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La tour d’ivoire: finalités, formes et mythes de l’autonomie du littéraire

« Libre avec les autres » : autonomie et engagement de l’art dans la pensée d’Albert Camus

« Libre avec les autres » : freedom and artistic commitment in the writings of Albert Camus
Giulio Sanseverino

Résumés

À partir des œuvres d’Albert Camus, aussi bien romanesques que non-fictionnelles, l’article examine la relation entre esthétique et éthique de l’écriture littéraire, montrant que l’« équilibrisme tout individuel » de Camus naît de la tension entre un consentement au réel et le dépassement de celui-ci par l’œuvre créatrice de la fiction. Il ne s’agit pas de dénoncer les apories esthétiques du réalisme socialiste ou de soumettre la littérature aux exigences de l’engagement, compris comme instrument de témoignage et de solidarité sociale, mais de souligner la dialectique féconde entre autonomie et hétéronomie de l’art à partir de toute la différence entre un « homme révolté » (l’artiste) et un « révolutionnaire ».

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Texte intégral

  • 1 Dans son article « L’artiste romantique en perspective » (dans Romantisme, 54, 1986, p. 21), José-L (...)

1Dans l’histoire contemporaine de la culture européenne, la littérature a progressivement gagné son autonomie par rapport à d’autres domaines du savoir, tels que la philosophie et les sciences. Ce changement, amorcé à l’époque romantique, a marqué un passage d’une vision encyclopédique et cumulative de la littérature à une reconnaissance de sa spécificité. Loin d’être perçue comme un ensemble indifférencié d’œuvres, la littérature est désormais considérée comme un art à part entière, séparé des finalités pragmatiques classiques. Le tournant philosophique apporté par Kant, notamment avec sa notion de beauté comme « finalité sans fin », a ouvert la voie à des conceptions esthétiques plus autonomes, culminant avec le mouvement de l’art pour l’art au XIXe siècle1. Ce paradigme a peu à peu atténué l’idée d’une littérature visant à émouvoir, apprendre ou plaire, en favorisant plutôt un art conçu comme un acte d’élévation. Comme le constate Alexandre Gefen, en l’espace de trois décennies, la doctrine de l’art pour l’art finit par effacer de façon subtile les trois finalités artistiques :

  • 2 A. Gefen, L’Idée de littérature. De l’art pour l’art aux écritures d’intervention, Paris, Corti, «  (...)

« émouvoir, apprendre et plaire », que l’âge classique avait assigné à l’art en suivant Cicéron, tout comme tout rapport au vrai : le beau, le vrai et le bien peuvent être désormais distingués. Le geste artistique devient un geste de séparation, d’arrachement aux mondes des plaisirs et des besoins ordinaires : c’est son pouvoir d’élévation et non de véridiction qui doit opérer.2

2Cette évolution a engendré une dichotomie au sein de la création littéraire : d’une part, un purisme artistique, qui semble privilégier l’isolement par rapport aux réalités du monde, et d’autre part, une fonction critique et didactique de la littérature, inscrite dans une démarche sociale.

  • 3 F. Cavagnoli, La voce del testo, Milano, Feltrinelli, 2019, p. 19.
  • 4 Cette expression est tirée d’un article écrit par Goffredo Fofi, paru le 5 septembre 2005 dans l’en (...)
  • 5 A. Gefen, op. cit., p. 37.
  • 6 J.-P. Sartre, Qu’est-ce que la littérature ? [1948], dans Id., Situations III, Paris, Gallimard, 19 (...)

3Cependant, le rapport entre l’écrivain et son public, essentiel dans le processus de création, souligne que la littérature, en tant qu’instrument social, dépend aussi des modes de lecture. C’est dire qu’il faut rendre au lecteur son rôle déterminant dans l’esthétique de la création. Comme l’affirme Franca Cavagnoli en parlant de la traduction littéraire, lorsqu’elle s’interroge sur le repérage des dominantes textuelles aux fins d’une stratégie traductive3, tout lecteur a ses propres exigences. Certains lecteurs s’adonneraient à la lecture dans le dessein « de penser et se penser »4, se concevoir au sein du monde, cherchant ainsi un échange intime avec la réalité qui les entoure ; d’autres plongeraient dans la lecture pour éviter toute pensée et s’échapper des contingences du quotidien, sans doute à la recherche d’un horizon absolu, une réfraction stylisée. Gefen souligne la persistance de cette dualité dans l’histoire de la littérature : « Durant toute l’ère moderne, la littérature de recherche s’oppose à la littérature de plaisir, la poésie pure à la poésie en contexte […] le lecteur intéressé par le texte au lecteur simplement passionné par le récit »5. La finalité de la création littéraire ne peut donc être dissociée de la relation intime entre l’acte d’écrire et l’expérience du lecteur, même si cette interaction est souvent entravée par la complexité du monde. En 1948, Sartre répondait en ces termes à la question relative aux destinataires de l’écriture : « À première vue, cela ne fait pas de doute : on écrit pour le lecteur universel [...]. Mais c’est un rêve abstrait [...] l’écrivain parle à ses contemporains, à ses compatriotes, à ses frères de race ou de classe »6. La même tension se reflète dans l’œuvre d’Albert Camus et dans sa pensée : tout en revendiquant l’autonomie de l’artiste, il considère que la véritable vocation de l’art réside dans sa capacité à établir une communion avec le monde. Sur cette perspective les paragraphes qui suivent entendent fournir un aperçu rapide.

  • 7 Sur ce sujet, voir S. Bastien, A. Prouteau, A. Spiquel (dir.), Camus, l’artiste, Rennes, Presses Un (...)
  • 8 J. Lévi-Valensi, Jacqueline Lévi-Valensi présente La Peste d’Albert Camus, Paris, Gallimard, « Foli (...)
  • 9 S. Servoise, « Langage et vérité chez Camus. Les voix du roman », dans Revue d’Histoire littéraire (...)
  • 10 Sur la simplicité apparente du style de L’Étranger je renvoie à mes articles : G. Sanseverino, « Le (...)
  • 11 A. Camus, Carnets [1938], dans Id., Œuvres complètes, J. Lévi-Valensi (dir.), Paris, Gallimard, « B (...)
  • 12 Id., Le Mythe de Sisyphe, dans Id., Œuvres complètes, cit., t. II, p. 259.
  • 13 J.-P. Sartre, Explication de L’Étranger [1943], dans Id., Situations I, Paris, Gallimard, 1947, p.  (...)
  • 14 Alors que le narrateur prétend « faire œuvre d’historien », de manière donc à priori impartiale, il (...)
  • 15 Alors même que, comme le fait remarquer Brian Fitch : « la neutralité et l’objectivité que cultive (...)
  • 16 A. Camus, La Peste, cit., p. 273-274.

4Chez Camus, on observe une inquiétude constante quant aux possibilités du langage face à l’expérience du réel. L’intérêt qu’il porte à la relation entre la valeur testimoniale (de nature sociale) du récit et le risque solipsiste inhérent à tout jeu de langage traverse toute son œuvre, aussi bien dans ses fictions que dans ses essais7. Comme le relève Lévi-Valensi : « Il n’est sans doute pas d’œuvre de Camus qui n’envisage les questions de la vérité et du mensonge, de la parole et du silence, et ne contienne une mise en cause du langage par le langage lui-même »8. Dans ses deux romans les plus célèbres, L’Étranger et La Peste, la structure, les thèmes et l’écriture même de l’œuvre sont hantés par une isotopie de la duplicité. La construction formelle et les choix stylistiques de l’auteur convergent vers un message à la fois porteur d’espoir et empreint de méfiance envers le langage et ses manifestations les moins authentiques, avec une attention particulière à l’influence que celles-ci peuvent exercer sur autrui. Dans L’Étranger, « le refus du mensonge, la recherche de la vérité, individuelle comme sociale, passent […] par un exercice d’objectivité et de détachement poussé à ses limites, en ce qu’il tend à faire du personnage narrateur une non-personne, de son récit une parole réduite au maximum »9. L’absence des repères narratifs traditionnels s’ajoute à l’impression de vacuité qui entoure la vie du héros, car la prétendue neutralité10 de la narration de Meursault révèle, au fond, l’énigme absurde de son existence. Ainsi, la prise de conscience de Camus romancier repose sur l’aliénation de l’homme vis-à-vis, entre autres, de sa propre langue. Cela ne se limite pas au détournement des mots, mais concerne leur incapacité intrinsèque à transmettre, par des moyens verbaux, une vérité qui les dépasse, puisqu’elle échappe à l’entendement humain. Néanmoins, parmi les fondements de l’art d’écrire de Camus se dresse toujours son souci de dire, mais dire seulement ce qu’il faut : une élégance qui se veut aussi recherche de vérité, beauté minimaliste du témoignage. C’est pourquoi il prétend dans ses Carnets que « [l]a véritable œuvre d’art est celle qui dit moins »11, tout en affirmant son refus des œuvres où « la pensée a prévalu sur le style »12. D’où les signes visibles d’un travail acharné sur ses phrases, qui manifeste – souvent malgré lui – une rhétorique parfois contradictoire, faite de réticences dans l’expression, d’escamotages narratifs et d’économie syntaxique. C’est là que réside sa tentative de communiquer l’incommunicable. Le véritable paradoxe d’un roman exprimant une défiance progressive vis-à-vis des limites du langage tient à la motivation même de l’entreprise de son écriture : comment raconter une histoire, si l’on ne croit pas à la valeur de la narration ? Dans L’Étranger, le défi consistait à se taire à travers les mots, comme le remarquait Sartre13. Quatre ans plus tard, dans La Peste, face à un fléau menaçant la collectivité et après l’expérience totalisante de la guerre, la question devient celle du choix des mots pour s’engager dans la lutte contre ce Mal allégorique, et de comment dépasser la tentation du silence individuel (présente chez Meursault) pour enfin dire la vérité, mais cette fois au nom de tous. Le romancier répond par le choix de la « chronique »14, une forme narrative qu’il juge la plus adéquate à ses fins. En chroniqueur objectif, le docteur Rieux, narrateur-héros dont l’identité n’est révélée qu’à la fin, oriente le récit dans la direction moraliste souhaitée par l’auteur. Simultanément, la réalité fictionnelle de la peste est rapportée par une polyphonie de voix, grâce à la variation des scènes, des personnages, des dialogues, des registres. Ainsi, Camus déploie ses moyens littéraires tant pour éviter la monotonie du récit que pour incarner de manière authentique15 la solidarité collective, face à laquelle il ressent une responsabilité morale : il faut « être un témoin fidèle […] parler pour tous »16. Dans cette perspective, il apparaît assez clair que pour Camus, au moment de l’écriture de La Peste, la prise de parole est un acte d’engagement, à condition qu’elle reste éloignée de toute rhétorique. L’extrait suivant des Carnets l’illustre parfaitement :

  • 17 A. Camus, Carnets, dans Id., Œuvres complètes, cit., t. IV, p. 1039-1040.

Tout le malheur des hommes vient de ce qu’ils ne prennent pas un langage simple. […] Le progrès et la grandeur vraie est dans le dialogue à hauteur d’homme et non dans l’évangile, monologué et dicté du haut d’une montagne solitaire. Voilà où j’en suis. Ce qui équilibre l’absurde c’est la communauté des hommes en lutte contre lui. Et si nous choisissons de servir cette communauté, nous choisissons de servir le dialogue jusqu’à l’absurde contre toute politique du mensonge ou du silence. C’est comme cela qu’on est libre avec les autres.17

  • 18 Roger Dadoun a esquissé cette différenciation : « L’“écrire juste” se compléterait ainsi d’un “just (...)

5Camus prend parti contre le silence. Mais les notions d’absurde et de liberté évoquées ici (tout comme celle de « révolte » dans ses essais) se révèlent fondamentales pour appréhender l’aller-retour constant chez Camus entre, d’une part, son militantisme politique, sa conception de la justice par l’action, puis par la parole ; de l’autre côté, son aspiration à une autonomie artistique liée plutôt à la justesse de l’écriture qu’à la justice sociale.18 Le paradoxe entre l’espoir et la méfiance vis-à-vis du langage traverse toute l’œuvre de Camus, et trouve sa résolution, selon Dominique Rabaté, dans son idéal de simplicité:

  • 19 D. Rabaté, « Simplicité et simplification dans La Peste », dans Il y a 50 ans : La Peste de Camus, (...)

[...] simplicité […] qui dicte l’ambivalence de l’écrivain vis-à-vis de son lyrisme spontané, ou qui explique le refus de l’emphase, des « discours » ronflants et même, sans doute, de toute théorie trop constituée […]. L’écrivain reste constamment fasciné par le silence, celui – originel – de sa mère, mais il est en même temps pris par la nécessité de dire, d’exprimer l’émotion ou même, cédant aussitôt à l’obligation de dire de grands mots, la condition humaine. Nécessité d’exprimer […] qui passe chez Camus par une simplification volontaire des modes de signifier.19

  • 20 Pour un aperçu de l’engagement politique d’Albert Camus, voir Mark Orme, The Development of Albert (...)
  • 21 A. Camus, Jonas ou l’artiste au travail [1962], dans Id., Théâtre, Récits, Nouvelles, Paris, Gallim (...)
  • 22 J. Kaznowski, « L’art et l’artiste dans les Discours de Suède d’Albert Camus », dans Acta Philologi (...)
  • 23 A. Camus, Essais, éd. R. Quillet, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 1074.
  • 24 Ibid., p. 1071.

6Langage simple, urgence de la parole, solidarité humaine : tel est le credo de l’homme de lettres, défenseur ardent de la liberté artistique, et de l’homme Camus, épris de morale et conscient des enjeux politiques, économiques et sociaux de son temps (qu’il avait d’ailleurs déjà abordés, avec tant de pugnacité, dans le journal clandestin Combat20). De L’Étranger, qui relate la rencontre entre la conscience humaine et les limites de sa liberté, à La Peste, chronique de la réaction d’une communauté confrontée au mal, un parcours cohérent se dessine, allant du solipsisme à la responsabilité collective. C’est le recueil de nouvelles L’Exil et le Royaume (1957) qui illustre l’urgence pour l’artiste moderne de choisir : être « solitaire ou solidaire ? »21. Chez Camus, ce dilemme ne se résout pas en une opposition manichéenne entre retrait dans une tour d’ivoire et activisme politique : ces deux extrêmes seraient plutôt des « sortes d’opportunisme », si l’on en croit Kaznowski22. Au XXe siècle, dit Camus dans son allocution de réception du prix Nobel, l’artiste ne peut plus être assimilé à quelqu’un qui ait des « solutions toutes faites et de belles morales »23. Il précise ensuite : « L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas se séparer »24. Ainsi, quoique l’art conserve une finalité, celle-ci revêt davantage une dimension humaine que sociale et l’artiste ne saurait plus passer par un instituteur des hommes à la manière balzacienne. L’art serait plutôt un outil pour instaurer un dialogue universel, qui peut transcender les limites contingentes de son époque pour s’adresser finalement à toutes les générations. En 1953, Camus écrit :

  • 25 Ibid., p. 802-803.

En tant qu’artiste nous n’avons peut-être pas besoin d’intervenir dans les affaires du siècle. Mais en tant qu’homme, oui... Je n’ai tant, et peut-être trop, écrit que parce que je ne peux m’empêcher d’être tiré du côté de tous les jours, du côté de ceux, quels qu’il soit, qu’on humilie et qu’on abaisse. Non par vertu, on le voit, mais par une sorte d’intolérance quasi organique, qu’on éprouve ou qu’on n’éprouve pas. J’en vois pour ma part beaucoup qui ne l’éprouvent pas, mais je ne peux envier leur sommeil.25

  • 26 Ph. Thody, Albert Camus. A study of his work, New York, Grove Press, 1959, p. 4-6.

7Apparemment justifiée par son caractère individuel, l’intolérance dont parle Camus semble ancrée dans sa conception absurde de la vie. C’est à partir de ce sentiment de l’absurde que Camus développe, dans L’Homme révolté, une vision de l’art engagé qui atteint son point culminant dans L’Artiste et son temps (1957), la conférence qu’il prononça en Suède le 14 décembre 1957, soit quatre jours après son discours de réception du prix Nobel. En suivant quelque peu la reconstruction concise proposée par Thody26, examinons alors brièvement les étapes d’évolution de cette pensée.

  • 27 Ce n’est pas un hasard si « Il est d’usage de considérer L’Étranger comme un roman philosophique do (...)
  • 28 B. Pascal, Pensées, Paris, Desprez, 1669, p. 63.
  • 29 A. Camus, L’Homme révolté, Paris, Gallimard, 1951, p. 18.
  • 30 Ibid., p. 21.

8Dans la pensée d’Albert Camus, l’absurde naît du tiraillement entre le désir humain de comprendre et d’expliquer le réel et l’opacité intrinsèque du monde. Le monde, en lui-même, ne peut être ni absurde ni rationnel. C’est l’esprit humain qui y introduit le concept de raison, et le juge absurde lorsqu’il n’y trouve pas de logique. Dès lors, la destinée humaine, marquée par ses contradictions, doit être acceptée comme elle est, et la vie vécue selon cette acceptation. Ainsi, la conscience de l’absurde, telle qu’elle est incarnée par Meursault dans L’Étranger, libère l’individu du poids de la responsabilité morale et vide l’avenir de sa signification, ne laissant qu’une seule certitude : celle de l’existence immédiate. C’est précisément parce que la vie s’achève si complètement dans la mort (et parce qu’il n’y a pas de transcendance pour lui conférer une signification, selon Camus), que sa valeur est infinie. Telle est, dans ses grandes lignes, la pensée fondamentale qui sous-tend le Mythe de Sisyphe et les premiers essais27, où la séparation entre le désir humain d’éternité et la conscience de notre mortalité est seul pris comme point de départ. En cela, la pensée de Camus s’inscrit dans la lignée de Pascal, qui concevait l’homme comme un « roseau pensant » 28, conscient de sa fragilité mais capable de se libérer par la compréhension de son malheur. Or, face à l’appel déraisonnable du monde, la conclusion dernière du raisonnement absurde serait « le maintien de la confrontation désespérée entre l’interrogation humaine et le silence du monde »29. L’absurde se manifeste ainsi comme une contradiction intrinsèque car « il exclut les jugements de valeur en voulant maintenir la vie, alors que vivre est en soi un jugement de valeur »30. Cette contradiction se prolonge dans son expression, puisque toute philosophie de l’absurde, en cherchant à exprimer la non-signification, se contredit elle-même, le seul positionnement cohérent face à l’absence de sens étant le silence. Quelle est donc la place de l’écriture littéraire au sein de cette perspective ? Dans l’appréhension du philosophe franco-algérien, l’attitude humaine ne peut pas s’arrêter à la constatation de l’absurde, mais doit enfin se livrer à la révolte qui est au cœur du mouvement même de l’art, comme tentative de réparation face au nihilisme et d’appel à l’ordre contre l’incohérence existentielle.

  • 31 Ibid., p. 23.

Je crie que je ne crois à rien et que tout est absurde, mais je ne puis douter de mon cri et il me faut au moins croire à ma protestation. […] La révolte naît du spectacle de la déraison, devant une condition injuste et incompréhensible. Mais son élan aveugle revendique l’ordre au milieu du chaos […]. Elle crie, elle exige, elle veut que le scandale cesse […]. Son souci est de transformer. Mais transformer, c’est agir.31

  • 32 S. Servoise, Le Roman face à l’histoire : La littérature engagée en France et en Italie dans la sec (...)

9Des termes tels que « spectacle », « scandale », « protestation » et « agir » constituent un noyau conceptuel qui se retrouve également dans La Peste, un roman conçu dans le but d’illustrer la philosophie camusienne sur la révolte. Dans ce contexte sémantique, le langage apparaît comme instrument de témoignage et de transformation de la réalité, quoique parfois il soit voué à l’échec autant que l’acte artistique (incarné par le personnage de Joseph Grand). Cette corrélation revêt une pertinence significative dans notre propos. L’écriture, d’abord cri de refus et protestation, devient engagement. Sylvie Servoise l’explique clairement en s’attachant à la conception sartrienne de l’écrivain engagé : en tant que réponse à une « situation donnée », l’engagement serait « essentiellement refus d’accepter passivement cette dernière. Tout individu, tout écrivain, toute œuvre étant inéluctablement “situés”, il faut faire de cet état un choix volontaire et réfléchi : choisir son époque, dira Sartre, plutôt qu’être choisi par elle »32. Sur ce point dans la question de l’engagement, les perspectives divergent quelque peu, vu que Camus préfère parler d’embarquement :

  • 33 A. Camus, L’Artiste et son temps, dans Id., Essais, éd. R. Quilliot et L. Faucon, Paris, Gallimard, (...)

À partir du moment où l’abstention elle-même est considérée comme un choix, puni ou loué comme tel, l’artiste, qu’il le veuille ou non, est embarqué. Embarqué me paraît ici plus juste qu’engagé. Il ne s’agit pas en effet pour l’artiste d’un engagement volontaire, mais plutôt d’un service militaire obligatoire. Tout artiste aujourd’hui est embarqué dans la galère de son temps.33 

  • 34 « Qu’est-ce que le roman […] sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin s (...)

10Si l’embarquement est un état de choses, tout individu ayant un rôle à remplir dans ce monde (et à plus forte raison l’artiste) se doit de choisir pour soi-même jusqu’aux cadres qui dessineraient les lignes de son action. Dans le domaine de l’art, Camus qualifie cette action autarcique de style, puisqu’elle manifeste une « correction »34 du monde par le biais de la forme littéraire qui concurrence la création à partir du réel qu’on rejette. Toutefois, même en refusant le réel tel qu’il est, aucun artiste ne peut s’en passer, ne serait-ce que pour des considérations esthétiques, écrit encore Camus :

  • 35 Ibid., p. 323.

L’homme peut s’autoriser à dénoncer l’injustice totale du monde et revendiquer alors une justice totale […]. Mais il ne peut pas affirmer la laideur totale du monde. Pour créer la beauté, il doit en même temps refuser le réel et exalter certains de ses aspects. L’art conteste le réel, mais ne se dérobe pas de lui.35

  • 36 Ibid., p. 320.
  • 37 Ibid., p. 330.
  • 38 Ibidem.
  • 39 Id., L’Artiste et son temps, cit., p. 1081.

11La création littéraire serait donc en même temps refus du monde mais exigence métaphysique d’unité et de cohérence. L’impossibilité de s’en saisir dans l’expérience concrète de la vie absurde entraîne, chez l’artiste, une volonté de fabrication d’un univers de remplacement : un univers clos, sous contrôle, unifié, où l’homme peut prétendre régner et y rechercher un semblant de justice. C’est l’artiste qui « refait le monde à son compte »36. Cependant, l’art n’est ni refus ni consentement absolus, mais déchirement perpétuel. Camus en premier se trouve à jamais tiraillé entre la beauté à laquelle il ne peut pas renoncer et la communauté des hommes de laquelle il ne peut pas s’abstraire. Dès lors, l’écriture littéraire est un fait intrinsèquement engagé : elle crée un lieu où l’artiste se donne lui-même « la forme et la limite apaisante qu’il poursuit en vain dans sa condition »37. L’espace du roman demeure vif dans cette correction perpétuelle : « Loin d’être morale ou purement formelle, cette correction vise d’abord à l’unité et traduit par là un besoin métaphysique »38. Persiste néanmoins une question fondamentale, suscitée par l’impression que peut éprouver « l’artiste contemporain de mentir ou de parler pour rien s’il ne tient pas compte de la misère de l’histoire […] : l’art est-il un luxe mensonger ? »39. Dans les pages qui suivent cette question, Camus soulève l’opposition qui est au cœur du sujet de l’art engagé, en se référant moins à l’engagement de l’écrivain dans la sphère sociopolitique qu’à son engagement moral, pour ainsi dire, sur les thèmes qu’il se propose d’aborder.

  • 40 Ibid., p. 1082.

De quoi parlerait-il en effet ? S’il se conforme à ce que demande notre société, dans sa majorité, il sera divertissement sans portée. […] si l’artiste décide de s’isoler dans son rêve, il n’exprimera rien d’autre qu’un refus. Nous aurons ainsi une production d’amuseurs ou de grammairiens de la forme, qui, dans les deux cas, aboutit à un art coupé de la réalité vivante.40

  • 41 Ibid., p. 1088.

12Ainsi, d’après Camus, le mensonge de l’art peut se présenter sous deux formes différentes : soit l’art pour l’art qui ne serait qu’une revendication d’irresponsabilité lorsqu’elle ignore le mal, soit ce que l’auteur appelle un « réalisme socialiste », auquel s’apparenterait l’art engagé de son temps. Tout en visant une compréhension et une communication universelles, cette forme de réalisme « supprime l’art provisoirement pour édifier d’abord la justice », mais bien qu’elle tâche « de reconnaître le malheur présent des hommes, le trahit aussi gravement, en l’utilisant pour exalter un bonheur encore à venir, dont personne ne sait rien et qui autorise donc toutes les mystifications »41. La connotation politique de cette critique ne saurait échapper : l’exaltation de ce qui viendra finit par ressembler à l’art de la propagande. N’oublions pas, d’ailleurs, que Camus fut évincé du Parti Communiste en juin 1937, sous prétexte de subversion. Il conservera toujours une position résolument polémique vis-à-vis de la soumission de l’art à toute idéologie, ce qui devrait encourager à ne pas le classer trop aisément parmi les partisans d’un engagement littéraire sans réserve. Si l’on concède alors que ces deux esthétiques se rejoignent finalement dans un mensonge commun, quel enseignement faut-il en tirer ? C’est encore Camus qui offre une synthèse dans ce long passage qu’on nous excusera de citer in extenso :

  • 42 Ibid., p. 1090.

De même, devant son siècle, l’artiste ne peut ni s’en détourner, ni s’y perdre. S’il s’en détourne, il parle dans le vide. Mais, inversement, dans la mesure où il le prend comme objet, il affirme sa propre existence en tant que sujet et ne peut s’y soumettre tout entier. Autrement dit, c’est au moment même où l’artiste choisit de partager le sort de tous qu’il affirme l’individu qu’il est. Et il ne pourra sortir de cette ambiguïté. L’artiste prend de l’histoire ce qu’il peut en voir lui-même ou y souffrir lui-même, directement ou indirectement, c’est-à-dire l’actualité au sens strict du mot […]. Il ne s’agit donc pas de savoir si l’art doit fuir le réel ou s’y soumettre, mais seulement de quelle dose exacte de réel l’œuvre doit se lester pour ne pas disparaître dans les nuées, ou se traîner, au contraire, avec de semelles de plomb. Ce problème, chaque artiste le résout comme il le sent et le peut. Plus forte est la révolte d’un artiste contre la réalité du monde, plus grand peut être le poids du réel qui l’équilibrera. Mais ce poids ne peut jamais étouffer l’exigence solitaire de l’artiste.42

  • 43 R. Dadoun, op. cit., p. 44.
  • 44 A. Camus, Carnets II (février 1949-mars 1951), dans Id., Œuvres complètes, R. Gay-Crosier (dir.), P (...)
  • 45 J. Grenier, Albert Camus, Souvenirs, Paris, Gallimard, 1968, p. 53.
  • 46 A. Camus, Le Pari de notre génération, dans Id., Essais, cit., p. 1898.

13Comme on peut l’inférer de ces mots, la troisième voie que Camus nous montre est celle d’un équilibrisme tout individuel qui tente de réconcilier, d’une part, l’urgence profonde, libre et radicale de l’écriture en tant que principe et critère d’autosuffisance et, de l’autre, un « souci constant et passionné de justice, qui le pousse hors de l’œuvre littéraire au sens strict »43. Par ailleurs, Camus se définira lui-même comme un « artiste qui crée des mythes à la mesure de sa passion et de son angoisse »44 et Jean Grenier, son maître, soulignera plus tard le double caractère de la pensée de son élève : « elle était sereine et elle était engagée, elle était à la fois loin et près des évènements »45. Camus trouve la juste place de l’écriture littéraire non dans une tour d’ivoire, mais dans les contraintes qu’elle s’impose elle-même. Il le dira de manière efficace vers la fin d’une interview publiée en 1984, qui nous servira de conclusion : « Et voilà donc l’artiste du siècle menacé d’être irréel s’il reste dans sa tour d’ivoire ou stérilisé s’il galope éternellement autour de l’arène politique. Entre les deux s’ouvrent pourtant les chemins difficiles de l’art véritable »46.

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Notes

1 Dans son article « L’artiste romantique en perspective » (dans Romantisme, 54, 1986, p. 21), José-Luis Diaz précise : « L’expression “l’art pour l’art” […] ne se manifeste, semble-t-il, qu’en 1833-34. Elle est dans une lettre de Sainte-Beuve à Carrel (4 janvier 1834) sous la forme consacrée : “L’École de l’Art pour l’Art” ».

2 A. Gefen, L’Idée de littérature. De l’art pour l’art aux écritures d’intervention, Paris, Corti, « Les Essais », 2021, p. 22.

3 F. Cavagnoli, La voce del testo, Milano, Feltrinelli, 2019, p. 19.

4 Cette expression est tirée d’un article écrit par Goffredo Fofi, paru le 5 septembre 2005 dans l’encart culturel « Domenica » du quotidien Il Sole 24 Ore.

5 A. Gefen, op. cit., p. 37.

6 J.-P. Sartre, Qu’est-ce que la littérature ? [1948], dans Id., Situations III, Paris, Gallimard, 1949, p. 67-68.

7 Sur ce sujet, voir S. Bastien, A. Prouteau, A. Spiquel (dir.), Camus, l’artiste, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015.

8 J. Lévi-Valensi, Jacqueline Lévi-Valensi présente La Peste d’Albert Camus, Paris, Gallimard, « Foliothèque », 1991, p. 66-67.

9 S. Servoise, « Langage et vérité chez Camus. Les voix du roman », dans Revue d’Histoire littéraire de la France, 4, 2013, p. 879-892, p. 884.

10 Sur la simplicité apparente du style de L’Étranger je renvoie à mes articles : G. Sanseverino, « Les cymbales du soleil : sulle rese della luce nelle traduzioni italiane de “L’Étranger” di Albert Camus », dans Ticontre. Teoria Testo Traduzione, 7, 2017, p. 251-268 ; G. Sanseverino, « La tendance à la normalisation dans les traductions italiennes de l’incipit de L’Étranger », dans Mosaïque, 16, 2021, consulté le 05/10/2024, URL : https://www.peren-revues.fr/mosaique/index.php?id=212.

11 A. Camus, Carnets [1938], dans Id., Œuvres complètes, J. Lévi-Valensi (dir.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, t. II, p. 862.

12 Id., Le Mythe de Sisyphe, dans Id., Œuvres complètes, cit., t. II, p. 259.

13 J.-P. Sartre, Explication de L’Étranger [1943], dans Id., Situations I, Paris, Gallimard, 1947, p. 138.

14 Alors que le narrateur prétend « faire œuvre d’historien », de manière donc à priori impartiale, il manipule les matériaux textuels en fonction d’un projet d’écriture précis. Dès le préambule, par exemple, il admet un certain degré d’idiosyncrasie dans la sélection et le recours aux témoignages dont il dispose : « […] son témoignage d’abord, celui des autres ensuite, puisque, par son rôle, il fut amené à recueillir les confidences de tous les personnages de cette chronique, et, en dernier lieu, les textes qui finirent par tomber entre ses mains. Il se propose d’y puiser quand il le jugera bon et de les utiliser comme il lui plaira », A. Camus, La Peste, Paris, Gallimard, 1947, p. 14.

15 Alors même que, comme le fait remarquer Brian Fitch : « la neutralité et l’objectivité que cultive le narrateur donnent lieu à une espèce de verbosité très marquée qui n’a évidemment rien à voir avec celle du bavard ou du prétentieux dont la motivation est tout autre », B. Fitch, « La Peste comme texte qui se désigne, analyse des procédés d’autoreprésentation », dans Revue des Lettres Modernes, Série Albert Camus, 8, 1976, p. 53-72, p. 55.

16 A. Camus, La Peste, cit., p. 273-274.

17 A. Camus, Carnets, dans Id., Œuvres complètes, cit., t. IV, p. 1039-1040.

18 Roger Dadoun a esquissé cette différenciation : « L’“écrire juste” se compléterait ainsi d’un “juste écrire” : de ce que la littérature est l’expression plénière, jusque dans ses creux et carences, de l’homme même, elle se suffit à elle-même, ce qui veut dire qu’elle suffit à l’écrivain, lequel n’a nul besoin, dès lors, de recourir à d’autres approches, à d’autres formes d’expression, nul besoin, pour tout dire, de se chercher des “engagements”, puisque engagé il l’est, à fond, jusqu’au cou, à corps perdu, dans la littérature. Camus a revendiqué, en toutes occasions, ce statut d’écrivain, d’artiste, et sa préoccupation fondamentale, qui ne fait aucun doute, est bien d’“écrire juste” », R. Dadoun, « Albert Camus : écrire juste, juste écrire : de l’indifférence », dans S. Brodziak (dir.), Albert Camus et les écritures du XXe siècle, Arras, Artois Presses Université, 2003, p. 41-49, p. 44.

19 D. Rabaté, « Simplicité et simplification dans La Peste », dans Il y a 50 ans : La Peste de Camus, Cahiers de Malagar, 13, 1999, p. 57-76, p. 58.

20 Pour un aperçu de l’engagement politique d’Albert Camus, voir Mark Orme, The Development of Albert Camus’s Concern for Social and Political Justice: « Justice pour un juste », Madison, Fairleigh Dickinson University Press, 2007.

21 A. Camus, Jonas ou l’artiste au travail [1962], dans Id., Théâtre, Récits, Nouvelles, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1985, p. 1654.

22 J. Kaznowski, « L’art et l’artiste dans les Discours de Suède d’Albert Camus », dans Acta Philologica, 45, 2014, p. 165-172, p 168.

23 A. Camus, Essais, éd. R. Quillet, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 1074.

24 Ibid., p. 1071.

25 Ibid., p. 802-803.

26 Ph. Thody, Albert Camus. A study of his work, New York, Grove Press, 1959, p. 4-6.

27 Ce n’est pas un hasard si « Il est d’usage de considérer L’Étranger comme un roman philosophique dont la portée est explicitée dans Le Mythe de Sisyphe, essai publié la même année (1942) ». La citation est tirée de L. Gosselin, « Les modalités dans L’Étranger et l’expression de l’absurde », dans E. Corre, D. Thành Do-Hurinville, H. L. Dao (dir.), The Expression of Tense, Aspect, Modality and Evidentiality in Albert Camus’s L’Étranger and Its Translations, Amsterdam, Benjamins, 2020, p. 267-281, p. 267.

28 B. Pascal, Pensées, Paris, Desprez, 1669, p. 63.

29 A. Camus, L’Homme révolté, Paris, Gallimard, 1951, p. 18.

30 Ibid., p. 21.

31 Ibid., p. 23.

32 S. Servoise, Le Roman face à l’histoire : La littérature engagée en France et en Italie dans la seconde moitié du XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, consulté le 22/02/2024, URL : http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pur/38238.

33 A. Camus, L’Artiste et son temps, dans Id., Essais, éd. R. Quilliot et L. Faucon, Paris, Gallimard, 1984, p. 1075.

34 « Qu’est-ce que le roman […] sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés […]. Le monde romanesque n’est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l’homme », A. Camus, L’Homme révolté, cit., p. 328.

35 Ibid., p. 323.

36 Ibid., p. 320.

37 Ibid., p. 330.

38 Ibidem.

39 Id., L’Artiste et son temps, cit., p. 1081.

40 Ibid., p. 1082.

41 Ibid., p. 1088.

42 Ibid., p. 1090.

43 R. Dadoun, op. cit., p. 44.

44 A. Camus, Carnets II (février 1949-mars 1951), dans Id., Œuvres complètes, R. Gay-Crosier (dir.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2008, t. IV, p. 1090-1091.

45 J. Grenier, Albert Camus, Souvenirs, Paris, Gallimard, 1968, p. 53.

46 A. Camus, Le Pari de notre génération, dans Id., Essais, cit., p. 1898.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Giulio Sanseverino, « « Libre avec les autres » : autonomie et engagement de l’art dans la pensée d’Albert Camus  »Revue italienne d’études françaises [En ligne], 14 | 2024, mis en ligne le 15 novembre 2024, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/13350 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12ozd

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