Navigation – Plan du site

AccueilNuméros13MélangesL’utopie et l’anti-utopie dans le...

Mélanges

L’utopie et l’anti-utopie dans le roman anticipatif de Boualem Sansal 2084. La fin du monde

Utopia and anti-utopia in the anticipatory novel by Boualem Sansal 2084. The end of the world
Boubker Bakhat Afdil et Mohammed Lakhdar

Résumés

Dans son roman 2084. La fin du monde, Boualem Sansal use des deux données incontournables de l’écriture romanesque, le temps et l’espace, pour critiquer sa société. L’intrigue et les personnages ne sont nécessaires que pour interroger la dimension spatiotemporelle où ils évoluent. Cet article, en se plaçant dans une perspective géocritique, vise à interroger les modalités de la conversion de l’historique et du géographique pour montrer l’obsolescence du monolithisme de l’utopie que promeut le discours de l’État et restituer au concept de l’utopie sa valence polysémique. Sansal affranchit dans ce récit la trame narrative du tracé rectiligne du texte.

Haut de page

Texte intégral

Nous ne pouvons pas imaginer une société sans utopie, car ce serait une société sans dessein.
Paul Ricœur, L’Idéologie et l’utopie

  • 1 G. Orwell, 1984, Paris, Gallimard, 1949.
  • 2 B. Sansal, 2084. La Fin du monde, Paris, Gallimard, « Folio », 2015 (dorénavant 2084).
  • 3 Ibid., p. 11.
  • 4 B. Sansal, Gouverner au nom d’Allah. Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe, Paris, Ga (...)
  • 5 Ibid., p. 20.
  • 6 P. Ricœur, L’Idéologie et l’utopie, tr. fr. M. Revault D’Allonnes et J. Roman, Paris, Seuil, 1997, (...)

1Reconnaissant sa dette envers son « maître Orwell »1, B. Sansal écrit à son tour 20842, œuvre récompensée par le Grand Prix de l’Académie française en 2015. Il énonce déjà, en exergue, dans un avertissement destiné au lecteur les termes d’un contrat de véridiction : « Le lecteur se gardera de penser que cette histoire est vraie ou qu’elle emprunte à une quelconque réalité connue »3. Ce contrat de fiction posé comme une exigence de lecture suspend toute coïncidence référentielle à un univers connu, supprime tout ancrage possible. Serait-ce une manœuvre de l’auteur pour contourner une éventuelle censure, surtout avec « la montée de l’islamisme dans le monde arabe » dont il déplore la radicalisation dans Gouverner au nom d’Allah. Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe4, ou serait-ce une tournure antiphrastique de la part de celui qui a été formé à l’école de la légion socialiste et révolutionnaire après l’indépendance de l’Algérie ? Le mouvement islamiste, arrivé au sommet de sa puissance dès les années 1980, a pris en otage l’ensemble du peuple et réduit les intellectuels du pays à « vivre une fin de monde à huis-clos »5. Quoi qu’il en soit, Sansal se pose dans 2084 en porte-à-faux avec le sens que P. Ricœur confère à la relation entre le destinataire de l’utopie et son promoteur : « l’utopie comme genre littéraire inspire une forme de complicité ou de connivence au lecteur bien disposé. Le lecteur est enclin à recevoir l’utopie comme une hypothèse plausible »6.

2Le texte, son univers narratif, ainsi que sa réception doivent donc évoluer sur un mode de complicité qui tait, pour mieux le dire allusivement, peut-être le lien entre le monde fictionnel du texte et le monde réel. Or, la relation entre le texte et le monde gagne en importance dans le domaine de la critique littéraire et un large pan de genres littéraires est abordé selon le prisme de la géographie ou plutôt de l’imaginaire géographique. Bertrand Westphal est de ceux qui prônent l’adoption d’un point de vue pluriel sur la production littéraire par le biais de l’approche géocritique du texte littéraire qu’il définit en ces termes :

  • 7 B. Westphal, « Pour une approche géocritique des textes », dans B. Westphal (dir.), La géocritique (...)

N’est-il pas temps, en somme, de songer à articuler la littérature autour de ses relations à l’espace, de promouvoir une géocritique, poétique dont l’objet serait non pas l’examen des représentations de l’espace en littérature, mais plutôt celui des interactions entre espaces humains et littérature, et l’un des enjeux majeurs d’une contribution à la détermination ou à l’indétermination des identités culturelles ?7 

  • 8 R. Bouvet, B. Lévy, « Littérature et géographie : dialogue autour du récit de voyage », dans Le Glo (...)
  • 9 M. Brosseau, « Geography’s Literature », dans Progress in Human Geography, 18, 3, 1994, p. 333-353.
  • 10 R. Bouvet, Conférence présentée à l’Université d’Angers par le laboratoire CERIEC (Centre d’études (...)

3Dans son récit, s’érigeant contre le temps immuable de l’Abistan et l’espace quadrillé de l’empire, Sansal fait de la flexibilité des coordonnées de l’espace et du temps son cheval de bataille. Le temps, n’étant plus unitaire, universel, cesse d’être maîtrisable ; fortement saturé et codifié, l’espace urbain étouffe et écrase l’individu. En effet, la dimension spatiale a sollicité l’attention de plusieurs critiques et théoriciens contemporains pour qui l’espace n’est pas une étendue inerte mais le creuset dynamique des interactions intersubjectives. Ainsi, intéressé par la relation entre le moi et le monde, Bertrand Lévy voit-il dans l’appel de l’espace vide une promesse de la nouveauté. Il considère « l’espace vécu plus qu’un découpage ou une zone géographique en particulier »8, un lieu propice d’interactions. Pour Brosseau, à qui revient la paternité du concept « roman-géographe », les géographes gagneront à puiser dans le corpus littéraire « ce qui pourrait être perturbateur, subversif ou source de nouvelles questions dans le roman »9. Bouvet10, quant à elle, cherche à élaborer une carte intime de chaque personnage qui arpente l’espace. C’est donc cette première prémisse de la théorie géocritique, à savoir la dimension spatio-temporelle, que nous tenterons d’interroger dans 2084. Nous voulons savoir comment l’auteur parvient à déjouer le monolithisme de l’utopie d’Abi, le délégué souverain de la divinité de Yölah, et restituer au concept de l’utopie sa valence polysémique en fissurant le complexe immuable de la donne historique et géographique. Force est de nous demander dès lors si Sansal réussit à doter la dimension spatiale et temporelle dans l’Abistan d’une force critique du totalitarisme et s’il propose une alternative pour continuer à habiter ce monde.

Un scepticisme naissant

4Le disciple d’Orwell procède selon un raisonnement dialectique pour dire ce que n’est pas l’utopie ; mais au lieu d’aspirer à un modèle social alternatif et parfait, il propulse le lecteur dans les méandres des rêves et des désirs inquiets de son protagoniste Ati, un jeune homme miraculeusement rétabli d’une tuberculose soignée dans un sanatorium bâti sur les cimes de la montagne de l’Ouâ au fin fond de l’empire de l’Abistan dans la région du Sîn.

  • 11 C. Leconte, C. Passard, « Avant-propos : Retour vers le futur ? La dystopie aujourd’hui », dans Qua (...)
  • 12 Ibidem.

5L’auteur fait la satire d’une utopie déjà en place, établie par Abi, une sorte de prophète envoyé par Yölah en réaction contre une société décadente, balayée de la carte à la suite de la Guerre sainte, le Char. Cette utopie a quadrillé l’espace de l’incommensurable Abistan en dissolvant le monde tel qu’il a été connu jadis. L’utopie d’Ati est une contre-utopie, la seule qui occupe généreusement l’espace de la narration. Si la dystopie, signifiant étymologiquement « un mauvais lieu », est un « récit de fiction dépeignant une évolution ou un avenir cauchemardesque de la société réelle à partir de l’exacerbation de certains de ses traits négatifs »11, la contre-utopie est « la représentation d’une utopie qui a mal tourné, qui dérive vers une réalité effrayante »12. La contre-utopie de Sansal ne fait qu’épisodiquement voire allusivement apparaître à la « surface » du texte le monde d’avant, un arrière-monde profane, et la possibilité d’un monde d’après, celui dont rêve fiévreusement Ati.

  • 13 T. More, Utopie [Louvain, 1516], tr. fr. M. Delcourt, Paris, Flammarion, 2008.
  • 14 2084, p. 314.
  • 15 Ibid., p. 135.

6C’est par réfraction que ce nouveau monde émergera à travers les interstices du blanc de la page. C’est donc le chemin inverse de celui emprunté par Thomas More13 dans son Utopia de l’Angleterre (1516) qui sera parcouru dans 2084. More a commencé par dresser un tableau sombre de la réalité de l’Angleterre de son époque pour dénoncer les dérives sociales et politiques qui y sévissaient, puis s’est livré dans la deuxième partie de son récit, à décrire un espace imaginaire et parfait, bref un ailleurs qui n’existe pas. Sansal rappelle insidieusement le monde de liberté qui fut jadis et qui n’est plus. Pour lui, l’utopie relève du passé. Le monde abistanais s’autorise toutes les excentricités et incongruités imaginables. Dans la cité de déréliction, la langue, pour ne prendre que cet exemple, était auparavant « une langue très belle, riche, suggestive […], elle inclinait à la poésie »14 , aujourd’hui, conçue dans un laboratoire et foncièrement monosyllabique, la nouvelle langue baptisée « l’abilang l’a effacée car il [Abi] veut une langue qui force au devoir et à la stricte obéissance »15 et non à l’expression de soi.

7Au sanatorium, Ati suspecte pour la première fois l’existence possible d’une frontière. Une telle découverte risque de contredire la thèse de l’empire, celle qui soutient fermement l’indélébile continuité de l’espace abistanais : Abistan ne serait donc pas le monde entier ? Qu’elles proviennent des délires de la pensée folle et solitaire du protagoniste ou d’un projet d’exploration secrètement élaboré, les échappées sont contrôlées par l’Appareil, le gouvernement totalitaire du système politique, social et religieux de la cité.

Une temporalité hors du temps

  • 16 P. Ricœur, op. cit., p. 362.

8Le personnage principal passe en revue un ensemble d’ingrédients qui fondent le totalitarisme de l’empire de l’Abistan. La Guerre sainte, le Char, le Mal en arabe mais aussi l’engin de guerre, semble être l’effigie de la rupture entre les deux états historique et géographique de la cité. Une pensée unique, un seul peuple, une seule langue, l’abilang, une codification à forte vocation d’homogénéisation et un marquage social indélébile, un ennemi absolu, invisible mais omniprésent, une seule et grande peur, constituent le butin accompli de cette victoire sur le passé. Paul Ricœur s’accorde avec Karl Mannheim au sujet de l’émergence de la pensée utopique : « Les utopies “sont nées et se sont maintenues en contre-utopies mutuellement antagonistes” » ; il poursuit : les « utopies pourront être typiquement des anti-utopies, parce qu’il y a un élément de contre-utopie dans chaque utopie »16. Abi et ses acolytes, en mettant en place un monde unique et parfait à leurs yeux, pensent réagir contre l’hégémonie d’une autre utopie, de facture occidentale cette fois-ci, qui, menaçant leur identité propre, voudrait les assimiler. Or, leur utopie, aussi totalitaire qu’elle puisse être, ne peut perdurer, et ils en sont conscients, que si le rappel de l’existence d’un ennemi extérieur martèle en permanence les esprits, ennemi certes invisible mais constamment présent, nouveau et malveillant.

  • 17 Dans sa fiction philosophique, Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche s’est inspiré du réformateur r (...)

9Ati prend conscience du nouveau mal rampant, envahissant dans les hauteurs à l’ombre du sanatorium. C’est donc dans la solitude caverneuse de l’hôpital où les horizons sont flous que la réflexion devient possible. Se détacher de la communauté horizontale est une condition pour méditer. L’auteur inverse le mythe de la caverne platonicienne à l’instar du Zarathoustra nietzschéen17. Le leurre se loge en dehors, la lumière surgit du dedans. Ati saisit à leur passage les récits ébruités par les pèlerins qui font halte à l’hôpital. Il s’évertue à récupérer les bribes de ces histoires sibyllines échangées à voix basse dans la plus grande discrétion des nuits froides après le couvre-feu. Redoutant de se voir soupçonnés de la Grande Mécréance ou encore d’être accusés d’appartenir à la secte honnie des makoufs, les Renégats propagandistes de l’hérésie, redoublent de méfiance à l’égard des arrivants.

  • 18 M. Brosseau, Des romans-géographes, Paris, L’Harmattan, 1996.
  • 19 2084, p. 29.

10C’est à partir donc de récits elliptiques que traversent des blancs narratifs que le tuberculeux fomente patiemment le projet de remplir, de lier, de reconstituer, de figurer, bref, comme le dit Marc Brosseau18, de faire de la géographie. Ce n’est pas à un effort de repérage que va se livrer le personnage mais à la saisie d’une nouvelle cartographie. La nature, dit-on, a horreur du vide ; le pays au demeurant inexploré, jaloux de tous ses mystères, favorise la propension à l’affabulation qui promeut Ati au rang d’une instance narrative locutrice. L’hôpital n’est-il pas le cadre idéal pour se refaire une santé, pour se restaurer ? Et Ati de souligner : « Sans témoin pour la raconter, l’Histoire n’existe pas ; quelqu’un doit amorcer le récit pour que d’autres le terminent »19.

  • 20 Ibid., p. 137.

11Sont tuberculeux tout autant le personnage que le temps de l’Abistan ; le temps semble retenir son souffle dans une inspiration interminable jusqu’à l’asphyxie. Synchrone et indivisible, « aujourd’hui est toujours aujourd’hui »20, il reste indéfiniment figé dans une atemporalité immuable où seul le « maintenant » est actualisable. Exclusivement aoristique, il scande des moments fortement liturgiques : les neuf prières, le jeûne et les huit jours d’abstinence absolue, le jobé (journée bénie pour choisir les candidats au pèlerinage), l’Examination (séances de l’inspection pour évaluer la foi des sujets et leur délivrer le liva, livre des valeurs qui est une sorte de pièce d’identité morale autorisant l’accès au paradis), le Core (conseil de redressement), une pléthore de sacrements mécaniques.

  • 21 Ibid., p. 95.

12Plus que résorbé, le temps privé est aboli et la marge de l’intime codifié s’aligne sur le temps sacré. Se déprendre de l’appétence chronophage du calendrier étatique est « un crime par la pensée »21, une revendication libérale de disposer de son temps, une hérésie impardonnable. Braver, quand bien même par inadvertance, ce diktat, expose – et fait exposer les siens – à la sanction. Dans l’univers d’Abi, on ne badine pas avec la ligne géographique. Si en traversant l’épaisseur des brouillards de l’Abistan, un cortège de pèlerins quitte le tracé de son chemin pourtant ponctué par les postes de sentinelles et les interminables barrages, les rescapés sont soit exécutés sur le champ soit martyrisés sur la place publique.

  • 22 P. Ricœur, op. cit., p. 363.

13L’utopie de l’Abistan relève de l’ordre de la transcendance, elle est foncièrement élitiste. Commentant le choix de Mannheim qui a préféré soumettre à l’analyse l’utopie de Thomas Münzer plutôt que celle de Thomas More, pourtant figure de proue du genre, Ricœur affirme que : « Le mouvement de Münzer est chiliaste : il s’oriente vers la réalisation d’un royaume millénaire venu du Ciel. L’élément transcendant se manifeste dans cette descente du Ciel vers la terre. Le chiliasme assure un point de départ transcendant à une révolution sociale fondée sur des motifs religieux »22. L’utopie d’Abi qui obéit à une organisation religieuse, redoute la brèche des temps futurs qui risquent de l’écrouler, d’éclater ses remparts. L’avenir a ce pouvoir transformateur tandis qu’Abi tente, par tous les moyens, de légitimer le pouvoir de sa domination.

L’espace sous la forme d’un échiquier

  • 23 Lieu de pèlerinage des croyants.
  • 24 2084, p. 34.

14L’espace de l’Abistan est organisé de la même manière que le temps. Comme les cases d’un échiquier, la cité est divisée en quartiers : S21, H43, A19… où chaque portion de l’espace est unique car coupée du reste du monde. L’épicentre de ce damier est la Kiiba23, le centre de l’univers. Les Vigiles ainsi que les portraits d’Abi exhibent l’omniprésence de l’Appareil : « La force de l’ubiquité c’est d’être en tout point le centre »24.

  • 25 Ibid., p. 173.
  • 26 Ibid., p. 121.
  • 27 G. Deleuze et F. Guattari, Mille plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 600.
  • 28 Abistani est selon l’auteur le pluriel de l’adjectif abistanais.
  • 29 R. Bouvet, « Chapitre V. Topographier pour comprendre l’espace romanesque », dans Id. et A. Camus ( (...)

15Seule la folie qui opère clandestinement autorise la découverte du multiple sous l’apparence de l’homogène, elle permet la figuration intuitive et discontinue de l’espace : « Derrière l’apparente uniformité des choses et des êtres, les gens étaient en vérité très différents et parlaient d’autres langues que l’abilang »25. Ati et son compagnon et collègue de bureau Koa, en partant à la découverte des ghettos des Renégats dits les Hors, ce qui signifie libres en arabe et aussi insoumis, les hors-la-loi, les exilés, cherchent comme dans le travail de la lecture à parvenir à établir une cohérence spatiale. Cette traversée dantesque s’est faite à bord d’une nacelle gouvernée par « un homoncule parfaitement nyctalope »26, une nouvelle version de La nef des fous de Jérôme Bosch. L’on quitte alors l’espace strié pour l’espace lisse des Mille plateaux de Deleuze et Guattari : « Dans l’espace strié on ferme une surface, et on la répartit suivant des intervalles déterminés, d’après des coupures assignées ; dans le lisse on distribue sur un espace ouvert, d’après des fréquences et le long des parcours (logos et nomos) »27. L’aventure des deux protagonistes lézarde le monument compact et uniforme de l’espace des abistani28 puisque leur expédition dans les sous-sols de la cité apporte un démenti au cadastrage de l’empire et montre bien qu’il est des lieux qui échappent à la carte officielle. Or, « le récit ne fait pas que décrire un lieu », écrit Rachel Bouvet, « il nous présente un acte de paysage en formation »29. Les deux aventuriers passent de l’ancrage géographique sur lequel leur regard se pose à un espace mental qui les projette sur ce qui se dérobe à leurs yeux. Leur imagination fait voler en éclat la délimitation topographique.

  • 30 B. Vergely, L’Espace intérieur : l’inouï de l’être, France culture, Youtube, édité par France cultu (...)
  • 31 P. Ricœur, op. cit., p. 357.

16Partir à la découverte des ghettos placés en dehors de la cartographie officielle libère les deux personnages de l’emprise de la coordonnée spatiale totalisante qui enferme l’existant dans un monde matriciel. Résumant les recherches de Bergson, Bernard Vergely écrit : « Quand l’homme veut dominer le monde au lieu de le vivre, il le spatialise, il le schématise, il le conceptualise afin de pouvoir ainsi dresser une technique susceptible de servir sa domination »30. La prise de conscience d’une variation de la donnée géographique mine le massif de l’indifférence de l’Appareil. Dès lors, le texte se déprend de la ligne droite de la narration, bifurque à son gré et envisage la possibilité de l’existence des lignes de fuite. Ricœur nous livre les deux modes de l’utopie développés par Mumford : « Dans son Histoire des utopies, Lewis Mumford tente de montrer qu’il existe au moins deux familles d’utopies qu’il est difficile de relier l’une à l’autre : il les appelle les utopies de fuite et les utopies de reconstruction »31.

17C’est aussi à une fuite générique que nous assistons dans 2084 : le texte escompte sortir du cadre du genre romanesque pour investir le genre théâtral. Ati, placé dans la confidence de la mort imminente du chef du gouvernement, est appelé à jouer un rôle dans une saynète imaginée par le chambellan du chef de l’État au moment où la crise politique est à son apogée et la ruée vers le pouvoir s’annonce des plus compétitives. Il doit se faire passer pour une autre personne afin de récupérer un rapport rédigé de la main de son ami et dans lequel beaucoup de vérités quant à la légalité du discours tenu par l’Appareil sont sujettes à caution. Au-delà des intrigues des courtisans se disputant la succession au poste de commandement de la cité, au-delà aussi des complots fomentés par les aspirants au pouvoir, ce jeu de rôle réactualise les personnages dans des histoires alternatives.

18Le retour à la normalité laisse penser cependant que l’on ne peut se libérer complètement de la trajectoire de la ligne narrative. Tel serait le destin de l’utopie entrevue par Ati ; celle-ci n’est autre chose qu’augmentation, que prolifération.

L’accident qui déterritorialise

  • 32 B. Westphal, La Géocritique. Réel, Fiction, Espace, Paris, Minuit, 2007, p. 35.

19La découverte d’un site archéologique, faite accidentellement par un groupe de pèlerins qui ont dévié de leur chemin, et aux fouilles duquel avait participé un autre personnage, Nas, devenu depuis lors sceptique, est un argument de plus, de trop, à l’encontre du cadastrage présumé de l’État de son territoire, autrement dit, de la totalité de l’univers. L’utopie d’Ati est nourrie par la simple faculté de réflexion et d’entendement ; elle néglige les valeurs qui fondent la société comme la cupidité, les rapports de force, la manigance et la convoitise. C’est pourquoi on voit souvent Ati, en homme éclairé, en train d’interroger les événements et de raisonner. Cette foi exaltée en l’intelligence fait fi de la réalité humaine. Sa vision du monde n’est pas théocratique mais rationnelle et intellectuelle. Le rapport confidentiel où Nas consigne qu’une ville est restée intacte en dépit de la Guerre sainte risque de compromettre les symboles de l’Abistan. Il fallait par conséquent « scénariser » cette découverte afin de l’articuler avec l’histoire du pays. Un nouvel ailleurs émerge de l’oubli, de l’histoire amnésique. « L’individu évolue », écrit Westphal, « dans un cadre dont la perception est maintenant du ressort de la géographie alors qu’elle fut auparavant l’apanage du discours historique »32.

20Cette découverte inédite est l’expression de l’hypothèse d’une utopie qui, loin de proposer une nouvelle construction d’une société idéale, n’est que la restitution d’une propriété du temps, longtemps dérobée, celle de son écoulement. Les résultats de l’expédition archéologique apportent un démenti à la restriction spatiale de l’Abistan, la cité découverte est une forme d’entropie qui perturbe la cohérence supposée de l’Appareil. Plus le pouvoir étatique s’essaye à la résolution de ce désordre en falsifiant l’archive mémorielle, plus il précipite sa perdition et fait peser la suspicion sur l’universalité de son monde.

  • 33 Ibid., p. 37.

21L’histoire, le temps, de même que l’espace, retrouvent leur caractère flottant, leur dessaisissement inhérent. Il appert que l’élément engendrant le désordre est lui-même générateur de l’ordre. La contre-utopie recèle dans ses entrailles, à l’état embryonnaire, le postulat d’une utopie. L’instable et le fuyant l’emportent sur le figé et l’universel. « À une temporalité déconstruite correspond l’éclatement spatial qui se traduit souvent par un investissement massif de la géographie »33, note Westphal.

22La fragmentation de l’histoire ouvre en conséquence la possibilité d’un déploiement dans un au-delà des bornes dans l’espace liminaire desquelles les délires d’Ati malade de liberté tentent de se construire un territoire, un espace propre de vie.

Habiter autrement le monde

23La contre-utopie de Sansal est un réquisitoire en acte contre une lecture statique de l’espace géographique arrimé à la monosémie du discours religieux. Panoptique, le temps abistanais achemine l’homme vers la divinité Yölah. L’espace est conçu selon un calendrier arrêté qui administre minutieusement les aller-retour vers l’observatoire de la Kiiba. Il bannit toute relation intersubjective, suspend toute velléité de partage avec autrui, préside sans concurrent possible au vécu quotidien de ses occupants. En déviant du tracé rectiligne de leur trajectoire, les pèlerins ont délocalisé l’espace. Une telle manœuvre augmente à coup sûr la vision étriquée qu’offre l’empire d’Abi de l’espace et dote le monde d’une nouvelle représentation en réponse à la compression spatiotemporelle de l’État. Le temps est démis de sa fonction structurante et centripète.

  • 34 Ibid., p. 30.

24Longtemps conçu comme une métaphore fluviale, suivant un cours d’écoulement horizontal, imperturbable, le temps est soumis par le personnage de Toz, un autre ami d’Ati, à une coupe sagittale. Ce personnage nostalgique d’un temps qui n’est plus cherche à reconstruire clandestinement un musée de la mémoire en agençant des salles auxquelles conduit un couloir rectiligne, des salles dont chacune représente un âge, une époque. Ces pièces sont conçues comme des lignes biographiques qui composent un vécu individuel allant de la naissance à la mort en traversant tous les domaines de connaissances et de pratiques des hommes disparus mais médusés par des objets hétéroclites. Le projet de Toz qui rêve de compiler les événements de l’histoire humaine dans des salles hermétiquement fermées, des séquences de vies juxtaposées et disparates, fonctionnant comme autant d’asyndètes alignées sans leur conférer un sens qui les rendrait intelligibles, est une forme de folie. L’histoire fut, si on voulait employer la métaphore de Westphal, pareille au dessin que l’on propose aux enfants : « elle passait par des points (les événements) qu’on reliait entre eux par l’intermédiaire d’une suite de numéros croissants (les dates) qui conféraient un sens, un ordre. À l’arrivée, on obtenait un superbe dessin, que l’on pouvait colorier au gré des idéologies »34. Il s’agit de relier des salles entre elles par le biais de tranches d’histoires pour enfin arriver à un ordre. Or, Toz endure le présent et espère un changement mais sans y participer effectivement. Son histoire relève plus d’un fantasme privé, d’une vocation de collectionneur configurant l’histoire en constellation que d’un geste transformateur de la réalité. Il omet de relier les points. Il ne prépare pas l’avenir mais s’extasie sur les objets du passé, les yeux rivés sur l’irréversible lointain. Les temporalités n’interagissent pas ; aucune dynamique ne constitue un concept opératoire ni stratégique. Le passé est d’autant plus figé, régressif que le présent d’Abistan est jalousement conservateur :

  • 35 P. Ricœur, op. cit., p. 365.

Le sens du temps de lutopie libérale est donné par sa vision de lhistoire comme analogue au déroulement de la vie individuelle, avec une enfance et un âge mûr, mais toutefois sans vieillesse ni mort. Lidée centrale est ici celle dune croissance vers la maturité. Cest une conception du progrès, laquelle est dirigée contre la sensibilité historique de lutopie chiliaste.35

  • 36 B. Westphal, op. cit., p. 30.
  • 37 Ibid., p. 37.

25« L’histoire », remarque Westphal, « est aussi le fruit d’une impression rétinienne qui instaure une relation oscillatoire entre ce qui a été et ce qui est »36. L’utopie de Toz est également un arrêt sur image nostalgique, où l’ici et le maintenant sont la réplique invariable de l’ailleurs, du passé et du futur. Le musée qu’il s’est inventé témoigne de son mal de vivre, le dehors est pour lui une scène sur laquelle il tient un rôle que l’État lui impose de jouer, le dedans est cet espace de vie qu’il voudrait authentique. Il ne cesse de jongler avec les deux modes d’existence. Westphal déduit de l’essai coécrit par Yuri Andrukhovych, Andrzej Stasiuk, Mon Europe, que « la vie n’est finalement que la recherche de prétextes qui nous permettent d’exister dans le temps et dans l’espace »37.

26Le texte découvre sa propre labilité et sa précarité inhérente : l’utopie est un état de devenir, un étant en quête de son agentivité, une hypothèse de relecture des dimensions de l’espace et du temps, une grille qui émancipe de la logique duale que trace la frontière. La folie d’Ati a fini par débusquer le piège de la fixité du temps et de l’espace mais reste, comme le texte de Sansal, extrêmement suggestive quant à son aboutissement. Il a réussi son dessein d’articuler un espace et un temps autrement que comprimés à outrance, autrement qu’entassés dans des coordonnées normatives.

27Quitter le carcan totalitaire, lunaire, puisqu’articulé sur le discours religieux de l’islam abistanais, est l’œuvre d’une hérésie qui imagine une modalité autre de la perception de la réalité et s’affranchit des systèmes communs de représentations. Si la folie est tenue pour égarement de la raison, elle permet néanmoins de traverser l’espace et le temps hors de leurs canons ; si elle anime doutes et suspicions, elle formule surtout une possibilité de dévoiement. Le choix de la ligne qui bifurque est un choix de vie et les délires d’Ati ne sont en fin de compte qu’une hypothèse d’agencement des espaces multiples, de raccord des temporalités différentes. Une telle approche de la dimension spatiotemporelle du récit fait la fortune d’une lecture erratique du texte. La folie du personnage, son insoumission à la loi gravifique de l’Appareil est extensible à l’imaginaire du lecteur.

  • 38 2084, p. 243.
  • 39 U. Eco, Lector in fabula, Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narra (...)

28L’utopie est une folie, une fracture heureuse, une césure bienveillante, mais aussi une continuité, telle la prière de l’aube, « elle marquait la fin de la nuit et le début du jour, tout un symbole »38, se disait Ati. C’est un plaidoyer à l’endroit d’une pensée nomade qui échappe à l’emprise de la lune où tout est gris, à la nuit monochrome du texte vers l’éclatant soleil du spectre des couleurs. La vacuité du blanc accueille toutes les histoires possibles donnant raison à Eco. Nous trouvons ici la version la plus aboutie du concept de la « fabula ouverte », « moins en arbre et plus rhizomatique »39.

  • 40 Ibid., p. 155.

Une fabula, poursuit-il, (même si on reste au modèle minimal) de ce genre nous ouvre, à la fin, différentes possibilités prévisionnelles, chacune étant en mesure de rendre cohérente (en accord avec quelques scénarios intertextuels) l’histoire toute entière, ou bien aucune n’étant capable de restituer une histoire cohérente.40

  • 41 P. Ricœur, op. cit., p. 361.

29Sansal laisse la presse de la propagande de l’Appareil proposer le scénario qui lui sied de la disparition d’Ati. Il ouvre le récit, en même temps qu’il ferme son texte, faisant de l’excipit le seuil d’une frontière présumée infranchissable puisqu’invisible. Il transmue son lecteur en auteur ou co-auteur pour construire lui-même sa propre utopie. Ricœur de son côté affirme que : « L’utopie est le discours d’un groupe, et non une œuvre littéraire flottant en l’air. Cette règle implique que l’individualité des auteurs s’efface. Si elle ne disparaît pas complètement, elle est du moins fort estompée »41.

30L’écriture est désormais un acte décentralisé ; elle explose le cadran de l’abilang trop monosyllabique, trop monosémique. Le texte à écrire, de même que l’utopie imaginée par Ati, n’ambitionne pas de recycler un monde, un déjà-là, il incorpore le creux de l’histoire blanche et invite le lecteur à démultiplier les représentations du réel. C’est l’espace du dedans exploré par Bachelard, un espace certes non encore formulé dans 2084, mais prometteur d’une richesse inépuisable et mystérieuse. L’espace du dehors se réduit en somme à un déclencheur circonstanciel de l’aventure de l’intériorité.

Conclusion

  • 42 2084, p. 315.

31Ati montre un chemin possible mais tait la destination en laissant le lecteur choisir de s’y engager ou non. Sansal dépeint l’utopie avec toutes les nuances des couleurs, la diversité des tons pour révéler son éclatant soleil et faire reculer le plus loin possible l’obscurité de la nuit. Moins un édifice à habiter, une illusion dans un monde désillusionné, l’utopie nous aide à nous réapproprier le monde et par la même voie notre propre intériorité. Au départ, coulée dans une démarche rationaliste, l’utopie d’Ati retourne à son état premier, à son sens purement émotionnel. C’est un hymne au libre arbitre, à l’expression d’une passion, « mais il faut laisser quelques secrets pour l’autre vie, si elle existe et s’il est permis de s’y exprimer »42. La parole est au lecteur, à lui de se ménager un espace d’intimité dans la géographie du monde.

Haut de page

Notes

1 G. Orwell, 1984, Paris, Gallimard, 1949.

2 B. Sansal, 2084. La Fin du monde, Paris, Gallimard, « Folio », 2015 (dorénavant 2084).

3 Ibid., p. 11.

4 B. Sansal, Gouverner au nom d’Allah. Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe, Paris, Gallimard, « Folio », 2013, p. 11.

5 Ibid., p. 20.

6 P. Ricœur, L’Idéologie et l’utopie, tr. fr. M. Revault D’Allonnes et J. Roman, Paris, Seuil, 1997, p. 356.

7 B. Westphal, « Pour une approche géocritique des textes », dans B. Westphal (dir.), La géocritique mode d’emploi, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2000, p. 17.

8 R. Bouvet, B. Lévy, « Littérature et géographie : dialogue autour du récit de voyage », dans Le Globe. Revue genevoise de géographie, 158, « Récits de voyage : Une géographie humaniste », 2018, p. 5-23, consulté le 22/07/2023, URL : https://www.persee.fr/doc/globe_0398-3412_2018_num_158_1_7722.

9 M. Brosseau, « Geography’s Literature », dans Progress in Human Geography, 18, 3, 1994, p. 333-353.

10 R. Bouvet, Conférence présentée à l’Université d’Angers par le laboratoire CERIEC (Centre d’études et de recherche sur imaginaire, écriture et cultures), 2013, consulté le 22/07/2023, URL : https://rachelbouvet.wordpress.com/2013/05/30/geopoetique-geocritique-ecocritique-points-communs-et-divergences/.

11 C. Leconte, C. Passard, « Avant-propos : Retour vers le futur ? La dystopie aujourd’hui », dans Quaderni, 102, 2021 ; consulté le 22/07/2023, URL : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/quaderni/1847.

12 Ibidem.

13 T. More, Utopie [Louvain, 1516], tr. fr. M. Delcourt, Paris, Flammarion, 2008.

14 2084, p. 314.

15 Ibid., p. 135.

16 P. Ricœur, op. cit., p. 362.

17 Dans sa fiction philosophique, Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche s’est inspiré du réformateur religieux perse du même nom (VIe siècle av. J.-C.) pour contrebalancer le mythe allégorique de la caverne de Platon. Retiré dans la solitude d’une caverne, le Zarathoustra nietzschéen a rejoint ses fidèles en les exhortant à demeurer attachés à la terre et à se méfier des pourvoyeurs de l’espérance supraterrestre qualifiant ses promoteurs d’empoisonneurs.

18 M. Brosseau, Des romans-géographes, Paris, L’Harmattan, 1996.

19 2084, p. 29.

20 Ibid., p. 137.

21 Ibid., p. 95.

22 P. Ricœur, op. cit., p. 363.

23 Lieu de pèlerinage des croyants.

24 2084, p. 34.

25 Ibid., p. 173.

26 Ibid., p. 121.

27 G. Deleuze et F. Guattari, Mille plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 600.

28 Abistani est selon l’auteur le pluriel de l’adjectif abistanais.

29 R. Bouvet, « Chapitre V. Topographier pour comprendre l’espace romanesque », dans Id. et A. Camus (dir.), Topographies romanesques, Rennes/Québec, Presses Universitaires de Rennes/Presses Universitaires de Québec, 2011, p. 79-91, p. 85.

30 B. Vergely, L’Espace intérieur : l’inouï de l’être, France culture, Youtube, édité par France culture, Paris, 11 mai 2017 ; consulté le 22/07/2023, URL : https://www.radiofrance.fr/franceculture/l-espace-interieur-l-inoui-de-l-etre-6635161.

31 P. Ricœur, op. cit., p. 357.

32 B. Westphal, La Géocritique. Réel, Fiction, Espace, Paris, Minuit, 2007, p. 35.

33 Ibid., p. 37.

34 Ibid., p. 30.

35 P. Ricœur, op. cit., p. 365.

36 B. Westphal, op. cit., p. 30.

37 Ibid., p. 37.

38 2084, p. 243.

39 U. Eco, Lector in fabula, Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs [Milan, 1979], tr. fr. M. Bouzareh, Paris, Éditions Grasset et Fasquelle, « Le Livre de Poche », 1985, p. 135.

40 Ibid., p. 155.

41 P. Ricœur, op. cit., p. 361.

42 2084, p. 315.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Boubker Bakhat Afdil et Mohammed Lakhdar, « L’utopie et l’anti-utopie dans le roman anticipatif de Boualem Sansal 2084. La fin du monde »Revue italienne d’études françaises [En ligne], 13 | 2023, mis en ligne le 15 novembre 2023, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/11784 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rief.11784

Haut de page

Auteurs

Boubker Bakhat Afdil

Mohammed Lakhdar

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search