Masques et miroirs de l’Empereur autour du sacre : Lemercier et Chénier
Résumés
Quand peut-on parler en effet légitimement d’un « masque de Napoléon » ? Quand c’était l’intention de l’auteur, quand la critique contemporaine ou quand des témoignages suggèrent cette lecture. Nous essaierons aujourd’hui d’approcher le théâtre sérieux à travers deux auteurs exemplaires à bien des égards pour notre réflexion, Lemercier et Chénier, tous deux auteurs de tragédies « politiques », tous deux victimes de la censure, tous deux présentant à l’empereur des masques assez transparents pour servir de miroirs.
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Mots-clés :
Napoléon Bonaparte, théâtre, Consulat, représentations de l’Empereur, Chénier (Marie-Joseph), Empire, Lemercier (Népomucène)Keywords:
Napoleon, theatre, Consulate, figurations of the Emperor, Chénier (Marie-Joseph), Empire, Lemercier (Népomucène)Notes de la rédaction
Vincenzo De Santis a écrit le paragraphe « Bonaparte-Charlemagne et Lemercier », et Pierre Frantz le paragraphe : « Chénier : Cyrus et Tibère » ; introduction et conclusion sont le fruit d’un travail commun.
Texte intégral
- 1 Stendhal, Racine et Shakespeare, [1823], éd. B. Leuilliot, Paris, Éditions Kimé, 1994, p. 76. La fo (...)
Que l’on vienne nous dire dans le salon où nous rions et plaisantons avec des femmes aimables que le feu est à la maison, à l’instant nous n’aurons plus cette attention légère qu’il faut pour les bons mots et les plaisirs de l’esprit. Tel est l’effet produit par toute idée politique dans un ouvrage de littérature ; c’est un coup de pistolet au milieu d’un concert.1
1Stendhal désigne ainsi l’effraction politique qui met fin à un plaisir d’emportement, à une ivresse des mots, au plaisir de la sécurité harmonieuse d’un salon, bref, à un certain régime de la fiction, séparée du réel et des lecteurs par une cloison invisible. Ce régime est aussi celui de la scène théâtrale, séparée des spectateurs par le quatrième mur, enfin efficace en ce début du XIXe siècle, depuis qu’en quelques décennies une place a été fermement assignée au spectateur. Cette effraction politique, qui, aux yeux de Stendhal, peut menacer l’art, est celle qu’opèrent ce qu’on appelle aux XVIIIe et XIXe siècles les « applications », qui introduisent dans la fiction des personnages extérieurs à la scène, en les désignant ostensiblement, car, dans un autre sens, rien de plus « politique » que le roman stendhalien : l’écriture pense, agit, s’oppose. Ce n’est pas le privilège du roman. Un double régime d’écriture marque tout autant l’écriture dramatique, quel que soit le genre adopté, comédie, tragédie, drame et mélodrame. Réfléchir sur la présence des masques de Napoléon sur la scène, et principalement dans une période où précisément la censure interdit l’allusion ou l’application trop directe au Premier Consul ou à l’Empereur, implique un détour et un retour. Les approches sociocritiques, tout à fait légitimes et en usage chez les spécialistes du XIXe siècle, travaillent sur la métaphorisation du réel socio-politique et non sur les applications trop directes. Nous nous limiterons, pour notre part, à l’étude de trois tragédies dans lesquelles se rencontrent sans aucun doute des applications à Bonaparte. Quand peut-on parler en effet légitimement d’un « masque de Napoléon » ? Quand c’était l’intention de l’auteur, quand la critique contemporaine ou quand des témoignages suggèrent cette lecture. Avec cette réserve que les journaux se montrent très prudents, car il peut être risqué d’avouer qu’on a reconnu le Premier Consul ou l’Empereur derrière le masque d’un tyran antique. Sans aucun doute aussi quand la censure découvre ou « fabrique » l’allusion. Au-delà de l’effraction, quand l’hypothèse du masque de l’Empereur active la lecture d’une pensée politique à l’œuvre. Nous essaierons aujourd’hui d’approcher le théâtre sérieux à travers deux auteurs exemplaires à bien des égards pour notre réflexion, Lemercier et Chénier, tous deux auteurs de tragédies « politiques », tous deux victimes de la censure, tous deux présentant à l’empereur des masques assez transparents pour servir de miroirs.
Bonaparte-Charlemagne et Lemercier
- 2 Voir T. Lentz, « Napoleon and Charlemagne », dans Napoleonica. La Revue, 1, 2008, p. 45-68. DOI : 1 (...)
- 3 La pierre se trouve en dessous des sabots du cheval, vers la gauche de la toile.
- 4 Charlemagne se trouve aussi sur le sceptre dans son portrait par Ingres, où Napoléon en imite la po (...)
- 5 N. Lemercier, Charlemagne (tragédie en cinq actes et en vers, 1800-1803), Paris, Barba, 1816, Théât (...)
2Parmi les différents symboles ou masques mis au service des politiques culturelles napoléoniennes, à côté du grand empereur Auguste, l’une des figures les plus présentes, comme en témoignent les travaux de Robert Morrissey et Thierry Lentz, est sans aucun doute celle de Charlemagne2. L’assimilation entre les deux figures, on l’a observé, est fortement encouragée et à plusieurs reprises par Bonaparte lui-même, et le parallèle qui se crée entre les deux empereurs demeure une constante dans les représentations artistiques du Corse tout au long de son règne. Ce parallèle se construit d’abord par le régime de l’allusion dans la littérature et les arts, mais il devient également un instrument de parodie aux services de la propagande antinapoléonienne, notamment au cours des années 1810. De la peinture à grand format à la caricature, les images des deux empereurs de France se superposent. Deux exemples iconographiques, l’un datant du début de la période, l’autre de la fin, clarifient bien l’ampleur du phénomène. Dans les différentes versions de la toile Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard que David peint entre 1801 et 1803, à côté des noms de Bonaparte et d’Hannibal on peut lire gravé sur une pierre celui de « Karolus Magnus »3. L’assimilation du Corse à Charlemagne et Hannibal, les deux grands héros vainqueurs des Alpes à l’époque ancienne et médiévale, sous-entendue par le peintre, pose idéalement Bonaparte dans leur lignage4. À l’opposé, la caricature de 1814 intitulée Le Courrier du Rhin perdant tout à son retour de la foire de Leipzig nous montre l’Empereur qui s’enfuit après la défaite, portant sur son bâton l’effigie de son illustre ancêtre. Si à partir du sacre la comparaison de Napoléon avec l’empereur carolingien se généralise, elle existait déjà avant le couronnement. C’est justement sur cette assimilation, qui change de signification dans les années qui précèdent le sacre, que Lemercier fonde la signification politique de sa tragédie Charlemagne, composée sous le Consulat et jouée uniquement en 18165.
- 6 Voir P. Dwyer, Citizen Emperor : Napoleon in Power 1799-1815, London, Bloomsbury, 2013.
- 7 L’une des premières occurrences de la comparaison entre Bonaparte et Charlemagne apparaît dans un a (...)
- 8 Voir, ici même, l’article de C. Siviter.
- 9 I. Durand-Le-Guern, Le Moyen âge des romantiques, cit., p. 163.
- 10 J. Chas, Parallèle de Bonaparte et Charlemagne, s.l., Éverat, 1803. Dans l’édition de 1805, Napoléo (...)
- 11 M. Barret, Les Trois Hommes illustres, ou Dissertation sur les institutions politiques de César Aug (...)
- 12 Voir H. Croft, Bonaparte Consul à vie, Paris, Pougens, 1803, p. ix-x.
- 13 F.-X. Pagès de Vixouse, Histoire du Consulat de Bonaparte : contenant tous les événemens politiques (...)
- 14 E. Mentelle, Géographie mathématique, physique et politique de toutes les parties du monde, Paris, (...)
- 15 Voir I. Durand-Le-Guern, Le Moyen âge des romantiques, cit., p. 167. Les exemples se multiplient en (...)
3Philip Dwyer a insisté sur l’attention précoce du jeune Bonaparte pour la fondation de son propre « mythe »6. Les premières comparaisons présentaient Bonaparte comme un nouveau Charlemagne, héros sauveur dans la campagne d’Italie et protecteur de la République7, selon cette image de « modestie » marquant certaines phases de sa politique8. À mesure que son plan politique se clarifie, son rapport à Charlemagne devient un moyen de légitimer son coup d’État futur par le biais d’une « filiation idéale »9. Ce n’est pourtant qu’en 1803 que les vies des deux souverains sont mises explicitement en « parallèle » dans un texte publié par Jean Chas, qui compose une double vie de ces deux hommes illustres10, et dans Les Trois Hommes illustres de Barret11. Publié à Paris la même année, le Bonaparte Consul à vie de Sir Herbert Croft revenait sur le parallèle et présentait Bonaparte comme un héros fondateur, comparable à Marc Aurèle, à Henri IV et, bien sûr, à Charlemagne12. Dans la littérature de propagande et dans ses textes satellites (commentaires, comptes rendus, ouvrages de vulgarisation), le parallèle prend parfois la forme d’une compétition. Toujours en 1803, l’Histoire du Consulat de Bonaparte déclare la supériorité de Bonaparte sur Charlemagne13. L’entreprise de Bonaparte, qui fait émerger la France de ses « ruines », est encore jugée supérieure par rapport à celle de Charlemagne, « tranquille successeur de Pépin », dans un texte de vulgarisation géographique paru la même année14. Enfin, toujours « en 1803, Napoléon songe à ériger une statue de Charlemagne en haut d’une colonne, sur la place Vendôme ; finalement, la statue qui surmonte la colonne sera celle de Napoléon lui-même, ce qui est révélateur de la substitution qui s’opère »15.
4Les années 1800-1803, qui correspondent à la réalisation des toiles de David, semblent donc constituer le moment précis où le mythe légitimiste et républicain du Bonaparte-Charlemagne se transforme en une sorte de symbolisation de sa montée imminente au pouvoir, notamment grâce à des ouvrages qui proposent, à la manière des Vies de Plutarque, un parallèle explicite. Or cette même chronologie correspond également à la composition de la tragédie de Lemercier, auteur à grand succès du Directoire et du Consulat, dont la représentation n’a eu lieu qu’après les Cent-Jours. Conçu au cours de cette transformation, l’ouvrage de Lemercier établit ainsi un lien transtextuel avec cet ensemble d’ouvrages encomiastiques publiés autour de 1803, au point que le Journal de Paris du 22 novembre de la même année invite le dramaturge à « faire jouer » sa tragédie, qui a au moins le mérite d’être un ouvrage « à propos » : « c’est en 803 que Charlemagne, selon l’abrégé du président Hénault, voulut épouser l’Impératrice d’Orient, Irène, et c’est le sujet de la tragédie de M. Lemercier ». La tragédie de Charlemagne est centrée sur une conjuration intestine organisée par Astrade afin de venger sa sœur Régine, que Charlemagne abandonne pour s’unir à Irène. Le petit Hugues, fils illégitime de Charlemagne et Régine, informe le roi de la conjuration et accuse par erreur sa mère qui est finalement innocentée lorsqu’on retrouve un billet qu’elle avait adressé au roi.
- 16 L.-G. Rousseau, Népomucène Lemercier et Napoléon Bonaparte, Mayenne, impr. de Floch, 1958, p. 28.
- 17 M. Souriau, Népomucène Lemercier et ses correspondants, Paris, Vuibert et Nony, 1908, p. 79.
- 18 Cet éloignement se fait plus évident justement en 1803, avec l’interdiction de sa pièce Isule et Or (...)
5Bonaparte assiste à une lecture de la tragédie à la Malmaison autour de 1800-180116, et la pièce est reçue à la Comédie-Française déjà en 180117, peu après l’interdiction de Pinto, ou la Journée d’une conspiration (1800), l’œuvre la plus censurée de Lemercier tout au long du siècle. C’est à ce moment que Bonaparte demande au dramaturge de terminer sa pièce par la scène du couronnement de Charlemagne, ce que l’auteur refuse énergiquement. Ce refus est un des premiers signes de la rupture politique et personnelle entre l’écrivain républicain et le futur empereur, rupture qui devient définitive sous l’Empire, lorsque Lemercier est pour ainsi dire banni de la scène18.
- 19 I. Durand-Le Guern, « Les tragédies médiévales de Népomucène Lemercier : histoire et politique », d (...)
- 20 Au moment de la création, on exige de Lemercier que certains vers, qui auraient pu faire l’objet d’ (...)
- 21 Sur l’évolution du public à cette époque et sur le culte de l’Empereur après sa défaite et notammen (...)
6Charlemagne est donc achevé à une époque où les plans de Bonaparte changent aussi le sens de son assimilation au roi carolingien : « alors que Bonaparte ne pouvait qu’être flatté par la représentation de la tragédie Charlemagne, qui exaltait la figure impériale, Lemercier refuse d’entrer dans ce jeu politique »19. À vrai dire, l’auteur use d’un parallèle cher au futur empereur et à ses partisans dans une pièce où la figure de Charlemagne est présentée d’une manière pour le moins ambiguë. Au moment de sa création en 1816, une partie du public prend en effet la pièce pour un hommage nostalgique à l’Empereur, une autre partie comme une attaque à la monarchie restaurée – d’où les interventions de la censure20 –, une troisième partie, formée surtout par des bonapartistes, voit dans la tragédie une attaque voilée dirigée contre le successeur de Charlemagne21. Dans l’avertissement publié plus tard, Lemercier ressent donc le besoin de se justifier, mais se montre tout à fait conscient de la transformation des régimes politiques qui est en cours :
- 22 N. Lemercier, Avertissement, dans Charlemagne, cit., p. IV.
C’est faussement qu’on a publié que ma tragédie resta longtemps par ordre dans mon portefeuille ; car l’ordre de la faire paraître, telle qu’on l’a vue, me fut donné il у a quinze ans : mais je refusai d’en profiter, ne voulant pas que la littérature aidât la politique au moment où le gouvernement consulaire s’érigeait en hérédité impériale.22
- 23 Les autres tragédies de l’auteur composées avant Waterloo et créées sous la Restauration tombent po (...)
- 24 Voir, entre autres, les Annales des spectacles (29 juin 1816). La pièce est montée avec le décor de (...)
7Lemercier fait allusion ici à l’exigence de Bonaparte qui lui demandait de changer le dénouement : il avait refusé de s’y plier. Le choix d’un thème historique témoigne de l’attention de Lemercier au théâtre de son époque. L’auteur utilise la structure de la tragédie classique dans un texte s’inspirant de l’histoire médiévale, mais le style ampoulé et la dramaturgie résolument conservatrice, qui caractérisent cette phase de sa production tragique23, sont à contretemps au moment de la création tardive au Théâtre-Français le 27 juin 1816. Peu novatrice dans sa forme et montée avec un décor jugé comme étant inadapté (on reconnaissait Rouen à la place d’Herstal), la pièce n’est jouée qu’une fois24.
8La tragédie opère une sorte de deminutio et Charles ne s’appelle grand que dans le titre. Plus que par la conjuration politique évitée, le nœud de la pièce est constitué par l’erreur de jugement du protagoniste, qui accuse Régine d’avoir organisé la conjuration et la condamne injustement. La tirade où il l’accuse se termine par une allusion à la vertu de la clémence, durement mise à l’épreuve par la prétendue trahison de Régine :
CHARLES.
- 25 N. Lemercier, Charlemagne, cit., V, 5, p. 98-99.
O mortels nés obscurs dans la foule commune,
Qui dédaignez la paix de votre humble fortune,
Pleurez sur les douleurs dont je me sens presser,
Et voyez quel poignard fut prêt à me percer.
C’est peu que les partis se demandent ma tête,
Qu’en mes plus beaux desseins l’inimitié m’arrête,
Puissans par ma faveur, enrichis de mes dons,
Mes premiers confidens forment des trahisons !
Mon fils dénaturé s’arme contre son père !
O forfaits ! une main, hélas ! cruelle et chère,
Lève sur moi, dans l’ombre, un homicide acier....
(Régine veut parler.)
Madame, quel discours peut vous justifier ?
Tout ce qui s’est passé reste dans ma mémoire ;
Je ne m’aveugle pas, et n’ai garde de croire
Que vos frayeurs, de Hugue ordonnant le trépas,
Voulurent par sa mort couvrir vos attentats.
Surprise des périls qu’a courus son enfance,
Votre effroi maternel parle en votre défense.
Astrade vous trompait ; et ces atrocités
Ne se mêlèrent pas à vos complicités :
Mais, toutefois, prêtant vos secours à la haine,
Aspirant à briser mes nœuds avec Irène,
Vous seule aux conjurés prîtes soin de marquer
Le lieu, l’heure, l’instant, propres à m’attaquer.
Vous demandâtes même un entretien perfide :
Vous dressâtes le piège et vous fûtes leur guide,
Et vous aviez permis qu’on écartât au loin
De toutes leurs fureurs ce dangereux témoin ;
N’en est-ce pas assez pour vaincre la constance
D’un cœur dont on s’obstine à lasser la clémence ?25
- 26 N. Lemercier, Avertissement, dans ibid., p. vii.
- 27 Voir C. Siviter, Rewriting History through the Performance of Tragedy 1799-1815, thèse dirigée par (...)
- 28 N. Lemercier, Charlemagne, cit., II, 5, p. 47 ; IV, 4, p. 80.
9« Avant d’être clément, soyez juste, seigneur », répond Régine à l’arrêt du roi en soulignant son innocence. Dans l’Avertissement de 1816, Lemercier affirme avoir eu recours au modèle cornélien de la tragédie politique et notamment à Cinna, et établit une comparaison entre Auguste et Napoléon-Charlemagne : « Auguste pardonne, Charlemagne punit »26. Le mot de « clémence » prend ici un sens nouveau, si l’on pense à la version de Cinna jouée sous l’Empire27. Il fait écho aux autres occurrences du terme présentes dans la tragédie, telles que les accusations de « fausse clémence », formulées par les conjurés à l’égard du monarque, ou bien à une tirade du roi, pour qui sa « clémence » aurait pu susciter le repentir dans le cœur « coupable » de sa maîtresse délaissée28. Le portrait de Charlemagne – et indirectement du futur Napoléon – offert par le dramaturge n’est cependant pas entièrement négatif. Son erreur n’est pas due à l’emportement, ou à une passion aveuglante : Charles est persuadé de la justesse de ses déductions qui, tout étant fondées sur une fausse interprétation de la réalité, sont le fruit de sa réflexion lucide. L’Empereur formule une condamnation erronée en exerçant sa fonction publique, ce qui révèle son caractère humain et sa nature imparfaite. Lemercier évoque les deux augustes modèles auxquels le futur empereur se comparait : contrairement aux deux autres fondateurs d’empires, le nouveau Charlemagne n’est ni juste ni clément, mais un homme parmi les hommes, qui n’est ni maître de lui-même ni de l’univers.
- 29 Ophis (tragédie en cinq actes et en vers), Paris, Fayolle, 1798, Théâtre Français, 21/12/1798 ; Bau (...)
10Dans deux tragédies composées à la même époque que Charlemagne, Ophis et Baudouin Empereur, le dramaturge avait essayé de mettre en garde le sauveur de la République contre les dangers du pouvoir absolu : même quand il est fondé sur l’appui populaire, il ne peut que corrompre l’âme de celui qui l’exerce et le condamne, après la mort, aux « éternels supplices » du jugement de la postérité29. Dans Charlemagne – tragédie composée en un temps étonnamment proche de celui de la toile de David évoquée plus haut – Lemercier revient donc sur une analogie présente dans la littérature de propagande mais avec des intentions qui écartent aussi bien l’exaltation que l’attaque directe ou la parodie. Les portraits de Napoléon en Charlemagne et le théâtre s’inscrivent dans un réseau de références où différents dispositifs sémiotiques insistent sur les mêmes images artificielles du pouvoir. La toile et la tragédie s’adressent à un public pour qui l’assimilation entre les deux figures impériales n’est pas perçue comme une nouveauté mais fait désormais partie d’un savoir partagé via une sorte d’effet médiatique, grâce auquel Lemercier met à jour la contingence de l’homme, sa faiblesse ; il use du masque choisi par Bonaparte pour dévoiler l’homme et démasquer ses ambitions politiques, tout en renvoyant au futur empereur une sorte d’admonition, et en exhibant aux yeux du public la nature mortelle et faillible des souverains.
Chénier : Cyrus et Tibère
- 30 A. Lieby, Marie-Joseph Chénier, Paris, Société Française d’imprimerie et de librairie, 1902.
11Les relations complexes, pour le moins, entre Chénier et Napoléon ont été évoquées plusieurs fois, notamment par Adolphe Lieby30, principalement selon une approche « biographique ». On fait ressortir les ambiguïtés politiques de l’auteur, fervent républicain et adversaire résolu de la politique concordataire de Napoléon, d’une part, mais, d’autre part, entonnant quelques palinodies dès qu’il se serait agi de sacrifier à ses opinions les revenus que lui procuraient les places qui lui avaient été accordées après et malgré son opposition à la politique décidée par le Premier Consul. Ses adversaires, suivis parfois par la critique, ont pris souvent une posture moralisante un peu facile et ont incriminé ses demandes réitérées de secours au pouvoir impérial mais Daunou, qui fut son ami, et Adolphe Lieby se montrent plus généreux et attribuent ses démarches, surprenantes pour un républicain, au moins autant à des revirements politiques concernant la nature de l’Empire qu’à des besoins d’argent. C’est précisément parce que Chénier peine à comprendre le régime nouveau, dans les cadres culturels que lui donne son éducation intellectuelle, que ses positions varient sans jamais trahir les principes qui les fondent.
- 31 M.-J. Chénier, Cyrus, dans Œuvres posthumes de M. J. Chénier, Paris, Guillaume, 1824, t. I, p. 19-8 (...)
- 32 M.-J. Chénier, Tibère, dans ibid., p. 247-326.
12Napoléon est présent, sans aucun doute, derrière deux personnages de Chénier, Cyrus et Tibère, héros éponymes de deux tragédies. Cyrus fut créé le 8 décembre 1804, quatre jours après le sacre, la pièce resta inscrite au répertoire mais ne fut plus jamais jouée, sans avoir fait l’objet pour autant d’une interdiction formelle31. La pièce, aux yeux des amis républicains de l’auteur, n’était qu’une tragédie encomiastique alors que, pour les courtisans du nouveau pouvoir, et pour Napoléon lui-même, c’était une tragédie critique et subversive. Depuis le discours que l’auteur avait prononcé au Tribunat, en l’an IX, pour s’opposer à la création de tribunaux spéciaux, il s’était vu exclure de cette assemblée et la tragédie de Cyrus, composée à l’aube du régime impérial, ne pouvait qu’éveiller la suspicion des autorités. Elle porte à la scène l’accession de Cyrus à la royauté et s’achève par un tableau et une cérémonie au temple au cours de laquelle le nouveau souverain prête serment. Si la signification de la pièce faisait débat, l’application à l’Empereur était délibérée, assumée et perçue par tous. La tragédie de Tibère, publiée en 1818, ne fut, quant à elle, jamais représentée avant 1844, ni même soumise aux Comédiens-Français du vivant de l’auteur32. Il paraît que Napoléon se la fit lire par Talma. On peut faire des conjectures sur la date à laquelle elle fut composée : entreprise sans doute dès 1804, elle était certainement largement écrite en 1806, au moment où Chénier publie son Épître à Voltaire, car on y devine l’écho de ce poème. La loi de 1806, qui imposait une soumission préalable à la police de toute œuvre dramatique, devait lui fermer tout espoir de voir sa pièce représentée, ni même imprimée.
13Mais cette transparence des masques menace-t-elle l’illusion ? Rend-elle la fiction dramatique inopérante ? L’effraction créée par les applications déporte-t-elle la tragédie, à la manière du coup de pistolet évoqué par Stendhal, pour en faire une lugubre satire ? C’est aussi ce que suggèrent les poétiques françaises néo-aristotéliciennes qui, réduisant le théâtre à sa dimension « dramatique », veulent éviter à tout prix qu’on entende la voix de l’auteur, en lieu et place des personnages. En un mot, Chénier écrit-il un théâtre « à thèse » ? Posée dans ces termes, la question induit une réponse assez banale. On peut cependant déplacer les termes de la question. Les théoriciens de la fiction (Thomas Pavel, Laurent Jenny) ont mis en lumière la variabilité des relations entre fiction et histoire. D’ailleurs, la question de l’illusion est elle-même aveuglante. Stendhal, bon lecteur de plusieurs théoriciens du XVIIIe siècle, la réoriente :
- 33 Stendhal, Racine et Shakespeare, cit., p. 32.
Il est impossible que vous ne conveniez pas que l’illusion qu’on va chercher au théâtre n’est pas une illusion parfaite. […] Il est impossible que vous ne conveniez pas que les spectateurs savent bien qu’ils sont au théâtre, et qu’ils assistent à la représentation d’un ouvrage d’art, et non à un fait vrai.33
14« L’illusion imparfaite » sape la validité des arguments néo-aristotéliciens et autorise tous les embrayeurs de réalité dans la fiction. Si, retournant le masque, on se demande de quoi Napoléon est le nom, et si, prenant acte de l’imperfection essentielle de la fiction, on interroge précisément cette fêlure qui, comme le pense Stendhal, appartient au théâtre, on aura quelque chance de prendre enfin Chénier au sérieux sans le disqualifier a priori. On aborderait alors la réflexion politique activée par les tragédies de Chénier ou de Lemercier en assumant une lecture dramaturgique et on lirait ainsi Chénier avec Stendhal et un écart fondateur.
15L’action de Cyrus, comme celle d’Œdipe roi, d’Athalie, de Sémiramis ou de Mérope, est fondée sur l’anagnorisis, qui fournit la péripétie, et la révélation d’une légitimité cachée. Un songe avait inquiété Astyage et il avait décidé de faire mettre à mort son petit-fils. Mais celui-ci est sauvé secrètement par le général Harpage et un berger, Mitradate. Il fait un retour victorieux sous le nom d’Élénor, après avoir vaincu les Scythes. L’action se déroule à Ecbatane, au temple du dieu Soleil, où l’on se prépare à fêter le héros, au début de la pièce, et où on le consacre au dénouement. Rien de bien surprenant, certes, dans cette action qui reprend des topiques connues de tous. Mais c’est justement l’effraction politique et métaphorique qui lui donne sens, charme et portée. Car, sous couleur de légitimation de l’Empereur, Cyrus confronte deux personnages de monarques. On reconnaît sans peine Napoléon derrière Cyrus : c’était le dessein avoué de l’auteur. Mais on peut aussi le reconnaître derrière la figure d’Astyage, aïeul de Cyrus et monarque absolu. Or l’anagnorisis est elle-même mise en abyme. Car reconnaître Napoléon en Cyrus, c’est précisément faire ce à quoi nous invite l’action, réitérer le processus de reconnaissance dont la tragédie fait récit : Cyrus se cache derrière le masque du jeune héros Élénor, comme Napoléon sous celui de Bonaparte.
- 34 La fête du héros victorieux est ainsi évoquée : « Fête à jamais auguste, époque fortunée, / Qui ren (...)
- 35 M.-J. Chénier, Cyrus, cit., V, 4, p. 88.
16En Élénor se manifeste l’innocence du siècle à venir34, en lui s’incarne le commencement du XIXe siècle. Aube nouvelle, discontinuité et pourtant réconciliation avec la légitimité traditionnelle, car l’aïeul finit par accepter le règne nouveau en acceptant d’être un père. Un serment, prononcé devant l’autel sacré, lie Cyrus à « son peuple qui l’appelle ». Il jure « de régner par l’amour et jamais par la crainte, / Fidèle, sur le trône à la liberté sainte »35. Cyrus est donc une figure heureuse et utopique, un de ces rois pasteurs du Télémaque de Fénelon, dont le héros éclairé enseigne au pharaon Sésotris la sagesse d’Apollon et des bergers. C’est le masque d’un empereur qui achève l’œuvre de la République sans la mettre à mort, non pas celui de l’Empereur réel mais une figure idéale, à laquelle Napoléon est invité à ressembler. Cette projection des espérances républicaines contraste avec l’autre figure, celle du tyran Astyage, à laquelle – Chénier le craignait – le nouvel empereur risquait de ressembler mais qui, en 1804, était elle aussi encore hypothétique.
17Le masque du tyran appartient à une tradition de la tragédie : les tyrans d’exercice et les tyrans d’usurpation sont en effet nombreux dans le répertoire tragique français. Cyrus a quelques traits du second, dans la mesure où il prend le pouvoir par une forme de coup d’État alors que son grand-père est encore vivant. Mais la tragédie donne au coup d’État une double légitimité, « familiale » d’abord parce que Cyrus est le descendant légitime de Cambyse. N’avait-on pas vu récemment, en 1801, Alexandre Ier participer au complot qui avait abouti à l’assassinat de son père le tzar Paul Ier ? Napoléon, lui, reste un usurpateur. C’est ensuite une légitimation par l’héroïsme militaire : Élénor, comme César ou Trajan, comme Napoléon, est bien un héros. Astyage et Tibère sont, eux, des tyrans d’exercice et, si l’hypothèse selon laquelle Chénier avait commencé à écrire Tibère presque en même temps que Cyrus est exacte, on ne peut pas dire que l’auteur ait conservé longtemps des illusions sur le régime impérial. Reste que le dédoublement du masque de Napoléon invite le spectateur à une hésitation, féconde en ce qu’elle donne à penser sur la nature même de l’Empire et sur sa relation à la République. Selon des modalités différentes, ce dédoublement anime aussi la pensée politique dans Tibère : à côté du monstre tyrannique, qui règne sur l’empire romain, on devine une ombre, celle de Germanicus, le général que Tibère a fait assassiner avant même que ne commence l’action de la tragédie. La séquence de Cyrus est radicalement inversée : c’est la réalité du tyran qui succède aux espoirs éveillés par le héros. Le tyran d’exercice détermine l’avenir.
18Germanicus et son épouse, Agrippine l’ancienne, incarnent l’illusion républicaine attachée à l’Empire. Agrippine remonte de Brindes à Rome, portant avec elle l’urne qui contient les cendres du héros. Elle vient demander justice précisément à celui qui a fait empoisonner son époux, Tibère. La pièce fait le récit de la mort de cette illusion : la République était déjà morte avant le commencement, comme la république française et son héros Bonaparte, morts avant même l’avènement de Napoléon. L’effraction proclame l’histoire comme forme moderne du tragique. Chénier découvre dans ses deux tragédies la même chose que Lorenzaccio, que les masques héroïques de la mythologie républicaine sont creux, que la figure du républicain n’est qu’une posture. Ainsi le républicain est à son tour démasqué, car il n’oppose au tyran que la figure d’un mort et la voix d’un fantôme. Le jeune républicain Cnéius, celui qui a tout compris, le fils de Pison, le tueur à gages de Germanicus, se suicide à la fin de la pièce. Dans sa dernière réplique, il interpelle l’empereur dans un ultime sarcasme :
- 36 M.-J. Chénier, Tibère, cit., V, 6, p. 326.
Séjan respire encor ; tu puniras ses crimes.
J’ai vécu, je meurs libre, et voilà mes adieux.
Il est temps de placer Tibère au rang des dieux.36
19Si les deux pièces de Chénier restent à l’intérieur d’une logique aristotélicienne, il ne serait pas contraire à leur sens historique de les sortir de l’opposition facile entre une pièce de résistance et une pièce encomiastique et de donner à entendre au spectateur la voix d’un auteur déchiré, et non pas celle d’un orateur républicain.
Conclusions
20Les tragédies de Chénier et Lemercier sont composées à une époque de transition, où le Premier Consul n’est plus le général Bonaparte et devient l’Empereur, moment où les masques et les symboles du pouvoir évoluent en fonction des changements politiques. Comme l’histoire ancienne chez Chénier, le Moyen-âge chez Lemercier se fait image du présent, dans un jeu d’allusion où le masque et le miroir se confondent. Après tout, ce que disent ces masques dans leur pluralité même, c’est la difficulté de penser cette histoire en train de se faire avec les figurines poussiéreuses, héritage des souvenirs de collège. Pouvait-on en effet penser la Révolution française, l’un des événements les plus bouleversants de l’histoire du monde, et les régimes qui tentent de s’en dégager tout en préservant sa signification sociale, le Consulat et l’Empire, avec pour seules armes intellectuelles, l’histoire antique, avec Hérodote et Tacite, Brutus, Harmodios et Aristogiton, et l’abbé Lhomond et Voltaire ? Cette culture classique, qui était celle de Chénier et de Lemercier, passionnément revendiquée à l’aube du XIXe siècle est l’un des facteurs qui expliquent la lenteur du processus historique de l’œuvre révolutionnaire, qui, à travers les soubresauts successifs de 1830, de 1834, de 1848, de 1871, de 1871 à 1879, ne s’achèvera qu’avec l’échec des ultimes tentatives du comte de Chambord et la consolidation de la Troisième République. Le théâtre s’est emparé de l’histoire mythologique ou romanesque de la France et des récits topiques de l’histoire antique, de toute cette culture, non pour l’asservir à une fonction didactique ou encomiastique mais pour y installer une pensée vivante. Le pouvoir policier ne s’y est pas trompé puisqu’il a su lire, derrière le respect apparent des nouvelles autorités, l’ébranlement qu’auraient constitué les performances théâtrales. Les exemples de Charles IX, de Caïus Gracchus, de Pinto et de Christophe Colomb montrent qu’il ne se trompait pas, car le théâtre est, dans un État, un exercice d’intranquillité.
Notes
1 Stendhal, Racine et Shakespeare, [1823], éd. B. Leuilliot, Paris, Éditions Kimé, 1994, p. 76. La formule sera aussi reprise dans Le Rouge et le Noir.
2 Voir T. Lentz, « Napoleon and Charlemagne », dans Napoleonica. La Revue, 1, 2008, p. 45-68. DOI : 10.3917/napo.081.0002. URL : <https://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/revue-napoleonica-la-revue-2008-1-page-45.htm> ; R. Morrissey, L’Empereur à la barbe fleurie : Charlemagne dans la mythologie de l’histoire de France, Paris, Gallimard, 1997, p. 349-380.
3 La pierre se trouve en dessous des sabots du cheval, vers la gauche de la toile.
4 Charlemagne se trouve aussi sur le sceptre dans son portrait par Ingres, où Napoléon en imite la posture. Voir I. Durand-Le-Guern, Le Moyen âge des romantiques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2001, p. 163.
5 N. Lemercier, Charlemagne (tragédie en cinq actes et en vers, 1800-1803), Paris, Barba, 1816, Théâtre-Français, 27/06/1816.
6 Voir P. Dwyer, Citizen Emperor : Napoleon in Power 1799-1815, London, Bloomsbury, 2013.
7 L’une des premières occurrences de la comparaison entre Bonaparte et Charlemagne apparaît dans un article du Moniteur du 23 frimaire an VI : le journaliste rend compte d’un dîner de Bonaparte chez François de Neufchâteau où la campagne d’Italie est définie comme la « paix » la plus avantageuse « que la France ait faite depuis Charlemagne ».
8 Voir, ici même, l’article de C. Siviter.
9 I. Durand-Le-Guern, Le Moyen âge des romantiques, cit., p. 163.
10 J. Chas, Parallèle de Bonaparte et Charlemagne, s.l., Éverat, 1803. Dans l’édition de 1805, Napoléon remplace Bonaparte.
11 M. Barret, Les Trois Hommes illustres, ou Dissertation sur les institutions politiques de César Auguste, de Charlemagne et de Napoléon Bonaparte, Paris, Michelet, an XI-1803.
12 Voir H. Croft, Bonaparte Consul à vie, Paris, Pougens, 1803, p. ix-x.
13 F.-X. Pagès de Vixouse, Histoire du Consulat de Bonaparte : contenant tous les événemens politiques et militaires de l’an VIII jusqu’en l’an XI, Paris, Testu, an XI-1803, p. 512-514. Si le Times renverse le résultat de la compétition (comme le montre le Publiciste du 16 juillet 1804), Lacretelle souligne désormais en 1805 dans le Moniteur (13 floréal an XIII) qu’avec Napoléon, c’est « le trône de Charlemagne qui se relève ». À ce moment, la référence à Charlemagne donne de la légitimité au trône impérial par son insistance sur son héritage « européen » (voir P. Dwyer, Citizen Emperor, cit., p. 150).
14 E. Mentelle, Géographie mathématique, physique et politique de toutes les parties du monde, Paris, H. Tardieu, 1803, t. 7, p. 503. Surtout après le sacre, « les manuels d’histoire et de géographie […] jouent un rôle crucial dans la légitimation du nouveau régime », voir J.-L. Chappey, « La notion d’empire et la notion de légitimité politique », dans Siècles, 17, 2003, mis en ligne le 31 août 2015, consulté le 27 avril 2021. URL : <https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/siecles/2673>.
15 Voir I. Durand-Le-Guern, Le Moyen âge des romantiques, cit., p. 167. Les exemples se multiplient en effet à partir de cette date : la comparaison – parfois directe, parfois allusive – entre Bonaparte et Charlemagne émaille la littérature et les textes de consommation.
16 L.-G. Rousseau, Népomucène Lemercier et Napoléon Bonaparte, Mayenne, impr. de Floch, 1958, p. 28.
17 M. Souriau, Népomucène Lemercier et ses correspondants, Paris, Vuibert et Nony, 1908, p. 79.
18 Cet éloignement se fait plus évident justement en 1803, avec l’interdiction de sa pièce Isule et Orovèse, la dernière tragédie que Lemercier peut créer avant la Restauration. Lemercier, Isule et Orovèse, [tragédie en cinq actes et en vers, 1800], Paris, Barba, 1803, Théâtre Français, le 05 janvier 1803. La pièce, jouée grâce à l’influence de Joséphine, dont l’auteur était proche et à laquelle il dédicace la version imprimée, tombe à la moitié du troisième acte.
19 I. Durand-Le Guern, « Les tragédies médiévales de Népomucène Lemercier : histoire et politique », dans Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 26, 2013, mis en ligne le 30 décembre 2016, consulté le 12 avril 2021. URL : <http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crm/13415>.
20 Au moment de la création, on exige de Lemercier que certains vers, qui auraient pu faire l’objet d’applications antimonarchistes, ne soient pas prononcés sur la scène. L’auteur marque ces passages dans l’édition imprimée avec des astérisques (voir l’édition et le manuscrit avec les indications des censeurs conservé aux Archives Nationales, F18 616).
21 Sur l’évolution du public à cette époque et sur le culte de l’Empereur après sa défaite et notamment après sa mort, voir M. Descotes, Le Public de théâtre et son histoire, Paris, PUF, 1964, p. 245-247.
22 N. Lemercier, Avertissement, dans Charlemagne, cit., p. IV.
23 Les autres tragédies de l’auteur composées avant Waterloo et créées sous la Restauration tombent pour les mêmes raisons. Sur les innovations dramaturgiques dans la tragédie au XIXe siècle, voir M. Melai, Les derniers feux de la tragédie classique au temps du romantisme, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2015.
24 Voir, entre autres, les Annales des spectacles (29 juin 1816). La pièce est montée avec le décor de Carnevali utilisé pour la création d’Arthur de Bretagne d’Aignan en février de la même année (voir B. Daniels, Le Décor de théâtre à l’époque romantique. Catalogue raisonné des décors de la Comédie-Française, 1799-1848, suivi d’une édition du Registre des machinistes par J. Razgonnikoff, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 2003, p. 179). L’attention pour l’authenticité du décor est le signe d’un changement important dans le goût du public, toujours plus sensible au respect de la couleur locale.
25 N. Lemercier, Charlemagne, cit., V, 5, p. 98-99.
26 N. Lemercier, Avertissement, dans ibid., p. vii.
27 Voir C. Siviter, Rewriting History through the Performance of Tragedy 1799-1815, thèse dirigée par K. Astbury, Université de Warwick, septembre 2016, p. 54 et Ead., Tragedy and Nation in the Age of Napoleon, Oxford University Studies in the Enlightenment, 2020.
28 N. Lemercier, Charlemagne, cit., II, 5, p. 47 ; IV, 4, p. 80.
29 Ophis (tragédie en cinq actes et en vers), Paris, Fayolle, 1798, Théâtre Français, 21/12/1798 ; Baudouin Empereur (tragédie en trois actes et en vers, composée vers 1800), Paris, Collin, 1808, Odéon, 09/08/1826.
30 A. Lieby, Marie-Joseph Chénier, Paris, Société Française d’imprimerie et de librairie, 1902.
31 M.-J. Chénier, Cyrus, dans Œuvres posthumes de M. J. Chénier, Paris, Guillaume, 1824, t. I, p. 19-88.
32 M.-J. Chénier, Tibère, dans ibid., p. 247-326.
33 Stendhal, Racine et Shakespeare, cit., p. 32.
34 La fête du héros victorieux est ainsi évoquée : « Fête à jamais auguste, époque fortunée, / Qui renouvelle ensemble et le siècle et l’année. ». M.-J. Chénier, Cyrus, cit., I, 1, p. 21.
35 M.-J. Chénier, Cyrus, cit., V, 4, p. 88.
36 M.-J. Chénier, Tibère, cit., V, 6, p. 326.
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Référence électronique
Pierre Frantz et Vincenzo De Santis, « Masques et miroirs de l’Empereur autour du sacre : Lemercier et Chénier », Revue italienne d’études françaises [En ligne], 11 | 2021, mis en ligne le 15 novembre 2021, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/7869 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rief.7869
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