Les Pouilles Littéraires : itinéraires de l’imaginaire français des Pouilles
Résumés
Cet article illustre les catégories de l’imaginaire français des Pouilles, caractérisé par la curiosité envers les itinéraires insolites et l’exaltation des expériences sensorielles, à partir de textes de voyageurs français du XVe au XXe siècles. L’ensemble de ces textes a été numérisé et est consultable en ligne : www.lespouilleslitteraires.com.
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- 1 Voir URL, https://grandtour.stanford.edu consulté le 24/09/2024.
1Depuis quelques années, les études sur la littérature de voyage ont connu un nouvel élan grâce aux outils numériques. En particulier, le projet de l’Université de Stanford, The Grand Tour Project (2008), a mis en valeur les textes et les itinéraires des voyageurs du Grand Tour, permettant d’obtenir de précieuses informations sur la description de l’espace géographique, culturel et social menée par des voyageurs entre 1700 et 18001. Les outils numériques ont permis aux chercheurs de Stanford d’extraire d’importantes informations du Dictionnaire des voyageurs britanniques et irlandais en Italie (1701-1800) de John Ingamells et de visualiser une masse de données complexes de manière simple et intuitive grâce à la plateforme « Palladio ».
- 2 A. Besana, N. Gabellieri, Dal GIS letterario allo sviluppo turistico locale: cartografia e itinerar (...)
- 3 E. Dai Prà, N. Gabellieri, « Mapping the Grand Tour Travel Writings: a GIS-Based Inventorying and S (...)
2De même, ces dernières années, le Centre d’Études et de Documentation Géocartographique (GeCo) de l’Université de Trente a lancé un projet de numérisation de ces textes, dans le but de construire un GIS littéraire du Grand Tour du Trentin2, terre de transit très remarquable pour les voyageurs qui envisageaient de visiter l’Italie3.
3Les avantages offerts par l’approche numérique des études de littérature de voyage sont en effet multiples : capacité à formuler des requêtes précises d’extraction de données à partir de textes ; valorisation des données et des métadonnées grâce à l’utilisation de répertoires géographiques pour identifier les lieux ; possibilité d’afficher des représentations cartographiques intuitives et superposables.
- 4 Le site est la clé d’accès numérique à une base de données peuplée de 47 textes de 46 auteurs diffé (...)
4Le site www.lespouilleslitteraires.com, basé sur la numérisation de textes de voyageurs français arrivés dans les Pouilles, s’inscrit dans ce contexte de recherche internationale avec comme objectif de reconstituer l’imaginaire français de la région qui s’est forgé au fil des siècles4.
- 5 La plateforme Recogito été développée sous la direction de l’Institut autrichien de technologie, de (...)
5Le travail de codage des textes des voyageurs français dans les Pouilles a été réalisé à l’aide de la plateforme Recogito, une initiative du réseau Pelagios5. La possibilité de marquer les lieux mentionnés en s’appuyant sur les répertoires géographiques (Gazetteer) HistoGIS, Pleiades et GeoNames a grandement participé à la réussite du projet. Le travail de marquage a été effectué manuellement, bien que Recogito dispose de la fonction de reconnaissance d’entité nommée (NER) pour identifier automatiquement les lieux et les personnes. Le marquage manuel des lieux favorise la possibilité de lever l’ambiguïté de certains toponymes, en focalisant l’attention uniquement sur les villes des Pouilles.
6Les fichiers obtenus par Recogito – sous une forme de métadatation spécifique – ont alimenté la base de données des Pouilles Littéraires, laquelle valorise la numérisation des œuvres en rendant disponible l’interrogation des textes et la visualisation sur carte des lieux cités par les différents auteurs à différentes périodes. Le site Web donne en effet à l’utilisateur la possibilité d’explorer les lieux et les personnes mentionnées dans les textes en utilisant plusieurs filtres disponibles : filtre par auteur, filtre par siècle d’édition du texte. Au lancement de la recherche de lieux, une carte en temps réel de toutes les citations est générée dynamiquement.
- 6 A. F. Creuzé de Lesser, Voyage en Italie et en Sicile, Paris, Didot, 1806, p. 96.
- 7 Comme l’a noté Atanasio Mozzillo, l’inclusion de ces étapes est le résultat d’une pure démystificat (...)
- 8 Gilles Bertrand, Le Grand Tour revisité. Le voyage des Français en Italie (milieu XVIIIe siècle-déb (...)
7Reconstruire les cartes des lieux cités et visités par les voyageurs, sauvegarder la mémoire de ces textes, rendre les itinéraires visibles : Les Pouilles Littéraires a atteint ces objectifs en mettant en valeur des textes peu connus qui décrivent des itinéraires alternatifs aux parcours bien établis du Grand Tour en Italie, qui se terminait généralement à Naples. Augustin François Creuzé de Lesser, dans son Voyage en Italie au début du XIXe siècle écrivait : « L’Europe finit à Naples et même elle y finit assez mal : la Calabre, la Sicile, tout le reste est de l’Afrique »6, diffusant un préjugé déjà répandu sur le sud de l’Italie, terre marginale, peu développée, précaire et dénuée d’intérêt. On sait en effet que les grands et célèbres écrivains et voyageurs français ont suivi l’itinéraire classique du Grand Tour en Italie : Montaigne ne s’est pas aventuré au sud de Rome (1580-1581) ; Montesquieu s’arrête à Naples (1728-1729) ; Charles De Brosse ne dépasse pas Herculanum (1739-1740) ; Chateaubriand atteint Pompéi, Portici et Herculanum (1803-1804) ; Stendhal s’arrête à Naples même si dans son Rome, Naples et Florence (édition Delaunay, 1826) il invente malicieusement qu’il a été à Tarente, Otrante puis en Calabre en 18177. Edmond et Jules de Goncourt n’ont pas dépassé Pompéi (1855-1856) ; Sartre voyage vers le sud depuis Rome pour visiter Naples et Capri (1936, 1951) ; Gide, enfin, ira jusqu’au triangle Amalfi, Ravello, Sorrente (1950). Rares sont les audacieux qui, autrefois, se sont aventurés jusqu’au talon de la botte italienne : le plus souvent, les Pouilles n’étaient qu’un lieu de passage vers la Terre Sainte ou la Grèce. Dès lors, c’est parce que les témoignages de séjours dans les Pouilles sont rares qu’ils méritent notre attention. Et en effet, selon Gilles Bertrand, la « découverte du Sud » a intégré l’idée même du voyage en Italie en introduisant une « composante d’altérité » provoquée par un important changement de décor8.
Les textes
- 9 Voir G. Dotoli, F. Fiorino, Viaggiatori francesi in Puglia, 8 vol., Fasano, Schena, 1985-1999 ; V. (...)
- 10 G. Holtz, V. Masse, « Étudier les récits de voyage. Bilan, questionnements, enjeux », dans Arboresc (...)
- 11 Ibid., p. 11.
8La sélection des textes comprend des auteurs allant du XVe au XIXe siècle, de Gilles Le Bouvier à André Pieyre de Mandiargues, des textes qui ont déjà fait l’objet de traductions et d’études approfondies en langue italienne9 et qui sont maintenant proposés à nouveau en langue originale. La différence entre les époques auxquelles se rapportent les textes examinés et parmi les différents profils des auteurs – romanciers, comme André Pieyre de Mandiargues, journalistes, comme André Maurel, archéologues, comme François Lenormant –, nous a amenés à orienter l’analyse textuelle au-delà de la stylistique classique vers l’interprétation du phénomène culturel du Grand Tour en dehors des destinations établies de l’expérience du voyage. Comme l’ont souligné Grégoire Holtz et Vincent Masse, le récit de voyage se situe au centre de « trois invariants discursifs (narration, description, commentaire) dont il emprunterait alternativement la forme et le fonctionnement rhétorique »10, la complexité même de ces textes est due précisément au double statut de la littérature de voyage « à la fois littéraire et documentaire »11.
- 12 J.-J. Wunenburger, L’Imaginaire, Paris, Presses Universitaires de France, 2020. Voir aussi M. Musol (...)
- 13 J.-J Wunenburger, op. cit., p. 34.
- 14 A.-G. Weber, « Le récit de voyage et l’émergence de la littérature au tournant des XVIIIe et XIXe s (...)
9L’annotation de ces textes avec une approche philologique a surtout permis la vérification d’une hypothèse : la présence de visions et de sentiments communs aux voyageurs français dans les Pouilles. De plus, on pouvait supposer l’existence d’un imaginaire composite ou basique, original ou évident. L’essai de Jean-Jacques Wunenburger, L’Imaginaire, a servi d’éclairage à cette lecture rapprochée du corpus là où l’imaginaire engendre en effet des représentations symboliques qui donnent lieu à une production de sens partagé12. L’imagination individuelle repose toujours sur une imagination collective qui est le fruit d’une stratification séculaire : enquêter de manière approfondie sur cette sédimentation de visions sur les Pouilles permet d’extraire certaines constantes tout en appréciant les variantes linguistiques, scientifiques ainsi que les différences dans le regard que les divers voyageurs portent sur ces espaces. Il s’agit, comme l’a souligné Wunenburger, de chercher et de trouver des voies d’approche et des résultats convergents capables de délimiter l’imaginaire d’un peuple à partir d’images visuelles (tableaux, dessins, photographies) et du langage utilisé (récits, métaphores, symboles)13. Le principe retenu consiste à témoigner de la succession de certains « tableaux » qui, d’après Alexander von Humboldt, fondent l’unité de composition des textes de voyage et donc leur « littérarité » intrinsèque, même si, comme l’a observé Anne-Gaëlle Weber, l’accumulation des détails a souvent alimenté l’idée que les récits de voyage seraient purement descriptifs et dépourvus de pertinence littéraire14.
- 15 D. J. Bodenhamer a bien résumé le concept de deep map dans l’union entre la représentation du patri (...)
10Grâce aux outils numériques, il a été possible de comparer facilement les impressions, les anecdotes, les citations contenues dans les textes ainsi que les références aux différents lieux visités et aux objets des récits de voyage. La puissance évocatrice de certains passages a donné lieu à l’identification de neuf catégories de l’imaginaire français : historique, gastronomique, pittoresque, architecturale, bucolique-géorgique, exotique-orientale, romantique, mythologique et religieuse. Ce travail de sélection par analogie a constitué la proposition d’itinéraires inhabituels et originaux que l’on peut consulter sur le site dans la section « Catégories de l’Imaginaire ». Les itinéraires ont ainsi défini une véritable carte multicouche, une deep map15 des Pouilles, où l’aspect superficiel est représenté par la représentation graphique du territoire régional et par l’emplacement des repères indicatifs des villes visitées et citées par les voyageurs français. L’aspect profond est constitué par une vision émotionnelle des Pouilles, faite de reportages, d’étonnement, de folklore, de distanciation, d’autobiographie. Ces itinéraires nous montrent en fin de compte les raisons qui au fil du temps ont guidé le regard français sur la région, un regard séduit par cet ailleurs et qui tente, en retour, de séduire le lecteur.
Imaginaire historique
- 16 Sur le préjugé de l’Italie du Sud comme pays arriéré et à l’état de civilisation très précaire, voi (...)
- 17 P. Bourget, Sensations d’Italie. Toscane, Ombrie, Grande-Grèce, Paris, Lemerre, 1891, p. 169.
11L’intérêt des voyageurs pour les événements qui ont marqué la région au cours des siècles est particulièrement sensible. Le récit d’une image reconstituée des Pouilles du passé contraste nettement avec l’image que l’on a aujourd’hui de cet espace. Les vestiges des temps anciens – ruines archéologiques, comme à Canne della Battaglia, forteresses abandonnées, comme dans le cas de Lucera, reliques, comme celles des martyrs d’Otrante, par exemple – constituent un motif de digression de la part des voyageurs. Le récit des événements historiques, en rappelant le passé glorieux de la région, semble chercher à convaincre le lecteur du bien-fondé de l’importance des Pouilles. C’est cette perspective historique sur l’espace, qui réfute ce lieu commun selon lequel les Pouilles seraient une terre marginale, qui permet de « réhabiliter » cette périphérie souvent oubliée de l’Italie16. Lorsqu’en 1891 Paul Bourget publie Sensations d’Italie, il reconnaît l’énorme valeur historique des Pouilles tout en déplorant que les travaux de l’archéologue François Lenormant, si précis sur cette région de l’Italie, comme sur la Basilicate et la Grande Grèce n’aient pas été célébrés parmi les meilleurs ouvrages de la littérature de voyage française17.
- 18 A. Maurel, Petites villes d’Italie, vol. 3, Paris, Hachette, 1910, p. 43-44.
12Les passages que les voyageurs consacrent à l’époque romaine, à Hannibal et à son admirable victoire à Canne della Battaglia sont fréquents. André Maurel, écrivain modeste qui doit sa fortune aux impressions de voyage en Italie, écrit pour sa part en 1910, dans ses Petites villes d’Italie, à propos de Charles Ier d’Anjou, fils du roi de France Louis VIII, roi de Sicile, puis de Naples, dont la vie s’est éteinte à Foggia, qu’il ne fut « ni visible, ni accessible, ni affable, ni aimable », mais capable de réunir sous son égide les guelfes italiens18.
- 19 G. Schlumberger, Voyage dans les Abruzzes et les Pouilles (3-17 mai 1914), Paris, Plon, 1916, p. 41
13Quant à l’historien Gustave Schlumberger, dans son Voyage dans les Abruzzes et les Pouilles de 1916, il évoque le mariage à Trani du dernier souverain de la dynastie Souabe du Royaume de Sicile, le roi Manfedi, avec Hélène Ange Doukas, fille de Michel II Doukas, despote d’Épire19.
14L’itinéraire va ensuite de la Daunie aux rives du fleuve Galeso à Tarente, lieu cher à Virgile, en passant par la cathédrale d’Otrante où sont exposées les reliques des 813 martyrs qui, en 1480, refusèrent de renoncer à la foi chrétienne et furent martyrisés à la fin du siège de la ville par les Turcs dirigés par Gedik Ahmed Pacha.
Imaginaire gastronomique
- 20 Ch. Yriarte, Les Bords de l’Adriatique et le Montenegro. Venise. L’Istrie. Le Quarnero. La Dalmatie (...)
- 21 Voir A. Placanica, « La capitale, il passato, il paesaggio : i viaggiatori come “fonte” della stori (...)
- 22 J. B. C. Richard abbé de Saint-Non, Voyage pittoresque ou description des royaumes de Naples et de (...)
- 23 Ibid., p. 63.
15Célébrer la richesse gastronomique des Pouilles aujourd’hui, c’est se joindre à un grand nombre de publications qui vantent la cuisine du « talon de l’Italie ». Cependant, entre le XVIIIe et le XIXe siècle, il n’était pas aussi simple de trouver de bonnes auberges et surtout de savourer des plats aussi élaborés qu’ils le sont aujourd’hui. Il est intéressant de remarquer la façon dont Charles Yriarte, journaliste et expert en littérature de voyage, décrit la variété gastronomique des magasins d’alimentation de Foggia dans la seconde moitié du XIXe siècle : « Les grasses mortadelles, les pâtés appétissants, les saucissons violacés parés d’argent, les fromages d’une blancheur rassurante, les conserves de toute nature, les bouteilles coiffées de cires variées et soigneusement étiquetées, montrent le souci qu’on a du bien-être de la table »20. Un bien-être qui ne concernait pas que la Capitanate : l’Abbé de Saint-Non, auteur dans la seconde moitié du XVIIIe siècle du célèbre Voyage pittoresque décisif pour l’affirmation du goût néoclassique21, vantait un excellent dîner à l’abbaye de San Vito, à Polignano, où il avait pu déguster des figues sèches, séchées au soleil et conservées sous une cloche de verre22. Et que dire de l’huile de Gallipoli, considérée comme la meilleure huile pour les lampes d’éclairage parce qu’elle était clarifiée dans des moulins hypogées ? C’est Saint-Non lui-même qui considérait que l’huile de Gallipoli n’était pas adaptée à d’autres usages, car son mode d’extraction donnait un produit dont le goût était déjà considéré comme « trop fort » pour la table. Malgré tout, l’auteur tient à remarquer que l’huile de Gallipoli était très recherchée par les commerçants qui, pour se procurer ce produit précieux, n’hésitaient pas à se rendre jusqu’à ce port de la ville du Salento, considéré comme « rien moins que commode »23. Ces descriptions gastronomiques n’avaient pas pour but d’informer ni de conseiller le lecteur sur des auberges particulières mais s’inscrivaient dans un style anecdotique qui revient souvent dans les textes des voyageurs, afin d’exalter l’étonnement et l’émerveillement.
Imaginaire pittoresque
- 24 F. Fiorentino, Dalla geografia all’autobiografia: viaggiatori francesi in levante, Antenore, Padova (...)
- 25 Ibid., p. 106.
16Si l’adjectif pittoresque désignait à l’origine une manière de peindre peu soucieuse du détail, l’éventail des significations s’est ensuite élargi pour désigner spécifiquement des paysages solitaires, des scènes évocatrices, présentant des vestiges d’anciennes civilisations, des touches de couleur locale ou des moments de folklore, souvent insérés dans une digression. Par ailleurs, quand on parle de récits de voyage, il s’agit ici de comptes rendus de « voyages pittoresques » car, comme l’illustre Francesco Fiorentino, dans les voyages littéraires « les longues descriptions de paysages naturels ne pouvaient plus manquer »24. Les dessinateurs, qui accompagnent souvent les voyageurs-écrivains, sont autorisés à effectuer des ajouts et des retouches pour que le paysage représenté corresponde parfaitement au goût pittoresque25.
- 26 L. Palustre de Montifaut, De Paris à Sybaris. Études artistiques et littéraires sur Rome et l’Itali (...)
- 27 J. B. C. Richard abbé de Saint-Non, op. cit., p. 43-45.
- 28 Voir Ch. Yriarte, op. cit., p. 607.
- 29 V. Delpuech de Comeiras, Abrégé de l’histoire générale des voyages faits en Europe, vol. 9, Paris, (...)
- 30 L. Palustre de Montifaut, op. cit., p. 359-360.
17Aux yeux des voyageurs français, le pittoresque se renforçait au fur et à mesure qu’ils s’approchaient des Pouilles. En effet, la plupart des voyageurs arrivaient depuis Naples ou les Abruzzes, et rencontraient immédiatement la vaste plaine solitaire du Tavoliere, où, souvent, pendant des kilomètres, on ne percevait la présence d’aucun homme et où l’atmosphère, notamment en automne et en hiver, semblaient suspendue, voire irréelle. En 1867, la découverte par l’archéologue et critique d’art Léon Palustre de Montifaut de la ville antique de Molfetta, où il rencontra des hommes immobiles sous un soleil de plomb, est singulière et très pittoresque car elle donne l’image d’une ville si encombrée de gens dans ses ruelles et dans ses places qu’elle entravait tout mouvement : « La foule n’ondoie pas, on la dirait rivée à un sol de granit. Les malheureux, ils demeurent tout le jour immobiles sous un soleil ardent, debout et enveloppés dans de longs manteaux, tellement secs, tellement râpés, que je n’oserais en approcher une allumette de peur qu’elle ne prît feu »26. En revanche, les dessinateurs qui accompagnaient l’abbé de Saint-Non furent captivés par la richesse chromatique du reflet des eaux dans la mer à Polignano, devant Grotta Palazzo, et le paysage parut extraordinaire aux yeux des voyageurs sur le bateau, car des habitations sont en effet construites au sommet d’une grotte marine27. Leur curiosité émerveillée porta également sur les toits blancs de la vallée d’Itria qui, en été, contrastent fortement avec le jaune de l’avoine mûre dans les champs. Pour Charles Yriarte, la vallée d’Itria rappelait la Beauce française avec sa ligne d’horizon délimitée par des montagnes basses comme les Murge. Quelle était alors la touche pittoresque ? Une meule de pierre dans un paysage aride, capable d’attirer immédiatement l’attention d’un peintre28. Dans leur quête les voyageurs ne purent s’empêcher de décrire longuement Tarente et ses environs. La ville des deux mers frappa l’ecclésiastique Victor Delpuech de Comeiras par l’indolence de ses habitants : hormis la pêche, une activité qu’ils pratiquaient eux-mêmes, les habitants de Tarente au début du XIXe siècle consacraient l’essentiel de leur temps à une vie pleine de plaisirs, laissant le soin de leurs champs aux Calabrais et aux bergers des Abruzzes. Les Tarentins, affirme-t-il, sont sympathiques et amicaux et leur prononciation est plus agréable que celle des peuples voisins. Delpuech de Comeiras évoque entre autres, de façon assez bizarre, l’accouchement facile et sûr des femmes tarentines29. D’autre part le « mythe » de Tarente dès l’époque classique était très présent dans les milieux culturels européens du néoclassicisme, il suffit de penser au poème La jeune Tarentine d’André Chénier qui a inspiré en 1871 la statue en marbre d’Alexandre Schoenewerk exposée au Musée d’Orsay de Paris. Et que dire de la danse frénétique et extravagante de la tarentelle que l’on pratiquait pour lutter contre la maladie nerveuse causée par la morsure de la tarentule ? Léon Palustre de Montifaut put en conclure : « De nos jours il est généralement admis, même chez les habitants du pays, que l’imagination avait la plus grande part dans cet étrange bouleversement physique et moral »30.
- 31 Ch. Didier, Terre d’Otrante, Cap de Leuca, Tarente, dans MM. De Norvins, Ch. Nodier, A. Dumas, Welc (...)
18Enfin, Charles Didier fut impressionné par les pajare du Salento : d’anciennes constructions en pierre sèche ressemblant à des cabanes basses, qui ayant la double fonction de servir pour l’entreposage des outils agricoles du peuple du Salento et de permettre, grâce à un escalier en colimaçon créé à l’extérieur de la construction, de monter au sommet afin de pouvoir veiller sur la récolte31. L’écrivain mit en valeur les connaissances acquises dans le sud de l’Italie entre 1827 et 1830 pour sa future activité de romancier, en tirant pleinement parti des images pittoresques qu’il avait pu apprécier dans le sud.
Imaginaire architectural
- 32 À ces noms s’ajoute celui de l’archéologue, numismate et érudit Aubin Louis Millin de Grandmaison, (...)
- 33 Le terme de roman, forgé au XIXe siècle, aurait été employé pour la première fois par l’archéologue (...)
19Les particularités architecturales des Pouilles firent l’objet d’études diverses et remarquables, d’autant plus que leurs multiples références à l’art normand les rendaient plus attrayantes. Entre la seconde moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, l’intérêt de personnalités de premier plan de la communauté scientifique française, telles que l’historien de l’art Émile Bertaux et les archéologues François Lenormant et Guillaume de Jerphanion32, contribua de manière appréciable à la mise en valeur de l’art roman dans les Pouilles33.
20Leur attention aux détails permet au lecteur de percevoir la grandeur et l’exactitude de la composition de ces bâtiments, souvent en raison de l’utilisation de la similitude avec d’importantes constructions transalpines.
- 34 F. Lenormant, À travers l’Apulie et la Lucanie. Notes de voyages, vol. 1, Paris, A. Lévy, 1883, p. (...)
- 35 Voir Castel del Monte et les architectes français de l’empereur Frédéric II, par M. Émile Bertaux, (...)
- 36 A. Pieyre de Mandiargues, Le Cadran lunaire, Paris, Robert Laffont, 1958, p. 134-135.
21Pour François Lenormant, la cathédrale de Lucera est « éminemment française »34 dans le plan et dans l’architecture, ce qui n’est pas un hasard puisque l’église fut conçue par l’architecte Pierre d’Angicourt originaire de l’actuelle département de l’Oise. C’est Charles Ier d’Anjou qui emmena l’architecte transalpin dans les Pouilles vers 1278. Mais Lenormant considérait également l’influence de l’architecture française comme évidente dans les cathédrales voisines de Troia, Siponto et Canosa. Selon Émile Bertaux, l’influence architecturale française est d’origine bourguignonne à l’époque de l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen et elle est provençale après la conquête de Charles Ier d’Anjou. Bertaux, en particulier, accorda une grande attention à Castel del Monte, considérant ce bâtiment comme un chef-d’œuvre de la plus pure architecture française du XIIIe siècle. Dans ce cas, il évoque surtout les bâtiments de Châlons-sur-Marne « étroitement apparentés » au château d’Andria35. Des pages très intéressantes ont également été consacrées à Castel del Monte par l’archéologue Guillaume de Jerphanion et, plus récemment, par André Pieyre de Mandiargues, écrivain et dramaturge disciple d’André Breton. Dans son Cadran Lunaire, on distingue le chapitre « L’Espion des Pouilles » consacré au château de Frédéric II, prisme étoilé, polyèdre parfait, diamant philosophique jeté dans cette terre aride entre l’Orient et l’Occident36.
- 37 A. Maurel, op. cit., p. 55.
- 38 Dante, Inferno, XIX, v. 107.
- 39 A. Maurel, op. cit., p. 57.
22André Maurel trouve la cathédrale de Barletta très similaire à la basilique Saint-Nicolas de Bari qui, à son tour, est « la pure église normande venue, en ligne droite et sans corruption, de notre Caen »37. Si la basilique Saint-Nicolas de Bari est la « pure église normande », la cathédrale Saint-Nicolas de Trani représente plastiquement, pour Maurel, l’image dantesque de l’Église, c’est-à-dire « Colei che siede sulle acque »38, un navire prêt à prendre le large et à s’enfoncer dans le ciel à l’horizon39.
- 40 L. Palustre de Montifaut, op. cit., p. 333-334.
23Parmi les lieux qui ont su capter l’intérêt des voyageurs français, on trouve non seulement des basiliques et des cathédrales, mais aussi des églises plus petites. Par exemple, Léon Palustre de Montifaut s’intéresse à Andria où il admire le riche portail de la Renaissance de l’église Santa Maria di Porta Santa, un portail contenant deux médaillons qui représentent l’empereur Frédéric II et son fils Manfredi. Ici, Montifaut put apprécier les deux dômes octogonaux à nervures de forme clairement gothique40.
- 41 A. Adorno, Itinéraire d’Anselme Adorno en Terre Sainte (1470-1471), dans Sources d’histoire médiéva (...)
- 42 En réalité, le palais ducal a été conçu par l’architecte bergamasque Giovanni Andrea Carducci et ap (...)
- 43 A. Pieyre de Mandiargues, Le Belvédère, Paris, Bernard Grasset, 1958, p. 134.
- 44 Jeunesse magazine, hebdomadaire édité par le Comité français de propagande aéronautique destiné not (...)
- 45 Ibid., p. 134-135.
24Une attention particulière est également réservée aux bâtiments civils. En 1470, le diplomate Anselme Adorno rapporta la beauté de la pierre de Trani qui rend les maisons du centre-ville magnifiques et somptueuses avec des façades taillées dans le diamant et des fenêtres encadrées par des colonnes sculptées41. L’hommage d’André Pieyre de Mandiargues aux Pouilles, terre de rencontres inattendues, lorsqu’il découvre le palais ducal de Martina Franca conçu par Gian Lorenzo Bernini42, est tout aussi significatif. Rencontrer le Bernin si loin du Louvre et de Rome, dans une ville de la vallée d’Itria, ne peut que susciter de l’étonnement43. De Mandiargues lui-même fut surpris par le Trullo Sovrano à Alberobello, un trullo44 qui pousse comme un nid de guêpes ou d’abeilles sauvages45.
- 46 E. Marsan, Italie méridionale, dans Le Visage de l’Italie, Paris, Horizons de France, 1929, p. 276- (...)
25Enfin, Lecce a l’air d’une ville de rêve aux yeux d’Eugène Marsan, écrivain né en 1882 à Bari et figure de proue du paysage littéraire parisien de l’entre-deux-guerres. Existe-t-il vraiment une ville où les églises et les palais s’enrichiraient de voûtes et de dentelles baroques dans une imbrication de l’esprit classique soudain enivré ? Lecce est une réalité. C’est le lieu de la vie courtoise, polie et seigneuriale où les palais ont été conçus pour accueillir des humanistes courageux ; c’est pourquoi la ville est appelée la « Florence des Pouilles »46.
Imaginaire bucolique et géorgique
26Les environnements ruraux, pastoraux et agricoles sont l’objet de descriptions récurrentes dans les textes des voyageurs français. Il s’agit d’une catégorie de l’imaginaire qui s’oppose aux espaces pierreux et incultes, renvoyant aux Pouilles assoiffées voire désolées que l’on rencontre dans nombreux passages littéraires.
- 47 V. Delpuech de Comeiras, op. cit., p. 291-292.
- 48 J. Gourdault, L’Italie illustrée de 450 gravures sur bois, Paris, Hachette, 1877, p. 665-666.
27La transhumance représente le contact le plus direct des voyageurs avec la réalité rurale : Victor Delpuech de Comeiras raconte ses rencontres avec les bergers des Abruzzes, rudes d’apparence mais polis et généreux dans leurs mœurs au point de lui offrir lait, fromage et charcuterie47, tandis que Jules Gourdault observe des bergers à l’allure semi-sauvage, « cousins des brigands », se déplaçant dans l’immensité de la plaine du Tavoliere48. Ce sont ces témoignages de primitivisme pastoral qui ont contribué à forger l’image des Pouilles comme terre lointaine dans le temps et dans l’espace, encore plus exaltée par les illustrations tirées des gravures sur bois qui accompagnaient le texte de Gourdault, historien et collaborateur de la « Revue des deux mondes », L’Italie illustrée de 450 gravures sur bois paru en 1877.
- 49 J. B. C. Richard Abbé de Saint-Non, op. cit., p. 13.
- 50 Ch. Yriarte, op. cit., p. 598.
28Dans la Capitanate, le changement de saison entraînait une nette modification de la perception. Saint-Non remarqua le changement soudain du Tavoliere qui, en hiver, n’est plus aride ni brûlé par le soleil d’été, mais couvert de pâturages et où les céréales abondent49. Cette image du « grenier des Pouilles » contraste avec l’immense solitude estivale où il est presque impossible de se protéger du soleil. Charles Yriarte essaie de peindre le soleil à l’horizon entre Foggia et San Severo et la référence à De Nittis est inévitable. L’artiste originaire de Barletta a peint l’Ofantino et le Tavoliere comme peu d’autres, combinant le blé jaune, les montagnes au loin de couleur améthyste et les bœufs gris poussière dans une harmonie puissante et évocatrice50.
- 51 G. Goyau, Lendemains d’Unité. Rome – Royaume de Naples, Paris, Perrin, 1900, p. 277-278.
29Mais le Tavoliere n’était pas seulement une lande désolée en été, puis une grange et une terre de pâturage en hiver. Au début du XXe siècle, l’historien Georges Goyau raconte la grande transformation subie par la Capitanate, quand le grenier se métamorphosa en réservoir de vin. Ce changement se produisit grâce à l’œuvre visionnaire de Giuseppe Pavoncelli, qui put démontrer la fertilité d’une terre toujours chargée de charme champêtre51.
- 52 E. Marsan, op. cit., p. 270.
30La vallée de l’Ofanto, dont les limites marquent la frontière avec la Terre de Bari, est pour Eugène Marsan l’exemple le plus direct de l’impression bucolique que l’on peut tirer des Pouilles. Huile, blé, lait et légumes sont les fruits de cette terre fertile et parfois archaïque : « ce monde des bergers et des troupeaux, des herbages et des étables des claies, des houlettes, du soc, dont la poésie grecque et latine a transmis l’image et le chant, et que les salons du nord ont à présent oublié »52.
- 53 G. de Jerphanion, L’Excursion en Calabre et dans les Pouilles, dans Atti del V Congresso internazio (...)
- 54 A.-F. Chabrier, Descriptions succintes de Tarente antique et moderne pour servir à la carte topogra (...)
- 55 M.-D. Binos, Voyage par l’Italie en Égypte au Mont-Liban et en Palestine ou Terre Sainte, vol. 1, P (...)
31Même dans le sud des Pouilles, les images bucoliques ne manquent pas : les campagnes riches et bien cultivées de Massafra emploient des vendangeurs capables de parcourir plusieurs kilomètres à la fin de la journée53 ; à Tarente, les oliviers et les vignes assurent aux habitants un revenu très important selon le rapport d’Auguste-Firmin Chabrier, ingénieur à la suite de Joachim Murat54 ; sur la côte, l’abbé Marie-Dominique Binos, en voyage vers la Terre Sainte en 1776, observe depuis son navire les moissonneurs de blé se reposer à l’ombre des arbres ou se réjouir au son de la flûte55.
- 56 J. B. C. Richard Abbé de Saint-Non, op. cit., p. 60.
32Aux yeux de l’abbé de Saint-Non, la vallée qui s’étend entre Lecce et Otrante est un véritable paradis terrestre : blé, vignes, arbres de toutes sortes, pignons, citrons, oranges et figues. L’air doux du printemps apportait le parfum des fleurs d’oranger avec le chant du rossignol56 !
- 57 L. Palustre de Montifaut, op. cit., p. 350.
33Quant à Léon Palustre de Montifaut, il rapproche Lecce de Blois pour sa pierre blanche, les fleurs aux fenêtres et l’existence de plusieurs jardins botaniques. L’amour pour la nature qui se dégage à Lecce détend agréablement l’esprit, aide à oublier le passé et à acquérir de la force pour envisager l’avenir57.
Imaginaire exotique et oriental
- 58 Voir G. Holtz, V. Masse, « Étudier les récits de voyage. Bilan, questionnements, enjeux », dans Arb (...)
- 59 Par extension, édifice funéraire à coupole pour un marabout.
- 60 V. Larbaud, Journal 1921-1935, Paris, Gallimard, 1955, p. 271.
- 61 M. Bernard, Autour de la Méditerranée. Les côtes latines. L’Italie (de Vintimille à Venise), Paris, (...)
- 62 P. Loti, Aziyadé. Extrait des notes et lettres d’un lieutenant de la Marine Anglaise entré au servi (...)
34L’originalité et le raffinement caractérisent l’imaginaire exotique et oriental. Les écrivains-voyageurs notent souvent les similitudes qui existent entre les régions qu’ils traversent et certains territoires africains, tant sur le plan des paysages que des coutumes et des traditions58. Celles-ci avaient en effet été importées du continent africain en raison des peuples qui au fil des siècles ont influencé la culture des Pouilles. Valery Larbaud, poète et romancier d’avant-garde du début du XXe siècle, voyageant dans la zone de Brindisi fait expressément allusion au « côté africain » de la région : villages blancs, maisons mitoyennes similaires aux marabouts algériens59, figuiers de Barbarie qui bordent des murs en pierres sèches60. La réaction de Marius Bernard est similaire lorsqu’il se trouve à Monopoli en 1890 : les dômes de la ville lui rappellent les constructions typiques orientales et les géométries des bâtiments, associées à la prédominance du blanc, les « minarets jaunâtres, aux arêtes onduleuses, et, produits d’une architecture en délire, terminés en forme d’oignon » lui donnent l’impression d’être ailleurs. L’effet d’étrangeté est fort : « Mais ce sont bien des marabouts que nous avons vus ! Nous sommes bien en Orient ! »61. Dans cette description de Monopoli, la référence à l’atmosphère d’Istanbul décrite par Pierre Loti dans Aziyadé paraît très claire62. Un élément essentiel de l’imaginaire exotique et oriental est certainement la lumière du sud qui se reflète et s’amplifie sur la blancheur des constructions des Pouilles. Bernard, fonctionnaire et médecin qui voyage dans toute la Méditerranée dans les mêmes années que Loti, fait la même constatation à Oria, ville immergée dans une région à la blancheur éblouissante algérienne, qui suscite des souvenirs des côtes barbaresques et des campagnes andalouses. Paul Bourget trouve que le baroque de Lecce, expression merveilleuse de passion et de fantaisie, est inspiré par l’ancien esprit helléniste, son éclectisme poussant Bourget à définir la ville comme une Espagne italianisée, voluptueuse et heureuse.
- 63 J. B. C. Richard Abbé de Saint-Non, op. cit., p. 12.
35Peut-on confiner cet imaginaire exotique au seul Salento ? En réalité, non. En effet, on retrouve également des impressions d’Orient au nord des Pouilles. Dans la solitude rurale du Tavoliere, la comparaison des masures rurales des paysans avec les marabouts africains refait surface. Paul Jousset, auteur de plusieurs guides de voyage publiés entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, ne peut s’empêcher de noter que la route qui mène de Cerignola à Foggia s’avère longue et difficile en raison de la blancheur « aveuglante ». François Lenormant compare également celle qui mène de Manfredonia à Foggia à une route dans le désert, un véritable Sahara, une steppe herbeuse brûlée par le soleil. Pour l’abbé de Saint-Non, la solitude prolongée de la plaine de la Capitanate au printemps peut constituer un paysage agréable, bien que difficile à peindre ; les nuances du vert immergées dans un espace immense et solitaire pourraient être rendues de manière originale par un peintre paysagiste habile63.
- 64 G. Schlumberger, op. cit., p. 50-51.
36Enfin, Gustave Schlumberger, au pied de Castel del Monte, ne peut s’empêcher de penser à Frédéric II parmi ses gardes étrangers, dans son harem de filles d’Orient ou engagé dans la chasse aux lièvres et aux gazelles à l’aide de rapides guépards achetés et importés de terres musulmanes64.
Imaginaire romantique
- 65 Voir H. Honour, Il romanticismo, Torino, Einaudi, 2007, p. 77.
37L’absence d’un horizon étroit, la contemplation muette d’une nature grandiose et le sentiment d’aliénation et de solitude sont les caractéristiques qui composent l’imaginaire romantique des Pouilles, cette région où semble « finir le monde », notamment sur la côte rugueuse et rocheuse qui mène d’Otrante à Leuca où s’élève majestueusement le phare de Punta Palascìa. La sensation que l’on a en lisant ce qu’écrivent Charles Yriarte et Marius Bernard sur Leuca ressemble à celle du voyageur de Caspar David Friedrich, figure aux limites de la réalité, presque étrangère au paysage65.
- 66 M. Bernard, op. cit., p. 316.
- 67 Ch. Yriarte, op. cit., p. 626.
38Des nuages vaporeux dans la poussière illuminée par le soleil laissent entrevoir l’Albanie et les Balkans : Marius Bernard s’imagine être à la frontière entre deux mondes suspendus entre le présent et le passé, parcourant le pont que le roi épirote, Pyrrhus, voulait construire entre l’Albanie du sud et le Salento pour unir la vieille Grèce à la Grande Grèce66. Même Charles Yriarte a la sensation d’être hors du monde, immergé à Punta di Leuca au pied du phare dans une solitude déchirante, au doux murmure des eaux qui s’engloutissent sur la falaise, où la mer Adriatique et la mer Ionienne se mélangent67.
39La côte extrême des Pouilles n’est pas une frontière avec un autre territoire ni même un simple littoral, c’est une terre de regards lointains, de rêves d’autres terres, de réminiscences du passé. C’est l’idée même d’une terre qui s’étend vers l’Ailleurs, dans un climat de désolation dessiné par des grottes caverneuses et chargées de mystère, par la terre rugueuse et brute qui couvre la côte rocheuse, et par la falaise imposante qui surmonte une mer céruléenne illuminée par le soleil de l’Orient.
Imaginaire mythologique
40L’imaginaire mythologique des Pouilles se borne aux deux extrémités de la région. Le débarquement d’Énée à Leuca dans l’ancien temple de Vénus et la mort de Diomède dans les Tremiti sont les références mythologiques qui retiennent particulièrement l’attention d’Henry Castela et du baron de Marguerittes.
- 68 H. Castela, Le Saint Voyage de Hierusalem et Mont Sinay, Bordeaux-Paris, Sonnius, 1603, p. 57.
41L’église de Santa Maria de Finibus Terrae de Leuca se dresse à l’emplacement du temple de l’impudente déesse Vénus, une inversion sémantique entre volupté (Vénus) et pureté (la Sainte Vierge) inscrite dans les notes de voyage du frère mineur Castela, qui débarqua dans les Pouilles à son retour de Terre Sainte en 160068.
- 69 Il n’existe aucune information certaine sur l’auteur, il est nîmois et chevalier de l’ordre de Sain (...)
- 70 Baron de Marguerittes, Notice sur les îles Tremiti connues dans l’ancienne Grèce sous le nom de Dio (...)
42Le Baron de Marguerittes69, quant à lui, se concentre totalement sur l’étude des îles Tremiti sans omettre le récit du mythe d’un autre héros lié à la guerre de Troie, Diomède. L’une des traditions les plus répandues veut que Diomède débarque et meurt sur l’une des îles Tremiti. Ses compagnons de voyage, transformés en oiseaux par Aphrodite, volent autour de la tombe de Diomède émettant des cris plaintifs70. En parlant de Diomède, nous ne pouvons omettre ici combien les héros de l’Odyssée sont liés aux Pouilles aussi et surtout grâce au chef-d’œuvre de Fénelon, Les Aventures de Télémaque.
- 71 Fénelon, Les Aventures de Télémaque, Paris, Gallimard, 1995, p. 364.
43Dans ce roman didactique destiné au duc de Bourgogne, Diomède lui-même reçoit la campagne d’Arpi en cadeau du fils d’Ulysse après la défaite des Dauniens71. Les Pouilles mythologiques de Fénelon sont des Pouilles utopiques, historiquement et géographiquement définies par l’auteur, bien que l’arrivée de Télémaque et Mentor dans le port du Salento ait été le point d’atterrissage d’un voyage imaginaire très réussi.
Imaginaire religieux
- 72 J. de Beauregard, Du Vésuve à l’Etna et sur le littoral de l’Adriatique, Lyon, Vitte, 1895, p. 197- (...)
- 73 V. Delpuech de Comeiras, op. cit., p. 290.
- 74 A. Adorno, op. cit., p. 391.
44La religiosité populaire des Pouilles, souvent liée à des traditions et à des significations ancestrales, semblait parfois assez excentrique aux yeux des voyageurs français. En 1894 le prêtre Jean de Beauregard, « nom de plume » de Jean-Pierre Condamin, observe comment, dans le sud de l’Italie, le peuple « traite ses affaires avec Dieu » en interpellant et en gesticulant devant les images sacrées72. Victor Delpuech de Comeiras raconte la grande fête populaire en l’honneur de la Vierge Couronnée aux portes de Foggia, moment consacré à invoquer grâce et protection : « C’est une image de la Vierge qui a été trouvée dans un arbre, et pour laquelle on a une grande vénération. Tout le monde était d’une grande gaîté »73. La dévotion populaire pour la Vierge est très répandue dans les Pouilles ; Anselme Adorno rapporte le grand respect de la marine de Molfetta pour la « Madonna dei Martiri » capable de « sauver » les équipages pris dans les tempêtes les plus redoutables74.
- 75 G. de Jerphanion, op. cit., p. 593.
- 76 G. Schlumberger, op. cit., p. 32-33.
45La considération qui revient souvent dans les textes des voyageurs concerne non seulement la foi authentique d’un peuple essentiellement agricole et pastoral, mais surtout la capacité à attirer des pèlerins de tout le Gargano et de la Terre de Bari, respectivement au sanctuaire de Monte Sant’Angelo et à la Crypte de la basilique de Saint-Nicolas de Bari. La collecte de la « manne de saint Nicolas », qui emplit les os du saint, est l’un des thèmes récurrents des pèlerins qui, à Bari, font étape obligatoire vers la Terre Sainte : « Il s’en donne, chaque année, des milliers d’ampoules, où une petite quantité de “mannes” est diluée dans de l’eau »75. Enfin, le sanctuaire de Monte Sant’Angelo, en raison de sa position perchée, représente l’idée même du chemin d’expiation des chrétiens, une invitation à monter sur les hauteurs pour s’approcher de Dieu avec effort, engagement et détermination. Gustave Schlumberger considérait le parcours qui menait de Foggia à Manfredonia, et d’ici au sommet du Gargano, comme l’une des chemins les plus romantiques au monde. La végétation méditerranéenne de la baie du golfe de Manfredonia, que l’on peut observer clairement du haut de la route panoramique, est le théâtre naturel dont la scène est foulée par un grand nombre de personnes en voyage de prière vers la grotte de Saint-Michel : « La route est couverte de centaines de pèlerins, se dirigeant par bandes vers le sanctuaire ou en revenant, chantant et priant. Les voix fraîches des jeunes filles répondent aux voix graves des vieillards portant les saintes reliques »76.
46Ainsi, l’imaginaire religieux dépasse largement le récit des miracles, des apparitions, des vœux et des prières, pour s’enrichir de l’image d’une humanité cheminant à la recherche du salut de son âme.
Conclusion
47L’image des Pouilles que les voyageurs français ont forgée au fil du temps explique en partie l’engouement des touristes d’aujourd’hui. Elle est aussi à l’origine d’une production romanesque remarquable en termes quantitatifs et qualitatifs, surtout depuis la Seconde Guerre mondiale.
- 77 G. Faure, Le Vieillard de Tarente suivi des Délices de Juin, Paris, Les Horizons de France, 1956.
- 78 P. Dréhan, Le Voyage en Italie, Paris, Éditions Sydney Laurent, 2020, p. 78.
- 79 Dans le roman de Roger Vailland Porto Manocore n’est rien moins que Peschici.
- 80 L. Gaudé, Le Soleil des Scorta, Arles, Actes Sud, 2004.
- 81 R. Lafore, Belle infidèle, Paris, Stock, « Le Livre de Poche », 2019.
- 82 Une parenthèse à part, enfin, est constituée de textes d’auteurs français racontant l’histoire de l (...)
48Dans son Vieillard de Tarente77, le poète Gabriel Faure reprend l’épisode du senex virgilien des Géorgiques qui a quitté la Cilicie pour s’installer près de Tarente et cultiver son propre jardin. Cette évocation virgilienne le pousse à retourner en Italie, à se rendre pour la première fois dans les Pouilles et à écrire une rêverie sur Tarente, sur la sagesse de la vieillesse et sur le bonheur de la vie rurale. Patrick Dréhan, dans son roman Le Voyage en Italie, décrit Otrante et les localités du Salento comme des villes « où s’arrête le temps, où commence le permis de rêver »78. Le Gargano est également bien représenté dans deux textes littéraires lauréats du prestigieux prix Goncourt : en 1957, Roger Vailland installe son La Loi (Paris, Gallimard) sur le promontoire des Pouilles79, et Peschici et Monte Sant’Angelo inspirent Montepuccio, lieu où se déroule le Soleil des Scorta80 de Laurent Gaudé. Le roman Belle infidèle81 de Romane Lafore, paru en 2019, oscille quant à lui entre Monopoli et le Salento, une histoire d’amour avec la mer, le soleil et la lumière des Pouilles en toile de fond82.
Notes
1 Voir URL, https://grandtour.stanford.edu consulté le 24/09/2024.
2 A. Besana, N. Gabellieri, Dal GIS letterario allo sviluppo turistico locale: cartografia e itinerari odeporici letterari in Trentino, Bollettino dell’Associazione italiana di cartografia, 175, 2022, p. 89-100.
3 E. Dai Prà, N. Gabellieri, « Mapping the Grand Tour Travel Writings: a GIS-Based Inventorying and Spatial Analysis for Digital Humanities in Trentino-Alto Adige, Italy (XVI-XIX c.) » dans Literary Geographies, 7, 2, 2021, p. 251-274. D’autres projets de cartographie numérique existent : Mapping the Lake District (2011), URL : https://www.lancaster.ac.uk/mappingthelakes/ consulté le 24/09/2024 ; The Obsessively Detailed Map of American Literature’s Most Epic Road Trips, carte interactive réalisée par Steven Melendez (2015), URL : https://www.atlasobscura.com/articles/the-obsessively-detailed-map-of-american-literatures-most-epic-road-trips, consulté le 24/09/2024 ; The Digital Literaly Atlas of Ireland, 1922-1949 (2017), URL : http://cehresearch.org/DLAI/, consulté le 24/09/2024.
4 Le site est la clé d’accès numérique à une base de données peuplée de 47 textes de 46 auteurs différents, qui ont écrit leurs impressions de voyage dans les Pouilles.
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6 A. F. Creuzé de Lesser, Voyage en Italie et en Sicile, Paris, Didot, 1806, p. 96.
7 Comme l’a noté Atanasio Mozzillo, l’inclusion de ces étapes est le résultat d’une pure démystification de la part de Stendhal. Pourquoi Tarente et Otrante ? La ville des deux mers probablement en raison de la mémoire de Choderlos de Laclos qui y mourut en 1803. Otrante est mentionné en raison de la résonance du célèbre roman gothique The Castle of Otranto de Walpole. Voir A. Mozzillo, La frontiera del Grand Tour. Viaggi e viaggiatori nel Mezzogiorno borbonico, Napoli, Liguori, 1992, p. 128.
8 Gilles Bertrand, Le Grand Tour revisité. Le voyage des Français en Italie (milieu XVIIIe siècle-début XIXe siècle), Rome, École française de Rome, 2021, p. 15-16.
9 Voir G. Dotoli, F. Fiorino, Viaggiatori francesi in Puglia, 8 vol., Fasano, Schena, 1985-1999 ; V. Castiglione Minischetti, G. Dotoli, R. Musnik, Bibliographie du voyage français en Italie du Moyen Âge à 1914, Fasano-Paris, Schena-Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2002 ; A. Brudo, G. Dotoli, G. Fabbricino et al., Le voyage français en Italie au XXe siècle. Bibliographie analytique, Fasano-Paris, Schena-Édition Lanore, 2007.
10 G. Holtz, V. Masse, « Étudier les récits de voyage. Bilan, questionnements, enjeux », dans Arborescences – Revue d’études françaises, 2, mai 2012, p. 9-10.
11 Ibid., p. 11.
12 J.-J. Wunenburger, L’Imaginaire, Paris, Presses Universitaires de France, 2020. Voir aussi M. Musolino, dans « Jean-Jacques Wunenburger. L’immaginario », dans Im@go, II, 1, june 2013, p. 221-223.
13 J.-J Wunenburger, op. cit., p. 34.
14 A.-G. Weber, « Le récit de voyage et l’émergence de la littérature au tournant des XVIIIe et XIXe siècles », dans Viatica [en ligne], 7, 2020, p. 11-13.
15 D. J. Bodenhamer a bien résumé le concept de deep map dans l’union entre la représentation du patrimoine tangible et matériel et la dimension discursive des lieux décrits. Voir Id., Making the Invisible Visible : Place, Spatial Stories and Deep Maps, dans D. Cooper, Ch. Donaldson, P. Murrieta-Flores (dir.), Literary Mapping in the Digital Age, London, Routledge, 2016, p. 212-213.
16 Sur le préjugé de l’Italie du Sud comme pays arriéré et à l’état de civilisation très précaire, voir, par exemple, M. Crouzet, Stendhal e il mito dell’Italia, Bologna, Il Mulino, 1982, p. 95.
17 P. Bourget, Sensations d’Italie. Toscane, Ombrie, Grande-Grèce, Paris, Lemerre, 1891, p. 169.
18 A. Maurel, Petites villes d’Italie, vol. 3, Paris, Hachette, 1910, p. 43-44.
19 G. Schlumberger, Voyage dans les Abruzzes et les Pouilles (3-17 mai 1914), Paris, Plon, 1916, p. 41.
20 Ch. Yriarte, Les Bords de l’Adriatique et le Montenegro. Venise. L’Istrie. Le Quarnero. La Dalmatie. Le Montenegro et la rive italienne, Paris, Hachette, 1878, p. 596.
21 Voir A. Placanica, « La capitale, il passato, il paesaggio : i viaggiatori come “fonte” della storia meridionale », dans Meridiana, 1, settembre 1987, p. 175-176.
22 J. B. C. Richard abbé de Saint-Non, Voyage pittoresque ou description des royaumes de Naples et de Sicile, vol. 3, Paris, Lafosse, 1783, p. 44.
23 Ibid., p. 63.
24 F. Fiorentino, Dalla geografia all’autobiografia: viaggiatori francesi in levante, Antenore, Padova, 1982, p. 105.
25 Ibid., p. 106.
26 L. Palustre de Montifaut, De Paris à Sybaris. Études artistiques et littéraires sur Rome et l’Italie méridionale. 1866-1867, Paris, Lemerre, 1868, p. 337.
27 J. B. C. Richard abbé de Saint-Non, op. cit., p. 43-45.
28 Voir Ch. Yriarte, op. cit., p. 607.
29 V. Delpuech de Comeiras, Abrégé de l’histoire générale des voyages faits en Europe, vol. 9, Paris, Moutardier, 1804, p. 321-322.
30 L. Palustre de Montifaut, op. cit., p. 359-360.
31 Ch. Didier, Terre d’Otrante, Cap de Leuca, Tarente, dans MM. De Norvins, Ch. Nodier, A. Dumas, Welckenaer, Legouvé, Al. Royer, H. Berlioz, R. de Beauvoir, H. Auger, Italie pittoresque, Paris, Amable Costes, 1834, p. 42.
32 À ces noms s’ajoute celui de l’archéologue, numismate et érudit Aubin Louis Millin de Grandmaison, qui voyagea dans l’Italie du Sud et dans les Pouilles entre 1812 et 1813. Millin étudia avec soin les détails architecturaux de la basilique Saint-Nicolas. Il étudia particulièrement les descriptions des découvertes dans les chambres funéraires de Canosa.
33 Le terme de roman, forgé au XIXe siècle, aurait été employé pour la première fois par l’archéologue normand Charles Duhérissier de Gerville (1769-1853).
34 F. Lenormant, À travers l’Apulie et la Lucanie. Notes de voyages, vol. 1, Paris, A. Lévy, 1883, p. 96.
35 Voir Castel del Monte et les architectes français de l’empereur Frédéric II, par M. Émile Bertaux, Extrait des “Comptes rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belles-lettres”, Paris, Imprimerie Nationale, 1897, p. 5-6.
36 A. Pieyre de Mandiargues, Le Cadran lunaire, Paris, Robert Laffont, 1958, p. 134-135.
37 A. Maurel, op. cit., p. 55.
38 Dante, Inferno, XIX, v. 107.
39 A. Maurel, op. cit., p. 57.
40 L. Palustre de Montifaut, op. cit., p. 333-334.
41 A. Adorno, Itinéraire d’Anselme Adorno en Terre Sainte (1470-1471), dans Sources d’histoire médiévale, Paris, Ed. du CNRS, 1978, p. 393.
42 En réalité, le palais ducal a été conçu par l’architecte bergamasque Giovanni Andrea Carducci et approuvé par Gian Lorenzo Bernini, alors surintendant du Royaume de Naples chargé d’examiner tous les projets.
43 A. Pieyre de Mandiargues, Le Belvédère, Paris, Bernard Grasset, 1958, p. 134.
44 Jeunesse magazine, hebdomadaire édité par le Comité français de propagande aéronautique destiné notamment aux adolescents, définit les Trulli comme « De blancs pains de sucre parmi les figuiers vert sombre ». C’est un type d’habitation ancien : « La maison est à peine perfectionnée. Souvent, elle se réduit à la coupole originelle, mais portée sur quatre murs élevés en carré. Si la demeure s’agrandit, chacune des pièces dont elle se compose aura sa voûte individuelle, de dimensions plus ou moins grandes selon la surface couverte. Les pierres qui forment la coupole tiennent a “toutes scules”, c’est-à-dire par leur propre poids et sans l’aide du ciment ou du mortier ». Voir Jeunesse Magazine, 3° année, 36, 3 septembre 1939, p. 8.
45 Ibid., p. 134-135.
46 E. Marsan, Italie méridionale, dans Le Visage de l’Italie, Paris, Horizons de France, 1929, p. 276-278.
47 V. Delpuech de Comeiras, op. cit., p. 291-292.
48 J. Gourdault, L’Italie illustrée de 450 gravures sur bois, Paris, Hachette, 1877, p. 665-666.
49 J. B. C. Richard Abbé de Saint-Non, op. cit., p. 13.
50 Ch. Yriarte, op. cit., p. 598.
51 G. Goyau, Lendemains d’Unité. Rome – Royaume de Naples, Paris, Perrin, 1900, p. 277-278.
52 E. Marsan, op. cit., p. 270.
53 G. de Jerphanion, L’Excursion en Calabre et dans les Pouilles, dans Atti del V Congresso internazionale di studi bizantini, Roma, Tipografia del Senato, 1936, p. 586-587.
54 A.-F. Chabrier, Descriptions succintes de Tarente antique et moderne pour servir à la carte topographique de la Ville et des environs de Tarente, dans R. Murdoch, « Un rapporto francese su Taranto del 1801 », dans Archivio storico pugliese, 1968, I-IV, p. 239.
55 M.-D. Binos, Voyage par l’Italie en Égypte au Mont-Liban et en Palestine ou Terre Sainte, vol. 1, Paris, chez l’auteur – Boudet, 1787, p. 214. L’abbé Binos entreprit en 1776 un voyage en Terre Sainte. Son compte rendu de voyage est écrit sous forme de lettre et est dédié à Madame Elisabeth de France, sœur de Louis XVI.
56 J. B. C. Richard Abbé de Saint-Non, op. cit., p. 60.
57 L. Palustre de Montifaut, op. cit., p. 350.
58 Voir G. Holtz, V. Masse, « Étudier les récits de voyage. Bilan, questionnements, enjeux », dans Arborescences – Revue d’études françaises, 2, mai 2012, p. 16 : « Longtemps condamné pour l’ignorance et les clichés véhiculés en son nom, le terme d’“exotisme” trouve dans la lecture critique sur les récits de voyage une remotivation frappante et imprévue. […] Pour Victor Segalen l’“Exotisme”, situé bien au-delà du “cocotier”, du “chameau”, bien au-delà de “son acception seulement tropicale, seulement géographique”, atteint son extension sémantique maximale : il “n’est autre que la notion du différent”, la “connaissance que quelque chose n’est pas soi-même”, “le pouvoir de concevoir autre” ».
59 Par extension, édifice funéraire à coupole pour un marabout.
60 V. Larbaud, Journal 1921-1935, Paris, Gallimard, 1955, p. 271.
61 M. Bernard, Autour de la Méditerranée. Les côtes latines. L’Italie (de Vintimille à Venise), Paris, H. Laurens, 1897, p. 318-319.
62 P. Loti, Aziyadé. Extrait des notes et lettres d’un lieutenant de la Marine Anglaise entré au service de la Turquie le 10 mai 1876, tué dans les murs de Kars, le 27 octobre 1877, Paris, Calmann-Lévy, 1974, p. 104.
63 J. B. C. Richard Abbé de Saint-Non, op. cit., p. 12.
64 G. Schlumberger, op. cit., p. 50-51.
65 Voir H. Honour, Il romanticismo, Torino, Einaudi, 2007, p. 77.
66 M. Bernard, op. cit., p. 316.
67 Ch. Yriarte, op. cit., p. 626.
68 H. Castela, Le Saint Voyage de Hierusalem et Mont Sinay, Bordeaux-Paris, Sonnius, 1603, p. 57.
69 Il n’existe aucune information certaine sur l’auteur, il est nîmois et chevalier de l’ordre de Saint Louis. Il est probable qu’il se trouvait dans les Pouilles, sur les îles Tremiti, en 1842 et 1843.
70 Baron de Marguerittes, Notice sur les îles Tremiti connues dans l’ancienne Grèce sous le nom de Diomédéoe, et appelées par les Romains Trimerum [...], Paris, Breteau-Martinon, Fournier, 1844, p. 9-10.
71 Fénelon, Les Aventures de Télémaque, Paris, Gallimard, 1995, p. 364.
72 J. de Beauregard, Du Vésuve à l’Etna et sur le littoral de l’Adriatique, Lyon, Vitte, 1895, p. 197-215.
73 V. Delpuech de Comeiras, op. cit., p. 290.
74 A. Adorno, op. cit., p. 391.
75 G. de Jerphanion, op. cit., p. 593.
76 G. Schlumberger, op. cit., p. 32-33.
77 G. Faure, Le Vieillard de Tarente suivi des Délices de Juin, Paris, Les Horizons de France, 1956.
78 P. Dréhan, Le Voyage en Italie, Paris, Éditions Sydney Laurent, 2020, p. 78.
79 Dans le roman de Roger Vailland Porto Manocore n’est rien moins que Peschici.
80 L. Gaudé, Le Soleil des Scorta, Arles, Actes Sud, 2004.
81 R. Lafore, Belle infidèle, Paris, Stock, « Le Livre de Poche », 2019.
82 Une parenthèse à part, enfin, est constituée de textes d’auteurs français racontant l’histoire de leurs familles d’origine. Giovanni-Michel Del Franco en 2000 (Accadia, vie et mort d’un village du sud de l’Italie, Argenteuil, Le Chant des Hommes) raconte son voyage sur les pas de son père originaire de Candela et émigré pour des raisons économiques ; Hervé Deguine en 2011 (« Avanti ! » Histoire d’une famille italienne venue des Pouilles (1780-1947), Paris, Bonaventure) raconte ses grands-parents italiens et la vie à Andria entre la guerre et l’après-guerre. Les deux textes mettent en évidence l’aspect rural des villages de l’intérieur des terres des Pouilles, une civilisation presque archaïque fondée sur des relations de coexistence faites de pure simplicité.
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Référence électronique
Michele Sollecito, « Les Pouilles Littéraires : itinéraires de l’imaginaire français des Pouilles », Revue italienne d’études françaises [En ligne], 14 | 2024, mis en ligne le 15 novembre 2024, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/13532 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12ozj
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