Irène Némirovsky et la « génération inaperçue » des écrivains russes de Paris : une prise de distance mutuelle ?
Résumés
Cet article s’intéresse aux liens éventuels qu’il y a entre Irène Némirovsky et le monde des émigrés russes à Paris, au sein duquel celle-ci était considérée comme « une écrivaine française » à part entière. Au fil d’une comparaison de sa biographie avec celle d’autres écrivains russes émigrés qui appartiennent à la même génération qu’elle, on propose quelques considérations préparatoires à une étude future sur la réception de son œuvre dans le circuit culturel de l’émigration russe.
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- 1 I. Nemirovskaâ, David Golder, tr. russe N. Polynskaâ, Riga, Kniga dlâ vseh, 1930 ; Ead., Osennie mu (...)
- 2 I. Nemirovski, Francuzskaâ sûita, tr. russe E. et M. Koževnikova, Moskva, Tekst, 2006 ; Ead., Vlast (...)
- 3 Ead., Bal. Žar krovi, cit.
- 4 Ead., Ida, tr. fr. M. Rubins, dans Novyj Žurnal, 291, 2018.
- 5 M. Rubins, « Irèn Nemirovski. Strategii interpretaсii », dans Novyj žurnal, 253, 2008, consulté le (...)
1Contrairement à ce qui s’est passé en Occident, l’intérêt des critiques russes pour la vie et l’œuvre d’Irène Némirovsky, à qui la Russie a pourtant donné naissance en 1903, se fait rare. Des traductions russes de ses œuvres ont paru, soit immédiatement après leur publication entre 1930 et 19311, soit depuis 20062, mais en termes de quantité, elles sont incomparables à celles qui ont été publiées dans les pays occidentaux. Ces dernières années, ont vu le jour un certain nombre de travaux scientifiques qui dévoilent des aspects nouveaux de sa biographie ou certains éléments de son art, mais ils sont sporadiques, et indépendants de véritables projets de recherche sur la production de l’écrivaine, dont le nom se retrouve dans la documentation russe aussi bien sous sa forme originale, Ирина Немировская (Irina Nemirovskaâ), que dans la transcription cyrillique de la forme française, Ирен (ou Ирэн) Немировски (Irèn Nemirovski). Il n’est donc pas excessif d’affirmer que l’attitude des Russes à son égard se situe entre le désintérêt et l’ostracisme, à l’instar d’autres écrivains émigrés qui ont délaissé leur langue maternelle. Si l’on exclut les introductions aux nouvelles éditions russes des œuvres de Némirovsky, les travaux scientifiques les plus intéressants en russe sont sortis entre 2008 et 2019 : la contribution la plus importante est celle de Mariâ Rubins. Elle a été traductrice de quelques œuvres de Némirovsky : Le Bal et Chaleur de sang ont été réunis dans une édition russe de 20103, avec une introduction sur la vie et l’œuvre de l’écrivaine ; plus récemment a paru dans le Novyj žurnal sa traduction de Ida4. Il faut souligner que son volume sur le milieu du Montparnasse russe, publié par la prestigieuse maison d’édition Novoe literaturnoe obozrenie, contient de nombreuses réflexions sur Irène Némirovsky, dont l’œuvre est mise en regard de celle d’autres gens de lettres. De plus, son récent article intitulé « Irène Némirovsky. Stratégies d’interprétation » se distingue par son exhaustivité et se présente comme un portrait détaillé et évocateur, qui inscrit la trajectoire de l’écrivaine dans le panorama plus large des artistes russes émigrés en France qui ont adopté le français et, en un sens, se sont éloignés presque complètement de la communauté de leurs compatriotes, « contrairement à la plupart des écrivains émigrés de sa génération », écrit Rubins5.
2Nemirovsky s’est délibérément construit dès le départ une réputation d’écrivaine française. Pour y parvenir, pendant une vingtaine d’années, Némirovsky a essayé différentes méthodes, expérimenté différents modèles, sujets et types de discours, suivi de près les tendances littéraires et les publications, écouté les humeurs de l’élite intellectuelle française.
- 6 David Golder, 1931, réalisé par J. Duvivier, avec Harry Baur dans le rôle de David Golder et Jackie (...)
- 7 S. Aslanov, « David Golder Irèn Nemirovski : meždu romanom i fil’mom », dans O. Belova (dir.), Isto (...)
- 8 A. Balaban, « Francuzskaâ sûita Irèn Nemirovski : roman o vtoroj mirovoj vojne », dans Vestnik SPbG (...)
- 9 A. Balaban, « Obraz èmigranta v tvorčestve Irèn Nemirovski i problema nacional’noj samoidentifikaci (...)
- 10 Ibid., p. 913.
- 11 A. Balaban, « Irèn Nemirovski Delo Kurilova : na styke kul’tur i žanrov », dans Vestnik Nižegorodsk (...)
- 12 A. Frolova, « Elizabeth Gille : pisatel’skij opyt kak poisk samoidentičnosti », dans Povolžskij ped (...)
3D’autres recherches sont venues au cours des années suivantes : en 2009, Aslanov analyse, à partir des pages de David Golder et du film tiré du roman6, le contexte judéo-ukrainien d’où provient l’écrivaine, qui émergerait comme un monde stéréotypé non dénué d’éléments mythologiques7; en 2012, Alina Balaban se penche sur la représentation de la Seconde Guerre mondiale telle qu’elle se fait jour dans Suite française, montrant à quel point celle-ci s’avère particulièrement réaliste8 ; elle publie en 2014 un autre article sur l’image de l’émigré russe dans certaines œuvres de Némirovsky (L’Enfant génial, David Golder, La Niania et Le Maître des âmes) 9. Elle souligne alors la pertinence d’un motif littéraire migrant, celui de « la solitude et de la prédestination, lié à la reconnaissance de l’impossibilité [pour l’émigré] d’une assimilation complète dans la nouvelle société sans que se produise aucune perte »10 ; dans un troisième article de Balaban, qui date également de 201411, sont mises en exergue les particularités de genre de L’affaire Courilof et le thème du mouvement terroriste-révolutionnaire vu par l’écrivaine ; plus récemment, Frolova a écrit sur Elizabeth Gille, fille de l’auteure mais aussi « traductrice et écrivaine de talent, dont [presque personne] ne connaît l’œuvre »12 : l’auteur de l’article dresse un profil de Gille à partir des informations contenues dans les biographies d’Irène Némirovsky. Enfin, il convient de mentionner les précieuses recherches de Bortnowski, qui examine le thème de la solitude, telle que la ressentent les protagonistes de trois romans de Némirovsky (L’Enfant génial, David Golder et Les Mouches d’automne), et conclut ainsi :
- 13 A. Bortnowski, « Motiv odinočestva v rannem tvorčestve Nemirovski », dans Kultury wschodniosłowiańs (...)
L’aliénation des personnages découle principalement d’un manque de soutien dans leur environnement social, d’un manque de contexte historique et culturel, de contradictions nationales et, surtout, d’une incapacité à trouver une compréhension dans le cercle de ceux qui semblent être les plus proches d’eux.13
- 14 Reprenant une tradition russe qui remonte à la littérature du XIXe siècle, les émigrés russes se so (...)
- 15 Voir A. Balaban, « Obraz èmigranta v tvorčestve Irèn Nemirovski i problema nacional’noj samoidentif (...)
- 16 Il ne faut pas oublier que l’épisode de la Commune de Paris a laissé chez les Russes une impression (...)
- 17 L’expression est employée par E. Ètkind pour expliquer le phénomène de « bifurcation » qui se produ (...)
4Quelques données sur la vie culturelle de la communauté russe qui s’est formée à Paris entre les deux guerres mondiales peuvent aider à caractériser, non tant le milieu que fréquentait Irène Némirovsky (faisant partie de la haute société, elle était plus proche du monde français que de celui des « petits hommes »14 ou de la Bohème russe), que le contexte dans lequel vivait la masse de ces émigrés russes qui sont souvent devenus les protagonistes de ses œuvres15, ceux qui ont dû se résigner à considérer la capitale comme une nouvelle patrie, sans jamais toutefois se faire complètement à l’idée. Nous renvoyons à Paris plutôt qu’à la France, car la ville faisait en quelque sorte figure de monde à part, doté d’un imaginaire et d’une identité administrative définis16. D’autre part, la constitution dans les années 1920 de ce qu’on a appelé à juste titre une « nouvelle nation »17 russo-française, a été un phénomène unique dans l’histoire, qui s’est poursuivi jusqu’à nos jours avec des échos de grande importance artistique et littéraire. C’est une question qui n’a également pas manqué de soulever un problème de canon, dans la mesure où, à partir des années 1950, on commence à parler de l’existence de deux littératures russes — celle de l’émigration et la littérature soviétique, et non plus d’une seule littérature. Gleb Struve dans son Histoire de la littérature russe de l’émigration de 1956, a écrit :
- 18 G. Struve, Russkaâ literatura v izgnanii, New York, Izdatel’stvo Čehova, 1956, p. 7.
La littérature russe à l’étranger est un courant temporaire, détourné de la littérature entièrement russe, qui — le moment venu — se déversera dans le canal général de cette littérature. Et les eaux de ce courant séparé qui s’écoulent au-delà des frontières de la Russie contribueront probablement davantage à l’enrichissement de ce canal commun que les eaux situées à l’intérieur de la Russie.18
- 19 M. Raev, Rossiâ za rubežom. Istoriâ ku’ltury russkoj èmigracii 1919-1939, Moskva, Progress, 1994, p (...)
- 20 A. Sedyh, « Šoffer », dans Poslednie novosti, 26 octobre 1931, p. 2.
- 21 Il existe une très vaste bibliographie sur le sujet, dont nous n’indiquons ici que les titres les p (...)
- 22 M. Raev, op. cit., p. 109.
5Comme on le sait, c’est pendant la guerre civile, puis tout au long de la troisième décennie du XXe siècle, que le nombre d’émigrés russes en Europe a augmenté de façon exponentielle : ils se sont d’abord installés à Constantinople, puis se sont dispersés à Sofia, Prague, Belgrade et Berlin, avant que Paris ne devienne le centre névralgique des années 1920. Selon les données fournies par Marc Raev, au début de l’année 1922, environ soixante-dix mille Russes neassimilirovannye (c’est-à-dire non naturalisés) étaient présents en France, mais leur nombre a triplé huit ans plus tard, principalement en raison de l’exode depuis l’Allemagne, où, entre 1922 et 1931, leur nombre a diminué de plus de cent cinquante mille19. Les témoignages sur la présence considérable de Russes à Paris sont de nature diverse et concernent différents aspects de leur vie : Andrej Sedyh affirmait par exemple en 1931 qu’il y a « plusieurs milliers de chauffeurs de taxi russes à Paris »20, mais plus généralement, les chiffres concernant l’industrie culturelle russe, l’édition de journaux, l’activité des sociétés cinématographiques ou l’organisation d’événements sont impressionnants21. Il suffit de rappeler que le principal quotidien de l’émigration russe, Poslednie novosti (Les dernières nouvelles), pouvait se targuer, au début des années 1930, d’un tirage quotidien de vingt-trois mille exemplaires22.
- 23 R. Platone, L’Arca di Noè, in Ead. (dir.), Scrittori russi a Berlino, Napoli, Liguori, p. 7.
- 24 Ibid., p. 9.
6C’est l’Allemagne, en revanche, qui était au début des années 1920 la destination la plus appropriée pour ce qui devait être, aux yeux des émigrés, une courte attente. Comme l’a expliqué Rossana Platone, plusieurs raisons conduisaient les Russes vers l’Allemagne : « la relative facilité d’obtention d’un visa, l’attitude non hostile des autorités, tandis que les intellectuels ont été attirés par la familiarité traditionnelle avec la culture allemande, combinée à la possibilité de publier leurs œuvres et peut-être même de travailler dans les rédactions des nombreux magazines et maisons d’édition »23. Il y avait aussi un aspect économique : la dévaluation du mark attirait les détenteurs d’or ou de devises et faisait de l’Allemagne une alternative plus favorable et surtout plus pratique, dans l’attente de circonstances propices à un retour à la patrie24. En 1924, cependant, la France reconnaît l’Union soviétique et s’engage dans une vraie politique d’aide morale et matérielle aux émigrés russes, qui comprennent, entre-temps, que l’expérience bolchevique ne sera pas temporaire. Compte tenu du très haut niveau culturel des Russes, nombreux étaient les intellectuels à la recherche d’une occupation à la hauteur de leurs compétences, mais seuls quelques-uns étaient en mesure de s’organiser et de survivre grâce à un circuit culturel soutenu par l’édition russe : la plupart étaient contraints de trouver des travaux harassants, dans les usines de Citroën ou de Renault, par exemple.
7Parmi les écrivains russes en France, les plus actifs au départ étaient les « pères », c’est-à-dire les écrivains déjà célèbres en Russie au moment où ils émigrent : leur histoire, ainsi que celle des représentants des générations suivantes, est normalement marquée par les « vagues » de l’émigration. De la première vague font partie de grands écrivains tels que Bunin, Cvetaeva, Kuprin, Remizov, Merežkovskij, Gippius, et en son sein, la branche de la littérature satirique, représentée entre autres par Tèffi, Averčenko et Don Aminado, revêt une importance particulière. La génération suivante, connue sous le nom de « génération inaperçue » (nezamečennoe pokolenie), ou de « génération du châtiment » ou encore d’« enfants de l’émigration », mérite une attention spécifique. Y appartenaient des auteurs de l’envergure de Nabokov, mais aussi d’autres poètes et prosateurs majeurs, comme Boris Poplavskij, Gajto Gazdanov ou Anatolij Štejger, pour ne mentionner que les plus grands.
- 25 Sur le thème de l’existence d’un « texte parisien » dans l’œuvre de Bunin voir T. Marčenko, « Pariž (...)
8La caractéristique principale des artistes de la première vague est que leur inspiration, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale à tout le moins, est consacrée à l’image de la Russie prérévolutionnaire. Ivan Bunin, par exemple, prix Nobel de littérature en 1933, est le principal prosateur de la première vague : dans la plupart de ses œuvres, il écrit sur la Russie qu’il a laissée derrière lui, un lieu qui n’a pas encore connu les catastrophes historiques de la Révolution et de la guerre civile, et ce n’est qu’au début des années 1940 que le « texte parisien »25 se manifeste dans son œuvre, et que sa prose est imprégnée par la tradition française.
- 26 V. Varšavskij, Nezamečennoe pokolonie, Moskva, Russkij put’, 2010, p. 148.
- 27 Ibidem.
- 28 D. Svâtopolk-Mirskij, « Zametki ob èmigrantskoj literature », dans Evraziâ, a. II (1929), 1, p. 6.
9Dans ce panorama, il faut s’arrêter sur deux auteurs, Boris Poplavskij et Gajto Gazdanov — tous deux nés, comme Némirovsky, en 1903 —, qui appartenaient à cette « génération inaperçue ». Comme l’écrit Vladimir Varšavskij, qui en faisait également partie, ses représentants « n’avaient entendu de leurs aînés que les récits de l’ancienne, éternelle et imaginaire ville de Troie qui avait été détruite par la Révolution, et dont ils avaient été témoins de la mort dans leur enfance »26. Pour cette génération de « fils », la Russie n’était en fait qu’un vague souvenir. Ils parlaient russe à la maison et l’employaient pour la création littéraire, mais ils pratiquaient le français dans la vie de tous les jours. À cela s’ajoute le fait que beaucoup d’entre eux subvenaient à leurs besoins par un travail manuel pénible. Outre les problèmes économiques, ces jeunes se sentaient quelque peu apatrides : « ils ne connaissaient pas l’ancien mode de vie russe »27. En même temps, ils percevaient la France comme une terre étrangère et subissaient une certaine marginalisation littéraire : leurs mérites n’émergeaient que tardivement de l’ombre encombrante de leurs « pères », à peu près à partir des années 1930, notamment après la décision du critique Svâtopolk-Mirskij d’inaugurer une autre phase de la littérature de l’émigration russe et de reconnaître la valeur de la nouvelle génération dans sa critique du premier recueil de poésie de Poplavskij : « Ce qui est intéressant chez Poplavskij, cependant, c’est qu’il est complètement détaché des thèmes poétiques russes. Il est le premier écrivain émigré à vivre non pas des souvenirs de la Russie, mais de la réalité étrangère. L’évolution inévitable pour toute émigration »28.
- 29 V. Varšavskij, op. cit., p. 145.
- 30 A. Flaker, « Rotond’âne (Russkie i horvatskie zavsegdatai parižskogo kafe, 1913-1925) », dans Russi (...)
- 31 Bien qu’elle ait peut-être été utilisée de manière abusive dans des contextes différents, il nous s (...)
10Si l’on écarte le cas de quelques écrivains qui pouvaient compter sur un réseau d’amitiés étendu et un soutien matériel important, comme Nabokov ou Némirovsky elle-même (qui pourtant, répétons-le, était considérée par ses compatriotes comme une écrivaine française), deux types d’émigrés très différents apparaissent dans la « génération inaperçue », qui se caractérisent tous deux par la perception claire du lourd passé qui est le leur, mais dont la façon de réagir à l’indigence diffère : une première catégorie était celle des artistes qui se réunissaient sur le boulevard Montparnasse où, au carrefour avec Raspail, s’ouvrait « un monde complètement différent », composé de « types excentriques et semi-folkloriques, de prostituées, de racailles de toutes sortes et de touristes du monde entier qui voulaient voir la vie de la bohème »29. Il s’agissait des représentants de la jeune littérature, appelés en russe rotond’âne30, parce qu’ils fréquentaient le café La Rotonde, lieu de rencontre – un véritable chronotope littéraire31 – de nombreux intellectuels et poètes russes en quête d’une direction artistique ou d’un équilibre humain, et submergés par les tentacules de Paris. La seconde typologie est celle des émigrés qui, ne voulant pas ou ne pouvant pas se permettre de chômer, trouvaient laborieusement des emplois pénibles pour gagner leur vie et qui, entre-temps, non sans effort, étudiaient et publiaient.
- 32 V. Agenosov, Literatura russkogo zarubež’â, Moskva, Terra, 1998, p. 281.
- 33 [s.n.], « Tragičeskaâ gibel’ B. Poplavskogo », dans Vozroždenie, 10 octobre 1935, p. 3.
11Boris Poplavskij, le plus célèbre des poètes bohèmes russes, était le fils de deux musiciens, dont l’un, son père, avait été élève de Čajkovskij, avant de changer de voie et de devenir ingénieur32. En fuyant la Russie, il entraîna son fils sur la route classique de l’émigration : l’armée de Vrangel’ à Ialta, puis Constantinople et le vieux continent. Après une série d’échecs liée à ses études artistiques, Boris s’installa à Paris en 1924 et y resta jusqu’à son décès, survenu prématurément en 1935, dû à « l’ingestion d’une forte dose de drogues de mauvaise qualité »33.
- 34 La bibliographie sur Poplavskij étant très vaste, nous nous limitons à signaler le recueil complet (...)
- 35 Extrait du poème « Quel froid. Se tait l’âme vide » (1932). Voir B. Poplavskij, op. cit., I, p. 261
- 36 Nous employons cette expression dans le sens que lui a donné Ûrij Mal’cev lorsqu’il commente la pro (...)
12La vie de ce poète34 s’articulait autour de trois lieux : la bibliothèque Sainte-Geneviève, où il étudiait pendant des heures sans suivre de plan précis dans ses lectures ; le gymnase, où il s’entraînait à la boxe ; et La Rotonde, où il passait les heures du soir et de la nuit en compagnie d’autres vagabonds, principalement russes, se perdant dans des lectures de vers, des discussions philosophiques poussées et d’autres bizarreries qui ne laissaient pas les passants indifférents : « Nous lisions dans la neige et la pluie / Nos poèmes aux passants en colère »35. Des quatre livres de poèmes et des deux romans qu’il a écrits, Poplavskij ne vit publié dans son intégralité que le recueil de poèmes Drapeaux (1931), dans lequel on reconnaît déjà les traits distinctifs de sa poétique : l’écho d’une « mémoire ancestrale »36 de la terre russe, aussi indéfinissable que l’immense espace (prostòr) de la Russie, se heurte au sentiment de marginalisation totale du poète, qui vit isolé et incompris dans l’enfer parisien, prison rationnelle de l’intellect. Ici, le temps s’arrête, le soleil est un fantôme dominé par l’obscurité, et la seule lumière est celle des lampadaires des parcs, où le poète semble également rencontrer les ombres spectrales de sa condition de paria :
Pourquoi se lever ? Je n’arrive pas à penser.
Pour rencontrer des amis ? De quoi allons-nous parler ?
Parmi les ombres des bancs cassés.
Il y a encore une lanterne qui brûle.
- 37 B. Poplavskij, op cit., I, p. 270.
Jusqu’au soir, les balles frappent à l’auberge,
Je les regarde, l’horloge recule.
Je ne participe pas, je n’existe pas dans le monde,
Je vis dans un café, comme les ivrognes.37
- 38 O. Kameneva, « Sûrrealističeskij Pariž Borisa Poplavskogo », dans J.-Ph. Jaccard, A. Morard, G. Tas (...)
13La prose de Poplavskij, en particulier son roman Apollon Bezobrazov, sur lequel il travailla dès 1926, est tout aussi symptomatique de la condition difficile de l’émigré russe à Paris. Il s’agit d’une œuvre écrite avec « une claire intention autobiographique », dans laquelle on assiste à la transformation de Paris en fantôme d’une Russie lointaine, évoquée par des références littéraires précises. « D’un point de vue psychologique », écrit Kameneva, « nous avons affaire à un deuil traité par un langage corporel, qui, tel un exorcisme, transforme la réalité. Ce qui a été perdu revient sous une forme imaginaire et s’approprie l’espace corporel de quelqu’un d’autre. Comme une trace de la mémoire inscrite dans le paysage urbain, à travers la brume d’un Paris nocturne, les traits de la Russie commencent à apparaître »38.
14Ce n’est pas un hasard si Poplavskij, en dépeignant les rues pavées de Paris, se remémore celles que Pavel Čičikov, protagoniste des Âmes mortes de Nikolaj Gogol’, emprunte dans la ville provinciale de N., à la fin de la première partie du roman, quand il fait une élégie de la terre russe alors qu’il la parcourt en calèche.
- 39 V. Agenosov, op. cit., p. 282.
15En tant que représentant du groupe des écrivains « inaperçus », c’est par choix que Poplavskij ne travaillait pas et vivait des allocations chômage et du peu d’argent que son père réussissait à lui donner39. D’autres, en revanche, devaient se soumettre à des travaux pénibles : Pavel Sokoloff (1892-1964), un émigré russe qui vécut en France et s’installa en Italie dès le milieu des années 1920, décrivit son parcours semé d’épreuves dans un texte autobiographique exemplaire, joint à une lettre de 1946 envoyée à l’écrivain italien Tommaso Fiore et récemment découverte :
- 40 P. Sokoloff, Lettre à Tommaso Fiore, décembre 1946, dans Fondo Tommaso Fiore. Sezione Rari e Manosc (...)
Le fond constant est la faim et la pauvreté. Itinéraire : Pologne, Tchécoslovaquie, Autriche, Serbie, Bulgarie, Crimée, Constantinople, la péninsule de Gallipoli, Bulgarie à nouveau, puis Paris et enfin Milan. Cinq années d’errance et de pauvreté : typhus, dysenterie, cécité après le coucher du soleil, furonculose, etc. Emplois : employé de boulangerie, porteur dans un entrepôt sanitaire, facteur, jardinier dans un cimetière militaire anglais, ouvrier de construction dans une mine (avec des yeux enflammés), ouvrier dans une scierie, berger (avec une fièvre de 40 degrés), gardien dans un vignoble (où j’ai été traité avec du raisin parce que le propriétaire ne fournissait pas les denrées à temps), ouvrier dans une usine de machines et à la consigne des bagages dans une gare, nettoyeur de trains et en même temps étudiant à la Sorbonne. Et enfin étudiant à Milan.40
- 41 Pour en savoir plus sur la vie et l’œuvre de Gazdanov, nous recommandons le recueil de ses œuvres, (...)
- 42 V. Agenosov, op. cit., p. 305.
16C’est le sort qui frappe également le prosateur Gaïto Gazdanov, né à Pétersbourg en 1903 dans une famille d’Ossètes41. Il n’accepte pas la tournure que prennent les événements d’Octobre 1917 et, en 1920, il se retire, toujours avec les Blancs de Vrangel, à Constantinople, avant de se rendre en Bulgarie puis à Paris en 1923. Sa vie aussi consiste en une liste d’emplois très subalternes : docker, technicien de maintenance de locomotives, ouvrier à l’usine Citroën et enseignant occasionnel de russe42. Il fait également l’expérience de la vie de clochard, expérience dont il rend compte, par exemple, dans les contes Réverbères et Le mendiant. Enfin, en 1928, il trouve un emploi fixe de chauffeur de taxi nocturne et commence à suivre des cours de philosophie à la Sorbonne, ce qui influence grandement sa poétique.
- 43 M. Caratozzolo, « Viaggiare in taxi tra reportage e romanzo », dans U. Persi (dir.), Italia, Russia (...)
- 44 L. Dienes, Russian Literature in Exile. The Life and Work of Gajto Gazdanov, Munchen, Otto Sagner, (...)
17À partir de 1926, Gazdanov publie dans les revues littéraires de l’émigration russe des contes, qu’il situe à Paris, donnant de la ville une représentation parfaitement conforme à sa propre pensée, orientée vers un rejet des catégories rationnelles, de la logique et des liens de cause à effet, au profit d’une conception de la vie plus proche de la philosophie orientale. Un élément fondateur de son écriture est la èpizodičnost’, c’est-à-dire la succession d’événements dont l’alternance est déterminée par la volonté illimitée et instable du hasard, sur laquelle repose la représentation d’un chronotope précis : les rues nocturnes du Paris des années 1920 et 1930. Précisément, ces clochards ivrognes, philosophes et poètes ratés qui fréquentent La Rotonde avec Poplavskij, deviennent des représentations littéraires perçues d’un point de vue extérieur, celui du chauffeur de taxi. Le plus célèbre des romans de Gazdanov est Chemins nocturnes. L’auteur y raconte ses vingt ans d’expérience en tant que chauffeur travaillant de nuit et il attribue au protagoniste, son alter ego, le rôle de l’ancien âmščik (cocher) russe43, dans lequel se reflète le mythe jungien du vieux sage. Il dépeint donc un tableau impitoyable de la foule des parias qui peuplent la nuit parisienne entre la Rotonde et d’autres lieux de rencontre, où le protagoniste écoute les histoires et les confessions les plus difficiles, comme un Dante moderne dans l’enfer de la capitale française. La conclusion à laquelle il parvient, à savoir qu’il n’y a pas d’échappatoire à la souffrance et au mal, pas même dans la littérature, apparaît dans le destin tragique des déchus de la nuit parisienne, dont beaucoup sont des intellectuels. Le protagoniste, dont le parcours est également menacé par la marginalisation, les observe avec ce détachement qui lui permet de faire des remarques philosophiques et sociologiques froides et profondes, mais sans aller plus loin ni chercher une solution, même personnelle, aux problèmes des misérables qu’il rencontre. Laszlo Dienes, parmi les premiers interprètes de l’œuvre de Gazdanov, définit Chemins nocturnes comme un « livre cruel et sans pitié »44, qui contredit cette tendance de la littérature russe consacrée au respect des êtres humains. En effet, le protagoniste écrit :
- 45 G. Gazdanov, Chemins nocturnes, tr. fr. E. Balzamo, Paris, Viviane Hamy, 1991, p. 233.
Dans ce Paris nocturne, chaque nuit, je me sentais tel un homme sobre en compagnie de soulards. Cette vie me restait étrangère et ne suscitait que mon dégoût ou ma pitié. Ces habitués de cabarets et d’établissements spécialisés, ces amants particuliers, selon l’expression de Raldi – pareils, dans leur indécence, à des singes dans un jardin zoologique –, me soulevaient le cœur, pour reprendre la formule d’un de mes collègues taxi, spécialiste de la philosophie grecque et exégète infatigable d’Aristote. On ne pouvait pas y échapper, et j’ai gardé de ces années l’impression d’un labyrinthe apocalyptique, immense et malodorant.45
- 46 M. Rubins, art. cit.
- 47 L. Mnuhin, T. Gladkova, Russkoe zarubež’e, hronika naučnoj, kul’turnoj i obščestvennoj žizni. 1920- (...)
- 48 M. Raev, op. cit., p. 96-123.
- 49 I. Nemirovskaâ, « André Maurois, Tourguénev. Grasset, 1931 [rev.] », dans Čisla, 5, 1931, p. 248-25 (...)
- 50 [s.n.], « Irina Nemirovskaâ », dans Poslednie novosti, 31 mai 1931, p. 4.
- 51 M. Rubins, art. cit.
18Dans un contexte littéraire aussi stimulant que celui de la littérature de l’émigration russe en France, il faut donc se demander si et dans quelle mesure Némirovsky croisait la route de ces personnes dont elle ne pouvait manquer d’entendre ou de lire les destins. Le fait que l’écrivaine ait montré une certaine réticence à fréquenter le milieu de l’émigration russe, pour lequel d’ailleurs « elle était considérée comme une écrivaine française »46, est confirmé par une donnée pertinente : son nom, ni sous sa forme russe ni sous sa forme française, ne figure dans aucune des nombreuses initiatives culturelles organisées par les Russes de Paris et annoncées dans la presse russe, que les deux premiers volumes (consacrés aux années 1920-1940 et 1940-1954) de la Chronique de la vie scientifique, culturelle et sociale de l’émigration russe documentent abondamment47. Pourtant, certains signes de sa participation à la « galaxie Gutenberg »48 de l’émigration russe à Paris apparaissent en 1931 : sa critique du volume de Maurois sur Turgenev publiée dans Čisla (Le nombres)49, l’un des almanachs littéraires les plus importants, et une interview (à propos du film tiré de David Golder) publiée en mai dans le quotidien de l’émigration russe déjà évoquée, Les Dernières nouvelles50. Rubins souligne, de plus, que dans une lettre d’Aldanov à Menard en 1945, l’expéditeur décrit la participation des « amis et partisans de Madame Némirovsky présents à New York »51 à une soirée organisée par la Fondation pour le soutien des écrivains et scientifiques russes.
19En conclusion, tout en reconnaissant la place de l’écrivaine dans la littérature française et dans le milieu culturel français de Paris, rappelons qu’il y a eu des contacts d’une certaine ampleur avec les cercles les plus influents de la langue et de la culture russes : il est donc opportun de les identifier et de les explorer, en creusant une ligne de recherche qui n’a pas encore été traitée de façon exhaustive.
Notes
1 I. Nemirovskaâ, David Golder, tr. russe N. Polynskaâ, Riga, Kniga dlâ vseh, 1930 ; Ead., Osennie muhi, tr. russe B. A. Skomorovskij, Berlin, Parabola, 1931 ; Ead., Bal (povest’), tr. russe B. Skomorovskij, Berlin, Parabola, 1931. À l’exception des citations, où le texte reproduit la source originale, pour la transcription des noms russes en français on emploie ici la translittération scientifique ISO 9 dans la variante adoptée par le catalogue de la Bibliothèque Nationale de France.
2 I. Nemirovski, Francuzskaâ sûita, tr. russe E. et M. Koževnikova, Moskva, Tekst, 2006 ; Ead., Vlastitel’ duš, tr. russe E. Koževnikova, Moskva, Tekst, 2008 ; Ead., David Golder, tr. fr. E. Klokova, Moskva, Tekst, 2008 ; Ead., Osennie muhi, tr. russe E. Klokova, Moskva, Tekst, 2009 ; Ead., Bal. Žar krovi, tr. russe M. Rubins, Belgorod-Har’kov, Klub semejnogo dosuga, 2010 ; Ead., Vino odinočestva. Roman, tr. fr. L. Larčenko, Moskva, Tekst, 2015.
3 Ead., Bal. Žar krovi, cit.
4 Ead., Ida, tr. fr. M. Rubins, dans Novyj Žurnal, 291, 2018.
5 M. Rubins, « Irèn Nemirovski. Strategii interpretaсii », dans Novyj žurnal, 253, 2008, consulté le 31/01/2023, URL : https://magazines.gorky.media/nj/2008/253/iren-nemirovski-strategii-integraczii.html. Sauf indication contraire, c’est nous qui traduisons du russe tout au long de l’article.
6 David Golder, 1931, réalisé par J. Duvivier, avec Harry Baur dans le rôle de David Golder et Jackie Monnier dans celui de Joyce Golder.
7 S. Aslanov, « David Golder Irèn Nemirovski : meždu romanom i fil’mom », dans O. Belova (dir.), Istoriâ, mif, fol’klor v evrejskoj i slavânskoj kul’turnoj tradicii, Moskva, Rossiiskaâ Akademiâ Nauk, 2009, p. 406-415.
8 A. Balaban, « Francuzskaâ sûita Irèn Nemirovski : roman o vtoroj mirovoj vojne », dans Vestnik SPbGU, 9, 2012, vypusk 2, p. 15-25.
9 A. Balaban, « Obraz èmigranta v tvorčestve Irèn Nemirovski i problema nacional’noj samoidentifikacii », dans Izvestiâ Samarskogo naučnogo centra Rossijskoj Akademii Nauk, 2, 2014, p. 913-916.
10 Ibid., p. 913.
11 A. Balaban, « Irèn Nemirovski Delo Kurilova : na styke kul’tur i žanrov », dans Vestnik Nižegorodskogo Universiteta im. N.I. Lobačevskogo, 2, 2014, p. 207-211. Voir également A. Balaban, V. Chepiga, « La réception de l’œuvre d’Irène Némirovsky en Russie », dans Approches, 180, 2019, p. 131-137. Ici sont reprises, entre autres, les précieuses idées de Fatima Risa-Zadé (1902-1948) sur Irène Némirovsky, parues dans la presse soviétique au lendemain de la publication des premières traductions russes de l’écrivaine.
12 A. Frolova, « Elizabeth Gille : pisatel’skij opyt kak poisk samoidentičnosti », dans Povolžskij pedagogičeskij vestnik, 2, 2018, p. 92-96.
13 A. Bortnowski, « Motiv odinočestva v rannem tvorčestve Nemirovski », dans Kultury wschodniosłowiańskie – Oblicza i dialog, 9, 2019, p. 23-35, p. 34.
14 Reprenant une tradition russe qui remonte à la littérature du XIXe siècle, les émigrés russes se sont appelés, non sans autodérision, malen’kie lûdi (petits hommes), en se référant notamment aux personnages de Čehov dont le quotidien insatisfaisant se déroule sans évolution particulière, marqué par des difficultés et un regard enchanté à l’endroit d’un avenir aussi meilleur qu’impossible.
15 Voir A. Balaban, « Obraz èmigranta v tvorčestve Irèn Nemirovski i problema nacional’noj samoidentifikacii », art. cit., p. 915-916 ; M. Rubins, art. cit.
16 Il ne faut pas oublier que l’épisode de la Commune de Paris a laissé chez les Russes une impression indélébile, non moins importante que celle de la Révolution française et de l’avènement de Napoléon. L’exemple de la Commune a d’ailleurs été analysé en détail par les premiers bolcheviks lors du débat qui a conduit à la Révolution d’Octobre : [A. Lunačarskij], « Parižskaâ kommuna i zadači demokratičeskoj diktatury », dans Proletarij, 8, 1905, p. 1-2 ; Lenin, « Pamjati Kommuny » [1911], Polnoe sobranie sočinenij, Izd. Pol. Lit., Moskva, 1973, XX, p. 216-221. Voir aussi les articles que Stalin consacra à la Commune en 1907, recueillis dans Anarchisme ou Socialisme ? (I. V. Stalin, Sočineniâ v 18-i tomah, Moskva, Gosudarstvennoe Izdatel’stvo Političeskoj Literatury, 1946-2006, I, p. 346-371), et l’article de Trotski « Les leçons de la Commune », écrit en français en 1921 et publié comme introduction au livre de C. Talès (pseudonyme de Maurice Lacoste), La Commune de 1871, Paris, Librairie du Travail, 1924.
17 L’expression est employée par E. Ètkind pour expliquer le phénomène de « bifurcation » qui se produit dans la culture d’un pays après une large diaspora de son peuple : « La nouvelle littérature, poursuit Ètkind, apparaît généralement lorsqu’il y a une perte de compréhension directe entre les membres de l’ancienne et de la nouvelle nation (ou plutôt de la mère et de la fille), lorsque les différences de structures économiques vont jusqu’à créer un sentiment d’indépendance économique et culturelle qui frise la rivalité ou se transforme en un éloignement délibérément amplifié ». Voir E. Ètkind, « Russkaâ poeziâ XX veka kak edinyj process », dans G. Nivat (dir.), Odna ili dve russkih literatury?, Lausanne, L’Âge de l’homme, 1981, p. 9-10. La littérature de l’émigration russe serait à ce titre très particulière, car contrairement aux cas américain et allemand, les Russes arrivés en France pouvaient bénéficier d’un public déjà très large, étant donné le nombre considérable d’émigrés qui s’y étaient installés après la Révolution. Voir ibid., p. 14.
18 G. Struve, Russkaâ literatura v izgnanii, New York, Izdatel’stvo Čehova, 1956, p. 7.
19 M. Raev, Rossiâ za rubežom. Istoriâ ku’ltury russkoj èmigracii 1919-1939, Moskva, Progress, 1994, p. 261.
20 A. Sedyh, « Šoffer », dans Poslednie novosti, 26 octobre 1931, p. 2.
21 Il existe une très vaste bibliographie sur le sujet, dont nous n’indiquons ici que les titres les plus importants publiés en français : H. Menegaldo, Les Russes à Paris. 1919-1939, Paris, Autrement, 1998 ; N. Struve, Soixante-dix ans d’émigration russe, 1919-1989, Paris, Éd. Fayard, 1996 ; A. Korliakov, Culture russe en exil : Europe. 1917-1947, Paris, Ymca-Press, 2012 ; Id., Histoire illustrée de l’émigration russe : France. 1917-1947, Paris, Ymca-Press, 2020 ; L. Livak (dir.), Études sur l’histoire culturelle de l’émigration russe en France. 1920-1950, Paris, Eur’Orbem, 2022. Beaucoup d’informations très utiles sur la communauté russe de Paris se trouvent aussi dans la biographie de Némirovsky écrite par O. Philipponnat et P. Lienhardt (La Vie d’Irène Némirovsky, Paris, Librairie générale française, 2009).
22 M. Raev, op. cit., p. 109.
23 R. Platone, L’Arca di Noè, in Ead. (dir.), Scrittori russi a Berlino, Napoli, Liguori, p. 7.
24 Ibid., p. 9.
25 Sur le thème de l’existence d’un « texte parisien » dans l’œuvre de Bunin voir T. Marčenko, « Parižskij teskt Ivana Bunina prelûdiâ v lunnom svete », dans Revue des études slaves, 1, 2014, p. 81-92.
26 V. Varšavskij, Nezamečennoe pokolonie, Moskva, Russkij put’, 2010, p. 148.
27 Ibidem.
28 D. Svâtopolk-Mirskij, « Zametki ob èmigrantskoj literature », dans Evraziâ, a. II (1929), 1, p. 6.
29 V. Varšavskij, op. cit., p. 145.
30 A. Flaker, « Rotond’âne (Russkie i horvatskie zavsegdatai parižskogo kafe, 1913-1925) », dans Russian Literature, Issue LVIII, 2005, p. 375-384.
31 Bien qu’elle ait peut-être été utilisée de manière abusive dans des contextes différents, il nous semble que la notion de « chronotope littéraire », telle que l’interprète Bakhtine, est ici très appropriée. Le philosophe russe considère le chronotope comme « la corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu’elle a été assimilée par la littérature ». Voir M. Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978, p. 237. En ce sens, la Rotonde acquiert une certaine importance précisément en raison de la période pendant laquelle les bohémiens russes l’ont fréquentée, c’est-à-dire les années de l’entre-deux-guerres, après lesquelles ce lieu de rencontre perd sa fonction de point de rencontre pour les jeunes intellectuels slaves à la dérive.
32 V. Agenosov, Literatura russkogo zarubež’â, Moskva, Terra, 1998, p. 281.
33 [s.n.], « Tragičeskaâ gibel’ B. Poplavskogo », dans Vozroždenie, 10 octobre 1935, p. 3.
34 La bibliographie sur Poplavskij étant très vaste, nous nous limitons à signaler le recueil complet de ses œuvres, dirigé par Hélène Menegaldo (qui a écrit de nombreux articles sur le poète en russe et en français) et publié en Russie : B. Poplavskij, Sobranie sočinenij v 3-h tomah, Moskva, Knižnica-Russkij put’-Soglasie, 2009 ; la monographie sur le style du poète, publiée en Italie par M. Calusio, Il paradiso degli amici. Sulla poetica di Boris Poplavskij, Milano, EduCatt, 2008.
35 Extrait du poème « Quel froid. Se tait l’âme vide » (1932). Voir B. Poplavskij, op. cit., I, p. 261.
36 Nous employons cette expression dans le sens que lui a donné Ûrij Mal’cev lorsqu’il commente la prose d’Ivan Bunin. L’auteur fait référence aux fondements instinctifs et intuitifs de la philosophie des émigrés russes, que l’on retrouve dans leurs œuvres et qui rendent le style non conventionnel, et le sujet délié de toute logique. En ce sens, les catégories littéraires d’espace et de temps connaissent des modifications qui rendent plausible cette entrée dans une autre dimension à laquelle aspire l’âme russe. Voir Û. Mal’cev, Ivan Bunin. La vita e l’opera : 1870-1953, Milano, La casa di Matriona, 1987, p. 7.
37 B. Poplavskij, op cit., I, p. 270.
38 O. Kameneva, « Sûrrealističeskij Pariž Borisa Poplavskogo », dans J.-Ph. Jaccard, A. Morard, G. Tassis (dir.), Russkie pisateli v Pariže. Vzglâd na francuzskuû literaturu. 1920-1940, Moskva, Russkij put’, 2007, p. 137-151, p. 149.
39 V. Agenosov, op. cit., p. 282.
40 P. Sokoloff, Lettre à Tommaso Fiore, décembre 1946, dans Fondo Tommaso Fiore. Sezione Rari e Manoscritti della Biblioteca Nazionale di Bari. Epistolario Fiore: 34/34. Texte original en italien. Voir M. Caratozzolo, Russia e Italia nella corrispondenza di Tommaso Fiore e Paolo Sokoloff (1945-1952), dans D. Rizzi, A. Šiškin (dir.), Russko-ital’janskij archiv X. Archivio russo-italiano X, Salerno, Europa Orientalis, 2015, p. 297-328, p. 323.
41 Pour en savoir plus sur la vie et l’œuvre de Gazdanov, nous recommandons le recueil de ses œuvres, publié en cinq volumes en Russie : T. Krasavčenko (dir.), Sobranie sočinenij v 5-i tomah, Moskva, Ellis Lak, 2009.
42 V. Agenosov, op. cit., p. 305.
43 M. Caratozzolo, « Viaggiare in taxi tra reportage e romanzo », dans U. Persi (dir.), Italia, Russia e dintorni. Piccola rassegna tipologica del viaggiare, Bari, Stilo, 2013, p. 42.
44 L. Dienes, Russian Literature in Exile. The Life and Work of Gajto Gazdanov, Munchen, Otto Sagner, 1982, p. 132.
45 G. Gazdanov, Chemins nocturnes, tr. fr. E. Balzamo, Paris, Viviane Hamy, 1991, p. 233.
46 M. Rubins, art. cit.
47 L. Mnuhin, T. Gladkova, Russkoe zarubež’e, hronika naučnoj, kul’turnoj i obščestvennoj žizni. 1920-1940, t. I-IV, Paris, Ymca, 1995-1997 ; Id., Russkoe zarubež’e, hronika naučnoj, kul’turnoj i obščestvennoj žizni. 1940-1975, t. I, Paris, Ymca, 2000.
48 M. Raev, op. cit., p. 96-123.
49 I. Nemirovskaâ, « André Maurois, Tourguénev. Grasset, 1931 [rev.] », dans Čisla, 5, 1931, p. 248-250.
50 [s.n.], « Irina Nemirovskaâ », dans Poslednie novosti, 31 mai 1931, p. 4.
51 M. Rubins, art. cit.
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Référence électronique
Marco Caratozzolo, « Irène Némirovsky et la « génération inaperçue » des écrivains russes de Paris : une prise de distance mutuelle ? », Revue italienne d’études françaises [En ligne], 13 | 2023, mis en ligne le 15 novembre 2023, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/11453 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rief.11453
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