Quatre traductions inédites de Michaux
Résumés
Trois traducteurs, Luca Bevilacqua, Giuseppe Girimonti Greco et Giuseppe Zuccarino, se rencontrent autour de quatre traductions inédites de Michaux. Dans la diversité de leurs approches, ils adoptent diverses solutions : chacune met en valeur le caractère hétérogène et hybride des textes, en vers et en prose, du poète franco-belge. Les quatre traductions proposées ici sont précédées d’une introduction dans laquelle Luca Bevilacqua fait le point sur la diffusion italienne de Michaux et présente sa propre traduction de « Je suis né troué » et de « Nous autres ». Celles d’« Une vie de chien » et de « The Thin Man » sont commentées par leurs traducteurs respectifs. En annexe la transcription de la traduction par Franco Calamandrei d’« Une vie de chien ».
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Luca Bevilacqua – Traduire Michaux (avec quelques renseignements sur Michaux en Italie)
- 1 Quelques années plus tard, en 1948, L’Espace du dedans fera l’objet d’une critique par Lorenza Mara (...)
- 2 A. Gide, Découvrons Henri Michaux, Paris, Gallimard, 1941.
- 3 H. Michaux, « La lettera », « Ecce Homo », tr. it. G. Ungaretti, dans G. Manzini (dir.), Prosa. Qua (...)
- 4 Il s’agit des numéros 20 et 27 de la troisième année (1943) de Confluences, comme en témoigne la li (...)
1Pour reprendre le titre du texte célèbre qui ouvre l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade, Quelques renseignements sur cinquante-neuf années d’existence, j’entends donner ici quelques aperçus sur la diffusion de Michaux en Italie. Tout d’abord, quelques repères chronologiques : L’Espace du dedans, « pages choisies » (comme l’indique le sous-titre), est publié par Gallimard en mars 1944. Ce livre anthologique, imprimé à 5500 exemplaires, confère à Michaux une notoriété, même hors de France, qu’il n’a sans doute jamais connue1. Jusqu’alors, le seul texte qui avait contribué à sa réception auprès d’un public plus large avait été le court essai de Gide Découvrons Henri Michaux2, sorti des presses en 1941. Les premières traductions italiennes, réalisées par Giuseppe Ungaretti, sont publiées en 1945 : « La lettera » et « Ecce Homo »3. Il s’agit de deux textes en prose ayant pour sujet la guerre, et qu’Ungaretti avait pu lire en 1943, dans deux numéros différents de la revue Confluences4.
- 5 R. Bertelé, Henri Michaux, Paris, Seghers, « Poètes d’aujourd’hui », 1946.
- 6 En Annexe, Giuseppe Girimonti Greco reproduit la traduction par Franco Calamandrei de ce texte.
- 7 H. Michaux, « Una vita da cane », « Destino », « Canto di morte », « Ancora cambiamenti », « La pig (...)
2Après la fin de la guerre, en janvier 1946, paraît chez Seghers, dans la collection « Poètes d’aujourd’hui », le livre important de René Bertelé, qui comprend aussi une sélection de poèmes et de textes en prose5. En cette même année 1946, un autre ensemble de textes est publié en Italie dans la revue Il Politecnico. La traduction est réalisée par Franco Calamandrei6, qui précise d’ailleurs qu’à ce moment-là Michaux est inconnu en Italie, « à l’exception de quelques spécialistes de la littérature française moderne »7.
- 8 G. Picon, Panorama de la nouvelle littérature française, Paris, Gallimard, 1949, p. 202.
- 9 « Si singulier », nous traduisons. E. Montale, « Michaux », dans Corriere della Sera, 14 novembre 1 (...)
3L’œuvre de Michaux peine encore à trouver sa place précise dans la littérature française et européenne. À la fin des années 40, Gaëtan Picon, avec son Panorama de la nouvelle littérature française, dans les pages consacrées à Michaux, constate : « il n’est pas d’œuvre plus singulière, plus malaisée à rattacher aux cadres d’une école ou d’un genre »8. En 1951, dans un long article paru dans Corriere della Sera, Eugenio Montale (qui avait lu le livre de Picon) présente Michaux au public italien comme l’un des meilleurs poètes de la France contemporaine, mais souligne à son tour le caractère « tanto singolare »9 de cette œuvre poétique et picturale.
- 10 H. Michaux, « Il segreto della situazione politica, Fette di sapere », dans G. Vicari (dir.), Umori (...)
4Il faudra attendre 1959 pour voir apparaître de nouvelles traductions de Michaux en italien, qui ne seront pas explicitement rattachées au genre poétique : dans l’anthologie Umoristi del Novecento, on trouve en effet « Il segreto della situazione politica » et « Fette di sapere », traduits par Nelo Risi10. Il convient de noter dès maintenant que l’humour (qui affleure souvent ouvertement, mais qui dans d’autres cas reste sous-jacent, presque à deviner), est l’une des principales difficultés pour ceux qui veulent traduire Michaux et le faire apprécier dans d’autres pays. Pour ne citer que quelques exemples, on sait bien que nombre de ses textes, de Notes de zoologie (1929) à Voyage en grande Garabagne (1936), ressortissent à un registre scientifique (naturaliste, anthropologique), mais il est difficile de déterminer dans quelle mesure il s’agit d’une parodie, et donc d’une forme (aussi) de dérision, ou plutôt d’un artifice pour déchaîner l’imagination. Parfois on peut remarquer, dans un même texte, la coprésence du nonsense et du registre scientifique ou gnomique (c’est le cas de « Tranches de savoir »). Or, c’est précisément cette hybridité qui témoigne d’une intention humoristique.
- 11 Id., « Testi scelti », tr. it. A. Zanzotto, dans Il Caffè politico e letterario, 6, 1960, p. 30-36.
- 12 A. Zanzotto, « Michaux, il buon combattente », dans ibid., p. 25-29.
- 13 H. Michaux, « Pace nelle frantumazioni », tr. it. B. de Pisis de Mandiargues, dans Il Verri, 4, 196 (...)
5Sur le plan chronologique, les expositions et les reconnaissances de l’œuvre picturale de Michaux se multiplient entre les années 50 et les années 60 (de Rome à Milan, de la Biennale de Venise à Turin). À partir des premières années 60, des traductions commencent à être publiées plus régulièrement en Italie, suivies par la publication de recueils entiers. Andrea Zanzotto, en 1960, dans la revue Il Caffè politico e letterario, propose un choix de textes traduits par ses soins11. L’ensemble est précédé d’un essai qui, à partir du titre, veut souligner la forme particulière de l’engagement de Michaux12. En 1962, c’est Bona de Pisis de Mandiargues qui traduit, dans Il Verri, « Pace nelle frantumazioni »13, texte sorti en 1959 dans un véritable livre d’artiste, aux éditions de Martin Flinker, avec des dessins réalisés par Michaux sous emprise de la mescaline.
- 14 Id., Altrove, tr. it. C. Vasio et L. Magrini, Milan, Rizzoli, 1966.
- 15 Id., Miserabile miracolo. L’infinito turbolento, tr. it. E. Filippini, V. Riva et C. Rugafiori, Mil (...)
- 16 Id., Allucinogeni e conoscenza, tr. it. M. Diacono, Milan, Rizzoli, 1968.
- 17 Id., Lo spazio interiore, tr. it. I. Margoni, Turin, Einaudi, 1968.
6Les lieux irréels, créés par l’imagination ou par l’utilisation d’hallucinogènes, suscitent un vif intérêt et sont le moteur des premières traductions de livres entiers. En 1966 apparaît Altrove chez Rizzoli14. L’année suivante, les deux premiers livres de Michaux sur la drogue sont réunis dans un seul volume par l’éditeur Feltrinelli : Miserabile miracolo. L’infinito turbolento15. Les échos de la Beat Generation sont désormais parvenus en Europe, et le sujet est à la mode. En 1968, c’est encore Rizzoli qui publie Allucinogeni e conoscenza16, titre qui correspond à Connaissance par les gouffres (Gallimard, 1961). En cette même année 1968, paraît enfin chez Einaudi, dans la traduction d’Ivos Margoni, le livre le plus représentatif de l’entière production de Michaux, Lo spazio interiore17.
- 18 Id., Un certo Piuma, tr. it. A. Giuliani, Milan, Bompiani, 1971.
7Trois ans plus tard, le recueil le plus célèbre de Michaux paraît à son tour, celui dont le personnage, Plume, qui ne figure en réalité que dans une série de 13 textes, était rapidement devenu emblématique de l’œuvre de l’auteur. C’est donc en 1971 que, chez l’éditeur Bompiani et par les soins d’Alfredo Giuliani, est publié Un certo Piuma18, précédé par une courte préface (« La scrittura magica di un clown »).
- 19 Id., Ombre per l’eternità, tr. it. D. Grange Fiori, Milan, All’insegna del pesce d’oro, 1973.
- 20 Id., Un barbaro in Asia, tr. it. D. Grange Fiori, Turin, Einaudi, 1974.
- 21 Id., « Frammenti di estetica », « Portrait des Meidosems », « Affrontements », « Un seul navire rép (...)
8En 1973, un tout petit livre paraît au catalogue des belles éditions de Vanni Scheiwiller, il s’agit de Ombre per l’eternità19. C’est la première d’une série de traductions de l’œuvre de Michaux par Diana Grange Fiori. L’année suivante, en 1974, elle traduira Un barbaro in Asia, pour Einaudi20. Encore quelques années plus tard, en 1982, Grange Fiori est la traductrice d’un ensemble de textes publiés dans un numéro de Il Verri entièrement consacré à Michaux (numéro dirigé pour l’occasion par l’éminent critique italien Luciano Anceschi)21. Mais surtout, c’est encore à Grange Fiori que nous devons la traduction de l’anthologie Brecce, parue en 1984 chez Adelphi : un recueil important (294 pages) que, pour se fier à ce qu’on lit sur le rabat de la couverture, Michaux lui-même « a composé sur demande de l’éditeur italien ». Mais aussi un livre qui, malheureusement, ne présente pas le texte originel en regard et qui est dépourvu de tout appareil critique. Ce qui, certainement, et aussi en raison de l’absence de réimpression du volume d’Einaudi dans les années suivantes, n’a pas facilité la réception de Michaux en Italie pendant les années 80 et 90.
- 22 Id., Ecuador, tr. it. G. Neri, Rome-Naples, Theoria, 1987.
- 23 Id., Passaggi, tr. it. B. de Pisis de Mandiargues et I. Margoni, Milan, Adelphi, 2012.
9Après la publication, en 1987, d’Ecuador22, il faut attendre les années 2000, lorsque l’éditeur Quodlibet décide de relancer Michaux dans le panorama littéraire italien. En 2005, le premier titre à paraître est la retraduction de Altrove par Gianni Celati et Jean Talon (le volume – qui comprend Viaggio in Gran Garabagna, Nel paese della Magia, Qui Poddema – vite épuisé, sera réimprimé en 2022). Toujours en 2005, l’éditeur décide aussi de rééditer Ecuador, dans l’ancienne traduction de Guido Neri. L’opération se répète l’année suivante, en 2006, avec Conoscenza dagli abissi, qui est en réalité la reprise de la traduction de Mario Diacono pour Rizzoli (Allucinogeni e conoscenza, 1968), avec l’ajout d’une introduction d’Emanuele Trevi. Nous pouvons conclure ce tour d’horizon avec Passaggi, paru chez Adelphi en 2012, qui exploite à son tour des traductions antérieures de Bona de Mandiargues et Ivos Margoni23.
10La tendance qui se manifeste dans les publications des années 2000, à savoir le recours à des traductions antérieures, est sans doute un signe de la difficulté de traduire, ou de retraduire Michaux. Or, cette difficulté, qui est souvent liée – comme on l’a vu – au mélange de registres et à l’humour sous-jacent dans plusieurs de ses textes, est partagée par les critiques, les lecteurs et même les éditeurs face à un écrivain qui se soustrait aux catégories et aux classements. Cela s’explique par la façon dont Michaux, de façon résolument irresponsable, mêle les genres littéraires. La singularité de Michaux explique aussi cette réception inégale : à sa propension au langage simple, immédiat, presque brutal, s’ajoute son contraire, un style dominé par une riche invention verbale et par les images les plus étranges et imprévisibles.
11Chaque lecteur de Michaux connaît bien cette prolifération de créatures et d’animaux fantastiques, décrits minutieusement par des termes anatomiques aussi précis qu’inventés, ainsi que de peuples inconnus dont l’ethnographie et l’ethnonymie imaginaires ne cessent de nous émerveiller. Il s’agit, bien entendu, d’un grand espace d’invention linguistique que Michaux offre à ses potentiels traducteurs. En parallèle, bon nombre de poèmes, dans le sillage tracé par « Glu et Gli » ou « Le Grand Combat » (Qui je fus, 1927), alternent une langue proprement inventée à une langue certes expressionniste, mais finalement compréhensible et directe.
- 24 R. Bertelé, op. cit., p. 12.
12On se souvient de la définition donnée par René Bertelé, qui, dans le livre cité plus haut, évoque à ce propos l’« espéranto lyrique »24. Faisant un parallèle avec certaines expériences cubistes, il souligne chez Michaux, particulièrement dans ses premières œuvres, une exigence d’universalité et de simplicité : des objectifs qui, paradoxalement, ne pouvaient pas être poursuivis sans une certaine dose de subversion et de violence contre les formes (artistiques ou littéraires) les plus consolidées.
- 25 « Ce livre […] qui semble devoir être si profitable aux faibles, aux malades et maladifs, aux enfan (...)
- 26 Ibidem.
- 27 Id., « Préface », dans Id., Épreuves, exorcismes. 1940-1944, dans Id., Œuvres complètes, cit., t. I (...)
13C’est précisément ce type de violence et d’immédiateté expressive qu’on perçoit dans deux textes tels que « Je suis né troué » et « Nous autres ». Deux poèmes que j’ai tenté de traduire en gardant surtout la sensation qui s’en dégage immédiatement, celle d’un sujet « malade » ou « maladif » (pour reprendre les termes utilisés par Michaux dans la « Postface » de La Nuit remue25) : un sujet « inadapté » d’un point de vue social, qui ne s’appuie que sur son imagination, celle-ci étant strictement liée à « l’impuissance à se conformer »26. Dans cette perspective, j’ai fait le choix d’une certaine rugosité expressive, qui puisse transmettre la souffrance autant qu’un ressentiment, dont on se libère grâce aux anathèmes (« Maledizione su tutta la terra, su tutta la civiltà », s’exclame-t-il dans « Sono nato bucato »), mais j’ai aussi maintenu également un emploi percussif de la langue, ce « martèlement des mots » dont parle Michaux dans la « Préface » d’Épreuves, exorcismes27. C’est dans cette perspective que j’ai essayé d’utiliser des effets proches de l’allitération, comme dans le cas suivant : « I quattro cavalli alati sono appena nati. / Sono nati. […] / Si stenta a trattenerli ».
- 28 Ibidem.
14On pourrait objecter qu’il n’est pas simple, dans le passage d’une langue à l’autre, de mesurer les nuances d’une telle écriture fondée sur la violence, la « réaction en force »28, mais aussi sur un postulat de vulnérabilité, et qui alterne de ce fait l’agression verbale et les pleurs (« Ho bisogno di piangere […] », lit-on dans « Sono nato bucato »). Il s’agit, en effet, de points extrêmes de l’expressivité, reliés par une zone commune d’intimité et de spontanéité linguistique, qui, chez Michaux, semblent être totalement détachés de toute intention littéraire.
15Une autre question se pose, liée à cette dernière, et formulée très clairement par Václav Jamek, traducteur de Michaux vers le tchèque :
- 29 V. Jamek, « Traduire Michaux dans une langue née contre », dans J.-C. Mathieu et M. Collot (dir.), (...)
Devant un traducteur qui s’interpose en relais entre la poésie d’Henri Michaux et une langue d’accueil, il surgit bientôt une difficulté assez troublante, une incompatibilité de vitesse entre l’élaboration patiente, réfléchie, qu’exige une traduction et ce besoin d’agir vite – de dire vite – cette urgence extrême qui fait de tout poème, de tout texte de Michaux la réponse la plus pressée. Cette tension peut même devenir paralysante : comment faire pour traduire impétueusement ?29
- 30 « Passages è un testo disseminato di parole d’ordine che alludono a questa (apparente) mancanza di (...)
- 31 Rappelons que « Je suis né troué » est tiré d’Ecuador, « Journal de voyage » (comme l’indique le so (...)
16Même s’il est vrai que cette urgence et cette vitesse de Michaux, ainsi que l’impression fréquente de « manque de contrôle et de direction », peut s’avérer n’être qu’un effet « apparent » (comme le souligne Giuseppe Girimonti Greco30), il est également vrai que de nombreux textes, comme « Je suis né troué », sont manifestement le résultat d’une rapidité d’écriture31.
17De surcroît, au-delà de la question de la spontanéité ou du travail patient qui accompagne la rédaction d’un texte particulier, le traducteur peut se confronter uniquement à ce dernier. Et à partir de l’impression qu’il en a tirée, d’abord à un niveau immédiat, puis en approfondissant les détails grâce à l’étude, il essaie de transmettre une vérité qui, notamment dans le cas de Michaux, appartient à la fois à l’égarement et à la découverte : à la défaite comme à la réussite. C’est l’esprit qui guide les traductions qui suivent ici.
Henri Michaux – Je suis né troué
18 Quito, 25 avril
Il souffle un vent terrible.
Ce n’est qu’un petit trou dans ma poitrine,
Mais il y souffle un vent terrible.
Petit village de Quito, tu n’es pas pour moi.
J’ai besoin de haine, et d’envie, c’est ma santé.
Une grande ville, qu’il me faut.
Une grande consommation d’envie.
Ce n’est qu’un petit trou dans ma poitrine,
Mais il y souffle un vent terrible,
Dans le trou il y a haine (toujours), effroi aussi et impuissance,
Il y a impuissance et le vent en est dense,
Fort comme sont les tourbillons.
Casserait une aiguille d’acier,
Et ce n’est qu’un vent, un vide.
Malédiction sur toute la terre, sur toute la civilisation, sur tous les êtres à la surface de toutes les planètes, à cause de ce vide !
Il a dit, ce monsieur le critique, que je n’avais pas de haine.
Ce vide, voilà ma réponse.
Ah ! Comme on est mal dans ma peau !
J’ai besoin de pleurer sur le pain de luxe, de la domination, et de l’amour, sur le pain de gloire qui est dehors,
J’ai besoin de regarder par le carreau de la fenêtre,
Qui est vide comme moi, qui ne prend rien du tout.
J’ai dit pleurer : non, c’est un forage à froid, qui fore, fore, inlassablement,
Comme sur une solive de hêtre deux cents générations de vers qui se sont légué cet héritage : « Fore... Fore. »
C’est à gauche, mais je ne dis pas que c’est le cœur.
Je dis trou, je ne dis pas plus, c’est de la rage et je ne peux rien.
J’ai sept ou huit sens. Un d’eux : celui du manque.
Je le touche et le palpe comme on palpe du bois.
Mais ce serait plutôt une grande forêt, de celles-là qu’on ne trouve plus en Europe depuis longtemps.
Et c’est ma vie, ma vie par le vide.
S’il disparaît, ce vide, je me cherche, je m’affole et c’est encore pis.
Je me suis bâti sur une colonne absente.
Qu’est-ce que le Christ aurait dit s’il avait été fait ainsi ?
Il y a de ces maladies, si on les guérit, à l’homme il ne reste rien,
Il meurt bientôt, il était trop tard.
Une femme peut-elle se contenter de haine ?
Alors aimez-moi, aimez-moi beaucoup et me le dites,
M’écrivez, quelqu’une de vous.
Mais qu’est-ce que c’est, ce petit être ?
Je ne l’apercevrais pas longtemps.
Ni deux cuisses ni un grand cœur ne peuvent remplir mon vide.
Ni des yeux pleins d’Angleterre et de rêve comme on dit.
Ni une voix chantante qui dirait complétude et chaleur.
Les frissons ont en moi du froid toujours prêt.
Mon vide est un grand mangeur, grand broyeur, grand annihileur.
Mon vide est ouate et silence.
Silence qui arrête tout.
Un silence d’étoiles.
Quoique ce trou soit profond, il n’a aucune forme.
Les mots ne le trouvent pas,
Barbotent autour.
J’ai toujours admiré que des gens qui se croient gens de révolution se sentissent frères.
Ils parlaient l’un de l’autre avec émotion : coulaient comme un potage.
Ce n’est pas de la haine, ça, mes amis, c’est de la gélatine.
La haine est toujours dure,
Frappe les autres,
Mais racle ainsi son homme à l’intérieur continuellement.
C’est l’envers de la haine.
Et point de remède. Point de remède.
H. Michaux, « Je suis né troué » [1929], dans Id., Ecuador, dans Id., Œuvres complètes, éd. R. Bellour, avec Y. Tran, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, t. I, p. 189-190.
Luca Bevilacqua – Sono nato bucato
19 Quito, 25 aprile
Qui soffia un vento terribile.
È solo un piccolo buco nel mio petto,
Ma ci soffia un vento terribile.
Bel paesino di Quito, non sei fatto per me.
Per la mia salute ho bisogno d’odio, e di invidia.
Una grande città, di quella ho bisogno.
Un gran consumo di invidia.
È solo un piccolo buco nel mio petto,
Ma ci soffia un vento terribile,
In quel buco c’è odio (sempre), e spavento, e impotenza,
C’è impotenza, e il vento ne è denso,
Forte come sono i vortici.
Romperebbe un ago di acciaio.
E non è che un vento, un vuoto.
Maledizione su tutta la terra, su tutta la civiltà, su tutti gli esseri che vivono su tutti i pianeti, per colpa di questo vuoto !
Lui ha detto, quel tal critico, che non avevo odio.
Questo vuoto, ecco la mia risposta.
Ah ! Come si sta male nella mia pelle !
Ho bisogno di piangere sul pane « de luxe », della dominazione, e dell’amore, sul pane di gloria che sta fuori.
Ho bisogno di guardare dal vano della finestra,
Che è vuoto come me, che non assimila niente.
Ho detto piangere : no, è una perforazione a freddo, che buca, buca instancabilmente.
Come su una trave di faggio duecento generazioni di vermi che si sono tramandati quest’eredità : « Buca… Buca ».
È a sinistra, ma non dico che sia il cuore.
Dico buco, non saprei dire di più, è rabbia e non ci posso far nulla.
Ho sette, o forse otto sensi. Fra di essi : quello della mancanza.
Lo tocco e lo accarezzo come si accarezza il legno.
Ma è come fosse una grande foresta, di quelle che non si trovano più in Europa da molto tempo.
Ed è la mia vita, la mia vita attraverso il vuoto.
Se sparisce, questo vuoto, mi cerco, perdo la testa ed è ancora peggio.
Mi sono costruito su una colonna assente.
Che cosa avrebbe detto Cristo se fosse stato fatto così ?
Ci sono malattie che, se le si guarisce, all’uomo non resta niente.
Muore rapidamente, era troppo tardi.
Una donna può forse accontentarsi di odio ?
Allora amatemi, amatemi molto e ditemelo,
Scrivetemi, qualcuna di voi.
Ma insomma che cosa è mai, questo piccolo essere ?
Non mi accorgerò di lui troppo a lungo.
Né due cosce né un gran cuore possono riempire il mio vuoto.
Né due occhi sognanti e all’inglese, come si dice.
Né una voce suadente che esprima completezza e calore.
I brividi mi garantiscono un freddo sempre pronto.
Il mio vuoto è un grande mangiatore, un grande tritatutto, un grande annichilatore.
Il mio vuoto è ovatta e silenzio.
Silenzio che arresta tutto.
Un silenzio di stelle.
Benché quel buco sia profondo, non ha forma alcuna.
Le parole non sanno trovarlo,
Borbottano intorno.
Ho sempre ammirato il fatto che quelli che si dicono rivoluzionari si sentano fratelli.
Parlavano l’uno dell’altro con emozione : colavano come una minestra.
Quello non è odio, amici cari, è gelatina.
L’odio è sempre duro,
Colpisce gli altri,
Ma raschia pure il suo uomo all’interno, continuamente.
È l’altra faccia dell’odio.
E nessun rimedio. Nessun rimedio.
Henri Michaux – Nous autres
20Dans notre vie, rien n’a jamais été droit.
Droit comme pour nous.
Dans notre vie, rien n’est consommé à fond.
À fond comme pour nous.
Le triomphe, le parachèvement,
Non, non, ça n’est pas pour nous.
Mais prendre le vide dans ses mains,
Chasser le lièvre, rencontrer l’ours.
Courageusement frapper l’ours, toucher le rhinocéros.
Être dépouillé de tout, mis à suer son propre cœur.
Rejeté au désert, obligé d’y refaire son cheptel,
Un os par-ci, une dent par-là, plus loin une corne ;
Ça, c’est pour nous.
Dire que les sept vaches grasses naissent en ce moment.
Elles naissent, mais ce n’est pas nous qui les trairons.
Les quatre chevaux ailés viennent de naître.
Ils sont nés. Ils ne rêvent que de voler.
On a peine à les retenir. Ça ira presque aux astres, ces bêtes-là.
Mais ce n’est pas nous qui y serons portés.
Pour nous les chemins de taupe, de courtilière.
De plus, nous sommes arrivés aux portes de la Ville.
De la Ville-qui-compte.
Nous y sommes, il n’y a pas de doute. C’est elle. C’est bien elle.
Ce que nous avons souffert pour arriver… et pour partir.
Se désenlacer lentement, en fraude, des bras de l’arrière…
Mais ce n’est pas nous qui entrerons.
Ce sont de jeunes m’as-tu-vu, tout verts, tout fiers qui entreront.
Mais nous, nous n’entrerons pas.
Nous n’irons pas plus loin. Stop ! Pas plus loin.
Entrer, chanter, triompher, non, non, ça n’est pas pour nous.
1932
H. Michaux, « Nous autres » [1935], dans Id., La Nuit remue, dans Id., Œuvres complètes, éd. R. Bellour, avec Y. Tran, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, t. I, p. 459.
Luca Bevilacqua – Noi altri
21In vita nostra, niente è mai filato dritto.
Dritto come fatto per noi.
In vita nostra, niente s’è impiegato a fondo.
A fondo come fatto per noi.
Il trionfo, il perfezionamento,
No no, questo non fa per noi.
Ma prendere il vuoto tra le mani,
Andare a caccia della lepre, incontrare l'orso.
Colpire coraggiosamente l’orso, toccare il rinoceronte.
Essere spogliati di tutto, costretti a sudare il proprio cuore.
Respinti nel deserto, obbligati a rifare la mandria,
Un osso qui, un dente là, più lontano un corno.
Questo, questo fa per noi.
Dire che le sette vacche grasse nascono adesso.
Loro nascono, ma non saremo noi a mungerle.
I quattro cavalli alati sono appena nati.
Sono nati. Sognano solo di volare.
Si stenta a trattenerli. Arriveranno fin quasi alle stelle, quegli animali.
Ma non saremo certo noi a essere condotti là.
Per noi i sentieri della marmotta, del grillotalpa.
E poi, eccoci alle porte della Città.
La Città-che-conta.
Ci siamo, non c’è dubbio. È lei. È proprio lei.
Quel che abbiamo sofferto per arrivare... e per partire.
Sciogliere i legami, di nascosto, con le braccia dietro la schiena...
Ma non saremo certo noi ad entrare.
Saranno alcuni giovani pavoneggianti, tutti acerbi, tutti fieri, son loro che entreranno.
Ma noi, noi non entreremo.
Non andremo più lontano. Stop ! Non oltre.
Entrare, cantare, trionfare, no no, questo non è per noi.
1932
Henri Michaux – Une vie de chien
22Je me couche toujours très tôt et fourbu, et cependant on ne relève aucun travail fatigant dans ma journée.
Possible qu’on ne relève rien.
Mais moi, ce qui m’étonne, c’est que je puisse tenir bon jusqu’au soir, et que je ne sois pas obligé d’aller me coucher dès les quatre heures de l’après-midi.
Ce qui me fatigue ainsi, ce sont mes interventions continuelles.
J’ai déjà dit que dans la rue je me battais avec tout le monde ; je gifle l’un, je prends les seins aux femmes, et me servant de mon pied comme d’un tentacule, je mets la panique dans les voitures du Métropolitain.
Quant aux livres, ils me harassent par-dessus tout. Je ne laisse pas un mot dans son sens ni même dans sa forme.
Je l’attrape et, après quelques efforts, je le déracine et le détourne définitivement du troupeau de l’auteur.
Dans un chapitre vous avez tout de suite des milliers de phrases et il faut que je les sabote toutes. Cela m’est nécessaire.
Parfois, certains mots restent comme des tours. Je dois m’y prendre à plusieurs reprises et, déjà bien avant dans mes dévastations, tout à coup au détour d’une idée, je revois cette tour. Je ne l’avais donc pas assez abattue, je dois revenir en arrière et lui trouver son poison, et je passe ainsi un temps interminable.
Et le livre lu en entier, je me lamente, car je n’ai rien compris... naturellement. N’ai pu me grossir de rien. Je reste maigre et sec.
Je pensais, n’est-ce pas, que quand j’aurais tout détruit, j’aurais de l’équilibre. Possible. Mais cela tarde, cela tarde bien.
H. Michaux, « Une vie de chien » [1935], dans Id., La Nuit remue, dans Id., Œuvres complètes, éd. R. Bellour, avec Y. Tran, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, t. I, p. 469-470.
Giuseppe Girimonti Greco – Vita da cani
23Vado a letto sempre molto presto, stremato, eppure nella mia giornata non si registra nessun lavoro stancante.
Può anche darsi che non si registri un bel niente.
Ma in realtà quello che mi stupisce è di riuscire a reggere fino a sera, e di non essere costretto ad andare a letto già alle quattro del pomeriggio.
A stancarmi tanto sono i miei continui interventi.
Ho già detto che per strada mi accapiglio con tutti quanti ; schiaffeggio un tizio, tocco il seno alle donne e, usando un piede a mo’ di tentacolo, semino il panico nei vagoni della Metropolitana.
Quanto ai libri, mi esasperano più di qualsiasi altra cosa. Non lascio neanche una parola nel suo senso e neppure nella sua forma originaria.
Le acchiappo una per una e, dopo qualche sforzo, le sradico e le allontano per sempre dal gregge dell’autore.
In un capitolo ti ritrovi davanti, tutte in una volta, migliaia di frasi, e io devo per forza sabotarle tutte. Mi è assolutamente necessario.
Certe volte alcune parole resistono come fossero torri. Allora mi ci devo mettere d’impegno, provando e riprovando, e quando sono a buon punto con le mie devastazioni, all’improvviso rivedo la torre che fa capolino tra i meandri di un’idea. Evidentemente non l’avevo abbattuta come si deve, quindi mi tocca tornare sui miei passi e trovare il veleno che fa al caso suo, e così perdo un tempo infinito.
E, dopo aver letto il libro da cima a fondo, mi lamento perché non ci ho capito niente… naturalmente. Non sono ingrassato di un grammo. Rimango magro e segaligno.
Sapete… pensavo che una volta distrutto tutto avrei trovato il mio equilibrio. Può darsi. Ma la cosa tarda a realizzarsi, tarda di parecchio.
Note à la traduction
24Le titre. Nul doute quant au titre : il faut le rendre en faisant allusion au film de Charlie Chaplin, A dog’s life (1918) ; « Une vie de chien », en français ; « Vita da cani », en italien.
- 32 Voir TLFi, ad vocem : « Vieilli, méd. vétér. Atteint de fourbure ».
- 33 Voir en Annexe la traduction par Franco Calamandrei de ce texte.
25« Stremato » (« fourbu ») : j’ai voulu traduire « fourbu » en tâchant de faire ressortir au mieux le lien entre la fatigue que le personnage ressent et sa condition presque sauvage, de marginal, de révolté assimilé à un animal, mais j’ai essayé de ne pas surinterpréter ; d’ailleurs, j’ai demandé quel était le registre de cette expression sur le forum de Wordreference, dans la section consacrée à la langue française (« Français seulement ») et j’ai découvert que, bien qu’il soit « plutôt recherché », le terme « s’emploie tout à fait pour les personnes sans faire allusion aux animaux (pour lesquels il s’emploie également) ». Je découvre aussi qu’il existe une sorte de « série » de « paronymes, au demeurant synonymes, trop peu utilisés » : rendu, recru, rompu, fourbu ; et que ces quatre termes peuvent être suivis du complément « de fatigue » ou bien seuls. De plus, j’apprends que « fourbu peut être synonyme de très fatigué, effectivement, mais [qu’]il a également un autre sens. Ce terme décrit un problème d’inflammation du pied des chevaux. De là vient sans doute le sentiment qu’il est souvent employé pour les animaux » ; l’acception « vétérinaire »32 est d’ailleurs très certainement dépassée : « de nos jours, l’acception la plus courante est l’extension de sens indiquant l’épuisement, qui s’applique à tous les animaux, y compris les êtres humains ». Et encore, le poème de Michaux ayant été écrit il y a environ un siècle, l’ancienneté du terme serait justifiée. Néanmoins, le dictionnaire de l’Académie, dans son édition d’il y a cent ans (la 8e), indique : « par analogie, il signifie qui est harassé de fatigue. J’ai trop marché : je suis fourbu ». Parmi les solutions sfinito, stanco morto, esausto, stracco, distrutto, sfiancato, stremato, j’ai choisi la dernière, qui me paraît se rapprocher davantage du registre de l’original. Mais j’aurais pu tout aussi bien choisir stanco morto, qui me semble la solution la plus naturelle, en Italie, bien qu’elle s’adapte mal à un « sujet animal ». C’est la solution adoptée par le premier traducteur italien de ce texte, Franco Calamandrei33 ; mais j’ai préféré ne pas introduire de répétition (dans le texte de Calamandrei, on trouve « fatigant » que j’ai rendu par « stancante », et une autre occurrence du verbe « fatiguer », que j’ai rendue par « stancare » : « ce qui me fatigue ainsi ce sont mes interventions continuelles » : « a stancarmi sono i miei continui interventi »).
26« Non si registra nessun lavoro stancante. / Può anche darsi che non si registri un bel niente » (« et cependant on ne relève aucun travail fatigant dans ma journée. / Possible qu’on ne relève rien »). Ici, j’ai voulu souligner au mieux le contraste entre les actions du « je » (celui du narrateur), qui apparaît au tout début (« Je me couche toujours très tôt et fourbu »), et le ton impersonnel et bureaucratique de ce passage. Calamandrei trouve une solution élégante et libre : « eppure gli altri non notano nessun lavoro faticoso nella mia giornata. / Può darsi che non notino nulla ». Je crois néanmoins que cette solution a l’inconvénient d’expliciter le contraste « je » vs « les autres ». Quant à moi, j’ai préféré maintenir la forme impersonnelle, en adoptant un verbe (« si registra ») qui, d’après moi, reste fidèle à l’original et conserve le ton d’un compte rendu, d’un rapport de police. J’ai posé la question aux membres de Wordreference et à l’écrivain Michaël Uras, à qui je m’adresse souvent afin de saisir certaines nuances lexicales, etc. On m’a fait remarquer qu’« ici relever est synonyme de noter, remarquer. Mais [que] la formulation est bizarre avec le pronom on, qui donne un aspect impersonnel et distancié, comme s’il [le narrateur] n’était pas concerné » ; et que « on impersonnel est employé dans les observations médicales, aussi n’est-ce pas une formulation surprenante ». Donc, dans ce cas, « on a dû chercher et personne (collègues, supérieurs, médecins, proches) ne trouve rien qui puisse expliquer ses troubles ». J’ai demandé très clairement s’il y a une véritable opposition entre « je » et « on », et s’il était souhaitable de rendre cette opposition, en la marquant ; la réponse de l’un des membres du forum a confirmé mon sentiment, en faisant allusion – ce qui est toujours intéressant à noter dans le processus de lecture-analyse d’un texte à traduire – à un topos (un préjugé ?) relatif à cet auteur ainsi qu’à d’autres, à savoir l’usage de substances psychotropes, de drogues, l’expérience de sensations induites par de telles substances : « tout à fait. Alors qu’il s’agit d’une expérience personnelle dont il est le premier témoin, c’est comme s’il comptait sur d’autres pour en témoigner. Il abusait peut-être de certaines substances ».
27« Le acchiappo una per una e, dopo qualche sforzo, le sradico e le allontano per sempre dal gregge dell’autore » (« [Je ne laisse pas un mot dans son sens ni même dans sa forme. /] Je l’attrape et, après quelques efforts, je le déracine et le détourne définitivement du troupeau de l’auteur »). Ici, j’ai gardé la transition de la métaphore végétale (« déraciner ») à la métaphore animale (« troupeau ») ; si « déraciner » peut passer inaperçu, quant à son origine « racine », il me semble que l’opposition entre les deux images, les deux mondes et les champs sémantiques est évidente. Tout d’abord, j’ai été tenté de rendre « déraciner » par le verbe plus ambigu « strappare », qui s’adapterait au geste du déracinement d’une plante du sol comme au geste de soustraire un animal à son troupeau ; mais ensuite j’ai préféré revenir à cette incohérence volontaire de l’auteur, qui engage autant les plantes que les animaux. D’ailleurs, dans la traduction de Franco Calamandrei, le champ métaphorique change à nouveau : on passe du monde végétal au monde animal et à l’architecture (les mots-tours). Selon un membre de Wordreference, « Michaux conserve la métaphore utilisée en étymologie – métaphore de la racine et de ses adventices – et il la poursuit (il la file) en séparant le mot de sa racine. C’est donc un emploi figuré, bien sûr, mais qui reste dans le champ sémantique du jardinage ». Calamandrei adopte cette solution : « La acchiappo e, dopo qualche sforzo, la sradico e definitivamente la svio dal gregge dell’autore ».
28« E quando sono a buon punto con le mie devastazioni, all’improvviso rivedo la torre che fa capolino tra i meandri di un’idea » (« et, déjà bien avant dans mes dévastations, tout à coup au détour d’une idée, je revois cette tour »). Je considère qu’il n’est pas évident de rendre cette image « au détour d’une idée », car, si le sens est clair, il n’est pas facile de le maintenir en gardant la métaphore topographique, spatiale : l’image de la tour renvoie, comme supra, à la métaphore du mot : le mot-tour, solide, compact, fort, sans souplesse, etc., donc une forme (la forme des mots) qu’il faut « saboter », « abattre », « empoisonner », etc. ; l’idée recèle un autre mot-tour, il faut donc encore « intervenir », manipuler un texte donné afin de rompre le lien entre les mots et les choses (les idées ?). J’ai posé des questions sur ce passage dans la section « Français seulement » de Wordreference, et j’ai reçu des avis très variés : « cela signifie en formulant ou pendant que je formule une idée » ; « au sens propre, l’expression type est au détour d’un chemin, qui est reprise ici au sens figuré pour dire quelque chose du style dans les méandres de ma réflexion ». L’hypothèse de rendre par des solutions qui auraient le sens d’ « au cours de la formulation d’une idée », « au passage d’une idée » n’est pas tout à fait encouragée, car « il y a l’idée de hasard, de chemin ou de rue qui tourne, qui va dans plusieurs directions ; au détour d’une conversation évoque une conversation qui va dans plusieurs directions, qui n’est pas directe, elle fait des détours, elle rebondit de sujet en sujet. Au passage (d’un point de la conversation) rend mieux le sens » ; et encore : « l’image de la tour est celle de quelque chose qui se voit de loin, qui dépasse au-dessus du paysage. Lorsque l’auteur vagabonde à travers ses idées qui se suivent comme dans des rues prises plus ou moins au hasard, il vire, il fait des détours et parfois il aperçoit de nouveau cette tour qu’il croyait avoir laissée loin derrière (ou même qu’il croyait avoir abattue). Détour est utilisé dans son sens premier ». C’est en suivant ce dernier argument que je me suis autorisé à adopter une solution très libre, qui remet en jeu la dimension spatiale, architecturale, urbanistique de ce passage. Calamandrei traduit de façon très fidèle, efficace : « […] e già un pezzo avanti nelle mie devastazioni, tutto un tratto, alla svolta di una idea, rivedo quella torre ». Il me reste un doute : qu’il y ait un rapport d’ordre phonétique entre « tour » et « détour », dans un texte qui met en valeur le sens premier des morts ; et si ce rapport phonétique peut ressembler à un calembour, ce serait d’autant plus important de le mettre en valeur ; mais, hélas, je n’ai pas trouvé le moyen de faire ressortir la ressemblance « tour »/« détour », car en italien la traduction immédiate de « détour », dans cette acception, est « svolta ». J’aurais pu chercher d’autres pistes, comme le font mes collègues accoutumés aux textes à contrainte, mais je n’ai pas voulu prendre le risque de perdre l’image que j’avais enfin trouvée : une (énième) tour qui pointe soudainement derrière une idée, au-delà d’une idée (« rivedo la torre che fa capolino da dietro un’idea »).
29« Evidentemente non l’avevo abbattuta come si deve, quindi mi tocca tornare sui miei passi e trovare il veleno che fa al caso suo » (« je ne l’avais donc pas assez abattue, je dois revenir en arrière et lui trouver son poison »). Ici, l’auteur change encore une fois de champ sémantique, me semble-t-il. J’ai posé la question sur Wordreference, afin de choisir entre une solution libre et une solution plus proche de la lettre. J’ai appris qu’il ne s’agit pas d’une expression idiomatique « lui trouver son poison : trouver un moyen de l’abattre », mais qu’en même temps « c’est une très curieuse métaphore qui n’est pas vraiment compréhensible », et que de toute façon « la traduction littérale s’impose : cela n’aura ni plus ni moins de sens qu’en français et ce sera fidèle ». Calamandrei trouve une solution très élégante : « trovare il veleno che faccia per lei ».
Annexe
30Vado a letto sempre prestissimo e stanco morto, eppure gli altri non notano nessun lavoro faticoso nella mia giornata.
Può darsi che gli altri non notino nulla.
Ma a me, quello che mi fa meraviglia è di riuscire a tener duro fino a sera, e di non essere obbligato ad andarmene a letto fin dalle quattro del pomeriggio.
A stancarmi così sono i miei interventi continui.
Ho già detto che per strada mi picchio con tutti ; tiro ad uno un ceffone, prendo i seni alle donne, e adoperando il mio piede come un tentacolo metto il panico nelle vetture della Metropolitana.
Quanto ai libri, sono loro che soprattutto mi estenuano. Non lascio a una sola parola la sua forma.
La acchiappo e, dopo qualche sforzo, la sradico e definitivamente la svio dal gregge dell’autore.
In un capitolo avete subito delle migliaia di frasi e bisogna che io le saboti tutte. È una cosa per me necessaria.
A volte certe parole restano come torri. Devo applicarmi a parecchie riprese e, già un pezzo avanti nelle mie devastazioni, tutto un tratto alla svolta d’un’idea, rivedo quella torre. Non l’avevo dunque abbastanza abbattuta, devo tornare indietro e trovare il veleno che faccia per lei e mi passa così un tempo infinito.
E letto il libro per intero, mi lamento, perché non ho capito nulla… naturalmente. Non ho potuto ingrossarmi di nulla. Resto magro e secco.
Pensavo, no ?, che quando avessi distrutto ogni cosa, avrei trovato un po’ di equilibrio. Può darsi, ma è una cosa lunga, molto lunga.
H. Michaux, « Una vita da cane », notes et tr. it. de F. Calamandrei, dans Il Politecnico, IIe série, 30, juin 1946, p. 28-29 [avec « Destino », « Canto di morte », « Ancora cambiamenti », « La pigrizia », « Contro ! », « Gridare »].
Henri Michaux – The Thin Man
31Petit
petit sous le vent
petit et lacunaire
pressé et sachant que vite il faut qu’il sache
dans son cockpit dans sa petite galaxie
veillant
faisant perpétuellement le quart
dans son automoteur
dans son autocorrecteur
dans son peu de paix
dans son pas de paix du tout
bruissant sous la douche de milliers d’avertisseurs
sonné
sifflé
frappé
percé
se croyant de la chair
se voulant dans un palais
mais vivant dans des palans
innombrable et frêle
horloger cependant
et fœtus aussi commandant dans les rafales
visé
entamé
abordé
agrippé
agriffé
frappé à coups redoublés
gravé comme une plaque
cliquetant comme un télescripteur
déplacé
dévié
le miroir mille fois brisé
affolé
à l’écoute
ne voulant pas être perdu
traçant des plans
des plans contradictoires
des plans étrangers
des plans rebondissant
des plans à l’infini
luttant avec des plans
jamais tout à fait submergé
luttant toujours
renversé
redressé
de nouveau alerté
asséché
refaisant des plans
des contre-plans
des plans d’oppositions
dans l’obscur
dans le futur
dans l’indéterminé
pilote
pilote tant qu’il pourra
pilote ou plus rien
en plein vol
cible qui scrute
qui scrute
qui trame
qui projette
Celui qui est né dans la nuit
Souvent refera son Mandala
H. Michaux, « The Thin Man », dans Id., Moments. Traversées du temps [1973], dans Id., Œuvres complètes, éd. R. Bellour, avec Y. Tran, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2004, t. III, p. 721-760, p. 723-724.
Giuseppe Zuccarino – The Thin Man
32Piccolo
piccolo sottovento
piccolo e lacunoso
ansioso e cosciente di dover sapere in fretta
nel suo abitacolo nella sua piccola galassia
vegliando
facendo perpetuamente il turno di guardia
nel suo automotore
nel suo autocorrettore
nella sua pace che scarseggia
nella sua pace che manca del tutto
rimbombante sotto la doccia di migliaia di avvisatori
suonato
fischiato
percosso
trafitto
credendosi bene in carne
volendosi in un palazzo
ma vivendo nei paranchi
innumerevole e fragile
nondimeno orologiaio
e anche feto che comanda tra le raffiche
preso di mira
intaccato
attaccato
afferrato
ghermito
colpito a più riprese
inciso come una lastra
ticchettando come una telescrivente
dislocato
deviato
lo specchio mille volte rotto
spaventato
in ascolto
non volendo sentirsi perduto
facendo progetti
progetti contraddittori
progetti estranei
progetti rinnovati
progetti all’infinito
lottando coi progetti
mai del tutto sopraffatto
lottando sempre
atterrato
rialzato
di nuovo in guardia
rimasto a secco
rifacendo progetti
contro-progetti
progetti di opposizione
nel buio
nel futuro
nell’indeterminato
pilota
pilota finché potrà
pilota o più nulla
in pieno volo
bersaglio che scruta
che scruta
che trama
che progetta
Chi è nato nella notte
rifarà spesso il proprio Mandala
Note à la traduction
- 34 R. Bréchon, Henri Michaux, Paris, Gallimard, 1959.
- 35 H. Michaux, « The Thin Man », dans Id., Vigies sur cible [1959], dans Id., Œuvres complètes, cit., (...)
- 36 Id., « The Thin Man », dans Id., Moments. Traversées du temps [1973], dans Id., Œuvres complètes, c (...)
- 37 Voir J.-P. Martin, Henri Michaux, Paris, Gallimard, 2003, p. 468-471.
33« The Thin Man », poème d’Henri Michaux inédit en italien, a eu une histoire éditoriale assez complexe, en quatre temps. D’abord, il paraît dans la revue Botteghe oscure, en 1957. Deux ans plus tard il a été repris dans la partie anthologique d’un livre de Rober Bréchon sur l’auteur34 ; le poème y est présenté, à tort, comme « inédit » et daté « juillet 1957 ». Le titre en anglais, tout à fait inhabituel pour l’auteur, est sans doute dû au fait qu’il séjournait, à l’époque, à Londres, pour organiser une exposition de ses dessins mescaliniens. La troisième parution date de 1959, dans le livre Vigies sur cible, où les textes de l’écrivain sont associés à des eaux-fortes de l’artiste Matta (Roberto Sebastián Matta Echaurren)35. Finalement, « The Thin Man », qui avait subi des variations dans le passage d’une édition à l’autre, a atteint sa forme définitive en 1973, lorsqu’il a été inséré dans le volume Moments. Traversées du temps, où il est suivi d’un texte, Droites libérées, inspiré par des gravures de Matta36. La collaboration entre Michaux et l’artiste chilien ne s’instaure pas par hasard. Ils se sont rencontrés en 1949 et tout de suite entre eux s’est établi un rapport d’amitié et de fréquentation qui a duré dans le temps37.
- 38 H. Michaux, « Postface » [1934], cit., p. 512.
34« The Thin Man » se compose de vers sans ponctuation, la plupart desquels sont courts et réduits à un seul mot. Toutefois, les anaphores et les paronomases fréquentes confèrent au texte un caractère incisif et, pour ainsi dire, percussif. Il n’est pas difficile, pour le lecteur, de deviner qui est « l’homme maigre » désigné par le titre : le poème, en effet, propose une sorte d’autoportrait symbolique de l’auteur. Michaux veut donner une image de lui-même comme s’il s’agissait d’un personnage inquiet, fragile, menacé, toujours à la recherche de moyens – plus ou moins efficaces – pour se défendre, pour acquérir de nouvelles capacités de résistance, qui permettent de faire front à une situation difficile. Il ne s’agit pas d’une thématique nouvelle : depuis longtemps, l’auteur a exprimé le désir de trouver une forme d’écriture qui pouvait se révéler profitable non pas qu’à lui, mais aussi aux autres, et surtout « aux faibles, aux malades et maladifs, aux enfants, aux opprimés et inadaptés de toute sorte »38.
- 39 M. Blanchot, L’Expérience magique d’Henri Michaux [1944], dans Id., Chroniques littéraires du « Jou (...)
35Néanmoins nous savons que, dans les livres de Michaux, cette exigence auto-protectrice peut se transmuer en une attitude hostile : « une grande partie de son œuvre est marquée par la présence d’une émotion violente. La colère lui donne sa forme de perpétuelle agression, de lutte rusée ou impétueuse, de réaction de défense contre un objet doué lui-même de méchanceté »39. Mais ce n’est pas dans un texte comme « The Thin Man » que l’on trouve les signes de cette pulsion agressive. Ici on parle plutôt de la volonté de rester actif même quand le combat avec le monde extérieur risquerait de conduire à un état d’exténuation : « luttant toujours / renversé / redressé / de nouveau alerté ». Il est nécessaire de faire appel non seulement à une résistance d’ordre physique, mais aussi à toutes les ressources dont l’individu dispose au niveau de la pensée. Alors cet individu devra s’imaginer lui-même, selon les circonstances, comme un horloger, un fœtus, un téléscripteur, un pilote. Et surtout il devra, « ne voulant pas être perdu », savoir tracer des plans pour le futur, même si ces plans sont destinés à se révéler fragiles ou éphémères. C’est comme ça qu’il faut se comporter, s’il on veut prolonger la lutte sans capituler.
- 40 H. Michaux, Poteaux d’angle [1981], dans Id., Œuvres complètes, cit., t. III, 2004, p. 1039-1085.
36Dans ce poème, le distique final, en particulier, reste mémorable : « celui qui est né dans la nuit / souvent refera son Mandala ». La phrase, à la fois gnomique et ironique, aurait pu trouver sa place parmi les fragments et les aphorismes de Poteaux d’angle40. La référence à l’Extrême-Orient, région du monde très aimée par Michaux, est pertinente pour l’idée qu’il veut exposer. Quiconque a eu la chance de voir des moines tibétains en train de réaliser un vaste Mandala avec des sables colorés ne pourra pas ne pas oublier la surprenante précision et l’admirable patience que ce rituel, religieux et artistique, nécessite. Celui qui est né dans la nuit, et qui conserve en soi quelque chose de l’obscurité et de l’égarement originaires, n’est pas l’homme qui pourra facilement imiter ces moines. Mais, grâce à sa conscience aiguë des difficultés inhérentes à la vie psychique et sociale, il pourra en revanche devenir un grand écrivain.
Notes
1 Quelques années plus tard, en 1948, L’Espace du dedans fera l’objet d’une critique par Lorenza Maranini dans la Rivista di Letterature Moderne e Comparate, 1-2.
2 A. Gide, Découvrons Henri Michaux, Paris, Gallimard, 1941.
3 H. Michaux, « La lettera », « Ecce Homo », tr. it. G. Ungaretti, dans G. Manzini (dir.), Prosa. Quaderni internazionali, 1, 1945, p. 186-189.
4 Il s’agit des numéros 20 et 27 de la troisième année (1943) de Confluences, comme en témoigne la liste des périodiques du Fonds Giuseppe Ungaretti, en ligne, consultée le 04/07/2024, URL : https://web.uniroma1.it/bibliofilosofia/sites/default/files/download/Periodici%20Fondo%20Ungaretti.pdf.
5 R. Bertelé, Henri Michaux, Paris, Seghers, « Poètes d’aujourd’hui », 1946.
6 En Annexe, Giuseppe Girimonti Greco reproduit la traduction par Franco Calamandrei de ce texte.
7 H. Michaux, « Una vita da cane », « Destino », « Canto di morte », « Ancora cambiamenti », « La pigrizia », « Gridare », « Contro ! », notes et tr. it. F. Calamandrei, dans Il Politecnico, 30, 1946, p. 28-29. Dans la référence aux « quelques spécialistes », il y a sans doute une allusion à Carlo Bo, qui avait mentionné brièvement Michaux dans Saggi di letteratura francese (Brescia, Morcelliana, 1940) ; et qui ensuite, de manière plus approfondie, avait écrit un essai sur La Nuit remue, paru dans In margine a un vecchio libro (Milan, Bompiani, 1945, p. 97-112).
8 G. Picon, Panorama de la nouvelle littérature française, Paris, Gallimard, 1949, p. 202.
9 « Si singulier », nous traduisons. E. Montale, « Michaux », dans Corriere della Sera, 14 novembre 1951.
10 H. Michaux, « Il segreto della situazione politica, Fette di sapere », dans G. Vicari (dir.), Umoristi del Novecento. Con alcuni singolari precursori del secolo precedente, Milan, Garzanti, 1959, p. 173-176.
11 Id., « Testi scelti », tr. it. A. Zanzotto, dans Il Caffè politico e letterario, 6, 1960, p. 30-36.
12 A. Zanzotto, « Michaux, il buon combattente », dans ibid., p. 25-29.
13 H. Michaux, « Pace nelle frantumazioni », tr. it. B. de Pisis de Mandiargues, dans Il Verri, 4, 1962, p. 34-43.
14 Id., Altrove, tr. it. C. Vasio et L. Magrini, Milan, Rizzoli, 1966.
15 Id., Miserabile miracolo. L’infinito turbolento, tr. it. E. Filippini, V. Riva et C. Rugafiori, Milan, Feltrinelli, 1967.
16 Id., Allucinogeni e conoscenza, tr. it. M. Diacono, Milan, Rizzoli, 1968.
17 Id., Lo spazio interiore, tr. it. I. Margoni, Turin, Einaudi, 1968.
18 Id., Un certo Piuma, tr. it. A. Giuliani, Milan, Bompiani, 1971.
19 Id., Ombre per l’eternità, tr. it. D. Grange Fiori, Milan, All’insegna del pesce d’oro, 1973.
20 Id., Un barbaro in Asia, tr. it. D. Grange Fiori, Turin, Einaudi, 1974.
21 Id., « Frammenti di estetica », « Portrait des Meidosems », « Affrontements », « Un seul navire répondra à tout », tr. it. D. Grange Fiori, dans Il Verri, VIe serie, 24, octobre 1982.
22 Id., Ecuador, tr. it. G. Neri, Rome-Naples, Theoria, 1987.
23 Id., Passaggi, tr. it. B. de Pisis de Mandiargues et I. Margoni, Milan, Adelphi, 2012.
24 R. Bertelé, op. cit., p. 12.
25 « Ce livre […] qui semble devoir être si profitable aux faibles, aux malades et maladifs, aux enfants, aux opprimés et inadaptés de toute sorte », H. Michaux, « Postface » [1934], dans Id., La Nuit remue, dans Id., Œuvres complètes, éd. R. Bellour, avec Y. Tran, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998-2004, t. I, 1998, p. 512.
26 Ibidem.
27 Id., « Préface », dans Id., Épreuves, exorcismes. 1940-1944, dans Id., Œuvres complètes, cit., t. I, p. 773.
28 Ibidem.
29 V. Jamek, « Traduire Michaux dans une langue née contre », dans J.-C. Mathieu et M. Collot (dir.), Passages et langages de Henri Michaux, Paris, José Corti, 1987, p. 65.
30 « Passages è un testo disseminato di parole d’ordine che alludono a questa (apparente) mancanza di controllo e di direzione: vertigine, avventura, impotenza, passività, brancolamenti, fluidità, libera circolazione, esitazione. Ma è proprio il proliferare di simili indicazioni a destare sospetto. La critica (soprattutto Bellour) ha sottolineato la natura fuorviante di questa estetica esplicita dello spontaneismo compositivo, allegando eloquenti prove di carattere filologico », G. Girimonti Greco, « I passaggi di Michaux », dans Le parole e le cose, 14 septembre 2012, consulté le 21/06/2024, URL : https://www.leparoleelecose.it/?p=6596.
31 Rappelons que « Je suis né troué » est tiré d’Ecuador, « Journal de voyage » (comme l’indique le sous-titre) et précise un lieu et une date : « Quito, 25 avril ».
32 Voir TLFi, ad vocem : « Vieilli, méd. vétér. Atteint de fourbure ».
33 Voir en Annexe la traduction par Franco Calamandrei de ce texte.
34 R. Bréchon, Henri Michaux, Paris, Gallimard, 1959.
35 H. Michaux, « The Thin Man », dans Id., Vigies sur cible [1959], dans Id., Œuvres complètes, cit., t. II, 2001, p. 955-976.
36 Id., « The Thin Man », dans Id., Moments. Traversées du temps [1973], dans Id., Œuvres complètes, cit., 2004, t. III, p. 721-760. Droites libérées a été publié d’abord en 1971 dans un livre de luxe, avec quatorze gravures réalisées par Matta en 1958.
37 Voir J.-P. Martin, Henri Michaux, Paris, Gallimard, 2003, p. 468-471.
38 H. Michaux, « Postface » [1934], cit., p. 512.
39 M. Blanchot, L’Expérience magique d’Henri Michaux [1944], dans Id., Chroniques littéraires du « Journal des Débats ». Avril 1941-août 1944, Paris, Gallimard, 2007, p. 64.
40 H. Michaux, Poteaux d’angle [1981], dans Id., Œuvres complètes, cit., t. III, 2004, p. 1039-1085.
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Luca Bevilacqua, Giuseppe Girimonti Greco et Giuseppe Zuccarino, « Quatre traductions inédites de Michaux », Revue italienne d’études françaises [En ligne], 14 | 2024, mis en ligne le 15 novembre 2024, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/13125 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12oyx
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