L’approche des centres psycho-médico-sociaux en Belgique francophone
Résumés
En Fédération Wallonie-Bruxelles, des équipes pluridisciplinaires psycho-médico-sociales (PMS) sont intégrées au dispositif éducatif. Chaque centre PMS fonctionne en toute indépendance par rapport aux écoles avec lesquelles a été nouée une convention de partenariat. Se positionnant à l’interface entre l’école, la famille et l’environnement extrascolaire, les équipes PMS jouent un rôle de « courroie de transmission » entre ces différents espaces d’éducation. L’article décrit les principes qui guident l’action des équipes PMS, puis présente deux approches innovantes qui visent à améliorer le suivi des élèves au cours de leur cursus : 1) l’approche évolutive ou comment mieux prendre en compte le droit de chaque élève de suivre une scolarité dans l’enseignement ordinaire par la mise en place d’aménagements raisonnables ; 2) l’éducation à la vie relationnelle affective et sexuelle (EVRAS).
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1Le système scolaire en Fédération Wallonie-Bruxelles est composé, au niveau de l’enseignement obligatoire en Belgique, de trois niveaux d’enseignement : maternel, fondamental et secondaire, tant ordinaire que spécialisé.
2Au fil des différentes législatures, l’amélioration de la réussite scolaire – y compris le bien-être et l’épanouissement des élèves ‒ est au centre des préoccupations officielles des autorités politiques et gouvernementales. Le dernier dispositif en date est le Pacte pour un enseignement d’excellence1, qui se veut un projet visant à une amélioration du système éducatif, prenant en compte de manière transversale toutes les thématiques scolaires (que ce soit le mode de fonctionnement des écoles, le cursus des élèves, leurs difficultés d’apprentissage avec, pour finalité, une volonté de pilotage via des contrats d’objectifs évaluables).
3L’une des particularités du système d’enseignement belge est d’intégrer dans le dispositif éducatif des équipes pluridisciplinaires psycho-médico-sociales (PMS) composées de psychologues, d’assistants sociaux et d’infirmières en santé communautaire. Récemment, des logopèdes (l’équivalent des orthophonistes en France ou des logopédistes en Suisse) ont été adjoints par décret à ces équipes PMS pour soutenir les enseignants dans la prise en charge des enfants scolarisés dans l’enseignement maternel ordinaire.
Les équipes psycho- médico-sociales, une approche tierce et pluridisciplinaire
4L’équipe PMS est le seul acteur scolaire qui accompagne l’élève tout au long de son parcours scolaire, de l’école maternelle à la fin de l’école secondaire. Cela lui permet d’avoir une vision globale du cursus, des avancées et des progrès de l’élève et de pouvoir les communiquer aux parents, aux enseignants, voire aux intervenants extérieurs. Des informations pouvant être transmises d’une équipe PMS à une autre, la continuité de l’accompagnement peut être assurée lors d’un changement d’école.
5L’équipe PMS est un acteur de première ligne au service de l’élève. Néanmoins, au contraire de la famille et des enseignants, l’équipe PMS n’est pas impliquée dans une relation éducative et affective directe avec l’enfant ou le jeune. Cette position déliée de l’acte éducatif quotidien permet à l’équipe PMS une approche tierce de la situation de l’élève, c’est-à-dire une analyse des situations et des événements par une équipe qui n’y est pas directement impliquée. Par ailleurs, chaque centre PMS fonctionne en toute indépendance par rapport aux écoles avec lesquelles a été nouée une convention de partenariat, ce qui renforce leur position de tiers.
6Il est à noter que, sur le terrain, les équipes PMS rencontrent régulièrement quelques difficultés à maintenir cette distance critique : il n’est pas rare de voir des directions d’établissement considérer l’équipe PMS « comme faisant partie des meubles », avec, par exemple, une possibilité de pressions directes ou indirectes de la part de l’équipe éducative de l’établissement pour le maintien d’un élève dans l’établissement si l’emploi d’un enseignant peut être mis en cause à la suite de pertes d’élèves ou, dans le cas contraire, pour que le centre PMS trouve une solution quand un élève jugé trop dérangeant ou « difficile » perturbe sa classe.
Approche collective et individualisation
7Les équipes PMS interviennent aussi bien au niveau collectif qu’individuel, soit dans une logique proactive de prévention, soit en réponse à des besoins identifiés. Au sein de l’organisation collective qu’est l’école, les équipes PMS peuvent proposer un accompagnement individualisé et personnalisé. Dans ce cas, elles apportent une contribution à la reconnaissance des particularités dans une optique de travail permettant à l’élève d’intégrer le collectif (la classe et l’école dans son ensemble).
8La prévention, le diagnostic et la guidance, sur lesquelles nous reviendrons plus loin, constituent trois étapes du travail PMS. La prévention s’adresse à tous les élèves. Elle a pour objectif d’informer, de conscientiser, d’accompagner et soutenir les élèves et leur famille, afin de prévenir des situations néfastes pour le bien-être et l’évolution de l’enfant, du jeune. Le diagnostic PMS est le fruit d’une réflexion de l’équipe multidisciplinaire qui se fonde sur la synthèse des observations et des informations psycho-médico-sociales et pédagogiques recueillies. Il intègre des données issues des différents champs qui traversent la vie des enfants (santé, apprentissages, éducation, environnement familial et socioculturel, etc.), qu’elles soient le fruit d’observations de la part de l’équipe PMS ou de discussions avec les parents, les enseignants, voire les services extérieurs. Le diagnostic PMS permet de présenter une vision globale de l’enfant, du jeune. Il servira de base à l’étape de guidance mise en place par l’équipe PMS. La guidance est un processus de suivi du parcours de l’élève et des moyens mis en place pour l’optimiser, en collaboration avec les parents, les enseignants, voire les autres intervenants (services de promotion de la santé à l’école [PSE], médecins, thérapeutes, acteurs sociaux, acteurs associatifs…).
9L’une des difficultés rencontrées par les équipes PMS concerne notamment les critères dans la prise en charge individuelle des élèves en difficulté, sachant que la guidance exercée par les centres PMS ne peut avoir de visée thérapeutique. Les centres PMS sont devenus des intervenants de première ligne au fil du temps, ce qui pose continuellement la question de l’urgence avérée ou relative dans la prise en charge des situations à traiter.
Positionnement institutionnel
10Chaque centre PMS noue un partenariat privilégié avec chacune des écoles sous tutelle. Les missions de l’école et celles du centre PMS sont à la fois spécifiques et complémentaires. Dans ce contexte, les deux institutions doivent être bien conscientes de leurs missions, rôles et responsabilités respectifs. Elles doivent également collaborer dans le respect du cadre de travail de chacun des acteurs. La complémentarité des missions invite les deux institutions à trouver un chemin commun, un terrain de rencontre au bénéfice de l’épanouissement des élèves.
11C’est ainsi que chaque centre établit de manière périodique (tous les cinq ans) un projet de centre, qui décrit pour les écoles desservies un plan d’action spécifique (par exemple des permanences assurées de manière hebdomadaire dans les écoles, une boîte aux lettres dans chaque école accessible aux élèves à partir de la 5e année du primaire, une présence systématique aux réunions de parents ou encore une participation aux conseils de classe dans le courant de chaque année scolaire). Cette présence régulière dans les écoles comporte un risque de surcharge dans la mesure où la tentation de remettre le problème dans les mains des « spécialistes du centre PMS » (ce que considèrent certains enseignants un peu trop facilement) est bien réelle.
12Les équipes PMS sont amenées à nouer des partenariats avec d’autres institutions et acteurs de l’environnement quotidien des élèves. Se positionnant à l’interface entre l’école, la famille et l’environnement extrascolaire, les équipes PMS jouent le rôle de « courroie de transmission » entre ces différents espaces d’éducation et en mobilisent les ressources nécessaires à l’épanouissement des enfants et jeunes.
13Parmi les partenariats en matière de santé, il faut également citer les SPSE (services de promotion de la santé à l’école) qui sont composés, en effectifs réduits, de médecins formés en médecine scolaire et d’infirmières, chargés d’assurer, en collaboration avec les écoles :
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le soutien et le développement de programmes de promotion de la santé et d’un environnement favorable à la santé dans le cadre des établissements scolaires ;
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le suivi médical des élèves et des étudiants, qui comprend les bilans de santé individuels et les vaccinations ;
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la prophylaxie et le dépistage des maladies transmissibles.
14Parmi les constats que dresse le Pacte pour un enseignement d’excellence mentionné ci-dessus, pointons une évolution récente dans le métier des centres PMS : ils doivent faire face à une pathologisation et à une médicalisation croissantes des difficultés d’apprentissage. Face à cette tendance, et tant face aux familles que face aux enseignants, le centre PMS est un élément de temporisation et de relativisation. Le stress induit auprès des familles par ce type de « diagnostic » qui leur est parfois adressé par l’école avec trop de précipitation et trop peu d’accompagnement les pousse en effet à se tourner rapidement et sans discernement vers des prises en charge spécialisées, très coûteuses car individuelles. En outre, l’externalisation d’une partie de l’apprentissage peut nuire à la relation de confiance école-famille. Relevons aussi, au cœur de cette problématique des relations école-famille, la pression croissante de l’environnement familial ressentie par certaines équipes pédagogiques. De quelque côté que viennent les incompréhensions, la mission d’accompagnement, par le centre PMS, des parents dans leur dialogue avec l’école prend tout son sens.
- 2 Avis no 3 du Groupe central, Pacte pour un enseignement d’excellence, 2016. https://bit.ly/3ARm3Qp
15Notons enfin que l’accompagnement précoce des élèves par les équipes des centres PMS, dès l’école maternelle, tendance impulsée depuis plusieurs années, est particulièrement important dans une optique de prévention, mais également pour permettre aux centres PMS de nouer le plus tôt possible les liens nécessaires afin d’aider à instaurer une relation de confiance entre les familles et les écoles2.
16Est-ce pour autant que les moyens mis à disposition des centres PMS sont suffisants, eu égard au champ extrêmement large de leurs missions ? On peut en douter, dans la mesure où les normes appliquées (nombre d’élèves par agent) datent des années 1960 et ne sont pas adaptées à l’évolution des besoins. La question du financement des centres PMS représente une réelle pierre d’achoppement. Cela se traduit sur le terrain par une nécessité, pour chaque centre PMS, de négocier des priorités à mettre en œuvre sur le terrain scolaire.
17À l’heure actuelle, un centre PMS qui gère quelque six mille élèves répartis sur une vingtaine d’écoles ne peut compter que sur quatre postes de psychologues, deux d’assistants sociaux et deux d’auxiliaires paramédicaux, ce qui est nettement insuffisant.
18En parallèle, depuis plusieurs années, deux approches innovantes ont vu le jour en Fédération Wallonie-Bruxelles, afin d’améliorer le suivi des élèves au cours de leur cursus. La première est celle de l’approche évolutive ou comment mieux prendre en compte le droit de chaque élève de suivre une scolarité dans l’enseignement ordinaire par la mise en place d’aménagements raisonnables. La seconde se situe dans la dimension relationnelle et traite d’un sujet longtemps considéré comme relevant exclusivement de la sphère privée et familiale, à savoir l’éducation à la vie relationnelle affective et sexuelle (EVRAS).
Une approche inclusive
19Répondre aux besoins spécifiques des élèves est un objectif qui a fait l’objet d’un décret (2017) visant à consacrer la démarche évolutive au cœur du dispositif de l’école inclusive et, partant, d’amener les enseignants à mieux cerner les difficultés d’apprentissage des enfants qui ne doivent pas être considérés comme de simples apprenants. Les difficultés qu’ils rencontrent ne sont pas exclusivement liées à des difficultés d’apprentissage, ce qui implique de prendre en compte tous les aspects de leur vie (affective, personnelle, relationnelle et scolaire), ce à quoi les équipes des centres PMS accordent une attention particulière, du fait de leur vision globale tout au long de la scolarité.
20Les besoins spécifiques résultent d’une particularité, d’un trouble, d’une situation permanente ou semi-permanente d’ordre psychologique, mental, physique ou psycho-affectif faisant obstacle au projet d’apprentissage et requérant, au sein de l’école, un soutien supplémentaire pour permettre à l’élève de poursuivre son parcours scolaire de manière régulière et harmonieuse dans l’enseignement ordinaire.
Première étape, la prévention
21Une première étape dans cette approche concerne la prévention. C’est un processus permettant d’intervenir avant l’apparition d’un mal-être, d’en détecter les premiers signes ou d’en prévenir les complications. Si la prévention fait partie intégrante de la promotion de la santé, celle-ci est plus large et vise à améliorer le bien-être en mobilisant de façon concertée différents acteurs, dans l’optique d’un continuum tout au long de l’évolution de chaque enfant. Sur le terrain scolaire, elle est fondamentale puisqu’elle peut permettre, notamment au travers d’animations collectives (pour favoriser le bien-être, la confiance en soi) ou individuelles visant l’observation du développement de l’enfant et de tout ce qui pourrait avoir un impact sur sa scolarité (par exemple des aspects médicaux ou de développement du langage) et mettant l’accent sur la diversité des profils des élèves.
22Toutefois, il est intéressant de constater que cette même diversité de profils requiert souvent des aménagements spécifiques identiques, comme l’indique l’Avis no 47 du Conseil supérieur des centres PMS en mars 20213. Est ainsi apparue la notion d’aménagements universels, qui s’inscrivent dans une démarche inclusive centrée d’abord sur les pratiques pédagogiques de l’enseignant et non sur les seules difficultés de l’enfant. C’est au sein de la classe qu’il convient de développer de prime abord des stratégies pour éviter la tendance à externaliser la prise en charge des enfants en les confiant à un « spécialiste », ce qui renforce le sentiment d’incompétence de l’enseignant et stigmatise les enfants jugés trop difficiles à gérer. Cela renvoie à la formation initiale des enseignants, qui s’inscrit depuis 2019 dans cette ligne, en réaction à ce qui s’est pratiqué depuis des décennies en Belgique. L’orientation d’un élève vers l’enseignement spécialisé, comme nous allons l’expliquer ci-après, ne doit s’effectuer qu’en dernier recours, après avoir épuisé toute une série d’autres démarches, et n’est pas la solution à mettre en avant dès que l’enfant rencontre des difficultés.
23Partir des besoins spécifiques de chaque enfant est résolument une approche de type constructif et dynamique. Toutefois, si les difficultés de l’enfant persistent malgré les adaptations proposées sous forme d’actions de différenciation de l’enseignant, à ce stade, l’appui et la concertation avec l’équipe du centre PMS devient essentielle. En effet, les professionnels de ces centres ont un rôle de première ligne stipulé dans le décret précisant les missions des centres PMS en 2006 : ils doivent se concerter afin de voir ce qui a déjà été proposé et tenter de comprendre ce qui freine le processus d’apprentissage. La rencontre avec les parents joue ici un rôle essentiel, afin d’avoir une vision globale de l’enfant, d’explorer les autres sphères où des difficultés pourraient exister (familiales, relationnelles ou autres). Parmi les interventions possibles auprès des parents, citons :
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l’information et les explications en direction des parents (en partenariat avec l’enseignant) ;
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l’accompagnement des parents dans l’acceptation des difficultés et dans la recherche de ressources et compétences intrafamiliales ;
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si nécessaire, l’accompagnement des parents dans la recherche de soutiens extérieurs mais sans recourir à l’externalisation systématique ;
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le soutien aux parents dans la communication avec l’école et dans la transmission des informations pertinentes, des ressources et compétences familiales identifiées.
24Il ne s’agit pas de se substituer aux parents, mais de les soutenir et de les mobiliser, afin qu’ils puissent assurer leurs responsabilités en tant qu’acteurs de l’éducation de leur enfant. Il s’agira, par exemple, de valoriser les pistes envisagées par les parents, de développer chez eux des expériences positives dans les actes éducatifs, de les encourager dans leurs essais ou erreurs (sans les culpabiliser). Dans les milieux dits « précarisés », cette approche revêt une dimension particulière et représente un défi permanent parce que, pour un certain nombre de ces adultes, l’école ne représente pas nécessairement une priorité. Cela renvoie aussi à leur histoire personnelle, à leurs représentations du monde scolaire, à leur vécu en tant qu’élève et à leur capacité à apprivoiser la structure scolaire, ce qui peut générer des tensions.
25L’école a des codes qui ne sont pas nécessairement compréhensibles par tout parent. À l’inverse, chaque famille dispose aussi de codes qui ne sont pas nécessairement en phase avec ceux de l’école. C’est pourquoi le lien école-famille doit être travaillé de manière systématique : plus l’école en général ou l’enseignant en particulier parvient à soigner la qualité de sa communication avec les familles, plus l’enfant a de chances de bénéficier d’un entourage éducatif compréhensif et disposé à collaborer.
26La relation école-famille est une problématique vécue au quotidien par les équipes PMS en place sur le terrain. Ainsi, le décrochage scolaire et l’absentéisme sont des phénomènes difficiles à appréhender si la relation avec l’école ou l’enseignant est grippée ou si l’enfant subit des propos malveillants de la part de ses condisciples.
Deuxième étape, le diagnostic
27Une deuxième étape concerne le diagnostic, qui diffère selon qu’il est posé par un « expert » externe à l’école (par exemple un pédopsychiatre) ou par l’équipe pluridisciplinaire du centre PMS elle-même.
28Dans le cas d’un diagnostic externe, le rôle du centre PMS sera celui de traducteur, tant pour les parents que pour les enseignants, et de voir dans quelle mesure ce diagnostic définissant le trouble peut être pris en compte dans les pratiques pédagogiques en cours. Il s’agira de mettre en perspective ce diagnostic dans une vision globale dynamique et cohérente au bénéfice de l’enfant. Celui-ci doit pouvoir être soutenu afin qu’il puisse comprendre, accepter et assumer ce trouble.
29Au-delà de la question du diagnostic (établi de manière complémentaire dans les deux cas de figure évoqués), il convient d’être aussi attentif à l’apparition de symptômes tels que le manque de confiance en soi, le repli sur soi et une éventuelle exclusion sociale.
Troisième étape, les aménagements raisonnables
- 4 Voir https://bit.ly/3reHVBJ
- 5 Voir https://bit.ly/3joJzfY
30À la suite des recommandations émises par le Pacte pour un enseignement d’excellence (objectif stratégique 4.1.), un décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire, fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques a été mis en place depuis la rentrée scolaire 20184. Ce décret prévoit que tout élève fréquentant l’enseignement ordinaire, présentant un ou des besoins spécifiques, est en droit de bénéficier d’aménagements raisonnables appropriés. Ces aménagements peuvent être matériels, organisationnels ou pédagogiques. Le décret rappelle les obligations contenues dans le décret du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination5 et vise à prévoir leur mise en place effective dans le cadre scolaire.
31Ces aménagements raisonnables sont mis en place à la demande des représentants légaux de l’élève mineur, de l’élève lui-même s’il est majeur, ou à la demande du centre PMS attaché à l’école ou encore de l’équipe éducative de l’école. Ils concernent l’accès de l’élève à l’établissement, l’organisation des études et des épreuves d’évaluation (internes et externes), les périodes de stages ainsi que l’ensemble des activités liées au programme d’études et au projet d’établissement.
32Ces aménagements raisonnables sont élaborés et évalués en fonction de la spécificité des besoins de l’apprenant et de leur évolution, dans le cadre de réunions collégiales de concertation entre les différents partenaires (dont les représentants légaux de l’élève). Des experts externes peuvent y être conviés. Ils sont consignés dans un protocole signé par l’établissement scolaire et les représentants légaux de l’élève. Ils font l’objet également d’un plan individuel d’apprentissage (PIA). Voici quelques exemples concrets d’aménagements raisonnables :
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être attentif aux supports de cours (supports numériques, agrandissements, accessibilité, etc.) ;
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donner la possibilité d’utiliser des outils numériques, audiophoniques ou autres (tablette, correcteur orthographique, calculatrice, etc.) ;
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mettre à disposition du mobilier de classe approprié (chaise ergonomique, table spécifique, etc.) ;
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mettre en place des structures de mobilité (rampes d’accès, toilettes pour personnes à mobilité réduite, ascenseurs, etc.).
33Parmi les aménagements immatériels, figurent par exemple les recommandations suivantes :
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permettre d’éviter des situations de stress et d’efforts inadaptés ;
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recourir le cas échéant au service d’interprètes en langue des signes ;
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adapter ses exigences (lenteur) ;
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favoriser l’estime de l’étudiant ;
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adapter son lexique et sa syntaxe, reformuler, veiller à l’articulation ;
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vérifier la compréhension des consignes.
- 6 Pour en savoir plus, voir http://enseignement.be/download.php?do_id=14747
34Une série de fiches d’outils spécifiques – dont par exemple celles sur le daltonisme, le bégaiement ou les troubles de l’attention – a d’autre part été réalisée au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles. S’y ajoutent des recommandations générales relatives à l’attitude à privilégier. Un point aborde l’orientation des parents (ou du représentant légal) et chaque fiche outil se termine par une liste d’ouvrages et de sites internet utiles6. Les informations et propositions présentées n’ont pas la prétention d’être exhaustives et peuvent faire l’objet d’adaptations, d’ajustements, sachant que bon nombre de propositions mentionnées sont sans doute déjà mises en application.
L’orientation vers l’enseignement spécialisé
35Cette orientation n’est envisagée que lorsque les difficultés persistent malgré la mise en place d’aménagements raisonnables, et si tous les partenaires s’accordent à dire qu’il y a lieu d’orienter un élève vers cette structure, dès lors que toutes les possibilités d’aménagements raisonnables proposées n’ont pas permis à l’élève d’évoluer positivement au sein de l’enseignement ordinaire dans des conditions d’apprentissage et de bien-être suffisantes. Mais la décision revient in fine aux parents (ou au représentant légal). L’intervention du centre PMS à ce stade est indispensable non seulement pour établir le protocole d’orientation, mais aussi pour accompagner la famille dans cette démarche qui peut s’avérer difficile en fonction des clichés et représentations concernant l’enseignement spécialisé.
- 7 Il existe des écarts potentiels entre l’intention du législateur de promouvoir et de privilégier l (...)
36Même s’il est toujours possible de réintégrer l’enseignement ordinaire après avoir fréquenté l’enseignement spécialisé, l’école inclusive reste une approche centrée au départ sur les besoins spécifiques de l’élève, qui se veut positive et non stigmatisante pour l’élève et son entourage familial7.
37Sur le plan de la gouvernance du système éducatif en Belgique, il y a donc une mise en place de dispositifs visant à éviter d’écarter prématurément des élèves du parcours scolaire ordinaire, en visant une responsabilisation des enseignants par une sensibilisation et une formation (tant initiale que continue). Cela s’explique par le constat que le recours à une externalisation des problèmes rencontrés par les élèves est en augmentation constante depuis plusieurs années. Le Pacte pour un enseignement d’excellence rassemblant tous les partenaires institutionnels en Fédération Wallonie-Bruxelles a donc pris des mesures qui vont dans le sens d’une meilleure régulation du système éducatif.
L’intégration dans l’enseignement ordinaire d’élèves issus du spécialisé
38Cette disposition vise à permettre à des enfants à besoins spécifiques de bénéficier de manière temporaire ou permanente de l’enseignement ordinaire, sur la base d’un protocole justificatif et d’une demande d’un des intervenants suivants :
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le conseil de classe d’un établissement d’enseignement spécialisé comprenant l’ensemble des membres du personnel enseignant, paramédical et auxiliaire d’éducation concernés ;
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le centre PMS qui assure la guidance des élèves de cet établissement d’enseignement spécialisé ;
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les parents ou de la personne ayant l’autorité parentale.
39Si la concertation débouche sur un avis favorable, il faut trouver une école ordinaire qui accepte d’être partenaire d’un projet d’intégration. Il faut noter que cette pratique, antérieure au dispositif d’aménagements raisonnables, tend à s’effacer au fil du temps, puisque la volonté politique actuelle est de privilégier les pistes de solution générées et gérées par l’enseignement ordinaire au sein de pôles d’aménagements raisonnables, ce qui a également une incidence en termes de coûts moindres pour la collectivité.
L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS)
40Partant du décret « mission » définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental (Décret du 24 juillet 1997), une modification introduite en juillet 2012 prévoit que l’école veille à « éduquer au respect de la personnalité, et des convictions de chacun, au devoir de proscrire la violence tant morale que physique, à la vie relationnelle, affective et sexuelle et met en place des pratiques démocratiques de citoyenneté responsable au sein de l’école » (article 9).
41En 2013, un protocole d’accord relatif à la généralisation de l’EVRAS en milieu scolaire voit le jour. Ce protocole mentionne la volonté de mettre en place un référentiel commun, compte tenu de la pluralité des acteurs impliqués et de la nécessité d’une meilleure articulation entre eux.
Quels objectifs pour quels enjeux ?
La vie relationnelle, affective et sexuelle est au cœur de l’existence tant individuelle que collective. Elle s’inscrit à la fois dans la sphère privée (la famille, les pairs…) et dans la sphère sociale (la culture d’appartenance, l’école, les activités de loisir, les médias…).
Elle inclut de multiples dimensions et se fonde sur la coexistence de valeurs et de traditions diverses, qu’elles soient familiales, culturelles, philosophiques ou religieuses.
L’EVRAS est avant tout une éducation à la vie dans ses multiples dimensions (affective, émotionnelle, relationnelle, sociale, culturelle, biologique, sexuelle…). Elle vise à éduquer l’enfant ou le jeune, tant sur le plan de son développement relationnel que de son épanouissement personnel ainsi que tout ce qui favorise le vivre ensemble et un climat scolaire serein (circulaire no 4550 FWB du 10 septembre 2013).
42Les enjeux sont multiples. En ce qui concerne les élèves, la question de l’estime de soi et de la confiance en soi traverse de manière longitudinale le développement personnel de chaque jeune. L’EVRAS doit donc pouvoir s’intégrer à une démarche éducative, car elle représente une balise fondamentale du respect de soi et du respect des autres. Cette pratique qui est devenue obligatoire depuis quelques années seulement en Belgique a le mérite de vouloir aplanir la grande disparité dans les connaissances qu’ont les enfants des aspects relationnels dans leur évolution personnelle.
43En ce qui concerne les familles, ce sujet ne va pas nécessairement de soi, même s’il devrait faire partie intrinsèque de leur rôle, au point que cette thématique a longtemps été considérée comme relevant exclusivement de la sphère familiale et donc privée. Toutefois, il faut être attentif à ce que les valeurs promues par le milieu familial soient en cohérence avec l’approche des professionnels de terrain. Cela nécessite une information et une sensibilisation des parents par les professionnels en charge d’animations collectives sur cette thématique.
44Pour l’école, il importe de ne pas se substituer aux familles mais de prendre le relais, dans le cadre de la construction individuelle et sociale des enfants et de la préparation à leur future vie d’adultes. Ce processus n’a pas pour objectif de précipiter les jeunes dans l’univers des adultes (comme c’est souvent le cas des médias et de certains réseaux sociaux ou encore via internet). La difficulté rencontrée par les enseignants est qu’ils ne sont pas formés initialement à jouer un rôle en dehors de la sphère purement pédagogique. L’école doit donc veiller à s’entourer de relais professionnels expérimentés et formés pour s’assurer, en synergie avec les enseignants, que les rôles des uns (les enseignants) et des autres (les intervenants et partenaires psycho-médico-sociaux) sont bien cadrés. La direction de chaque établissement scolaire joue un rôle essentiel dans le pilotage à ce niveau.
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45En matière de santé à l’école en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’articulation entre les différents partenaires en charge, de manière directe ou indirecte, de l’évolution des élèves tout au long de leur parcours scolaire comporte des enjeux systémiques qu’il s’agit de mobiliser, sachant que le concept de « santé » dépasse largement celui d’une approche sanitaire globale nécessitant un travail en termes de prévention et de sensibilisation des différents intervenants concernés.
46Parmi les enjeux en présence, relevons celui de la mobilisation des enseignants pour que tous intègrent dans leurs pratiques pédagogiques des outils didactiques et une sensibilisation aux différents publics auxquels ils font face. C’est ici que les formations initiale et surtout continue prennent toute leur place et donnent tout leur sens au rôle d’enseignant.
47Un autre enjeu concerne le bien-être des élèves dans l’école fréquentée : cette notion passe encore trop souvent au second plan, les apprentissages de type cognitif (dans l’optique d’un enseignement d’excellence) étant jugés prépondérants. La réussite scolaire passe par une attention particulière à une approche globale de chaque élève, ce qui dépasse la dimension purement pédagogique.
Notes
1 Voir http://www.enseignement.be/index.php?page=28280
2 Avis no 3 du Groupe central, Pacte pour un enseignement d’excellence, 2016. https://bit.ly/3ARm3Qp
3 Voir http://enseignement.be/index.php?page=25408
4 Voir https://bit.ly/3reHVBJ
5 Voir https://bit.ly/3joJzfY
6 Pour en savoir plus, voir http://enseignement.be/download.php?do_id=14747
7 Il existe des écarts potentiels entre l’intention du législateur de promouvoir et de privilégier l’école inclusive et le fait que, sur le terrain, certains acteurs de l’école sont en difficulté pour mettre en place un dispositif en raison de freins internes et de procédures lourdes à gérer. L’école inclusive demande des temps de concertation, un travail d’équipe et une disponibilité pour identifier les besoins spécifiques des élèves en vue d’apporter une réponse. Ainsi, le PIA (plan individuel d’apprentissage) est de plus en plus remis en question par nombre de directions d’écoles submergées par les tâches administratives et les circulaires ministérielles, et qui ne sont donc plus assez disponibles pour gérer leur mission pédagogique de base.
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Référence papier
Guy De Keyser, « L’approche des centres psycho-médico-sociaux en Belgique francophone », Revue internationale d’éducation de Sèvres, 89 | 2022, 129-138.
Référence électronique
Guy De Keyser, « L’approche des centres psycho-médico-sociaux en Belgique francophone », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 89 | avril 2022, mis en ligne le 01 avril 2023, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/12463 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ries.12463
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