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Actualité internationale
Le point sur l’actualité internationale

Retour en classe au Mexique

Carlos Ornelas
Traduction de Sylvaine Herold
p. 20-22

Notes de la rédaction

Article traduit de l’anglais par Sylvaine Herold.

Texte intégral

1Après seize mois de fermeture en raison de la pandémie, le ministère mexicain de l’éducation publique (Secretaría de Educación Pública, SEP) a programmé le retour en classe en présentiel dans les établissements de l’éducation de base au 30 août 2021. Le gouvernement de Andrés Manuel López Obrador devait de toute urgence rouvrir les écoles afin d’accélérer la reprise économique et les activités politiques, dans le cadre de ce que le président appelle la « nouvelle normalité ». On peut supposer que cette nouvelle a suscité une certaine euphorie parmi les élèves après des mois de confinement, de tensions familiales et de souffrance. Chez les enseignants cependant, elle a généré plus de confusion et de méfiance que de certitude, compte tenu de la situation des écoles.

2Les preuves et les témoignages de l’inefficacité du gouvernement à combattre la Covid-19 ne manquent pas (Casanova, 2021 ; Signos Vitales, 2021). Il y a trop peu de tests, des moyens sanitaires insuffisants dans les hôpitaux et un manque de prévoyance flagrant. En bref, des stratégies erratiques liées au fait que les hautes sphères du gouvernement n’ont pas prêté attention aux avertissements lancés par l’Organisation mondiale de la santé. Le président lui-même ne croyait pas à la gravité de l’infection. La situation a changé ; aujourd’hui, il est devenu urgent de reprendre le rythme. Mais les stratégies du ministère suscitent de la méfiance car le Syndicat national des travailleurs de l’éducation (Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación, SNTE) joue un rôle de premier plan, contrairement à sa tradition, non seulement pour la protection des droits des travailleurs mais également au-delà, en se substituant aux autorités pour certaines fonctions.

3Dans ce qui suit, nous donnons un aperçu de la manière dont est vécu le retour en classe cinq semaines après la rentrée scolaire 2021-2022, sur la base de coupures de presse et du récit personnel d’un directeur d’école secondaire.

4Le 20 mars 2020 a marqué le dernier jour des cours ordinaires dans l’éducation de base au Mexique. La pandémie a contraint le gouvernement à prendre des mesures fortes et à décréter un confinement qui devait durer quatre ou cinq semaines. Ce qui s’est avéré impossible ; on était alors dans la phase de contagiosité et de mortalité maximales de la Covid-19.

5Le ministère de l’éducation publique devait de toute urgence trouver une solution pour sauver l’année scolaire. Il a eu recours à l’enseignement à distance par le biais de la télévision et des réseaux sociaux, dans le cadre d’un programme-cadre : Aprende en Casa (« Apprends à la maison »). L’objectif était que les élèves acquièrent les apprentissages attendus. Ce qui s’est également avéré impossible.

6Pour l’année scolaire 2021-2022, avec un peu plus de temps pour concevoir des solutions, le ministère a proposé le programme Aprende en Casa II. Il a élaboré des supports et des cours de courte durée pour les enseignants et les parents. Si ce programme n’a pas totalement échoué, il n’a pas non plus remporté l’adhésion de la société. Les inégalités sociales se sont reproduites de manière encore plus prononcée du fait de la fracture numérique. Les plus démunis ont davantage souffert que les classes moyennes.

7Et en effet, après une année scolaire complète d’enseignement à distance, des voix se sont élevées en faveur d’un retour aux cours en présentiel, mais dans des conditions garantissant la sécurité sanitaire des élèves, des enseignants et des travailleurs. Le retour en classe n’a cependant pas été aisé. Au cours des seize mois qu’a duré l’enseignement à distance, les locaux scolaires ont souffert de l’abandon : infrastructures délabrées, saleté, fuites, herbes folles et, plus grave encore, vandalisme.

8Le SNTE a alors accompli un travail qui incombait aux autorités, et il l’a bien fait. Son équipe a fait l’inventaire des dommages au 31 août, soit un jour après le début de la reprise des cours en présentiel : 48 667 établissements présentent des retards considérables. En résumé : 24 588 écoles ont besoin d’une réhabilitation hydraulique complète ; 21 000 doivent remplacer leur système d’évacuation ; 44 243 autres ont besoin de nouveaux réservoirs d’eau et 26 500 n’ont pas de citernes. Enfin, 26 476 écoles doivent remplacer ou réparer leurs pompes à eau.

9Le diagnostic réalisé par le SNTE est très détaillé. Il indique que 32 393 écoles ne disposent même pas de robinets d’eau et que d’autres doivent installer ou réparer 27 240 portes et remplacer 25 650 vitres. Les actes de vandalisme ont concerné le vol de câbles électriques, de toilettes, de mobilier et d’équipements.

10Bien que le président López Obrador ait assuré que le retour en classe serait obligatoire, il a été contraint de faire marche arrière en raison de l’impossibilité de préparer toutes les écoles et de l’opposition d’un courant dissident du SNTE, la Coordination nationale des travailleurs de l’éducation, qui représente environ 100 000 enseignants.

11Comme dans le reste du monde, le ministère a élaboré un protocole sanitaire en dix points pour un retour en classe en toute sécurité. Mais réparer les infrastructures et mettre en œuvre le protocole coûte cher ; le gouvernement n’a pas alloué de ressources pour cela et il y en a peu dans le budget des dépenses fédérales pour 2022.

  • 1  Pour favoriser la reconnaissance anticipée des symptômes de maladies respiratoires parmi les membr (...)

12L’une des mesures du protocole prévoyait que les parents s’engagent à mettre en œuvre un examen sanitaire à domicile1 de leurs enfants avant de les emmener à l’école. Il était également exigé d’eux qu’ils signent une lettre d’engagement. Le gouvernement souhaitait ainsi transférer le coût aux familles et aux municipalités. Après des actions en justice de parents, le gouvernement a dû revoir sa politique.

13Quoi qu’il en soit, le retour à l’école se fait lentement. Outre les dégâts subis par les infrastructures, on constate une certaine méfiance et le désir que le retour en classe se fasse sans danger. Au cours des deux premières semaines de classe, 140 392 écoles élémentaires et 34 491 établissements du secondaire inférieur ont proposé des cours en présentiel ou mixtes. Mais plus de 90 000 établissements n’ont pas ouvert – dont la plupart se trouvent dans des zones d’éducation prioritaire. Mexicanos Primero (« Les Mexicains d’abord »), une organisation de la société civile, estime qu’à ce rythme, le retour à l’école prendra huit mois.

14Selon certains, le retour à l’école devrait prévoir la présence de personnel soignant dans les protocoles de sécurité et le dépistage de l’ensemble des membres de la communauté pour prévenir de nouvelles contagions ; il suppose aussi de définir le plus clairement possible le rôle que chaque acteur scolaire devrait jouer.

15L’enjeu, dans cette situation nouvelle, est de savoir comment concrétiser le droit à l’éducation des enfants et comment le gouvernement peut gagner la confiance des parents et des enseignants. Personne ne semble savoir que faire des millions de familles qui n’ont pas envoyé leurs enfants à l’école, soit parce qu’elles ne croient pas les autorités, soit parce que les écoles ne sont pas en mesure de les accueillir.

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Bibliographie

CASANOVA H. (ed.) (2021). Educación y pandemia: Una visión académica. México : Instituto de Investigaciones sobre la Universidad y la Educación – UNAM.

SIGNOS VITALES (2021). La pandemia en México: Dimensión de la tragedia. Mexico : Signos Vitales – El Pulso de México.

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Notes

1  Pour favoriser la reconnaissance anticipée des symptômes de maladies respiratoires parmi les membres de la communauté scolaire, le ministère de l’éducation publique mexicain a mis en œuvre des « filtres de coresponsabilité » (filtros de corresponsabilidad) destinés à fonctionner à trois niveaux : à la maison, à l’école, dans la salle de classe. Chaque jour, avant d’envoyer leurs enfants à l’école, il était attendu des parents qu’ils vérifient que leurs enfants ne présentent pas de symptômes évocateurs d’une maladie respiratoire : fièvre, maux de tête, toux, éternuements ou maux de gorge (source : Gobierno de México. https://bit.ly/3HKXhVt) (NdT).

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Pour citer cet article

Référence papier

Carlos Ornelas, « Retour en classe au Mexique »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 88 | 2021, 20-22.

Référence électronique

Carlos Ornelas, « Retour en classe au Mexique »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 88 | décembre 2021, mis en ligne le 01 décembre 2022, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ries/11205 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ries.11205

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Auteur

Carlos Ornelas

Carlos Ornelas est titulaire d’un doctorat (PhD) en sciences de l’éducation obtenu en 1980 à l’Université Stanford, États-Unis. Il est professeur en sciences de l’éducation et de la communication à la Metropolitan Autonomous University, Xochimilco Campus, Mexico. En 2019, Sense-Brill a publié son dernier ouvrage, Politics of Education in Latin America: Reforms, Resistance and Persistence (version espagnole chez Siglo XXI Editore, 2020). Courriel : carlos.ornelas[at]icloud.com

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