, aussi bien dans le secteur éducatif que dans la création d’entreprises, limite les possibilités d’innovation et de développement.
5Pour naviguer au-delà de ces écueils, il est crucial de réformer l’éducation pour mieux intégrer l’entrepreneuriat, d’améliorer la formation des enseignants dans ce domaine, et d’accroître le financement des projets entrepreneuriaux. Ces mesures sont essentielles pour activer le potentiel de l’entrepreneuriat en tant que moteur de diversification économique et d’innovation, contribuant ainsi à la construction d’une Algérie dynamique et préparée pour l’avenir.
6En Algérie, l’initiative gouvernementale pour stimuler l’entrepreneuriat dans l’enseignement supérieur s’articule autour de mesures législatives et de programmes dédiés, notamment l’arrêté ministériel no 1275 du 27 septembre 2022. Ce dernier introduit le programme « Un diplôme/une start-up », destiné à transformer les projets innovants des étudiants en start-up, marquant ainsi un engagement envers l’encouragement de l’esprit d’entreprise pour favoriser la diversification économique et l’innovation.
7L’arrêté souligne la volonté de faire des universités des pôles de création de richesse, en alignant l’éducation sur les besoins de l’économie de la connaissance et en préparant les étudiants à devenir des entrepreneurs. Il prévoit un accompagnement spécifique, offrant aux projets sélectionnés un label « projet innovant » et un accès à des ressources clés, telles que des espaces de travail et des financements.
8Cette approche, visant à intégrer l’entrepreneuriat dans le parcours éducatif, s’inscrit dans une vision de transformation économique et promeut la convergence entre le monde académique et le secteur entrepreneurial, encourageant les jeunes diplômés à créer des entreprises innovantes et à contribuer au dynamisme économique de l’Algérie.
9En Algérie, l’intégration de l’entrepreneuriat au sein du système éducatif, du niveau primaire à l’enseignement supérieur, manifeste une volonté d’orientation stratégique vers l’incitation à l’innovation et à la préparation des étudiants en tant qu’acteurs primordiaux de l’économie du savoir (Zehraoui, 2022).
10Du primaire au secondaire, l’actualisation des programmes éducatifs pour y inclure l’éducation à l’entrepreneuriat est en cours, visant à mieux adapter ces notions importantes à chaque tranche d’âge. Cette réforme, actuellement encore en phase d’étude, a pour but de sensibiliser les élèves aux valeurs de créativité, d’innovation et de prise d’initiative, préparant ainsi le terrain pour des générations futures capables d’innover et d’entreprendre.
11Dans le cadre de l’enseignement supérieur, des partenariats stratégiques ont été mis en place pour promouvoir la création de start-up universitaires, avec l’appui du ministère de l’économie de la connaissance, des start-up et des microentreprises. Selon des données de 2024, l’Algérie a enregistré 732 start-up, ce qui la positionne au deuxième rang continental en termes de création de start-up issues des universités. Pendant l’année académique 2022-2023, 234 projets issus de domaines divers, tels que la biotechnologie, l’agriculture intelligente, les énergies renouvelables et l’intelligence artificielle étaient sur le point de se transformer en start-up.
12Les universités algériennes s’investissent dans l’entrepreneuriat étudiant en s’inspirant de pratiques internationales pour accompagner les étudiants vers la création d’entreprises viables. Il existe ainsi des maisons d’entrepreneuriat et des incubateurs universitaires, tel que celui de l’École nationale supérieure d’informatique (ESI) et le Student Center i2E de l’université de Tlemcen, où les étudiants bénéficient de formations spécialisées en gestion, marketing et finance, ainsi que de mentorat et d’accès au financement. Des conventions de partenariat, notamment avec l’Agence nationale d’appui et de développement de l’entreprenariat (Anade), renforcent ce cadre propice à l’émergence de projets entrepreneuriaux.
13La maison de l’entrepreneuriat de l’université de Tlemcen (Zerrouki et Tabet Aouel, 2020) et celle de l’université des sciences et de la technologie Houari-Boumediene, à Alger, illustrent parfaitement cette dynamique, en proposant des cycles de formation entrepreneuriale et des ateliers pratiques. En 2022, cette dernière a soutenu une dizaine de projets étudiants, leur permettant de bénéficier d’un financement initial grâce à un concours national. De même, l’incubateur de l’ESI se distingue par son soutien à l’innovation, en organisant des événements comme la Global Entrepreneurship Week et en accueillant des start-up travaillant sur des solutions innovantes, entre autres une application de covoiturage intelligent et une plateforme d’apprentissage en réalité virtuelle.
14Cet engagement collectif souligne une forte détermination à intégrer l’entrepreneuriat dans l’éducation, en offrant ressources et accompagnement pour former les étudiants à devenir de véritables innovateurs et entrepreneurs. L’initiative Esaa Eco Innovation Challenge de l’École supérieure algérienne des affaires, visant à promouvoir l’entrepreneuriat écologique, complète ces mesures en encourageant l’entrepreneuriat vert parmi les jeunes entrepreneurs.
15L’intégration de l’entrepreneuriat dans le système éducatif algérien marque une avancée significative vers la création d’une économie dynamique et diversifiée. La formulation de l’arrêté ministériel no 1275, daté du 27 septembre 2022, dénote une ambition claire du gouvernement d’inculquer l’esprit d’entreprise chez les jeunes, considérés comme des acteurs clés de l’économie de la connaissance. Cette initiative souligne la nécessité de préparer les étudiants à être non seulement des chercheurs d’emploi, mais des créateurs, en favorisant le développement de start-up innovantes dès leur passage à l’université.
16Les efforts réalisés jusqu’à présent montrent une volonté d’impliquer les institutions éducatives dans la transformation économique du pays. Par exemple, la convention de partenariat entre les ministères de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et celui de l’économie de la connaissance, des start-up et des microentreprises illustre cette orientation stratégique. Ces mesures aspirent à faire de l’université un incubateur d’entreprises, où les étudiants peuvent développer et concrétiser leurs idées innovantes.
17Néanmoins, cette transition ne va pas sans défis. L’un des principaux obstacles réside dans la formation des enseignants qui, malgré leur expertise académique, peuvent manquer de connaissances spécifiques en entrepreneuriat. Une collaboration plus forte entre les universités et le secteur privé est également essentielle pour enrichir l’expérience entrepreneuriale des étudiants.
18Pour pallier ces lacunes, plusieurs recommandations peuvent être formulées. Premièrement, la mise en place de programmes de formation continue destinés aux enseignants en entrepreneuriat pourrait améliorer la qualité de l’accompagnement offert aux étudiants. Ensuite, augmenter le financement, via des fonds publics et des partenariats privés, est essentiel pour assurer la viabilité et le succès des start-up naissantes. Par ailleurs, l’établissement de réseaux d’entrepreneuriat, tant au niveau national qu’international, favoriserait le partage des meilleures pratiques et offrirait des possibilités de mentorat et de financement aux jeunes entrepreneurs.
19Bien que l’Algérie ait franchi des étapes importantes dans l’intégration de l’entrepreneuriat dans son système éducatif, la poursuite et le renforcement de ces initiatives sont cruciaux. En se concentrant sur la formation des enseignants, le financement des projets et la collaboration avec le secteur privé, le pays peut non seulement combler les lacunes existantes, mais également poser les bases d’un écosystème d’innovation robuste, capable de soutenir l’économie algérienne dans sa marche en avant.