Hétérolinguisme et polyphonie dans les fictions d’Irène Némirovsky
Résumés
À travers le prisme du concept d’hétérolinguisme littéraire, caractéristique d’écrivains vivant entre plusieurs langues, l’article propose une étude des divers degrés de présence des langues étrangères dans les romans et nouvelles publiés d’Irène Némirovsky. Alors qu’une grande partie de son œuvre met en scène des personnages étrangers (juifs et russes en particulier), les langues étrangères subissent généralement une ellipse, absorbées par le français de la narration, mais elles peuvent affleurer par des commentaires ou l’onomastique des personnages. On relève également des emprunts lexicaux et phraséologiques savamment dosés, attribuables soit au narrateur, qui se présente alors comme un passeur de cultures, soit aux personnages. L’anglais en revanche est la langue étrangère la plus largement citée et n’est pas nécessairement l’indice d’une altérité, comme le russe ou le yiddish, mais le signe d’une distinction sociale.
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Introduction
- 1 Voir O. Philipponnat, P. Lienhardt, La Vie d’Irène Némirovsky, Paris, Grasset/Denoël, 2007.
- 2 Certes, ses parents n’étaient pas français, parlaient surtout le russe et elle n’est pas née en Fra (...)
- 3 Valentina Chepiga a analysé les journaux intimes d’Irène Némirovsky dans lesquels figurent en parti (...)
1Née en Ukraine, alors province de la Russie, dans un univers plurilingue, Irène Némirovsky était polyglotte. Elle parlait le russe et le français naturellement, mais aussi couramment l’anglais et l’allemand, lanregues apprises par l’étude, et elle connaissait aussi un peu de yiddish, pour des raisons familiales, un peu de finnois, d’espagnol ou de basque, langues apprises pendant ses voyages, et certainement d’autres encore1. Parmi toutes ces langues, qui n’ont pas le même statut dans la biographie langagière d’Irène Némirovsky, le français, bien qu’il ne soit pas à proprement parler sa langue maternelle2 est pourtant sa langue préférée, celle qu’elle a choisie comme langue d’écriture3 et à partir de laquelle se définissent dans son œuvre les langues étrangères, objet de la présente étude.
- 4 Cette palette de nationalités est cependant plus large que les langues convoquées dans la fiction q (...)
- 5 L’œuvre d’Irène Némirovsky peut être divisée en deux phases : la première qui va jusqu’en 1935 où d (...)
- 6 Comme elle le déclarera au journaliste de Les Nouvelles littéraires pour le dossier « Les Conrad fr (...)
- 7 En marge du manuscrit de Le Vin de solitude, elle commente pour elle-même le développement du roman (...)
- 8 Voir R. Grutman, Des langues qui résonnent. L’hétérolinguisme au XIXe siècle québécois, Québec, Fid (...)
- 9 Par exemple : « Sardini ! Belli Sardini ! », I. Némirovsky, Le Vin de solitude, dans Ead., Œuvres c (...)
2Irène Némirovsky s’est par ailleurs fait connaître par des romans dont les personnages principaux sont étrangers, c’est-à-dire non-français, comme David Golder, Tatiana, Hélène, Ada et Ben, ou encore Léon M. de L’Affaire Courilof, Alfred Kampf… Ses nombreuses nouvelles regorgent de personnages étrangers, tant principaux que secondaires, qui dépeignent la « foule cosmopolite » de Paris ou des lieux de villégiature à la mode. En marge des personnages français, russes, ou juifs, qui sont les trois « nationalités » les plus fréquentes de ses personnages, son personnel romanesque est composé de personnages italiens, espagnols, allemands, finlandais, grecs, arméniens, polonais, anglais, américains, afro-américains (les « nègres » musiciens), tziganes, sud-américains, suisses, « levantins », d’« origines obscures »4, les personnages étrangers étant naturellement plus rares dans les récits qui dépeignent la société française de l’entre-deux-guerres5. Ces histoires de personnages étrangers sont « coulées dans un moule français »6, car Irène Némirovsky écrit et publie en France pour un lectorat français7. Tout lecteur d’Irène Némirovsky aura cependant entendu « les langues qui résonnent »8 dans ses textes, à travers des indices textuels, ou encore des mots, des phrases en « version originale » de différentes langues qui surgissent dans la narration. Les langues les plus présentes dans l’univers fictif d’Irène Némirovsky sont majoritairement l’anglais, le russe, le yiddish, l’allemand (en particulier dans Dolce), et plus occasionnellement l’italien, l’espagnol ou le provençal9, selon une géographie qui attribue à « l’Orient » le statut de l’altérité par excellence.
- 10 R. Grutman, « Les motivations de l’hétérolinguisme : réalisme, composition, esthétique », dans F. B (...)
- 11 Voir O. Anokhina, E. Sciarrino, « Plurilinguisme littéraire : de la théorie à la genèse », dans Gen (...)
- 12 Ainsi Rainier Grutman remarque à propos des écrivains translingues : « on constate une coupure entr (...)
- 13 V. Chepiga, « Les langues étrangères au service de l’écriture d’Irène Némirovsky », dans O. Anokhin (...)
- 14 Car « sous peine de perdre le lecteur, la “polyphonie” du monde représenté ne saurait être reprodui (...)
- 15 Voir S. R. Suleiman, The Nemirovsky Question, New Haven-London, Yale University Press, 2016, p. 154 (...)
- 16 Voir M. Suchet, L’Imaginaire hétérolingue. Ce que nous apprennent les textes à la croisée des langu (...)
3Le savant dosage de langues étrangères sous la plume d’Irène Némirovksy indique un travail de « textualisation d’idiomes étrangers »10, qui relève de ce que Rainier Grutman appelle l’hétérolinguisme. Il s’agit d’une stratégie textuelle, d’un effet spécifiquement littéraire, lié particulièrement au mimétisme du roman moderne, et, dans notre cas, à l’esthétique réaliste de Némirovsky. L’hétérolinguisme littéraire est caractéristique d’écrivains qui sont, en tant que sujets parlants, plurilingues, souvent en raison d’une trajectoire d’exil et de migration. Comme chez beaucoup d’autres écrivains plurilingues11 et/ou translingues12, les langues qui habitent l’écrivaine font partie intégrante du processus de création littéraire, nourri de son expérience de l’exil et de son vécu entre différentes cultures et langues. En effet, les études des manuscrits d’Irène Némirovsky ont mis au jour un travail de réflexions métalittéraires, de commentaires personnels en russe, de citations en anglais, qui s’effacent ensuite dans le texte publié : « la plupart du temps, les langues “étrangères” dont on trouve les traces dans ses documents de travail ne font pas (ou peu) partie de l’œuvre publiée alors même qu’[elles] constituent des outils précieux sollicités par Némirovsky tout au long de son processus de création »13. L’hétérolinguisme des textes définitifs est ainsi un phénomène discret, car la présence des langues « autres » est, dans un premier temps, limitée par la figure du lecteur idéal, destinataire des textes, et de ses compétences linguistiques14. Parler d’hétérolinguisme plutôt que de plurilinguisme à propos de l’écriture d’Irène Némirovsky a l’avantage de présenter l’élément hétéro- « autre », et exprime un concept apte à saisir le problème de l’altérité et du sentiment d’étrangeté qui parcourt l’œuvre némirovskienne15. L’hétérolinguisme construit en effet comme étrangers les idiomes qu’il intègre dans la langue matrice, redéfinissant constamment les frontières entre les langues et les identités16. Du point de vue de l’énonciation, les textes hétérolingues sont foncièrement polyphoniques, mêlant la voix du narrateur aux voix des personnages, qui renvoient à leur tour aux voix du monde.
- 17 R. Grutman, « Les motivations de l’hétérolinguisme », cit., p. 335.
4Dans les textes hétérolingues, les langues étrangères sont parfois simplement mentionnées ou bien peuvent faire « intrusion » dans la langue de la narration de différentes manières, selon la langue et sa fonction dans la narration17. Nous proposons ici un examen des différents degrés d’intégration des langues dans le français de la narration némirovskienne. Dans un premier temps, nous étudierons les différentes stratégies d’ellipse et d’évocation des langues, puis nous illustrerons diverses formes d’emprunts lexicaux ou phraséologiques, pour enfin nous concentrer sur le statut particulier de l’anglais, langue étrangère la plus présente dans les fictions d’Irène Némirovsky. En nous intéressant exclusivement aux versions publiées, en particulier des années 1930, nous essaierons de montrer comment les langues étrangères participent de la construction d’une image d’auteur comme passeur de cultures.
La mélodie des langues
- 18 S. R. Suleiman, « Famille, langue, identité. La venue à l’écriture dans Le Vin de solitude », dans (...)
- 19 M. Suchet, « La traduction, une éthique de la ré-énonciation », dans Nouvelle revue d’esthétique, 1 (...)
- 20 M. Stemberger, « “…vous appelez ça du ‘Nietchevo’ n’est-ce pas ?” Mise en scène de la langue “étran (...)
5Comme le remarque Susan Suleiman, les dialogues des personnages non-francophones ou plurilingues sont représentés « en traduction »18, comme des traductions sans original19, filtrés et recouverts par la voix du narrateur, et fonctionnent comme des « palimpsestes linguistiques », pour reprendre l’expression de Martina Stemberger20. Dans les nombreuses fictions dont l’action ou une partie de l’action est située hors de France, des dialogues entiers entre personnages étrangers sont en français, sans que la langue « originale » ne soit indiquée explicitement. La langue recouverte passe ainsi facilement inaperçue au lecteur, qui peut cependant l’inférer par des mentions indirectes. Nous citons ici un exemple parmi tant d’autres.
- 21 ŒC II, p. 520.
- 22 ŒC II, p. 644.
6Au deuxième chapitre de Les Chiens et les Loups, le père d’Ada raconte à Simon Arkadiévitch « une histoire juive »21 pour l’amadouer et annoncer de façon détournée à la petite Ada que sa tante et ses cousins vont venir vivre chez eux. C’est l’histoire d’un pauvre homme désespéré par l’exiguïté de son logement pour héberger sa famille nombreuse qui va voir un zadik, « un saint homme ». Ce procédé argumentatif renvoie à des genres discursifs culturellement marqués, ici une parabole, qui n’existerait pas en français. Ce dialogue, comme toute la première partie du roman, se passe à Kiev, dans les quartiers juifs où l’on parle russe et yiddish, comme il est rappelé lors de la confrontation finale entre Ben et Harry : « Sa rage éclata en imprécations, en injures, en cris. Les paroles qui sortaient de ses lèvres étaient mêlées de yiddish et de russe : Harry les comprenait à peine »22.
7De tels passages sont représentatifs de la discrétion de l’hétérolinguisme chez Némirovsky. L’ellipse des langues est ainsi un moyen de représenter l’altérité dans un autre univers, celui du roman français, tout en les évoquant.
- 23 « Se dit d’une voix rauque, âpre et comme enrouée. Se dit d’un son qui a de l’analogie avec une voi (...)
- 24 ŒC I, p. 110.
- 25 ŒC II, p. 465.
- 26 ŒC I, p. 238.
- 27 « L’homme murmurait en russe d’une voix terrifiée […]. Golder ne voyait qu’une espèce de long parde (...)
- 28 ŒC I, p. 309.
8Chez Némirovsky, l’adjectif « rauque »23 est récurrent pour désigner la sensation sonore d’une langue qu’on ne comprend pas, quelle que soit la langue entendue, et la nationalité du personnage. En français, « rauque » qualifie une voix « enrouée, rude, âpre », définissant un son plutôt désagréable ; appliqué à une langue étrangère, l’adjectif peut désigner des sons indistincts et une impression auditive, insistant sur la matérialité sonore des langues inconnues, sur l’effet d’étrangeté produit sur les personnages : ce que l’on ne connaît pas procure au premier impact une sensation désagréable mais captivante. Dans les occurrences que nous avons relevées, les langues étrangères sont décrites par un couple d’adjectifs évaluatifs : l’espagnol pour Yves Harteloup dans Le Malentendu, à propos de femmes qui « parlaient la langue “rude et rauque” qu’il ne comprenait pas alors »24, le finlandais pour la narratrice russe dans Aïno lorsque la finlandaise s’adresse à son fiancé mort « dans son langage “rauque et étrange” »25, ou encore dans L’Enfant génial quand Ismaël « causait avec le père [de Rachel] dans la langue yiddish, chantante et rauque, qu’il n’avait pas oubliée »26. Le commentaire sur la langue perçue peut être plus positif, comme pour les langues orientales. Le yiddish est défini « chantant » encore une fois lorsque David Golder reconnaît que le jeune immigré est juif à son « accent chantant » en russe27. Le russe de Genia, dans L’Ennemie, semble à la jeune Gabri en revanche une langue « sauvage et douce »28. L’emploi de l’adjectif « sauvage » est à rapprocher dans ce roman de la « sauvagerie » des chants tziganes, qui bouleversent la jeune fille par leur puissance mystérieuse.
- 29 Pour la veine comique d’Irène Némirovsky, voir T. M. Lussone, « Un roman sans “chichis”. Illusion c (...)
9Dans une veine plus satirique29, plus rarement – nous n’en avons trouvé que deux exemples dans des écrits de jeunesse – Irène Némirovsky se plaît à l’imitation d’accents étrangers, à travers le point de vue d’un personnage français. Dans Le Malentendu, Yves Harteloup se souvient des mots de son patron « un Juif aussi » :
- 30 ŒC I, p. 155-156.
« Mon cher Harteloup, ce qui vous manque c’est une goutte, une toute petite goutte de notre sang… »
Il revoyait le geste de la main molle et velue et l’accent tudesque :
« … Une coude, une doude bédide coude … ».30
- 31 « Langue germanique parlée au haut Moyen Âge » et « au fig., péj. Qui manque de finesse, d’élégance (...)
10L’adjectif « tudesque »31 indique, de manière péjorative, un accent yiddish. On retrouve la même stratégie dans la nouvelle Espoirs, lors d’un dialogue entre Vassili, émigré russe, et son patron, le Grec Papadakis :
- 32 ŒC I, p. 1862-1863.
Messiou Savine, dit-il d’une voix plaintive et suraiguë, qui surprenait, sortant de cet énorme corps envahi par la graisse. […] Messiou, mon cher messiou, dit le Grec qui commençait toujours ses phrases sur le ton de la plus grande politesse : est-cé qué vous voulez me faire crever de faim avec votre honnêteté ?!32
11Ici, l’identification de l’accent caricaturé se fait par la désignation du personnage en tant que grec. Les représentations des accents étrangers dans ces deux exemples accentuent la négativité des personnages, qui est associée à une maîtrise imparfaite du français et donc de leur non-intégration à la culture française.
- 33 P. Siblot, « Comme son nom l’indique… ». Nomination et production de sens, Thèse de doctorat d’État (...)
- 34 ŒC I, p. 366. En effet, birnbaum signifie « poirier » en allemand.
- 35 Jézabel, dans ŒC I, p. 1509.
12L’onomastique littéraire, en particulier les noms des personnages peut être considérée dans l’optique de l’hétérolinguisme, comme premier niveau d’affleurement explicite d’autres langues-cultures. Du point de vue sémantique, les anthroponymes, classe de nom propre et en tant que tels a priori dépourvus de contenu sémantique, ont pourtant une « signifiance » puisque selon Siblot, « inscrit dans des systèmes sociaux de classement, le Npr [nom propre] peut signifier une appartenance religieuse, un engagement idéologique ou, plus manifestement, une appartenance ethnique »33. Point d’ancrage réaliste dans la fiction littéraire, les noms des personnages, parce qu’ils sont créés de toutes pièces pour la fiction, sont parfois aussi porteurs de sèmes, d’éléments minimaux de sens. Ainsi, le radical anglo-saxon « gold- » du patronyme Golder est aisément décryptable par un lecteur francophone, et active l’isotopie de l’or qui domine le roman. La lisibilité de certains noms étrangers peut aussi servir la verve comique d’Irène Némirovsky, comme dans la scène des invitations dans Le Bal : « Le baron et la baronne Levinstein-Lévy, le comte et la comtesse du Poirier… – Ce sont Abraham et Rébecca Birnbaum, ils ont acheté ce titre-là, c’est idiot, n’est-ce pas de se faire appeler du Poirier ? »34. D’autres comme « Carmen Gonzales » (Jézabel), « Mrs Maynell » (Épilogue), « Dikran » (Ida), « Papadakis » cités précédemment, « Mme Schröder » (Affaire Courilof), « Dario Asfar », « Vassili », etc., servent plus simplement à assigner une origine au personnage ou caractériser un milieu cosmopolite (« Elles allaient en troupe de Cannes à Monte-Carlo, apparaissaient chez Mimi Meyendorff, puis chez Clara Mackay ou chez Nathalie Esslenko »35) et évoquent en même temps d’autres systèmes phonétiques.
- 36 Voir A. Kershaw, « A Russian Soul », dans op. cit., p. 68-98.
- 37 David Golder interpellé par un homme d’a ffaire russe, ŒC I, p. 529.
- 38 ŒC II, p. 518.
13Dans les histoires ou épisodes situés en Russie, l’onomastique russe si particulière pour des Français permet de situer dans un premier temps la fiction dans l’univers russe et de contribuer à la vraisemblance. Irène Némirovsky peut s’appuyer sur la connaissance de la littérature russe des lecteurs français de l’époque36. Il s’agit de l’utilisation du prénom suivi du patronyme (du nom du père) comme « Tatiana Ivanovna », « Nicolas Alexandrovitch » ou encore « David Issakitch »37, ou de diminutifs « Yourotchka », « Nianiouchka » dans Les Mouches d’automne, « Kolia », « Sacha » dans La Vie de Tchekhov. Cependant, à un autre niveau, en particulier dans les dialogues entre russophones « retranscrits » et présentés en français dans le texte, l’onomastique peut être considérée comme un marqueur de traduction, signalant que le dialogue a lieu en russe dans la fiction, comme dans les dialogues des premiers chapitres de Les Mouches d’automne. En tant que marqueur de traduction, l’onomastique peut également indiquer aussi la traduction littérale de certaines « formules slaves » telles « Que Dieu te protège » ou dans Les Chiens et les loups, « Que Dieu me tue à cette même place si je mens ! »38.
14L’onomastique russe, les formules slaves ou encore les paraboles sont autant d’indices d’autres univers discursifs et accentuent la figure du narrateur en tant que passeur de cultures. En recourant à différentes stratégies d’ellipse des langues étrangères parlées par les personnages, la narration tend à gommer leur étrangeté/altérité langagière pour se concentrer sur leur psychologie, conformément à l’esthétique littéraire de l’auteur, et à la fois à effacer les frontières délimitées par la différence des langues.
Les emprunts lexicaux et phraséologiques
15Si la plupart du temps les langues maternelles ou d’échange entre les personnages sont recouvertes par la voix du narrateur, certains énoncés en langue étrangère font irruption dans les textes, sous forme de mots ou de phrases, rarement au-delà, comme des « échantillons » de langue.
- 39 ŒC II, p. 846.
- 40 ŒC II, p. 516.
- 41 ŒC I, p. 521.
16Certaines touches de langues étrangères sont le fait du narrateur, à travers le recours au code-switching, c’est-à-dire la présence dans un même énoncé de langues différentes, qui prend principalement la forme des emprunts lexicaux. Insérés la plupart du temps sans commentaires, quelques rares fois avec des notes en bas de page, les emprunts lexicaux dans les textes d’Irène Némirovsky sont majoritairement des noms communs en russe, généralement plus du fait du narrateur que des personnages. Ces mots fonctionnent comme des xénismes qui désignent un objet du monde inexistant dans la langue-culture d’arrivée. La Vie de Tchekhov, vie romancée d’Anton Tchekhov qui a certes une visée didactique, présente ainsi un savant dosage de mots russes, donnés au compte-goutte, comme dans cet exemple : « Tout était très bon : de petits champignons, des harengs, des zakouskis, de merveilleux petits pâtés qui fondaient dans la bouche, un esturgeon, de la viande avec des légumes et une glace au chocolat »39. En effet, zakouski est parmi les plats russes listés ici le seul désigné par son nom russe et le seul emprunt lexicalisé en français présent dans les dictionnaires de l’époque. Plus généralement, dans le livre, des quatorze emprunts que nous avons relevés, seuls trois sont absents des dictionnaires de l’époque, témoignant de la finesse de l’évaluation des connaissances du lectorat français auquel elle s’adresse. On retrouve ce même type d’emprunt imputable au narrateur dans Les Chiens et les Loups par exemple, avec des mots yiddish cette fois, suivis d’une glose : « Le père d’Ada, Israël Sinner, faisait partie de cette confrérie des “maklers”, des intermédiaires »40, comme « zadik, un saint homme »41, peiss suivi d’une glose explicative « courtes mèches bouclées » ou encore geschäft, accompagné d’une note en bas de page : « “Affaire”, en yiddish ». Cette note en bas de page, exceptionnelle chez Némirovsky, permet à l’auteur de faire intrusion dans la narration et d’indiquer ses connaissances. Comme l’analyse Angela Kershaw, Irène Némirovsky a su jouer de ses origines russes et juives pour se faire une place dans le champ littéraire de son époque, en s’insérant dans le courant de la mode russe et de l’intérêt pour l’Europe orientale en général. Cette revendication se retrouve dans le choix de son nom d’écrivain : elle a francisé son prénom, mais n’a pas changé son nom de famille, s’inscrivant dans un double horizon littéraire, légitimant également les choix des thématiques qu’elle affronte. Elle montre ainsi une certaine fierté de ses connaissances d’autres langues et d’autres cultures, dont elle tire son inspiration, comme Hélène dans Le Vin de solitude :
- 42 ŒC I, p. 1222.
[Hélène] tenait la main de Mademoiselle Rose, et elle regardait tous ces visages qui passaient, imaginait pour chacun d’eux un nom, un passé, leurs haines, leurs amours différentes. Elle songeait avec orgueil : « En Russie, ils ne comprendraient pas la langue du pays. Ils ne sauraient pas ce que pense un marchand, un cocher, un paysan… Moi, je le sais… Mais eux aussi je les comprends… […] ».42
- 43 ŒC I, p. 443.
- 44 ŒC I, p. 301.
- 45 ŒC II, p. 1755.
17Les emprunts lexicaux provenant des personnages fonctionnent différemment. Il s’agit pour la plupart d’emprunts occasionnels, c’est-à-dire dont l’usage est éphémère et personnel, caractéristique des sujets bilingues ou vivant entre plusieurs langues, qui semblent venir spontanément dans la bouche des personnages. Ils permettent de suggérer et d’évoquer le bilinguisme d’un personnage comme par exemple : « Écoute, chica »43 dit par Hoyos à Joyce dans David Golder ou Adelina dans L’Ennemie : « Vous allez faire danser ces deux jolies filles, caro mio ? Celle-ci s’appelle signorina Roberte, et celle-là signorina Gabriella »44, ou encore Bruno dans Suite Française : « Mais j’étais amoureux… Ach, Liebe… »45.
- 46 « La chance des Juifs ! », dans ŒC I, p. 447.
- 47 ŒC I, p. 542.
- 48 Cf. ŒC I, p. 1629, « Ah !... Kid ? » : il s'agit probablement d'une coquille, déjà présente dans l' (...)
18Intervenant dans les dialogues, quelques formules étrangères ou quelques exclamations sont données en langue originale, notamment les expressions en yiddish, qui sont assez rares pour être relevées ici. On les rencontre dans la bouche de personnages juifs bien sûr, comme Fischl commentant à Golder son succès dans les affaires par « Iddishe glick »46, sans traduction, instaurant un rapport de connivence entre les personnages. Plus significatif comme effet de connivence encore, la question « A yid ? » (« Vous êtes juif ? ») qui apparaît à deux reprises, dans David Golder lorsque Golder s’adresse au jeune émigrant sur le bateau qui le ramène en Europe pour sauver sa fille47 et dans la nouvelle Fraternité en 1937, lorsque le pauvre Rabinovitch rencontre le riche et assimilé Rabinovitch sur le quai d’une gare48.
L’anglais
- 49 Le Bal, dans ŒC I, p. 370. Ici, comme dans les citations suivantes, l’italique est de l’auteur.
- 50 ŒC I, p. 1102.
19De toutes les langues présentes ou suggérées dans les fictions d’Irène Némirovsky, l’anglais est de loin la langue la plus parlée par ses personnages, qu’ils soient anglophones ou non, et offre un vaste échantillonnage, allant du simple emprunt à un ensemble de phrases, qui ne sont jamais traduites. On trouve bien sûr l’anglais des gouvernantes, « What’s the matter with you, child ? Are you ill ? » demanda l’Anglaise. […] Oh ! dear, dear c’est bien laid, une petite fille qui boude »49, ou des personnages américains : « les paroles échangées dans une avant-scène entre deux vieilles Américaines sourdes, plâtrées de rouge et de blanc de céruse : « […] My dear !... She is too wonderful ! She doesn’t look a day older than fifty ! »50.
- 51 ŒC I, p. 455 ; p. 527.
- 52 ŒC I, p. 472.
- 53 ŒC I, p. 882.
- 54 ŒC I, p. 844.
20Le recours à l’anglais est cependant typique des jeunes gens à la mode chez Irène Némirovsky, comme Joy qui appelle son père « Dad » ou qui utilise des mots doux et caressants « poor old dad », « daddy darling »51 ou encore lorsqu’elle rapporte une phrase du Prince de Galles : « J’ai entendu comme il disait à Maria-Pia “It’s the loveliest girl I’ve er seen” »52. Christiane, personnage particulièrement prétentieux de la nouvelle Les Rivages heureux, s’adresse à sa mère en anglais pour lui signifier son mépris et appelle son fiancé Gérard « Jerry ». De même, dans Le Pion sur l’échiquier, Philippe s’adresse à son père en l’interpellant en anglais : « Tu ne fais pas de vitesse, toi, au moins, good boy… »53. Christophe, toujours dans Le Pion, s’exprime lui aussi directement en anglais, « Never mind, old fellow !... Cheer up ! »54.
21Dans la nouvelle Nativité, le mot anglais ugly revient comme un leitmotiv et qualifie l’atmosphère de la nouvelle et l’événement qui la constitue. Il apparaît une première fois au début de la nouvelle, lorsque la jeune protagoniste Yvonne rentre dans sa famille :
- 55 ŒC I, p. 817.
« Ugly », murmura Yvonne, qui apprenait l’anglais à Saint-Omer ; mais ses parents et son fiancé ignoraient les langues étrangères ; ainsi, parfois, le parlait-elle seule, et elle éprouvait une sensation délicate et compliquée, faite d’orgueil et d’un mépris léger. 55
- 56 M. Deguy, « Ma langue », dans Po&sie, 163, 2018, p. 126.
22L’expression « ugly, ugly » réapparaît dans la bouche d’Yvonne au moment central de la mort en couche de sa sœur. Le mot anglais semble s’imposer en raison de sa charge expressive et subjective, comme l’expression la plus juste et la plus directe du sentiment du personnage, quand, pour le dire avec Michel Deguy, « le son de la chose fait sens juste »56.
- 57 ŒC I, p. 1275-1276.
- 58 ŒC I, p. 1234.
- 59 ŒC I, p. 520.
- 60 ŒC I, p. 558.
23La maîtrise de l’anglais est également une caractéristique des « Juifs “de bonne famille” (ceux qui parlaient anglais entre eux et suivaient avec une orgueilleuse humilité les rites de leur religion) »57, comme le précise le narrateur dans Le Vin de solitude, comme Max qui commente l’éducation qu’il a reçue « English education, you know… Cold baths and bare knees and not encouraged to be sorry for themselves… »58. De même Tübingen dans David Golder : « Certes si c’est l’Amrum qui obtient la concession, I’ll be damned si ça vaudra même ça… »59, offrant un rare cas de code switching interphrastique. Cette distinction sociale de l’anglais se retrouve aussi chez les aristocrates russes qui s’expriment occasionnellement en anglais comme Nicolas Alexandrovich citant le proverbe « Children will grow, and old people will fret… »60 dans Les Mouches d’automne. Enfin, l’anglais est la langue des chansons qui constituent la bande-son de plusieurs des fictions de Némirovsky.
24Ainsi, dans Le Pion sur l’échiquier, la chanson d’un certain Dean Martin « Let’s put out the lights » qui date de 1932, quasi contemporaine de la date de composition de Le Pion sur l’échiquier, ponctue la narration :
No more money in the bank
No cute baby we can spank
Oh, what to do? Oh, what to do ?
Put out the lights and go to bed.
- 61 ŒC I, p. 908.
- 62 ŒC I, p. 920.
- 63 Voir P. Szendy, Tubes. La philosophie dans le juke-box, Paris, Éditions de Minuit, 2008.
Ce couplet de la chanson est cité deux fois dans le roman ; la première fois61, elle est sifflotée par Christophe : les paroles ne sont là en quelque sorte que pour suggérer la mélodie et faire entendre la musique ; ensuite dans un bar, Christophe demande au « nègre » de jouer « sa chanson préférée »62. Le couplet de la chanson clôt alors le chapitre, après des réflexions découragées de Christophe. La chanson ici n’est pas chantée ou reprise par le personnage, mais plutôt entendue, car il s’agit de la voix du musicien qui interprète et extériorise. Ensuite le refrain « oh, what to do ? » revient régulièrement dans les pensées de Christophe, à la manière d’un « vers d’oreille »63, traduisant son inquiétude et ses tourments. La citation de la chanson relève ici d’un dispositif énonciatif particulièrement polyphonique, puisqu’elle permet d’exprimer l’état d’âme du personnage à travers des mots qui ne lui appartiennent pas, superposant dans un même énoncé la voix du chanteur, la voix du personnage et la voix du narrateur. Par ailleurs, les chansons sont une ouverture vers les discours circulant dans une société à un moment donné, et esquissent l’espace d’un discours populaire, comme un bruit de fond, qui fait entendre la voix d’une époque.
Conclusion
25Les langues étrangères affleurent ainsi à différents niveaux dans les textes d’Irène Némirovsky, du plus souterrain au plus explicite. Il semble possible de faire une différence entre le russe et le yiddish et les autres langues. Les emprunts sont rarement le fait du narrateur, sauf justement pour les mots russes ou yiddish désignant des réalités supposées inconnues du lecteur, ce qui contribue à dessiner l’image d’un auteur ayant des compétences spécifiques que le lecteur ne possède pas. La plupart des dialogues en russe sont en traduction, et évoqués d’une manière ou d’une autre par des précisions du narrateur, ou encore par les noms des personnages, ou encore par l’intrusion de quelques formules traduites littéralement. Les mentions directes de ces deux langues restent globalement rares. En revanche, la langue la plus visible est l’anglais, à tous les niveaux, de l’emprunt lexical à des citations plus amples, comme si l’anglais était plus acceptable dans une fiction française, aussi parce qu’il est supposé connu du lecteur.
- 64 Voir V. Chepiga, « Les langues étrangères au service de l’écriture d’Irène Némirovsky », art. cit.
- 65 M. Suchet, art. cit., p. 31.
26Les langues étrangères les plus représentées dans les fictions d’Irène Némirovsky sont ainsi l’anglais et le russe, deux langues qu’elle maîtrisait, mais en proportion inverse par rapport à ses manuscrits64. Cette différence entre son style de genèse et ses textes publiés montre à quel point son image d’auteur, à travers la figure du narrateur, est construite en fonction d’une idée très précise qu’elle se fait de son lecteur idéal et de ses compétences linguistiques. Comme le défend Myriam Suchet, « en tant que stratégie de relation à l’altérité linguistique, l’hétérolinguisme invite à considérer le texte comme le produit d’une énonciation »65, supposant un locuteur et un allocutaire, où l’image de soi de l’auteur est indissociable d’une représentation du lecteur, qui s’inscrit très précisément dans le texte, ici dans le dosage des langues étrangères, la plupart du temps évoquées plus que mentionnées.
- 66 Voir V. Jouve, L’effet-personnage dans le roman, Paris, Presses Universitaires de France, 1998.
27Il est clair que dans la démarche d’Irène Némirovsky, la motivation principale de l’hétérolinguisme de ses textes est une motivation de type réaliste, de vraisemblance. L’intrusion des langues étrangères est toujours motivée du point de vue de la fiction, les mots ou expressions russes apparaissent dans la bouche de personnages russes, les personnages juifs prononcent des mots en yiddish, les jeunes français parlent et comprennent l’anglais. La langue est un élément essentiel de l’identité des personnages. Il s’agit aussi de faire entendre la « polyphonie du monde », de représenter « la foire cosmopolite » de Paris, ou de Biarritz, une manière de caractériser les personnages et aussi de matérialiser textuellement leur altérité. L’hétérolinguisme participe pleinement de l’illusion référentielle, et ajoute des « effets de réel » à la narration et des « effets de vie »66 aux personnages. Les langues étrangères peuvent aussi avoir une fonction de type compositionnelle dans l’économie du récit, comme par exemple le « ugly » d’Yvonne. Mais le recours aux langues étrangères relève également d’une motivation d’ordre esthétique, étant donné qu’il s’agit toujours d’un choix ou d’une stratégie proprement textuelle. Les mots ou phrases en langue étrangère ne sont presque jamais traduits : ils provoquent ainsi un effet de dépaysement et « désémantisation » pour le lecteur : comme si la matérialité sonore de la langue était à certains moments plus signifiante que le contenu sémantique de ces énoncés. Cet hétérolinguisme est une des caractéristiques du style, du « son » de l’écriture d’Irène Némirovsky, qui rapproche son écriture de celle des écrivains de l’exil. Il y a chez elle une orchestration des langues, savamment étudiée, en fonction du lectorat à qui elle s’adresse, et qui participe à la projection de l’image d’un auteur « polyglotte » ; c’est-à-dire que l’hétérolinguisme montré est une manière de suggérer le plurilinguisme de l’auteur, ce qui d’un côté légitime les choix des récits et de l’autre exhibe une compétence qui la distingue des auteurs « banalement » français. L’hétérolinguisme est enfin la manifestation textuelle de l’altérité en soi et d’une altérité singulière, celle d’Irène Némirovsky dont le français est traversé par une présence de l’autre qui vient troubler l’unité de surface de la langue d’écriture.
Notes
1 Voir O. Philipponnat, P. Lienhardt, La Vie d’Irène Némirovsky, Paris, Grasset/Denoël, 2007.
2 Certes, ses parents n’étaient pas français, parlaient surtout le russe et elle n’est pas née en France, mais elle s’exprime spontanément en français depuis sa plus tendre enfance avec les membres de sa famille, et c’est la langue qu’elle transmettra à ses enfants.
3 Valentina Chepiga a analysé les journaux intimes d’Irène Némirovsky dans lesquels figurent en particulier des poèmes en russe, témoignant donc d’une tentative d’écriture dans une autre langue que le français. Voir V. Chepiga, « Irène Némirovsky et la langue russe », dans Modern History of Russia, 3, 2012, p. 138-146. Nous considérons cependant que le français est sa langue de plume, au travers de laquelle elle forge son identité de femme de lettres.
4 Cette palette de nationalités est cependant plus large que les langues convoquées dans la fiction qui sont majoritairement, comme nous le verrons, le russe et l’anglais.
5 L’œuvre d’Irène Némirovsky peut être divisée en deux phases : la première qui va jusqu’en 1935 où dominent les thèmes juifs et russes, et une deuxième qui s’ouvre avec Le Pion sur l’échiquier, où ses romans s’attachent à décrire la société française, avec l’exception notable de Les Chiens et les Loups de 1940. Voir A. Kershaw, Before Auschwitz. Irène Némirovsky and the Cultural Landscape of Inter-war France, New-York-London, Routledge, 2010, p. 10-12.
6 Comme elle le déclarera au journaliste de Les Nouvelles littéraires pour le dossier « Les Conrad français » paru le 6 avril 1940, pendant qu’elle achève La Vie de Tchekhov : « Je m’efforce de couler dans une forme française, c’est-à-dire claire et ordonnée et aussi simple que possible, un fond qui est naturellement encore un peu slave ».
7 En marge du manuscrit de Le Vin de solitude, elle commente pour elle-même le développement du roman en ces termes : « Évidemment, se laisser aller au courant de la plume pour écrire l’histoire d’une famille, d’une enfant, avec des types bien marqués, une atmosphère étrangère et lointaine, ce serait bien si je n’avais pas à gagner ma vie. Mais j’écris en français, j’ai donc besoin de lecteurs français […] », cité par E. Quaglia, « Le style de genèse d’Irène Némirovsky : des brouillons palimpsestes », dans Approches, 180, 2019, p. 57-71, p. 64.
8 Voir R. Grutman, Des langues qui résonnent. L’hétérolinguisme au XIXe siècle québécois, Québec, Fides, 1997.
9 Par exemple : « Sardini ! Belli Sardini ! », I. Némirovsky, Le Vin de solitude, dans Ead., Œuvres complètes, éd. O. Philipponnat, Paris, Librairie générale française, « La Pochothèque », 2011, t. I, p. 1223. Cette édition est la référence utilisée ici pour la citation des textes d’Irène Némirovsky ; dorénavant, pour les deux volumes qui composent l’ouvrage, nous abrégeons comme suit : ŒC I et ŒC II.
10 R. Grutman, « Les motivations de l’hétérolinguisme : réalisme, composition, esthétique », dans F. Brugnolo, V. Orioles (dir.), Eteroglossia e plurilinguismo letterario, Roma, Il Calamo, 2002, p. 329-349.
11 Voir O. Anokhina, E. Sciarrino, « Plurilinguisme littéraire : de la théorie à la genèse », dans Genesis, 46, 2018, p. 7-10.
12 Ainsi Rainier Grutman remarque à propos des écrivains translingues : « on constate une coupure entre la vie et la littérature, entre la biographie et les langues mobilisées dans la trajectoire d’écrivain. Beaucoup d’auteurs passent d’une pluralité d’idiomes parlés (et même écrits, dans la correspondance p. ex.) à une langue d’écriture exclusive, à une carrière monolingue », R. Grutman, « Quid du translinguisme ? », dans O. Anokhina, A. Ausoni (dir.), Vivre entre les langues, écrire en français, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2019, p. 84.
13 V. Chepiga, « Les langues étrangères au service de l’écriture d’Irène Némirovsky », dans O. Anokhina et A. Ausoni (dir.), op. cit., p. 48.
14 Car « sous peine de perdre le lecteur, la “polyphonie” du monde représenté ne saurait être reproduite dans l’univers représentant, mais plutôt évoquée à l’aide de quelques touches soigneusement apportées », R. Grutman, « Effets hétérolingues dans le roman québécois du XIXe siècle », dans Littérature, 101, 1996, p. 40-52, p. 41.
15 Voir S. R. Suleiman, The Nemirovsky Question, New Haven-London, Yale University Press, 2016, p. 154-172.
16 Voir M. Suchet, L’Imaginaire hétérolingue. Ce que nous apprennent les textes à la croisée des langues, Paris, Classiques Garnier, 2014.
17 R. Grutman, « Les motivations de l’hétérolinguisme », cit., p. 335.
18 S. R. Suleiman, « Famille, langue, identité. La venue à l’écriture dans Le Vin de solitude », dans Roman 20-50, 54, 2012, p. 57-74, p. 67.
19 M. Suchet, « La traduction, une éthique de la ré-énonciation », dans Nouvelle revue d’esthétique, 1, 2009, p. 31-35, p. 31.
20 M. Stemberger, « “…vous appelez ça du ‘Nietchevo’ n’est-ce pas ?” Mise en scène de la langue “étrangère” chez Irène Némirovsky », dans E. Enderlein, L. Mihova (dir.), Écrire au féminin dans le monde slave au XXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 55-84, p. 62.
21 ŒC II, p. 520.
22 ŒC II, p. 644.
23 « Se dit d’une voix rauque, âpre et comme enrouée. Se dit d’un son qui a de l’analogie avec une voix rauque », Larousse, Dictionnaire universel du XIXe siècle.
24 ŒC I, p. 110.
25 ŒC II, p. 465.
26 ŒC I, p. 238.
27 « L’homme murmurait en russe d’une voix terrifiée […]. Golder ne voyait qu’une espèce de long pardessus traînant jusqu’à terre, mais il reconnaissait bien cet accent chantant qui modulait les paroles comme une mélopée », ŒC I, p. 542.
28 ŒC I, p. 309.
29 Pour la veine comique d’Irène Némirovsky, voir T. M. Lussone, « Un roman sans “chichis”. Illusion comique et réalité tragique dans la deuxième version de Suite française », dans Approches, 180, 2019, p. 89-103.
30 ŒC I, p. 155-156.
31 « Langue germanique parlée au haut Moyen Âge » et « au fig., péj. Qui manque de finesse, d’élégance ; qui est grossier, brutal », dans Trésor de la langue française, ad vocem : URL : https://www.cnrtl.fr/definition/tudesque.
32 ŒC I, p. 1862-1863.
33 P. Siblot, « Comme son nom l’indique… ». Nomination et production de sens, Thèse de doctorat d’État en Sciences du langage sous la direction de P. Dumont, Université Montpellier III, soutenue en 1995, cité par S. Leroy, « “Les prénoms ont été changés”. Pseudonymisation médiatique et production de sens des prénoms », dans Cahiers de sociolinguistique, 1, 2006, p. 27-40. Voir également Y. Baudelle, « Contribution à une sémantique des noms propres : le cas de l’onomastique romanesque », dans M. Noailly (éd.), Nom propre et nomination, Paris, Klincksieck, 1995, p. 169-180.
34 ŒC I, p. 366. En effet, birnbaum signifie « poirier » en allemand.
35 Jézabel, dans ŒC I, p. 1509.
36 Voir A. Kershaw, « A Russian Soul », dans op. cit., p. 68-98.
37 David Golder interpellé par un homme d’a ffaire russe, ŒC I, p. 529.
38 ŒC II, p. 518.
39 ŒC II, p. 846.
40 ŒC II, p. 516.
41 ŒC I, p. 521.
42 ŒC I, p. 1222.
43 ŒC I, p. 443.
44 ŒC I, p. 301.
45 ŒC II, p. 1755.
46 « La chance des Juifs ! », dans ŒC I, p. 447.
47 ŒC I, p. 542.
48 Cf. ŒC I, p. 1629, « Ah !... Kid ? » : il s'agit probablement d'une coquille, déjà présente dans l'édition de Fraternité en revue (Gringoire, 5 février 1937, p. 8). En effet, on lit bien « Yid » dans le manuscrit de la nouvelle conservé à l'IMEC (cote 273ALM/2999/13). Nous remercions Teresa Lussone pour ces précieuses informations.
49 Le Bal, dans ŒC I, p. 370. Ici, comme dans les citations suivantes, l’italique est de l’auteur.
50 ŒC I, p. 1102.
51 ŒC I, p. 455 ; p. 527.
52 ŒC I, p. 472.
53 ŒC I, p. 882.
54 ŒC I, p. 844.
55 ŒC I, p. 817.
56 M. Deguy, « Ma langue », dans Po&sie, 163, 2018, p. 126.
57 ŒC I, p. 1275-1276.
58 ŒC I, p. 1234.
59 ŒC I, p. 520.
60 ŒC I, p. 558.
61 ŒC I, p. 908.
62 ŒC I, p. 920.
63 Voir P. Szendy, Tubes. La philosophie dans le juke-box, Paris, Éditions de Minuit, 2008.
64 Voir V. Chepiga, « Les langues étrangères au service de l’écriture d’Irène Némirovsky », art. cit.
65 M. Suchet, art. cit., p. 31.
66 Voir V. Jouve, L’effet-personnage dans le roman, Paris, Presses Universitaires de France, 1998.
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Référence électronique
Sarah Nora Pinto, « Hétérolinguisme et polyphonie dans les fictions d’Irène Némirovsky », Revue italienne d’études françaises [En ligne], 13 | 2023, mis en ligne le 15 novembre 2023, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/11550 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rief.11550
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