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Actualité internationale
Notes de lecture

Christian Depover, Jean-Pierre Jarousse, Papa Youga Dieng et Cédric Armand (dir.), Perspectives pour la formation des maîtres en Francophonie

Autrement, 2021, 521 p.
Pierre-Louis Gauthier
p. 41-44
Référence(s) :

Christian Depover, Jean-Pierre Jarousse, Papa Youga Dieng et Cédric Armand (sous la dir. de), Perspectives pour la formation des maîtres en Francophonie, Autrement, 2021, 521 p.

Texte intégral

1L’Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (Ifadem) présente en un gros volume (521 pages réparties en 12 chapitres) le bilan de son action depuis sa création en 2008.

  • 1  Conférence des ministres de l’éducation.

2Issue d’une coopération entre les organismes intermédiaires de la francophonie et les gouvernements des États concernés, l’Ifadem a conduit dans une quinzaine de pays, en Afrique subsaharienne, aux Caraïbes et au Moyen-Orient, diverses actions de formation des enseignants dans des contextes régionaux contrastés. En effet, le développement des techniques d’information et de communication (TIC) autorise désormais un essor de la formation à distance aux côtés des moyens plus traditionnels que sont la téléphonie ou la transmission postale. Le recours au numérique pallie également le handicap des distances à parcourir, souvent à pied, pour les inévitables regroupements pédagogiques. Le déploiement des TIC, qui reste cependant relatif suivant les pays, a permis la poursuite de l’initiative en dépit de la crise sanitaire. La diversité culturelle, économique, politique des terrains, le degré plus ou moins avancé du recours au numérique, le niveau initial des enseignants sont largement pris en compte par le dispositif de l’Ifadem. Ce dernier point reste majeur dans un contexte de faiblesse scolaire où les niveaux atteints par les élèves en Afrique francophone sont préoccupants, selon les récentes études publiées par le Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la Confemen1 (Pasec). Ce contexte est caractérisé par un recul important de l’enseignement du français et des taux de scolarisation des filles. Le choix de l’Ifadem s’est donc porté sur l’éducation de base et la formation des enseignants à ce niveau. Certains pays ont même entièrement dédié l’Initiative à l’enseignement primaire, comme le Niger où le dispositif concerne 48 % de l’ensemble des personnels du primaire ou les Comores pour 98 % de ces personnels.

3Il s’est ensuivi une palette d’expériences multiformes dont le point commun est la mise en œuvre de réseaux de formation à distance qui ont concerné près de 60 000 enseignants motivés. Compte tenu de la pénurie d’enseignants, l’impératif du maintien des enseignants dans leurs écoles auprès des élèves, à l’exception de quelques séminaires de formation, est pris en compte. La formation à distance, en même temps qu’elle est un moyen de formation d’un plus grand nombre d’enseignants tout en réduisant les déplacements physiques, semble également être devenue un facteur d’homogénéisation de l’enseignement.

4Basée sur les principes de coconstruction et de partenariat avec les grands organismes de la francophonie (AIF, OIF, AUF), l’Initiative se devait de prendre place d’emblée dans les structures de gouvernance existantes, de manière à assurer la continuité de l’action. C’est à ce niveau de décision que se situe la gouvernance des projets assurée conjointement.

Diversification, variations et complexité des dispositifs

  • 2  Le Swaziland est la seule monarchie absolue au monde.

5Dans une première phase, quatre pays ont servi de pilotes : le Bénin en Afrique de l’Ouest, cinq provinces du Burundi en Afrique de l’Est, Haïti dans les Caraïbes, et Madagascar. Dans un deuxième temps dix autres pays ont été retenus : la République démocratique du Congo (RDC), la Côte d’Ivoire, le Niger, le Sénégal, le Togo, le Mali, le Burkina Faso, le Tchad, le Cameroun et les Comores, ainsi que le Liban. On notera la grande disparité économique, politique, démographique, culturelle et linguistique des pays participants sur fond de fragilité scolaire. L’un des pilotes de l’Initiative, le Burundi (12 millions d’habitants), avec le français comme langue officielle et d’enseignement, ne compte pour le primaire que 42 % d’enseignants formés. En RDC, le système de formation est assuré par un enseignement secondaire, lui-même de faible niveau. Le Niger recrute massivement des enseignants contractuels issus de formations initiales diverses et décentralisées face à une croissance démographique de 3,9 % par an. Le Sénégal, doté d’un solide système de formation, tente d’absorber un recrutement massif de « volontaires de l’éducation » sans formation dans son programme sectoriel d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence de l’éducation (PAQUET). Le Mali reste confronté à la médiocrité des infrastructures et au nombre insuffisant d’enseignants, d’ailleurs peu ou mal formés dans des structures disparates. Le Burkina Faso est parvenu à améliorer les taux de scolarisation des filles, mais dans un contexte de faible rendement du système. Le Tchad utilise, entre autres, des « maîtres communautaires » non-fonctionnaires qui représentent 63 % du corps enseignant sans aucune formation de départ. Une étude concerne l’enseignement du français en Eswatini ou Swaziland (un million d’habitants), pays anglophone et multilingue de l’Afrique australe2. On pourrait multiplier les exemples, présentés dans l’ouvrage dans une série de cas d’école.

6Le planning de mise en œuvre de l’Initiative a pu varier considérablement suivant les divers facteurs, notamment dans des pays particulièrement impactés par l’instabilité géopolitique comme le Mali ou le Tchad ou par l’épidémie de Covid-19 comme la Côte d’Ivoire.

7Les modalités de la formation à distance sont déclinées dans des registres variés reflétant la situation réelle des systèmes d’éducation régionaux. La généralisation des procédures serait sans doute improductive face à la mosaïque des situations scolaires sur le continent africain. Les préoccupations sécuritaires que connaissent certaines régions, l’instabilité politique qui en découle souvent, accentuent encore les différences entre les partenaires. Ces facteurs de perturbation sont pris en compte dans les projets.

8Les études de cas présentées dans l’ouvrage, si elles permettent de mesurer la diversité à la fois des situations régionales et des solutions adoptées, ne permettent pas en revanche d’avoir une vue d’ensemble du paysage de l’éducation en Afrique sub-saharienne, sauf à en retenir quelques grands traits. L’abondance et la disparité des dispositifs, désignés par autant de sigles différents, le plus souvent limités à un seul pays, voire à une seule province, brouillent une vision globale de l’éducation.

Le cadre méthodologique

9La méthodologie mise en œuvre par l’Ifadem comporte quatre étapes articulées entre elles : identification, préparation, déploiement à travers l’expérimentation, extension puis appropriation, évaluation enfin, aucune de ces phases n’étant minorée par rapport aux autres. Ainsi la préparation consiste en une formation des acteurs dont des tuteurs et des superviseurs recrutés parmi les inspecteurs et les instituteurs, formation généralement assurée par des experts internationaux. Cette phase préalable de formation « en ruissellement » s’accompagne de la mise en place des espaces numériques et de la conception des outils de formation sous la forme de livrets sur papier ou numérisés destinés aux instituteurs. Ces livrets intègrent parfois la dimension multilingue du pays. Leur nombre varie suivant les pays. Ces outils sont complétés par des documents multimédias comme la radio ou des CD-ROM. Enfin citons trois livrets transnationaux réalisés en collaboration avec le projet « École et langues nationales en Afrique » (ELAN-Afrique).

10L’implantation de l’Initiative durant les années 2008-2020 s’est inscrite dans une perspective comparative riche d’enseignements. Le temps pris par la négociation préalable, le délai entre la signature des contrats et les premiers regroupements, le nombre des livrets destinés aux instituteurs, la durée de la phase expérimentale, le délai entre mise en œuvre et examen final, le degré d’achèvement des projets, figurent dans l’analyse comparative. Les dotations en matériels sont évaluées en nombre d’unités. L’analyse des coûts révèle des disparités importantes, liées principalement aux effectifs concernés par la formation, mais dans l’ensemble, les données financières restent lacunaires pour de nombreux pays. Les coûts évoluent selon la dynamique propre des technologies mises en œuvre au fil des années : espaces numériques, téléphones portables, tablettes. Dans l’ensemble, les coûts tendent à diminuer avec l’extension du numérique et l’appropriation finale de l’Initiative par les États, ce qui reste l’un des objectifs de l’Initiative. La prise en compte, ou non, par les différents ministères des pays concernés de la certification finale dans la carrière des enseignants est un indicateur précieux du degré d’appropriation du projet.

11Certes, la crise sanitaire a affecté durablement le fonctionnement de l’ensemble, rendant encore plus aigu le manque d’enseignants et les prochaines années seront déterminantes pour la pérennité de l’Initiative.

Quelques enseignements…

12La présentation du bilan de l’Ifadem est l’occasion de tirer quelques enseignements de cette étude. Tout d’abord, dans le contexte régional, l’Ifadem représente peut-être, à travers la problématique cruciale d’une amélioration des systèmes éducatifs sur le continent africain, une entreprise propice à leur harmonisation. Ensuite, la mise en œuvre d’outils mixtes dûment négociés vient souligner que tout ne peut être résolu par un recours exclusif au numérique. Le papier garde toute sa place à l’école ! Enfin, l’expérience continentale de l’Ifadem rappelle que, sans une attention spécifique portée à l’éducation de base, voire à l’enseignement primaire en priorité, et à la qualité de leurs enseignants, c’est tout le système éducatif qui est fragilisé, comme en témoignent les évaluations internationales menées sur d’autres continents et révélant de semblables faiblesses scolaires.

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Notes

1  Conférence des ministres de l’éducation.

2  Le Swaziland est la seule monarchie absolue au monde.

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Pour citer cet article

Référence papier

Pierre-Louis Gauthier, « Christian Depover, Jean-Pierre Jarousse, Papa Youga Dieng et Cédric Armand (dir.), Perspectives pour la formation des maîtres en Francophonie »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 89 | 2022, 41-44.

Référence électronique

Pierre-Louis Gauthier, « Christian Depover, Jean-Pierre Jarousse, Papa Youga Dieng et Cédric Armand (dir.), Perspectives pour la formation des maîtres en Francophonie »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 89 | avril 2022, mis en ligne le 01 avril 2023, consulté le 25 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/12095 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ries.12095

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Auteur

Pierre-Louis Gauthier

Pierre-Louis Gauthier est inspecteur d’académie honoraire et membre du comité de rédaction de la Revue internationale d’éducation de Sèvres. Après des études d’histoire, de géographie et de linguistique, il a été enseignant, puis a exercé des fonctions d’inspection, de formation et de direction (école normale, institut universitaire de formation des maîtres). Il a en outre été consultant et expert auprès de ministères (éducation nationale, affaires étrangères), de la Commission européenne ou à l’invitation d’universités ou d’organismes gouvernementaux sur quatre continents, et principalement en Asie. Il a publié sur des sujets tels que la formation et la comparaison internationale en éducation. Courriel : pierre-louis.gauthier[at]orange.fr

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