Stendhal, entre contrainte politique et autonomie littéraire
Résumés
Dans le second Racine et Shakespeare, dénonçant l’intrusion dangereuse de la politique dans une œuvre littéraire, Stendhal emploie une formule destinée à devenir célèbre : « Tel est l’effet produit par toute idée politique dans un ouvrage de littérature ; c’est un coup de pistolet au milieu d’un concert ». Cette formule condense le dilemme d’un écrivain partagé entre deux tendances profondes : la volonté de saisir sur le vif « le sens de l’actuel » (Georges Blin) et la recherche d’une écriture capable de désamorcer le potentiel anti-esthétique lié à la satire. Par quels arguments et dans quelle mesure Stendhal défend-il l’autonomie de la littérature ? Et quelles solutions théoriques et pratiques offre-t-il au problème du rapport entre roman-miroir et imagination ? C’est à ces questions que cet article tentera de répondre.
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Mots-clés :
Stendhal, réalisme, politique, satire, non-auteur, écriture naturelle, autonomie du littérairePlan
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Introduction
- 1 Stendhal, Le Rouge et le Noir, dans Id., Œuvres romanesques complètes, éd. Y. Ansel et Ph. Berthier (...)
- 2 Id., La Chartreuse de Parme, dans Id., Œuvres romanesques complètes, éd. Y. Ansel, Ph. Berthier, X. (...)
1Stendhal n’a jamais cru en une littérature « autonome », il n’a jamais ressenti le besoin de s’exiler à l’étage le plus élevé d’une tour d’ivoire. Les seules tours qui lui importent sont celles qui assurent l’isolement et la réclusion de ses héros romanesques : le « donjon gothique » du XIVe siècle d’où Julien Sorel a une « vue superbe »1 ; la tour Farnèse où Fabrice del Dongo se sent « à mille lieues au-dessus des petitesses et des méchancetés »2 qui occupent les hommes sur la terre.
- 3 Voir V. Brombert, La Prison romantique. Essai sur l’imaginaire, Paris, Librairie José Corti, 1975.
- 4 M. Proust, « Notes sur Stendhal », dans Id., Essais et articles, éd. P. Clarac et Y. Sandre, Paris, (...)
- 5 Id., La Prisonnière, éd. P.-E. Robert, Paris, Gallimard, « Folio/Classique », 1989, p. 363.
2La critique a largement souligné le caractère paradoxal de la prison stendhalienne, espace clos et aérien qui n’enferme le personnage que pour lui permettre de se réinventer, transformant le prisonnier en rêveur de liberté3. C’est en réfléchissant au sens de ce paradoxe que Proust expliquait la charge émotionnelle associée aux lieux stendhaliens situés en altitude : dans cette « élévation de l’âme liée à l’élévation en hauteur physique »4, il voyait une constante thématique de l’œuvre romanesque de Stendhal ; dans ce « sentiment de l’altitude se liant à la vie spirituelle »5, pour reprendre cette formule au narrateur de La Prisonnière, il retrouvait le substrat réfracté de sa beauté spécifique.
- 6 V. Del Litto, « Stendhal romancier réaliste ? », dans Id., Essais et articles stendhaliens, Genève- (...)
3Cette orientation « vers le haut »6 du héros et de sa conscience mérite d’être soulignée pour une autre raison : elle peut se lire sur le plan symbolique comme une invitation à chercher dans l’œuvre et dans la pensée stendhaliennes les marques d’une tour d’ivoire différente, dont la fonction serait non pas de protéger l’écrivain des assauts du monde extérieur, ni de l’isoler ou d’accentuer sa rupture avec les intérêts de la société et de la politique, mais de projeter le sujet créateur vers l’altitude d’une littérature susceptible de conjuguer contrainte et autonomie, attention scrupuleuse au réel et refus indigné de sa bassesse, représentation véridique et liberté esthétique. Cette hypothèse, que nous essaierons d’explorer, offre une piste intéressante pour étudier chez Stendhal les traces dissimulées et disséminées d’une sorte d’art pour l’art tout à fait personnel qu’il se serait forgé simultanément à l’élaboration de sa conception et de sa pratique du réalisme.
Le fondateur du réalisme
- 7 É. Zola, « Stendhal », dans Id., Les Romanciers naturalistes, Paris, Charpentier, 1881, p. 84. Déjà (...)
- 8 M. Crouzet, Le Rouge et le Noir. Essai sur le romanesque stendhalien, Paris, PUF, 1995, p. 86.
4La notion de Stendhal comme romancier réaliste que la tradition critique nous a léguée a été plus lente à se développer qu’on ne peut l’imaginer. Pensons à Zola qui reproche à l’auteur du Rouge et de la Chartreuse de tenir « rarement compte du milieu » et de ne se soucier « ni de la maison où son héros a grandi, ni de l’horizon où il a vécu »7. C’est pourtant dans ce romancier « renommé par son refus de l’inventaire matériel »8 que le XXe siècle verra un des maîtres du réalisme littéraire moderne. Ce changement de perspective est imputable à trois personnalités éminentes de la culture européenne : Georg Lukács, Louis Aragon et Erich Auerbach.
- 9 G. Lukács, Balzac et le réalisme français, tr. fr. P. Laveau, Paris, La Découverte 1999, p. 91.
- 10 L. Aragon, La Lumière de Stendhal, Paris, Denoël, 1954.
- 11 Ibid., p. 98 et 99.
- 12 E. Auerbach , « À l’hôtel de La Mole », dans Id., Mimésis. La représentation de la réalité dans la (...)
- 13 A. Gefen, L’Idée de littérature. De l’art pour l’art aux écritures d’intervention, Paris, Corti, 20 (...)
5L’article de Lukács sur « Balzac, critique de Stendhal » (1935) permet de comprendre combien le tournant de l’exégèse est profond et irréversible : Stendhal y apparaît comme un écrivain qui montre la société dans sa « totalité » et qui s’attache à représenter « l’essence de la réalité cachée sous la surface »9. Selon Louis Aragon, qui publie en 1954 un recueil d’articles intitulé La Lumière de Stendhal10, la force du romancier est d’apparaître, « en plein romantisme, comme un réaliste critique », comme un « écrivain d’avenir » capable d’éclairer, écrit-il, autant « notre temps » que « le sien »11. Mais la consécration de Stendhal comme fondateur d’un réalisme « qui ne peut représenter l’homme autrement qu’engagé dans une réalité globale […] en constante évolution »12, n’arrive qu’avec le chapitre XVIII de Mimésis d’Erich Auerbach, ouvrage de 1946 qui n’est traduit en France qu’en 1968. En effet, la lecture du grand philologue fait de l’auteur du Rouge l’une des étapes essentielles de « la quête de réalisme » qui caractérise « le cours au long terme de l’histoire littéraire »13.
- 14 A. Bussière, « Henri Beyle (M. de Stendhal) » [Revue des deux mondes, 15 janvier 1843], dans Stendh (...)
- 15 Sainte-Beuve, « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes » [Le Moniteur, 2 janvier 1854], dans Stendhal(...)
- 16 P. Bourget, « Stendhal (Henri Beyle) » [La Nouvelle Revue, 15 août 1882], dans Stendhal, préface de (...)
- 17 F. Nietzsche, Par delà le bien et le mal [1886], tr. fr. G. Bianquis, Paris, Aubier, 1951, paragrap (...)
- 18 A. Frémy, « Souvenirs anecdotiques sur M. de Stendhal » [La Revue de Paris, février 1844], dans Ste (...)
6L’histoire de sa réception critique permet – c’est presque une banalité de le dire – de dessiner plusieurs portraits de Stendhal : après l’« homme d’esprit » cultivant la « science du bonheur »14 reconnu par les pionniers du stendhalisme, après le « hussard romantique »15 dont parle Sainte-Beuve, après l’écrivain des grands inédits révélés qui concentre en lui, pour utiliser une formule de Paul Bourget, les « traits de la sensibilité la plus moderne »16, après l’extraordinaire « précurseur »17 exalté par Nietzsche, voici enfin l’observateur aigu de la réalité contemporaine découvert par le XXe siècle : c’est donc bien vers la figure d’un écrivain « interprète » du présent que l’époque contemporaine a fait converger toutes les différentes versions ou variantes de Marie-Henri Beyle, « connu dans les lettres sous le nom de Stendhal »18.
Le miroir de l’art
- 19 Le peintre doit faire du style un « miroir limpide », Stendhal, Histoire de la peinture en Italie, (...)
- 20 Matteo Bandello, lit-on dans les Promenades dans Rome, « a laissé neuf volumes de nouvelles charman (...)
- 21 « De quel parti est un miroir ? », se demande l’ « Avant-propos » d’Armance, ORC I, p. 86.
- 22 ORC I, p. 417.
- 23 ORC I, p. 671.
- 24 Stendhal, Lucien Leuwen, dans Id., Œuvres romanesques complètes, éd. Y. Ansel, Ph. Berthier et X. B (...)
7La découverte de son rôle majeur dans la genèse et dans le développement du réalisme moderne peut même apparaître tardive si on considère la constance avec laquelle Stendhal a toujours réfléchi à la question du rapport entre art et réalité. Il suffit de penser à l’omniprésence de la métaphore de l’œuvre d’art comme miroir : de l’Histoire de la peinture en Italie à Lucien Leuwen, en passant par De l’amour, Rome, Naples et Florence (1826), Armance, Promenades dans Rome, Le Rouge et le Noir, l’image du miroir n’en finit pas de réapparaître pour évoquer, tour à tour, le secret d’une peinture qui restitue tels quels les effets de la nature et qui reproduit le côté touchant de la beauté19, le fantasme d’un régime narratif susceptible de refléter fidèlement les mœurs d’une époque20, la posture impartiale du romancier21. Dans le Rouge, l’image du roman comme « miroir qu’on promène le long d’un chemin »22, déjà présente dans l’épigraphe du chapitre XIII, est reprise par le narrateur au chapitre XIX pour prévenir les objections qui pourraient lui être adressées au sujet de sa moralité : « Hé, monsieur, un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route »23. La dernière occurrence, d’un point de vue chronologique, de cette métaphore récurrente dans l’œuvre de Stendhal, se trouve dans la deuxième préface de Lucien Leuwen, à nouveau en position liminaire, comme si l’écrivain avait voulu profiter du rôle stratégique de l’incipit pour proclamer encore une fois ses intentions : « Mais l’auteur pense que, excepté pour la passion du héros, un roman doit être un miroir »24.
- 25 M. Crouzet, « Le voyage stendhalien et la rhétorique du naturel », dans V. Del Litto et E. Kanceff (...)
- 26 Molière, La Critique de l’École des Femmes, sc. VI.
- 27 Stendhal, Vie de Henry Brulard, dans Id., Œuvres intimes, éd. V. Del Litto, Paris, Gallimard, « Bib (...)
8Le miroir a pour principe de ne pas prendre parti, il est neutre, il implique une posture d’écoute et d’accueil. Comme le voyageur ou le peintre, le romancier se montre « réceptif »25, choisit de ne pas choisir et pratique une peinture « d’après nature » 26, pour reprendre un mot de Molière. Ajoutons, en abusant peut-être du fonctionnement de l’analogie, que la métaphore de l’archet et du violon, à travers la diversité de ses usages, « rend » parfaitement le sens de cette disposition réceptive du sujet créateur : un roman, note Stendhal dans la Vie de Henry Brulard, « est comme un archet, la caisse du violon qui rend les sons c’est l’âme du lecteur »27. Le réel, pourrait-on dire en démarquant cette formule, est comme un archet, la caisse du violon qui rend les sons du romanesque, c’est la plume de l’écrivain.
- 28 Stendhal, Racine et Shakespeare (1823), dans Id., Racine et Shakespeare (1818-1825) et autres texte (...)
- 29 P. Bénichou, Le Sacre de l’écrivain (1750-1830). Essai sur l’avènement d’un pouvoir spirituel laïqu (...)
- 30 Stendhal, Lettre à A.-A. Renouard, 3 janvier 1826, dans Id., Correspondance générale, éd. V. Del Li (...)
- 31 Id., Lettre à Gian Pietro Vieusseux, 22 juillet 1830, dans CG III, p. 771.
- 32 ORC II, p. 288.
9Mais de quel réel s’agit-il ? Le polémiste, défenseur du « genre romantique »28, et le romancier, avide d’actualité, ne diffèrent pas dans leur réponse : le reflet n’a de sens que s’il est reflet du contemporain. C’est ainsi que le premier Racine et Shakespeare plaide pour un théâtre qui soit, « dans son objet et dans ses formes, un fait actuel »29. Les textes romanesques adoptent la même démarche. Armance cherche à rendre les mœurs « telles qu’elles sont, depuis deux ou trois ans »30. Le Rouge a l’ambition de peindre la France « telle qu’elle est en 1830 »31. Dans Lucien Leuwen, les événements racontés sont censés se dérouler dans une proximité si étroite avec ceux du monde réel que le narrateur juge normal de renvoyer le lecteur à l’actualité journalistique : « Pour les détails militaires, stratégiques, politiques, etc., etc., de cette grande affaire », précise-t-il en ironisant sur la première campagne militaire de Lucien, « voir les journaux du temps »32.
- 33 Stendhal, Lettre du 14 mars 1836, dans Id., Correspondance générale, éd. V. Del Litto, Paris, Champ (...)
- 34 « Il faudra que j’aie le courage de mettre beaucoup de détails sur la scène et de faire dire par ex (...)
- 35 ORC III, p. 176.
- 36 G. Blin, Stendhal et les problèmes du roman, Paris, Corti, 1954, p. 86.
- 37 Stendhal, Journal, 5 février 1805, dans OI I, p. 201.
- 38 G. de Maupassant, « Le Roman », dans Id., Pierre et Jean, éd. B. Pingaud, Paris, Gallimard, 1982, p (...)
- 39 HPI, p. 284, note.
10Le mot « détails » est ici un mot-clé. En effet, le détail est susceptible de réverbérer le réel en train de se faire. « Dites-moi si un chat est mort dans votre rue », demande Stendhal à Mme Jules Gaulthier depuis Civitavecchia où il est consul : « Ce sont les petits détails qui me sont précieux. La société change depuis 1830, et je ne suis pas là pour voir ce changement »33. Déjà l’aspirant dramaturge se proposait de pratiquer une esthétique du détail à travers le jeu théâtral34. Mais c’est la vérité, l’âpre vérité romanesque qui exige, pour être digne de son âpreté, un recours très large à la puissance du détail. Il n’est qu’à penser, en guise d’exemple, à Fabrice del Dongo sur le champ de bataille de Waterloo, lieu de son initiation à la vie et à la mort. Il reste « glacé » à la vue de son premier cadavre. Deux détails le frappent : la « saleté des pieds » et l’« œil ouvert »35 sur le visage défiguré. Autrement dit, rien de moins abstrait, rien de moins vague qu’un roman. L’œuvre-miroir doit rester « à la hauteur du particulier »36, chercher les faits saisis dans leur singularité. Stendhal reconnaît d’ailleurs très tôt le pouvoir qu’a la littérature d’« émouvoir » en montrant les « faits, les choses, sans en dire l’effet »37. Il comprend grâce à ses lectures que la force d’un roman tient aussi à sa capacité à rendre le narrateur et son discours pour ainsi dire invisibles. La préface de Pierre et Jean (1887) ne dira pas autrement, le but du romancier étant, selon Maupassant, d’« émouvoir » en reproduisant le spectacle de la vie « avec une scrupuleuse ressemblance »38. « Facta, facta, nihil praeter facta », c’est la devise inscrite sur une page de l’Histoire de la peinture en Italie. Elle sera un jour, prophétise l’auteur, « l’épigraphe de tout ce qu’on écrira sur l’homme »39.
- 40 G. Genette, « Vraisemblance et motivation », dans Id., Figures II, Paris, Seuil, 1969, p. 77. Voir (...)
- 41 Stendhal, Journal, 24 juillet 1814, dans OI I, p. 909.
- 42 VI, p. 1136.
- 43 OI II, p. 652 et p. 829.
- 44 L’admiration que Beyle voue aux pièces de Goldoni ne l’empêche pas d’exprimer des réserves à propos (...)
- 45 Stendhal, Vie de Henry Brulard, dans OI II, p. 780.
11Mais peut-on prendre pour argent comptant la théorie du miroir ? Et son inventeur pour un oracle ? Déjà Gérard Genette – et Georges Blin avant lui – avait observé à propos du geste meurtrier inexpliqué de Julien Sorel contre Mme de Rênal, que le roman stendhalien peut bien situer sa vérité au cœur « d’un arbitraire pleinement assumé », c’est-à-dire « à mille lieues de toute espèce de réalisme »40. S’il semble abusif d’amalgamer Henri Beyle et Stendhal, écriture journalistique et écriture romanesque, jeunesse et maturité, il est néanmoins intéressant de noter qu’avant même de se mesurer aux virtualités de la littérature, le jeune Henri déclare sans ambages son éloignement du réel, son aspiration à vivre dans un monde à mille lieues du quotidien. Son Journal offre une métaphore suggestive qui, à travers l’image de l’eau et de sa circulation, rend bien compte de l’effet d’asphyxie et d’oppression que subit le sujet face à l’objet : « L’ignoble ferme le robinet de mon imagination et de ma sensibilité which makes all my pleasures »41. La tentation est forte ici de considérer l’aversion pour la laideur du réel exprimée par le jeune italophile et le parti pris pour le mensonge esthétique formulé par l’écrivain voyageur comme des pièces à verser au même dossier : « Un ouvrage d’art », selon une phrase lapidaire des Promenades dans Rome (1829), « n’est qu’un beau mensonge »42. En effet, on peut supposer que l’« ignoble » et le « beau mensonge » fonctionnent comme deux éléments qui se tiennent réciproquement en équilibre : le mensonge correspond à l’art qui soulage et libère, l’ignoble coïncide avec le réel qui oppresse et empoisonne. Lorsque le narrateur de la Vie de Henry Brulard se plaint rétrospectivement de l’instinct fou qui l’a toujours porté à tendre ses filets « trop haut »43, il est évident que ce défaut de caractère affecte autant la personnalité que l’esthétique. À l’époque de ses recherches sur le comique théâtral, on voit l’aspirant dramaturge immanquablement saisi par le dégoût que lui inspire l’étude des ridicules des hommes44. Autrement dit, le futur romancier du réel semble ne pouvoir vivre toute la vérité du miroir que comme une menace pour sa liberté et pour l’existence même de l’art. Ici, faisons de nouveau appel au regard rétrospectif de l’autobiographe qui trace – et c’est un point capital – le profil d’un adolescent déjà acquis à une sorte d’art pour l’art préservé de toute forme d’utilité : « Je sentais bien confusément mais bien vivement, et avec un feu que je n’ai plus, que tout but moral, c’est-à-dire d’intérêt dans l’artiste, tue tout ouvrage d’art »45.
- 46 Voir F. Vanoosthuyse, Le Moment Stendhal, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 14.
- 47 É. Talbot, « Le romantique et le/la politique autour de Racine et Shakespeare », dans Stendhal-Club(...)
- 48 Stendhal, Journal, 19 décembre 1814, dans OI I, p. 923.
12Parmi les différents Henri Beyle qui composent la carrière littéraire de Stendhal – et que François Vanoosthuyse suggère pertinemment de ne pas confondre46 – c’est bien l’Henri Beyle qui écrit sous la Restauration qu’on peut imaginer le plus proche de ce sentiment de désintéressement esthétique précocement apparu chez le futur écrivain. En effet, après avoir participé à l’épopée napoléonienne, Stendhal vit la Restauration comme une humiliation et semble décidé à se maintenir dans un apolitisme nourri d’une incurable « haine » des « partis »47. « Je ne m’occupe que de style », lit-on dans un passage du journal aux accents déjà flaubertiens, « Il y aurait trop à dire du fond des choses, et je me fiche de ce fond. Je suis résolu à déraciner chez moi toute idée politique. Je méprise autant les gouvernés que les gouvernants, et c’est toujours le dernier observé qui me semble le plus haïssable »48.
- 49 Stendhal, Lettre à Adolphe de Mareste, 21 décembre 1819, dans CG III, p. 247.
- 50 RS (1825), p. 469.
- 51 RS, p. 494.
- 52 Voir respectivement ORC I, p. 162, p. 688 et ORC III, p. 512.
- 53 Voir ORC II, p. 359.
13On se retrouve donc dans une impasse assez étrange. D’une part, le devoir et le mérite principal de l’écrivain romantique seraient, pour utiliser une formule très expressive de la correspondance, d’« administrer à un public la drogue juste qui lui fera plaisir »49. De l’autre, donner vie à des œuvres conçues selon les « besoins » et les « passions »50 des Français contemporains ne ferait que discréditer la parole littéraire car, selon le principe énoncé comme un mot d’ordre dans le second Racine et Shakespeare, « l’effet produit par toute idée politique dans un ouvrage de littérature » est comparable à « un coup de pistolet au milieu d’un concert »51. Le dilemme qui oppose politique et imagination, visée satirique et plaisir littéraire, partialité et détachement, semble insoluble et ne cesse de faire entendre sa charge corrosive : dans Armance, dans le Rouge, dans la Chartreuse52. Lucien Leuwen présente une variante qui mérite d’être signalée : « Le vinaigre est en soi une chose excellente, mais mélangé avec une crème il gâte tout »53.
- 54 Journal, 9 mai 1804, dans OI I, p. 75.
- 55 ORC II, p. 412 (note datée 13 novembre 1834).
- 56 ORC II, p. 1414 (en marge de la nouvelle Vittoria Accoramboni).
14C’est pour deux raisons que l’allusion politique est considérée comme un élément esthétiquement inadmissible. D’abord, elle « diffame l’auteur »54 en le faisant apparaître comme un homme de parti destiné à être bientôt oublié ; ensuite, elle nuit à l’intérêt que le lecteur est censé accorder aux personnages. Une note marginale de Lucien Leuwen, dont la formulation vaguement statistique rappelle l’ « Avant-propos » de La Comédie humaine, suggère une solution de compromis. Il s’agirait de dresser un portrait qui soit typique et non personnel : « Éloigné de toute personnalité par le dégoût », écrit l’auteur à propos du comte de Vaize, ministre de l’intérieur, « j’ai cherché à présenter une moyenne proportionnelle entre les ministres de l’époque qui vient de s’écouler, et ce n’est point le portrait de l’un d’eux »55. Mais toutes ces réticences et précautions ne sauraient masquer la réalité de fond, à savoir que la satire est la base « of every novel »56, que la politique est essentielle au romanesque.
Devenir un non-auteur
- 57 Journal, 27 mars 1811, dans OI, I, p. 670.
- 58 M. Crouzet, « Le coup de pistolet dans un concert », dans Id., La poétique de Stendhal, Paris, Flam (...)
15Stendhal finit donc par désirer ce qu’il ne doit pas désirer, à savoir des « choses incompatibles »57 : la vérité du miroir – actuelle, détaillée, factuelle – et la mise à distance du réel, la satire et l’insouciance, l’âpreté déchirante de la politique et la sublimation de l’illusion esthétique. « Difficile équilibre »58, mais qui permet d’inscrire le littéraire dans un horizon infiniment plus large. C’est ainsi qu’à la contradiction insoluble d’un roman secoué par le coup de pistolet politique, Stendhal répond non pas par le rêve d’un art désintéressé, mais par l’adhésion à une littérature qui s’affirme en se niant et « qui n’est elle-même qu’en se désavouant ».
- 59 R. Barthes, Le Degré zéro de l’écriture suivi de Nouveaux essais critiques, Paris, Seuil, « Essais (...)
- 60 Stendhal, Lettre du 1er décembre 1817, dans CG III, p. 57.
- 61 H. de Balzac, Lettre du 16 juillet 1846, dans Id., Lettres à Madame Hanska, éd. R. Pierrot, Paris, (...)
- 62 Id., Lettre du 25 août 1842, dans ibid., 1990, t. I, p. 599 (dorénavant LH I).
- 63 Id., Lettre du 2 juin 1842, dans LH I, p. 583. Sur ce point, voir É. Bordas, « L’auteur “Balzac” et (...)
- 64 Sur ce point, voir Y. Ansel, « Stendhal et Kafka ou “le vrai métier de l’animal” », dans Revue Sten (...)
- 65 Stendhal, De l’amour, éd. X. Bourdenet, Paris, Flammarion, « GF », 2014, p. 102 (dorénavant DA).
- 66 RS (1823), p. 266.
- 67 Stendhal, Vie de Henry Brulard, dans OI II, p. 534.
- 68 Id., Lettre à A. de Mareste, 19 avril 1820, dans CG III, p. 275.
- 69 G. Maurevert, Le livre des plagiats, Paris, Arthème Fayard & Cie, 1922, p. 181.
16Deux exemples de cette singulière « morale de la forme », comme dirait Barthes59, méritent d’être signalés : le premier concerne la notion d’auteur, le second touche à la question de l’écriture. En effet, aux yeux de celui qui s’est toujours senti fait « pour être préfet ou député », le « métier d’auteur » est quelque chose d’« avilissant » ; « J’ai toujours rempli mon but », écrit Beyle au baron Adolphe de Mareste, « qui était de ne pas parler comme auteur »60. Stendhal n’est pas fier de son titre d’écrivain et il n’est pas le seul. Même le « grrrand auteur »61 de la « grrrrande Comédie humaine »62 tient à se présenter dans sa correspondance avec Mme Hanska comme un homme qui sent cruellement « l’ennui de cette position de faire des livres et de vivre de leur produit »63. Mais alors que Balzac ironise sur sa propre situation financière et se moque de lui-même, conscient de sa grandeur, Stendhal, lui, mêle dès le départ à son constant désir d’écrire64 un mépris profond et instinctif pour la carrière des lettres. À la question : suis-je un auteur ? il répond en jouant le jeu rhétorique du « oui… mais » : oui, mais le ciel m’a refusé « le talent littéraire »65 ; oui, mais j’ai choisi de dire « sans art et sans éloquence ce qui [me] semble la vérité »66 ; oui, mais je ne suis « rien moins que sûr d’avoir quelque talent pour me faire lire »67 ; oui, mais « [j]e prends mon bien où je le trouve »68, et les références pourraient être multipliées. Auteur, donc, oui, mais pratiquant la « loi du moindre effort »69. Auteur, donc, oui, mais pas trop ou le moins possible. Ce qui est plutôt étonnant de la part d’un écrivain qui a fait de la pratique égotiste des intrusions d’auteur la marque d’une désinvolture à la fois joyeuse et impertinente.
- 70 Voir X. Bourdenet, « L’écrivain à sa table de travail », dans Stendhal, Vanina Vanini et autres nou (...)
- 71 Voir ORC II, p. 21.
- 72 Voir respectivement ORC III, p. 55, p. 142 et ORC II, p. 994.
- 73 É. Bordas, « Stendhal au miroir du roman : stratégies de l’énonciation narrative dans La Chartreuse (...)
17Ce jeu de désaveu passe aussi par la valorisation d’une auctorialité à faible intensité. Stendhal écrit pour se cacher. Sa posture énonciative implique le plus souvent le brouillage de la figure de l’auteur. Figure équivoque, car rarement connotée par l’effort inventif, souvent projetée vers la dimension de la réécriture et toujours prête à masquer le caractère fictif de son récit70. Dans la nouvelle San Francesco a Ripa, l’auteur se présente au lecteur comme un simple traducteur71. Le chapitre introductif de L’Abbesse de Castro, l’« Avertissement » de La Chartreuse de Parme, l’incipit de Vittoria Accoramboni72 convoquent des éléments nécessaires à la mise en scène de « l’acte d’écriture »73 : le manuscrit trouvé, le chroniqueur témoin et le narrateur-traducteur.
- 74 DA, p. 103.
- 75 Stendhal, Journal, 3 mai 1804, dans OI I, p. 72.
- 76 Id., Souvenirs d’égotisme, dans OI II, p. 474.
- 77 Id., Vie de Henry Brulard, dans OI II, p. 745.
- 78 Id., Journal, 31 décembre 1804, dans OI I, p. 167.
- 79 Id., Journal, 21 novembre 1804, dans OI I, p. 152.
18Conformément à une convention largement adoptée au siècle de Marivaux et de Laclos, cette figure de médiateur irresponsable fait bien plus que reléguer l’auteur à un rôle secondaire – comme dans La Vie de Marianne ou Les Liaisons dangereuses –, elle en révoque la légitimité, déplaçant sa valeur hors du présent de l’écriture. Parler en tant qu’auteur signifie alors se situer dans un temps à venir : Stendhal, en effet, s’attribue la posture d’un homme qui attend que la postérité déclare « les billets gagnants »74 et qui décide de publier « after [his] death »75, d’un homme qui fait le pari « d’être réimprimé en 1900 »76, ou celui d’« être lu en 1935 »77, ou encore celui de faire un ouvrage qui sera reconnu beau « en 2000 »78, d’un homme enfin, on ne sait si plus ambitieux ou plus délirant, qui se voit atteindre la célébrité en l’an « 3805 »79.
- 80 M. Crouzet, Le naturel, la grâce et le réel dans la poétique de Stendhal, Paris, Flammarion, 1986, (...)
- 81 A. Bussière, « Henri Beyle (M. de Stendhal) », cit., p. 169, p. 194, p. 191.
- 82 Stendhal, Souvenirs d’égotisme, dans OI II, p. 512.
- 83 Id., Vie de Henry Brulard, dans OI II, p. 534.
19De cet homme de plume inactuel on peut bien dire qu’il poursuit une carrière de « “non-homme-de-lettres”, ou d’homme tout court »80. Un des traits fondateurs du stendhalisme est constitué précisément par l’acte simultané de mise en valeur de l’homme et de mise à l’écart de l’écrivain. Ainsi, dans l’article qu’Auguste Bussière publie peu après la mort de Stendhal, c’est à l’« homme d’esprit » et à l’« homme du monde » qu’il accorde sa préférence, et non à l’écrivain : « M. de Stendhal, à prendre le mot dans un sens strictement littéraire, n’est pas un écrivain. Lui-même l’a senti, lui-même l’a voulu, lui-même l’a déclaré vingt fois »81. Lui-même, pourrait-on ajouter, l’a concrètement prouvé en construisant une mythologie de l’écriture comme geste frivole, témoignant d’un besoin vital et également source de plaisir, mot-clé qui, à lui seul, indique le mode de fonctionnement tant de « l’animal » (l’écrivain) que de sa « profonde occupation »82 : « Je trouve quelquefois beaucoup de plaisir à écrire, voilà tout »83.
Pour une écriture naturelle
- 84 A. Berne-Jouffroy, « Destin de la rhétorique. Stendhal, Valéry, Paulhan », dans Cahier du Sud, 300, (...)
- 85 Stendhal, Lettre du 26 octobre 1836, dans CG V, p. 766.
- 86 H. de Balzac, Lettre du 30 octobre 1840 (troisième brouillon), dans Id., Correspondance, cit., p. 8 (...)
- 87 Stendhal, Mémoires d’un touriste, dans Voyages en France, éd. V. Del Litto, Paris, Gallimard, « Bib (...)
20Depuis son entrée sur le champ de bataille romantique, Stendhal n’a cessé de poursuivre « une transformation de la rhétorique »84. Parvenu à une conscience mûre de son métier et de son langage, il reste déterminé à poursuivre la mise en cause des stéréotypes. On le voit déjà en interrogeant le regard d’ensemble qu’il porte sur les dynamiques de reconfiguration qui conditionnent le champ littéraire de son époque. « Il me semble », écrit-il à Arnould Frémy, « qu’il y a le style de bonne compagnie qui est, à peu de choses près, celui des lettres de Voltaire ; il y a aussi le style de la démocratie, lequel veut faire effet sur les épiciers devenus millionnaires. Ce style outre tout pour réveiller l’attention desdits épiciers »85. On le voit mieux encore dans la réponse qu’il adresse à Balzac, qui avait consacré à la Chartreuse un long article mêlant éloges et critiques : « Je crois […] que, depuis la destruction de la cour, en 1792, la part de la forme devient plus mince chaque jour. Si M. Villemain […] traduisait La Chart[reuse] en français, il lui faudrait 3 volumes pour exprimer ce que l’on a donné en deux »86. Tout en relevant l’existence de deux rhétoriques, une aristocratique et une démocratique, et tout en observant avec inquiétude l’avènement d’une littérature de consommation, Stendhal se montre, à la manière d’un Montaigne, acharné à dénoncer la rhétorique, qu’il considère comme une discipline en voie de dissolution, comme une technique destinée à être dépassée. Son imaginaire se nourrit de l’idée d’un style qui « se fait oublier »87, transparent, défini par son propre effacement.
- 88 J. Paulhan, Les Fleurs de Tarbes ou La Terreur dans les Lettres, Paris, Gallimard, « Folio/Essais » (...)
- 89 VI, p. 3.
- 90 Sur ces expressions, voir Mme de Staël, De l’Allemagne, chap. XXX « Herder », éd. par la Comtesse J (...)
- 91 Montaigne, Les Essais, éd. J. Céard, Paris, Librairie générale française, « La Pochothèque. Classiq (...)
- 92 P. Valéry, « Stendhal », dans Id., Variété I et II, Paris, Gallimard, « Folio/Essais », 1998, p. 20 (...)
- 93 Ibid., p. 211 et p. 212.
- 94 « La conscience de Beyle est un théâtre, et il y a beaucoup de l’acteur dans cet auteur. Son œuvre (...)
21Mais le choix d’une écriture qui se veut exempte de toute empreinte de littérarité est un pari qui ne peut pas être tenu sans une reconnaissance implicite de la littérature, de son poids et de ses signes. C’est ce que Jean Paulhan, un siècle plus tard, a bien perçu. Selon lui, en effet, à force de militer pour la cause d’une littérature qui cherche à faire oublier « qu’elle est littérature »88, Stendhal, comme tous les terroristes qui, dans l’histoire littéraire, ont célébré leur modernité en persécutant les mots, n’aurait fui la rhétorique que pour mieux la retrouver. Or cette rhétorique retrouvée se rapporte à une notion stendhalienne bien précise, celle de « naturel » : « Cette esquisse est un ouvrage naturel », annonce la préface de Rome, Naples et Florence en 1817, « Chaque soir j’écrivais ce qui m’avait le plus frappé. […]. Je n’ai presque rien changé à ces phrases incorrectes, mais inspirées par les objets qu’elles décrivent »89. Terme aux emplois multiples, naturel s’entend ici au sens d’étranger à un art des mots dont l’écrivain serait le praticien. L’ouvrage naturel n’est pas un « livre bien fait », « méthodique »90, c’est un livre en mouvement. Pensons encore à Montaigne qui définit les Essais comme un livre « consubstantiel à son auteur » et dont le projet est de représenter le mouvement de ses « humeurs » et l’aspect multiforme de ses « mutations »91. C’est donc dans le projet d’être vrai et dans la recherche d’un style dépouillé que réside l’essentiel de la poétique et de la pratique stendhaliennes de la langue littéraire. On sait quelle lecture fera Paul Valéry de ce « Moi naturel » et de cette écriture de la « sincérité »92 : constatant qu’en littérature « le vrai n’est pas concevable » et que la volonté de « faire vrai »93 n’aboutit qu’à une falsification de la réalité, Valéry identifie l’homme du naturel, non à l’artiste, mais au comédien94. Dès lors, le naturel stendhalien révèle toute son ambivalence, à la fois comme tentative de sortir de la littérature et comme moyen d’en démultiplier les pouvoirs.
Conclusion
- 95 M. Blanchot, « Stendhal et les âmes sensibles » [Journal des débats, 26 août 1942], dans Id., Faux (...)
22Situant l’« énigme » du naturel du côté d’un « certain ton », d’une « manière d’écrire opposée […] au style soutenu », d’« une vivacité d’expression qui imite la conversation », Maurice Blanchot écrivait que, pour Stendhal, il est essentiel « d’atteindre la littérature par une voie qui semble la fuir »95. C’est cette dynamique d’inversion que nous avons tenté de mettre au jour. Dynamique qui tend à réduire la ligne de démarcation entre ce qui est littérature et ce qui ne l’est pas, entre ce qui est manque et ce qui est présence et dont la mission primordiale est de réinventer des fondements du littéraire.
23Dans une hypothétique généalogie de l’art pour l’art, Stendhal occuperait une place singulière. En effet, sa pensée fait entrer la logique de la contrainte et la logique de l’autonomie, la transitivité et l’intransitivité artistique dans une relation complexe de réciprocité. Son œuvre s’articule autour de deux impératifs à première vue incompatibles : celui de désamorcer la charge explosive inhérente à l’écriture du réel et celui d’adhérer à la puissance d’illusion qui appartient à la représentation littéraire. Sa « morale de la forme » est donc traversée par une hésitation fondamentale entre contrainte politique et autonomie littéraire. Mais cette irrésolution qui lui est particulière est le véritable fondement de la tour d’ivoire qu’il habite. Tour assurément paradoxale : entourée du tumulte irréfrénable de la contingence, mais affichant toutes les raisons de son altitude.
Notes
1 Stendhal, Le Rouge et le Noir, dans Id., Œuvres romanesques complètes, éd. Y. Ansel et Ph. Berthier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2005, t. I, p. 759 (dorénavant ORC I).
2 Id., La Chartreuse de Parme, dans Id., Œuvres romanesques complètes, éd. Y. Ansel, Ph. Berthier, X. Bourdenet et S. Linkès, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2014, t. III, p. 422 (dorénavant ORC III).
3 Voir V. Brombert, La Prison romantique. Essai sur l’imaginaire, Paris, Librairie José Corti, 1975.
4 M. Proust, « Notes sur Stendhal », dans Id., Essais et articles, éd. P. Clarac et Y. Sandre, Paris, Gallimard, « Folio/Essais », 1994, p. 350.
5 Id., La Prisonnière, éd. P.-E. Robert, Paris, Gallimard, « Folio/Classique », 1989, p. 363.
6 V. Del Litto, « Stendhal romancier réaliste ? », dans Id., Essais et articles stendhaliens, Genève-Paris, Slatkine, 1981, p. 305.
7 É. Zola, « Stendhal », dans Id., Les Romanciers naturalistes, Paris, Charpentier, 1881, p. 84. Déjà Balzac avait reproché, mais sans aigreur, à l’auteur de la Chartreuse l’absence de description physique « dans la peinture de qques [sic] personnages », H. de Balzac, Lettre à Stendhal, 5 avril 1839, dans Id., Correspondance, éd. R. Pierrot et H. Yon, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2011, t. II, p. 472.
8 M. Crouzet, Le Rouge et le Noir. Essai sur le romanesque stendhalien, Paris, PUF, 1995, p. 86.
9 G. Lukács, Balzac et le réalisme français, tr. fr. P. Laveau, Paris, La Découverte 1999, p. 91.
10 L. Aragon, La Lumière de Stendhal, Paris, Denoël, 1954.
11 Ibid., p. 98 et 99.
12 E. Auerbach , « À l’hôtel de La Mole », dans Id., Mimésis. La représentation de la réalité dans la littérature occidentale [1946], tr. fr. C. Heim, Paris, Gallimard, « Tel », 1968, p. 459.
13 A. Gefen, L’Idée de littérature. De l’art pour l’art aux écritures d’intervention, Paris, Corti, 2021, p. 131.
14 A. Bussière, « Henri Beyle (M. de Stendhal) » [Revue des deux mondes, 15 janvier 1843], dans Stendhal, préface de M. Crouzet, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, « Mémoire de la critique », 1996, p. 169 et p. 194.
15 Sainte-Beuve, « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes » [Le Moniteur, 2 janvier 1854], dans Stendhal, préface de M. Crouzet, cit., p. 299.
16 P. Bourget, « Stendhal (Henri Beyle) » [La Nouvelle Revue, 15 août 1882], dans Stendhal, préface de M. Crouzet, cit., p. 464.
17 F. Nietzsche, Par delà le bien et le mal [1886], tr. fr. G. Bianquis, Paris, Aubier, 1951, paragraphe 254, p. 337.
18 A. Frémy, « Souvenirs anecdotiques sur M. de Stendhal » [La Revue de Paris, février 1844], dans Stendhal, préface de M. Crouzet, cit., p. 219.
19 Le peintre doit faire du style un « miroir limpide », Stendhal, Histoire de la peinture en Italie, éd. V. Del Litto, Paris, Gallimard, « Folio/Essais », 1996, p. 113 (dorénavant HPI) ; les peintres du XVe siècle étaient « en état de copier la nature comme au miroir », Stendhal, Rome, Naples et Florence (1826), dans Id., Voyages en Italie, éd. V. Del Litto, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1973, p. 303 (dorénavant VI).
20 Matteo Bandello, lit-on dans les Promenades dans Rome, « a laissé neuf volumes de nouvelles charmantes […] où l’on voit, comme dans un miroir, les mœurs du XVe siècle », VI, p. 620.
21 « De quel parti est un miroir ? », se demande l’ « Avant-propos » d’Armance, ORC I, p. 86.
22 ORC I, p. 417.
23 ORC I, p. 671.
24 Stendhal, Lucien Leuwen, dans Id., Œuvres romanesques complètes, éd. Y. Ansel, Ph. Berthier et X. Bourdenet, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007, t. II, p. 722 (dorénavant ORC II).
25 M. Crouzet, « Le voyage stendhalien et la rhétorique du naturel », dans V. Del Litto et E. Kanceff (dir.), Le Journal de voyage et Stendhal, Genève, Slatkine, 1986, p. 147-180, p. 161.
26 Molière, La Critique de l’École des Femmes, sc. VI.
27 Stendhal, Vie de Henry Brulard, dans Id., Œuvres intimes, éd. V. Del Litto, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1982, t. II, p. 699 (dorénavant OI II). L’italique est de Stendhal comme dans toutes les citations de cet article.
28 Stendhal, Racine et Shakespeare (1823), dans Id., Racine et Shakespeare (1818-1825) et autres textes de théorie romantique, éd. M. Crouzet, Paris, Champion, 2006, p. 266 (dorénavant RS).
29 P. Bénichou, Le Sacre de l’écrivain (1750-1830). Essai sur l’avènement d’un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne, Paris, Corti, 1973, p. 313.
30 Stendhal, Lettre à A.-A. Renouard, 3 janvier 1826, dans Id., Correspondance générale, éd. V. Del Litto, Paris, Champion, 1999, t. III, p. 565 (dorénavant CG III).
31 Id., Lettre à Gian Pietro Vieusseux, 22 juillet 1830, dans CG III, p. 771.
32 ORC II, p. 288.
33 Stendhal, Lettre du 14 mars 1836, dans Id., Correspondance générale, éd. V. Del Litto, Paris, Champion, 1999, t. V, p. 705 (dorénavant CG V).
34 « Il faudra que j’aie le courage de mettre beaucoup de détails sur la scène et de faire dire par exemple : “Le roi dort dans cette chambre”. », Stendhal, Journal, 12 décembre 1804, dans Id., Œuvres intimes, éd. V. Del Litto, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1981, t. I, p. 161 (dorénavant OI I). Y. Ansel souligne que « l’auteur d’Armance et du Rouge plaque sur le genre romanesque des grilles d’évaluation venues d’ailleurs, des observations vérifiées, éprouvées sur un autre objet d’études (le théâtre, et la comédie en particulier). », Id., Stendhal, le temps et l’histoire, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2000, p. 320.
35 ORC III, p. 176.
36 G. Blin, Stendhal et les problèmes du roman, Paris, Corti, 1954, p. 86.
37 Stendhal, Journal, 5 février 1805, dans OI I, p. 201.
38 G. de Maupassant, « Le Roman », dans Id., Pierre et Jean, éd. B. Pingaud, Paris, Gallimard, 1982, p. 49.
39 HPI, p. 284, note.
40 G. Genette, « Vraisemblance et motivation », dans Id., Figures II, Paris, Seuil, 1969, p. 77. Voir aussi G. Blin, op. cit., p. 200.
41 Stendhal, Journal, 24 juillet 1814, dans OI I, p. 909.
42 VI, p. 1136.
43 OI II, p. 652 et p. 829.
44 L’admiration que Beyle voue aux pièces de Goldoni ne l’empêche pas d’exprimer des réserves à propos de la représentation réaliste du personnage dans une comédie : « Quel avantage de montrer la vie à l’homme sous son aspect défavorable ? C’est un pauvre mérite. », Stendhal, Journal, 8 juin 1804, dans OI I, p. 84.
45 Stendhal, Vie de Henry Brulard, dans OI II, p. 780.
46 Voir F. Vanoosthuyse, Le Moment Stendhal, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 14.
47 É. Talbot, « Le romantique et le/la politique autour de Racine et Shakespeare », dans Stendhal-Club, 98, 15 janvier 1983, p. 227-234, p. 227.
48 Stendhal, Journal, 19 décembre 1814, dans OI I, p. 923.
49 Stendhal, Lettre à Adolphe de Mareste, 21 décembre 1819, dans CG III, p. 247.
50 RS (1825), p. 469.
51 RS, p. 494.
52 Voir respectivement ORC I, p. 162, p. 688 et ORC III, p. 512.
53 Voir ORC II, p. 359.
54 Journal, 9 mai 1804, dans OI I, p. 75.
55 ORC II, p. 412 (note datée 13 novembre 1834).
56 ORC II, p. 1414 (en marge de la nouvelle Vittoria Accoramboni).
57 Journal, 27 mars 1811, dans OI, I, p. 670.
58 M. Crouzet, « Le coup de pistolet dans un concert », dans Id., La poétique de Stendhal, Paris, Flammarion, 1983, p. 285.
59 R. Barthes, Le Degré zéro de l’écriture suivi de Nouveaux essais critiques, Paris, Seuil, « Essais », 1953, p. 19.
60 Stendhal, Lettre du 1er décembre 1817, dans CG III, p. 57.
61 H. de Balzac, Lettre du 16 juillet 1846, dans Id., Lettres à Madame Hanska, éd. R. Pierrot, Paris, Laffont, « Bouquins », 1990, t. II, p. 261.
62 Id., Lettre du 25 août 1842, dans ibid., 1990, t. I, p. 599 (dorénavant LH I).
63 Id., Lettre du 2 juin 1842, dans LH I, p. 583. Sur ce point, voir É. Bordas, « L’auteur “Balzac” et son masque “Noré”. Les Lettres à Madame Hanska ou de l’avoir à l’être : auctorialité et libido », dans The Balzac Review/Revue Balzac, 6, 2023, p. 214 sq.
64 Sur ce point, voir Y. Ansel, « Stendhal et Kafka ou “le vrai métier de l’animal” », dans Revue Stendhal, 3, 2022, p. 67-84.
65 Stendhal, De l’amour, éd. X. Bourdenet, Paris, Flammarion, « GF », 2014, p. 102 (dorénavant DA).
66 RS (1823), p. 266.
67 Stendhal, Vie de Henry Brulard, dans OI II, p. 534.
68 Id., Lettre à A. de Mareste, 19 avril 1820, dans CG III, p. 275.
69 G. Maurevert, Le livre des plagiats, Paris, Arthème Fayard & Cie, 1922, p. 181.
70 Voir X. Bourdenet, « L’écrivain à sa table de travail », dans Stendhal, Vanina Vanini et autres nouvelles, Paris, Gallimard, « Folioplus/Classiques », 2010, p. 145 et p. 149.
71 Voir ORC II, p. 21.
72 Voir respectivement ORC III, p. 55, p. 142 et ORC II, p. 994.
73 É. Bordas, « Stendhal au miroir du roman : stratégies de l’énonciation narrative dans La Chartreuse de Parme », dans L’Information grammaticale, 71, octobre 1996, p. 13-18, p. 13.
74 DA, p. 103.
75 Stendhal, Journal, 3 mai 1804, dans OI I, p. 72.
76 Id., Souvenirs d’égotisme, dans OI II, p. 474.
77 Id., Vie de Henry Brulard, dans OI II, p. 745.
78 Id., Journal, 31 décembre 1804, dans OI I, p. 167.
79 Id., Journal, 21 novembre 1804, dans OI I, p. 152.
80 M. Crouzet, Le naturel, la grâce et le réel dans la poétique de Stendhal, Paris, Flammarion, 1986, p. 109.
81 A. Bussière, « Henri Beyle (M. de Stendhal) », cit., p. 169, p. 194, p. 191.
82 Stendhal, Souvenirs d’égotisme, dans OI II, p. 512.
83 Id., Vie de Henry Brulard, dans OI II, p. 534.
84 A. Berne-Jouffroy, « Destin de la rhétorique. Stendhal, Valéry, Paulhan », dans Cahier du Sud, 300, 1950, p. 272-298, p. 275.
85 Stendhal, Lettre du 26 octobre 1836, dans CG V, p. 766.
86 H. de Balzac, Lettre du 30 octobre 1840 (troisième brouillon), dans Id., Correspondance, cit., p. 838.
87 Stendhal, Mémoires d’un touriste, dans Voyages en France, éd. V. Del Litto, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1992, p. 545.
88 J. Paulhan, Les Fleurs de Tarbes ou La Terreur dans les Lettres, Paris, Gallimard, « Folio/Essais », 1941, p. 62.
89 VI, p. 3.
90 Sur ces expressions, voir Mme de Staël, De l’Allemagne, chap. XXX « Herder », éd. par la Comtesse J. de Pange, Paris, Hachette, « Les Grands écrivains de la France », 1959, p. 316 : « On a dit que ses [de Herder] écrits ressembloient à une conversation animée : il est vrai qu’il n’a pas dans ses ouvrages la forme méthodique qu’on est convenu de donner aux livres. C’est sous les portiques et dans les jardins de l’académie que Platon expliquoit à ses disciples le système du monde intellectuel. On trouve dans Herder cette noble négligence du talent toujours impatient de marcher à des idées nouvelles. C’est une invention moderne que ce qu’on appelle un livre bien fait. La découverte de l’imprimerie a rendu nécessaires les divisions, les résumés, tout l’appareil enfin de la logique. La plupart des ouvrages philosophiques des anciens sont des traités ou des dialogues qu’on se représente comme des entretiens écrits. Montagne aussi s’abandonnoit de même au cours naturel de ses pensées ».
91 Montaigne, Les Essais, éd. J. Céard, Paris, Librairie générale française, « La Pochothèque. Classiques modernes », 2001, p. 1026 (liv. II, chap. XVIII « Du démentir ») et p. 1181 (liv. II, chap. XXXVII « De la ressemblance des enfants aux pères »).
92 P. Valéry, « Stendhal », dans Id., Variété I et II, Paris, Gallimard, « Folio/Essais », 1998, p. 202 et p. 211.
93 Ibid., p. 211 et p. 212.
94 « La conscience de Beyle est un théâtre, et il y a beaucoup de l’acteur dans cet auteur. Son œuvre est pleine de mots qui visent la salle ». Ibid., p. 194.
95 M. Blanchot, « Stendhal et les âmes sensibles » [Journal des débats, 26 août 1942], dans Id., Faux pas, Paris, Gallimard, 1943, p. 301-302.
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Référence électronique
Francesco Spandri, « Stendhal, entre contrainte politique et autonomie littéraire », Revue italienne d’études françaises [En ligne], 14 | 2024, mis en ligne le 15 novembre 2024, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/13217 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12oyz
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