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La Tempête qui « balaye les feuilles mortes ». Esthétique et éthique de la guerre dans Suite française d’Irène Némirovsky

The Tempest who “balaye les feuilles mortes”. Aesthetic and Ethical Aspects of War in Irène Némirovsky’s Suite française
Teresa Manuela Lussone

Résumés

L’article vise à reconstituer les événements qui ont accompagné la rédaction de Tempête en juin, première partie de Suite française, à laquelle Irène Némirovsky se consacre dans les mois qui précèdent sa déportation, survenue en juillet 1942. Nous considérons ce roman comme le dernier témoignage d’une saison littéraire qui voit l’auteure se débarrasser progressivement de ses thèmes de prédilection, au profit d’un sujet nouveau, la guerre. Il s’agit donc d’analyser la façon dont Irène Némirovsky se confronte aux motifs qui vont traditionnellement de pair avec la représentation de la guerre et dont la chose évolue à partir de 1938, année de parution de Naissance d’une révolution, et ce, jusqu’à ses derniers jours de travail. 

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Texte intégral

1Suite française occupe assurément une place exceptionnelle parmi les romans d’Irène Némirovsky : publié à titre posthume en 2004, soit près de soixante ans après avoir été composé, il a conduit à la redécouverte de l’ensemble de l’œuvre de cette auteure. Il appartient à une saison littéraire qui débute vers 1938, lorsque l’écrivaine, préoccupée par la situation politique, s’interroge sur l’impact de l’histoire sur les vicissitudes individuelles et sur la façon de dépeindre la guerre, saison qui s’achève en 1942, lors de sa soudaine arrestation. Nous nous proposons d’examiner si le statut singulier de Suite française et de Tempête en juin — version ultérieure de la première partie du roman —, tient au seul fait qu’il s’agit de l’ultime témoignage de son travail ou bien s’il existe d’autres raisons, intrinsèques, comme le laissent supposer les notes qu’elle a laissées et sa correspondance. Pour répondre à cette question, il sera également nécessaire d’explorer la pratique de la réécriture, car dans les nouvelles et les romans qu’elle écrit à cette époque, certains thèmes et images se répètent, non sans variations. Bien que l’auteure ait eu recours à la pratique de la réécriture dès sa jeunesse, celle-ci revêt alors une ampleur particulière qui permet de reconstruire le parcours de recherche suivi par Irène Némirovsky.

Un roman « pour la toute dernière extrémité »

2En novembre 1940, pour la première fois, Irène Némirovsky esquisse son projet de Suite française :

  • 1 Cité par O. Philipponnat dans la « Notice » de Suite française, dans I. Némirovsky, Œuvres complète (...)

Si je pouvais faire la débâcle comme je veux... Paysans, grands bourgeois, officiers, réfugiés juifs intellectuels, hommes politiques, vieillards que l’on oublie, de ceux qu’on faisait profession de respecter, et que l’on abandonne comme des chiens, les mères qui montrent des prodiges d’endurance et d’égoïsme pour sauver leurs gosses. Ceux qui plastronnent et se dégonflent tour à tour, la jeunesse meurtrie, mais non abattue. [...] Il faudrait donner une grande place aux enfants pour qui cela sera un enrichissement, certainement, comme pour moi, autrefois, la révolution russe.1

  • 2 I. Némirovsky, Suite française. Version inédite, éd. O. Philipponnat, T. M., Lussone, Paris, Denoël (...)

3Le désir de représenter la défaite de la France se concrétisera dans Tempête en juin, première des cinq parties qui auraient dû composer Suite française (Dolce, Captivité, Batailles, La Paix pour les quatre autres), et dont elle ne parviendra à écrire que les deux premières. Dans Tempête en juin, qui raconte l’exode de Paris en juin 1940, les chapitres sont tour à tour consacrés à une riche famille bourgeoise, à un écrivain et à son amante, à un collectionneur de porcelaine, à un prêtre, à un groupe d’orphelins et à un couple d’employés de banque. Dans Dolce, est décrite l’occupation allemande d’un village français : la petite noblesse provinciale, un riche propriétaire bourgeois et des paysans sont contraints de vivre avec l’ennemi. Après une première mouture, Némirovsky entreprend une révision complète, qui aboutit à la rédaction d’une nouvelle version de l’œuvre. Son arrestation, survenue le 13 juillet 1942, interrompt son travail à la fin de Tempête en juin, seule partie, donc, dont il existe une version revue et publiée pour la première fois en 20202.

  • 3 Cité par O. Philipponnat dans la « Notice » de La Nuit en Wagon, Comme des grands enfants, En raiso (...)
  • 4 S. Suleiman, La Question Némirovsky, Paris, Albin Michel, 2017, p. 134.
  • 5 O. Philipponnat, « Notice » de Naissance d’une révolution, Magie, Nous avons été heureux, Espoirs, (...)
  • 6 I. Némirovsky, Naissance d’une révolution, dans ŒC I, p. 1826.
  • 7 Ibid., p. 1831-1832.
  • 8 Ibid., p. 1832.

4Le roman fait partie d’une saison littéraire qui voit l’auteure se débarrasser progressivement de ses thèmes de prédilection pour se concentrer sur la guerre, et dont le début remonte à 1938, avec un récit consacré aux journées de février 1917 ; la référence à la Révolution russe dans le passage ci-dessus est ainsi loin d’être anodine. Le 14 mars 1938, lorsqu’elle apprend les nouvelles de l’Anschluss, elle écrit ce qui suit dans son journal de travail : « Quel étrange temps nous vivons… La guerre, logiquement, semble tout près »3. Comme Susan Suleiman l’a supposé, le nouveau traumatisme – l’imminence de la guerre – réveille « les souvenirs d’un autre et la terreur de ce qui va suivre »4 : Némirovsky se lance alors dans l’écriture de Naissance d’une révolution. Dans cette nouvelle, rédigée d’un trait le 27 mars 1938, comme l’affirme Olivier Philipponnat5, elle se propose de retrouver « l’instant exact où naît une révolution »6, ce moment « où l’homme ne s’est pas dépouillé encore des habitudes et de la pitié humaine, où il n’est pas encore habité par le démon, mais où déjà celui-ci s’approche de lui et trouble son âme »7. Le lien avec la contemporanéité est manifeste : « Quel démon ? Tous ceux qui ont vu de près la guerre ou l’émeute le connaissent ; chacun lui donne un nom différent, mais il a toujours le même visage hagard et fou, et ceux qui l’ont aperçu une fois ne l’oublieront plus »8.

  • 9 Voir A. Barbieri, « Temi e questioni di polemologia letteraria », dans L’Immagine riflessa, 1-2, 20 (...)

5S’il est vrai, comme le soutient Alvaro Barbieri, que la représentation de la guerre ne peut jamais se défaire d’une certaine tradition millénaire9, il sera alors intéressant d’observer comment Némirovsky se positionne par rapport à ces codes littéraires et quelle est son évolution de 1938 jusqu’à ses derniers jours de travail.

  • 10 I. Némirovsky, Lettre à A. Sabatier, 27 mars 1941, dans Ead., Lettres d’une vie, éd. O. Philipponna (...)

6Dans sa correspondance, c’est le 27 mars 1941 qu’elle fait référence, pour la première fois, à Tempête en juin, lorsque, s’adressant à André Sabatier, directeur littéraire chez Albin Michel avec lequel elle entretient des rapports amicaux, elle écrit : « Je compte que, de votre côté, vous penserez au moyen de me documenter pour mon roman en cours (sur l’exode de Juin) »10. Si cette lettre nous informe surtout de la quête d’exactitude qui accompagne la rédaction, ailleurs l’écrivaine insiste plus clairement sur la singularité de l’œuvre. En juin 1941, Irène Némirovsky, qui, à cette époque, s’est exilée avec sa famille à Issy-l’Évêque et que la situation politique angoisse de plus en plus, se décide à prendre Julie Dumot à son service. Celle-ci, qui avait travaillé pour son père, devrait s’occuper des deux filles de l’écrivaine, au cas où elle et son mari seraient arrêtés. Le 22 juin 1941, Némirovsky lui écrit une lettre qui a valeur de testament :

  • 11 I. Némirovsky, Lettre à J. Dumot, « aux bons soins de Madame Loctin », 22 juin 1941, dans LV, p. 36 (...)

Ma petite Julie, en apprenant que la Russie et l’Allemagne étaient en guerre, nous avons tout de suite redouté le camp de concentration et je vous ai envoyé une carte pour vous prier de venir aussitôt. Lorsque vous arriverez ici, si nous n’y sommes plus, installez-vous avec les enfants à l’Hôtel des Voyageurs, chez Loctin, là où nous vivons depuis un an. C’est une modeste petite auberge, mais vous serez bien nourrie et les patrons sont des gens de toute confiance. Nous leur laissons d’ailleurs une cassette contenant quelques petits bijoux dont les principaux sont : mon diamant monté en bague et une broche avec de petits brillants […]. Lorsque l’argent sera épuisé, commencez par vendre les fourrures que vous trouverez dans nos valises et que vous reconnaîtrez certainement... Il y a aussi pas mal d’étoffes, toutes barbotées quai de Passy. Autant que possible, gardez les zibelines. Il y a également de l’argenterie. Vendez-la après les fourrures et avant les bijoux. Enfin, pour la toute dernière extrémité, il y aura chez Loctin le manuscrit d’un roman que je n’aurai peut-être pas le temps de terminer et qui s’appelle Tempête en juin.11

  • 12 S. Suleiman, op. cit., p. 140.

7Tempête en juin est présenté comme un bien précieux, dont il ne faut pas se séparer à moins qu’il en aille de la subsistance de ses filles. On reconnaît une allusion ultérieure à l’unicité de l’œuvre dans la lettre du 4 mai 1942 adressée à André Sabatier. Elle attribue ses propos à Julie Dumot, qui, depuis l’interdiction pour les juifs de publier, lui sert de « femme de paille »12 :

  • 13 I. Némirovsky, Lettre à A. Sabatier, 4 mai 1942, dans LV, p. 434-435.

Julie ne travaillera à ce roman que si elle est presque sûre qu’on le prendra l’année prochaine, (pour un prix convenable) car autrement elle préfère continuer ce qui l’occupe depuis déjà deux ans, un roman en plusieurs volumes et qu’elle considère comme l’œuvre principale de sa vie. Cela, je vous assure, ne sera publié que dans les circonstances et les conditions qu’elle jugera favorables...13

  • 14 Ead., Lettre à A. Michel, 11 mai 1942, dans LV, p. 440.

8C’est n’est probablement qu’en vue de la publication imminente des Feux de l’automne qu’elle est prête à mettre momentanément de côté « l’œuvre principale de sa vie ». Dans sa lettre à Albin Michel du 11 mai 1942, Némirovsky confirme qu’elle est en train d’écrire « quelque chose de très important (un roman en plusieurs volumes) »14. Quelques jours plus tard, le 17 mai 1942, elle s’adresse à André Sabatier :

  • 15 Ead., Lettre à A. Sabatier, 17 mai 1942, dans LV, p. 442.

J’avais beaucoup de choses « publiables » en train, mais j’ai si bien compris que, malgré tous vos efforts, je me heurtais à des portes closes ou que l’on n’entr’ouvrait que par une espèce de charité, que j’ai abandonné tout cela pour ne plus penser qu’à l’avenir et travailler à cet ouvrage en plusieurs volumes dont je vous ai parlé. J’attendrai, pour reprendre le reste, de savoir quel sort sera réservé aux deux nouvelles destinées à Présent et que vous m’aviez promis de transmettre. Si vous arrivez à les caser, cela me donnera le courage de reprendre cette besogne. Sinon, je ne veux plus, je le répète, travailler que pour l’avenir.15

  • 16 O. Philipponnat, « Notice » de Aïno, Le Sortilège, … Et je l’aime encore, Le Départ pour la fête, L (...)
  • 17 Voir C. Reggiani, « “Nouvelles pour temps de guerre et après” : le style documentaire dans les nouv (...)

9Suite française semble faire partie d’un projet de plus grande envergure, alors que certaines nouvelles de la même époque, auxquelles le roman est pourtant lié par un dense réseau de symboles, sont considérées par son auteure comme purement « alimentaires »16. Il sera alors intéressant de chercher les raisons qui permettent à Némirovsky de lui accorder une place de choix dans sa production, à tel point que la dernière version de Tempête en juin pourrait être lue non seulement comme un ultime témoignage, mais bel et bien comme l’aboutissement d’une réflexion formelle et stylistique qui commence, comme l’a suggéré Christelle Reggiani au sujet des nouvelles, lorsqu’elle prend la guerre pour sujet17.

« Travailler pour l’avenir »

  • 18 Annotation du 26 mars 1940, cité par O. Philipponnat, « Introduction », dans ŒC II, p. 7.

10Le 3 septembre 1939 la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne et, juste un mois plus tard, avec une promptitude extraordinaire, le 5 octobre 1939, la nouvelle La Nuit en wagon paraît dans Gringoire. La rapidité de cette publication est significative du tournant qui s’est opéré dans l’écriture de Némirovsky, qui, quelques mois plus tard, écrira dans son journal : « Je crois que désormais je n’écrirai plus qu’une chose : ce que nous devenons »18.

  • 19 Dans ses notes, l’auteure parle des nouvelles écrites à cette époque comme de « nouvelles pour temp (...)
  • 20 A. Barbieri, art. cit., p. 53.
  • 21 VI, p. 48 et p. 51.
  • 22 Ead., La Nuit en wagon, dans ŒC II, p. 391.
  • 23 VI, p. 58.
  • 24 Ead., La Nuit en wagon, cit., p. 393.

11Plusieurs des thèmes abordés dans cette première « nouvelle pour temps de guerre »19 convergent dans le roman. Comme le titre le suggère, la nouvelle se déroule pendant la nuit, qui, par opposition au jour et à la lumière, peut représenter l’inquiétude et le craquèlement des certitudes20. De même, Tempête en juin s’ouvre sur une nuit d’alerte. Et cet « horizon de cristal vert » et ce « firmament d’or vert »21 décrits dans le roman trouvent des correspondances exactes dans une autre nouvelle de l’époque, En raison des circonstances. Ou encore, la femme qui, au cours du voyage, dans La Nuit en wagon, déclare : « Je ne peux pas laisser mes draps »22, n’est pas sans lien avec les Péricand, qui, au moment de quitter Paris, refusent « d’abandonner ces grands draps brodés, ces nappes de trente-six couverts, ces soyeuses serviettes damassées qui faisaient partie du patrimoine inaliénable des Péricand-Maltête »23. Toujours dans La Nuit en wagon, l’une des voyageuses, écoutant les nouvelles de la guerre, dit « Moi, ça m’est bien égal »24, à l’instar de l’un des Parisiens en pleine alerte dans la dernière version du roman. Dans les deux cas, l’expression est attribuée à un personnage dont l’identité n’est pas précisée, preuve que le scepticisme est une attitude généralisée chez les Français.

12La pratique de la réécriture, récurrente chez Némirovsky, prend à ce moment une ampleur extraordinaire. Que l’on observe la représentation de l’armée en déroute dans Les Feux de l’automne :

  • 25 Ead., Les Feux de l’automne, dans ŒC II, p. 1346.

L’armée avait été battue dans les Flandres, battue à Dunkerque, battue sur les bords de l’Aisne. Tout était consommé maintenant. Il n’y avait plus que les civils pour garder au cœur une invincible espérance ; dans les cafés du Lot-et-Garonne, on établissait encore une ligne de défense imaginaire au sud de la Loire, mais les militaires n’avaient plus de ces illusions. Les militaires savaient que l’armée était perdue ; ils voyaient même approcher le jour où il n’y aurait plus d’armée, où, dans la masse d’un peuple en fuite, les soldats disparaîtraient comme, pendant la tempête, les débris d’un vaisseau s’enfoncent dans la mer.25

13Ces motifs se retrouvent dans la dernière version de Tempête en juin :

  • 26 VI, p. 122.

Jean-Marie Michaud, blessé, était couché dans ce camion. Son régiment détruit dans le Nord, il avait fait partie de ces débris d’armée qui essayaient en vain de se reformer, de se souder les uns aux autres pour arrêter l’avance allemande et qui, sans cesse rejoints, battus, dispersés, s’enfuyaient de plus en plus vite, cherchant toujours à gagner de nouvelles positions, à reprendre haleine, à s’accrocher au sol pour le combat. Mais le sol semblait céder sous eux. Ils avaient traversé comme une tempête la route de Paris, fourgons et canons, tanks et ambulances, s’enfonçant vers le sud. Ils avaient été atteints et battus de nouveau. Ce qui avait échappé à la mort ou à la captivité n’était plus une armée : comme un navire désemparé s’enfonce dans la mer, l’armée avait disparu dans la foule des civils en fuite ; par places, un camion-citerne, une automitrailleuse, un char, une poignée d’hommes surnageaient encore ; le reste, chefs et soldats, flottait à la dérive, entraîné par les réfugiés, sans ordres, sans but de combat, sans vivres, sans armes.26

14La métaphore de la tempête est visiblement intensifiée par l’emploi d’un rythme plus haletant et fournit une explication au titre de l’œuvre. Un autre exemple significatif réside dans la description du bouleversement des individus au moment où la guerre éclate, sur laquelle s’ouvre La Nuit en wagon :

  • 27 Ead., La Nuit en wagon, cit., p. 389.

C’était la première nuit de la guerre. Dans les guerres et les révolutions, rien de plus extravagant que ces premiers instants où l’on est précipité d’une vie dans une autre, le souffle coupé, comme on tomberait tout habillé du haut d’un pont dans une rivière profonde, sans comprendre ce qui vous arrive, en conservant au cœur un absurde espoir.27

15L’image revient dans Tempête en juin, dans la description du visage de M. Péricand, un visage « habituellement rose, reposé, bien nourri », mais, qui, au moment où il comprend la gravité des événements,

  • 28 VI, p. 47.

était très pâle et semblait non point effrayé ni même inquiet, mais extraordinairement étonné. On voit sur les traits des hommes qui ont trouvé la mort dans un accident, en quelques secondes, sans avoir eu le temps de souffrir ni d’avoir peur, une expression semblable. Ils lisaient un livre, ou ils regardaient la route devant eux en pensant à leurs affaires, ou encore ils dînaient au wagon-restaurant et, tout à coup, les voici en enfer.28

  • 29 Des années plus tard, Butor, Perec et Calvino auront plus largement recours à l’emploi de la deuxiè (...)
  • 30 H. Godard, Le Roman modes d’emploi, Paris, Gallimard, « Folio essais », 2006, p. 22.
  • 31 Ibidem.
  • 32 Cité par T. M. Lussone, La fabrique d’un chef-d’œuvre, dans VI, p. 589.
  • 33 É. Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, « Tel », 1966, t. I, p. 241.

16Dans ces deux œuvres le même motif réapparaît, mais avec une différence capitale. Dans la nouvelle la relation avec le lecteur se tisse à travers la deuxième personne du pluriel, un « vous »29 qui n’a plus sa place dans le roman, où il a été remplacé par un « on » d’ascendance presque naturaliste. Ce n’est que quelques pages plus loin que l’on comprend que La Nuit en wagon est écrit à la première personne, alors que Tempête en juin est à la troisième personne. Comme l’affirme Henri Godard30, la relation lecteur-narrateur s’avère toujours symétrique, et la disparition du lecteur dans le passage de la nouvelle au roman va justement de pair avec la disparition du narrateur. Pour avoir recours au lexique de la critique génétique, on peut affirmer que La Nuit en wagon est un antécédent de Suite française, tout comme Jean Santeuil vis-à-vis de la Recherche. Cependant il est intéressant de remarquer que les deux auteurs vont dans deux directions opposées : Proust passe de la troisième à la première personne tandis que Némirovsky passe, elle, de la première à la troisième. Selon Godard, l’une des raisons qui expliquent le choix de Proust réside dans une sorte de convenance entre le thème et la forme. Les expériences narrées « sont la menue monnaie de toutes nos vies. Si elles ont malgré tout quelque chose de notable, ce n’est que pour l’intéressé, et si quelqu’un peut tenter d’en faire un roman, ce n’est que lui, en disant ‘je’ »31. À l’inverse, les faits dont il est question dans Suite française ne sont pas des miettes de la quotidienneté, mais ont l’ambition, à l’évidence, de ne présenter un intérêt que pour celui (ou celle) qui raconte, ce qui justifie la présence d’un narrateur externe capable de raconter le monde. Et si dans la Recherche, ce je se trouve au centre de la narration, dans Tempête en juin, le centre de gravité se déplace complètement vers les faits racontés, au point que le narrateur s’efface derrière les péripéties et que l’histoire semble se dérouler comme dans un film, écrit l’auteure dans ses notes32, ou, pour le dire avec Benveniste, les faits donnent l’impression de se raconter eux-mêmes33.

  • 34 G. Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 261. Cf. T. M. Lussone, « “Faire la débâcle comme j (...)
  • 35 I. Némirovsky, M. Rose, dans ŒC II, p. 862.

17Ce cantonnement du narrateur à une « fonction proprement narrative »34 trouve une démonstration supplémentaire dans la suppression des maximes. Observons l’incipit de M. Rose, dont le héros est l’avatar de l’un des personnages les plus mesquins de Tempête en juin, Charles Langelet, le collectionneur de porcelaine. Dans les premières lignes de la nouvelle on peut lire : « Pour bien connaître un homme, il faut le voir à sa table ou devant une femme qui lui plaît »35. Bien qu’il n’y ait nulle trace de cette sentence dans le roman, l’histoire de Langelet en constitue une démonstration parfaite : il est très fier de ne pas s’être marié et de ne pas avoir eu d’enfants, ce qui le dispense de devoir partager sa fortune ; de retour à Paris, il n’hésite pas à boire du café qui provient vraisemblablement du marché noir, signe qu’il est dénué de tout scrupule.

18Ce même mécanisme, la disparition de la maxime, est à l’œuvre dans le passage de la première à la dernière version du roman. Dans la première version, dans le dernier chapitre consacré à Langelet on lit :

  • 36 Ead., Suite française, dans ŒC II, p. 1651.

Les événements graves, heureux ou malheureux ne changent pas l’âme d’un homme mais ils la précisent, comme un coup de vent en balayant d’un coup les feuilles mortes révèle la forme d’un arbre ; ils mettent en lumière ce qui était laissé dans l’ombre ; ils inclinent l’esprit dans la direction où il croîtra désormais.36

19Si cette maxime est absente de l’ultime version du roman, pourtant, force est de constater que l’affaire Langelet en est une magistrale illustration.

« Ce qui était laissé dans l’ombre »

20Cette maxime, cependant, pourrait s’adresser plus généralement à tous les Français qui fuient Paris, car l’essence de Tempête en juin réside précisément dans ce pouvoir de dévoilement attribué au désastre. Un autre aspect doit être convoqué : Tempête en juin n’est pas un roman sur la guerre, mais plutôt sur la défaite de la France et sur l’exode de Paris en juin 1940. C’est à l’aune de cela qu’il faudrait analyser les caractères de Tempête en juin aussi bien par rapport aux clichés sur lesquels repose traditionnellement la représentation de la guerre qu’aux autres textes de l’écrivaine qui appartiennent à la même époque.

21La volonté de saisir une société dans son entier face à la catastrophe rend nécessaire la recherche d’une structure narrative adaptée. L’architecture que l’on retrouve dans Les Biens de ce monde et Les Feux de l’automne, déterminée par la recherche d’une forme nouvelle pour représenter les événements, apparaît insuffisante et inappropriée à Irène Némirovsky : dans ces romans, on suivait les vicissitudes des personnages de la Première à la Seconde Guerre mondiale et l’attention se focalisait sur le parallélisme entre les deux guerres et sur le caractère cyclique des rapports générationnels, un thème cher à l’auteure. Cette réitération, à la fois générationnelle et historique, rassurante en ce qu’elle contribuait à relativiser l’impact du bouleversement, est remise en question dans Tempête en juin par une conflagration dont l’issue imprévisible ne saurait être mise sur le même pied que la précédente, si ce n’est partiellement.

  • 37 Sur la relation entre récits de guerre et construction de la mémoire collective, voir A. Casadei, L (...)
  • 38 W. Benjamin, Il narratore. Considerazioni sull’opera di Nicola Leskov, in Id., Angelus Novus, [1962 (...)
  • 39 A. Barbieri, art. cit., p. 35.

22Certains éléments historiques alimentent la rupture de la répétitivité : non seulement il n’y a rien dans cette guerre qui mérite d’être gravé dans la mémoire collective37, mais des changements cruciaux sont intervenus à propos de la Grande Guerre. Au cours de celle-ci, les civils étaient tenus à l’écart de ce qui se jouait sur le front et les soldats en offraient de maigres récits, ainsi que le théorise Benjamin38 et le met en scène Némirovsky dans En raison des circonstance Lors de la Seconde Guerre mondiale les frontières entre population civile et militaires se sont brouillées39, et l’ensemble de la société est plus clairement impliqué dans le conflit : dans Tempête en juin, ce qui se trouve au premier plan et détermine la structure du récit, justement, c’est la manière dont la catastrophe ébranle véritablement l’ensemble de la société tel un cataclysme, et non plus la simple répétition des événements. La seule cyclicité encore en vigueur est celle de la nature : la pratique de l’ekphrasis et de l’hypotypose que l’on retrouve dans la description de l’espace ne constitue pas une fin en soi mais elle vient souligner la petitesse des inquiétudes des hommes, comparativement à la nature qui suit son cours, indifférente.

  • 40 VI, p. 437, 438, 439.
  • 41 G. W. F. Hegel, Estetica, Torino, Einaudi, 2017, p. 103. Voir aussi A. Casadei, op. cit., p. 10.

23Némirovsky imagine une architecture mimétique où le fractionnement des vicissitudes des personnages d’un chapitre à l’autre sert de stratagème pour représenter le chaos qui s’est installé dans la France de l’époque et renvoie au fait que tout l’univers est brisé en mille morceaux : c’est le peuple lui-même qui est fragmenté et c’est justement cette éclipse de l’« esprit de la ruche », pour citer les paroles mêmes de l’auteure40, qui nous autorise à considérer ce roman comme anti-épique. Dans l’épopée, en effet, le peuple trouve sa force dans la cohésion, et les actions individuelles concourent à un objectif unique41. Dans Tempête en juin, au contraire, si le pays est épuisé, les individus, eux, survivent tant bien que mal et chacun ne songe qu’à sauver sa peau : la population est représentée dans sa fuite, prête qu’elle est à abandonner sa patrie.

  • 42 À propos de la perte du caractère transcendant et des topoï fondamentaux de la représentation de la (...)
  • 43 VI, p. 42.

24Ce renversement de valeurs et de perspectives ôte au combat toute finalité supérieure, toute ambition téléologique42, toute motivation. La guerre n’aspire pas, semble-t-il, à établir un nouvel ordre rationnel puisque le chaos règne en maître, et qu’ordres et contre-ordres se succèdent. Le conflit défie la raison, il est inexplicable, au point que les raisons d’un camp ou de l’autre ne sont jamais évoquées. La rhétorique belliciste et patriotique n’a pas vraiment non plus droit de cité, sauf dans la voix « pépère »43 d’un speaker sur lequel le narrateur porte un regard ironique.

  • 44 A. Barbieri, art. cit., p. 46.
  • 45 Ibid., p. 15.
  • 46 J.-N. Cru, Témoins. Essai d’analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français (...)

25Dans ce roman il n’y a aucune trace du sentiment d’excitation, qui, dans Naissance d’une révolution, accompagne l’explosion du conflit, et l’euphorie pour le combat ne peut émerger que chez qui n’a pas connu d’autres guerres. Mais c’est précisément parce qu’il est le seul qui nourrit dans son cœur les illusions romantiques de la guerre qu’Hubert, jeune homme de dix-sept ans qui rêve de sauver la France avec sa bande de scouts, devient l’emblème du désenchantement auquel donne lieu l’expérience avérée de la guerre. Hubert part au front plein de l’envie de se battre, et l’épisode qui le met en scène est une véritable réécriture de Fabrice à Waterloo dans la Chartreuse de Parme. Son expérience du champ de bataille reprend (et renverse) les clichés les plus connus de la représentation de la guerre. Hubert perd son camarade avant même d’avoir pu prendre la route, car le jeune homme avec lequel il devait se rendre au front est retenu de force par ses vieilles tantes, ou, plus vraisemblablement, est pris de lâcheté. Le male bonding44, la solidarité et la complicité entre soldats fait figure d’exception aux yeux d’Hubert : la générosité du Sénégalais qui lui tend une bouteille de bière ne manque pas de le surprendre et de lui paraître inattendue. Dans son histoire, on retrouve en outre cet ancien lien entre la guerre et l’amour45, mais une fois de plus, Hubert n’arrive pas à comprendre ce que le personnage féminin qui l’héberge (une danseuse) attend de lui, au point qu’il s’endort, puis se met à pleurer. Enfin, Hubert semble pousser jusqu’à ses dernières conséquences ce que Cru appelle le paradoxe de Stendhal46 : parmi tous les témoignages de combattants possibles pour la reconstruction historique des événements, le plus insignifiant est bel et bien celui du personnage qui se trouvait effectivement sur le front. Et en l’espèce, les réfugiés qui écoutent son récit vont jusqu’à remettre en cause le fait qu’il ait pu s’agir d’une bataille :

— Je viens de Moulins. J’ai défendu Moulins, dit-il.

Il s’attendait à être entouré, interrogé, complimenté, réconforté, mais on le regarda en silence et une femme fit :

  • 47 VI, p. 174.

— Ah ? On s’est donc battu à Moulins ?47

  • 48 Cf. A. Barbieri, art. cit., p. 14 ; A. Casadei, op. cit., p. 18.

26Même sa mort prend l’apparence d’un leurre : sa famille s’apprête à célébrer une messe funèbre en son honneur lorsqu’il réapparaît soudainement, comme par miracle. Un poncif, encore un, qui se trouve ici parodié. Bref, tout dans son histoire ne fait que briser l’illusion d’un héroïsme et le ramener à ce qu’il est vraiment : un enfant et un rêveur. Ce pouvoir révélateur du désastre agit également, pour ne citer qu’un seul exemple, sur son frère, Philippe, mais avec un résultat complètement opposé. Le comportement de celui-ci évoque une dimension archaïque de la guerre, qui renvoie à sa valeur sacrée : il devient protagoniste d’un sacrifice dont il est à la fois l’officiant et la victime à immoler, et le seul qui ambitionne une récompense céleste48.

Conclusion : « Une boule qui ne repose sur rien »

  • 49 R. Esménard, Lettre à I. Némirovsky, 7 mars 1941, dans LV, p. 447.

27Lorsqu’il demande à l’écrivaine des nouvelles à publier dans des revues, Robert Esménard, gendre d’Albin Michel qui dirige la maison en son absence, lui écrit : « Comme nouvelles on vous demande soit des récits mouvementés (que se passe-t-il ? demande le lecteur), ou des études de mœurs (comme c’est donc vrai ! s’exclame le même brave lecteur) »49. Cette demande permet de mettre plus clairement en évidence certains aspects cruciaux qui distinguent nettement le roman des nouvelles.

  • 50 Pour la lecture de Suite française en tant que document, voir A. Kershaw, « Suite française, un rom (...)
  • 51 R. Barthes, « L’effet de réel », dans Le Bruissement de la langue. Essais critiques IV, Paris, Seui (...)
  • 52 VI, p. 200.

28Quant à la première requête, de toute évidence, Tempête en juin n’a aucune ambition documentaire ni mémorialiste50. L’écriture du roman va de pair, certes, avec une activité de documentation fouillée, et si l’auteure, entre la première et la dernière version du roman, a corrigé certaines inexactitudes dans le parcours des personnages pendant l’exode, sa démarche a pourtant comme finalité, non pas l’élaboration d’un récit historiquement fiable, mais bien la recherche d’un « effet de réel », selon l’expression bien connue de Roland Barthes51. À ce sentiment de réalité concourt la juxtaposition de documents authentiques (tels que la déclaration de Pétain à la radio du 17 juin : « Je vous le dis la mort dans l’âme, il faut cesser le combat »52), et de documents fictifs qui s’inscrivent parfaitement dans la topique de la représentation de la guerre (que l’on songe à la lettre que Philippe envoie du front à ses parents, absente dans la première version du roman).

  • 53 Ch. Mauron, Psychocritique du genre comique, Paris, Corti, 1964, p. 9.
  • 54 Voir Y. Baudelle, « Ironie et comique dans Suite française », dans Roman 20-50, 2012, p. 109-123 ; (...)
  • 55 H. Godard, op. cit., p. 43-47.
  • 56 VI, p. 37. Sur la mise en évidence de la phrase, qui dans la première version du roman se trouve à (...)
  • 57 VI, p. 111.

29Quant à la seconde requête de son éditeur, Tempête en juin n’y répond pas non plus. Si, à certains égards, il peut être considéré comme une « étude des mœurs », ce texte, de toute évidence, est tout sauf complaisant. Il nous faut mentionner ici brièvement, faute d’espace, un autre aspect qui distingue ce roman des autres textes écrits à la même époque : dans celui-ci, Némirovsky ne fait pas l’économie de stratégies comiques et use volontiers de l’hybridation des stratagèmes53 : comique corporel, qui apparaît ici pour la première fois, épisodes dignes d’une farce, scènes cocasses, ironie, satire et autres quiproquos ont leur toute leur place dans l’œuvre. À travers ces procédés, surtout à travers la satire, Némirovsky met en scène une société qui, à quelques exceptions près, donne le pire d’elle-même. Prenons l’exemple de Mme Péricand : après avoir fait étalage de sa générosité en distribuant gratuitement de la nourriture, elle réprimande vertement ses fils lorsqu’ils font de même car elle s’est rendu compte qu’il ne lui était plus possible de reconstituer ses réserves. Le recours à l’humour, déjà mis en évidence dans d’autres études54, est un autre des instruments qui permet à l’écrivaine de « balayer les feuilles mortes », de montrer l’homme dans sa nudité, dans sa petitesse et dans sa fragilité face à la tragédie. C’est là que réside, peut-être, le trait distinctif de sa dernière œuvre par rapport au reste de sa production, dans cette préoccupation éthique plus nette qui anime son écriture et la pousse à représenter toute une société face aux « événements graves » qui ne changent pas la nature des individus, mais « la précisent ». La reprise, dans ce roman, de quelques thèmes déjà présents dans les nouvelles, mais sous des formes inédites (pensons au rythme plus fragmenté, au narrateur externe ou à l’humour), est l’indice que cette recherche occupe l’auteure jusqu’à la toute fin. Comme Godard le dit de Proust55, Némirovsky s’évertue à ce qu’il y ait une corrélation entre le fond et la forme, et le projet demeure plus ambitieux que celui des nouvelles, parce que mû par une justification éthique, celle de dépeindre la France toute entière face à la catastrophe, de l’englober dans ses bassesses ou, plus rarement, dans ses élans de générosité. La phrase placée en exergue dans la dernière version du roman, « La terre est une boule qui ne repose sur rien »56, extraite d’un livre de géographie pour enfants, annonce bien cette tension éthique et gnoséologique qui trouve place dans le roman, qui, tout en s’appuyant sur de nombreuses idées reçues autour de la narration de guerre, offre une représentation non stéréotypée du conflit. Le glissement progressif de la focalisation sur la guerre à la focalisation sur la défaite implique un intérêt qui se déplace des événements racontés aux réactions que ceux-ci suscitent chez les individus. Ainsi, Suite française et Tempête en juin constituent non seulement le dernier témoignage du travail de l’auteure, mais aussi le point culminant d’une recherche qui se révèle être de nature à la fois esthétique et éthique. À la frontière entre la vie et la mort, la défaite est le lieu de l’authenticité et oblige l’individu à montrer sa vraie nature : débarrassé de ses « vains ornements »57, l’individu est dépouillé devant l’histoire, en équilibre précaire entre passé et futur, privé de ses certitudes, de ses espérances et même de la faculté de l’héroïsme, il « ne repose sur rien ».

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Notes

1 Cité par O. Philipponnat dans la « Notice » de Suite française, dans I. Némirovsky, Œuvres complètes, éd. O. Philipponnat, Paris, Librairie Générale Française, « Le Livre de Poche », 2011, t. II, p. 1458 (dorénavant, pour les deux volumes qui composent l’ouvrage, nous abrégeons comme suit : ŒC I et ŒC II).

2 I. Némirovsky, Suite française. Version inédite, éd. O. Philipponnat, T. M., Lussone, Paris, Denoël, 2020 (dorénavant VI). Je renvoie à cette édition pour une reconstitution plus complète des vicissitudes de l’écriture et de la publication du roman.

3 Cité par O. Philipponnat dans la « Notice » de La Nuit en Wagon, Comme des grands enfants, En raison des circonstances, Émilie Plater, Le Spectateur, dans ŒC II, p. 386.

4 S. Suleiman, La Question Némirovsky, Paris, Albin Michel, 2017, p. 134.

5 O. Philipponnat, « Notice » de Naissance d’une révolution, Magie, Nous avons été heureux, Espoirs, La Confidence, La femme de don Juan, dans ŒC I, p. 1826.

6 I. Némirovsky, Naissance d’une révolution, dans ŒC I, p. 1826.

7 Ibid., p. 1831-1832.

8 Ibid., p. 1832.

9 Voir A. Barbieri, « Temi e questioni di polemologia letteraria », dans L’Immagine riflessa, 1-2, 2012, p. 1-56, p. 56.

10 I. Némirovsky, Lettre à A. Sabatier, 27 mars 1941, dans Ead., Lettres d’une vie, éd. O. Philipponnat, Paris, Denoël, 2021, p. 351 (dorénavant LV).

11 I. Némirovsky, Lettre à J. Dumot, « aux bons soins de Madame Loctin », 22 juin 1941, dans LV, p. 363-365.

12 S. Suleiman, op. cit., p. 140.

13 I. Némirovsky, Lettre à A. Sabatier, 4 mai 1942, dans LV, p. 434-435.

14 Ead., Lettre à A. Michel, 11 mai 1942, dans LV, p. 440.

15 Ead., Lettre à A. Sabatier, 17 mai 1942, dans LV, p. 442.

16 O. Philipponnat, « Notice » de Aïno, Le Sortilège, … Et je l’aime encore, Le Départ pour la fête, L’Autre jeune fille, dans ŒC II, p. 451.

17 Voir C. Reggiani, « “Nouvelles pour temps de guerre et après” : le style documentaire dans les nouvelles de guerre d’Irène Némirovsky », dans ce même dossier de la Revue italienne d’études françaises.

18 Annotation du 26 mars 1940, cité par O. Philipponnat, « Introduction », dans ŒC II, p. 7.

19 Dans ses notes, l’auteure parle des nouvelles écrites à cette époque comme de « nouvelles pour temps de guerre et après ».

20 A. Barbieri, art. cit., p. 53.

21 VI, p. 48 et p. 51.

22 Ead., La Nuit en wagon, dans ŒC II, p. 391.

23 VI, p. 58.

24 Ead., La Nuit en wagon, cit., p. 393.

25 Ead., Les Feux de l’automne, dans ŒC II, p. 1346.

26 VI, p. 122.

27 Ead., La Nuit en wagon, cit., p. 389.

28 VI, p. 47.

29 Des années plus tard, Butor, Perec et Calvino auront plus largement recours à l’emploi de la deuxième personne, qui pourtant, nous dit Tadié, n’a pas été retenu par la suite. Cf. J.-Y. Tadié, Le Roman d’hier à demain, Paris, Gallimard, 2012.

30 H. Godard, Le Roman modes d’emploi, Paris, Gallimard, « Folio essais », 2006, p. 22.

31 Ibidem.

32 Cité par T. M. Lussone, La fabrique d’un chef-d’œuvre, dans VI, p. 589.

33 É. Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, « Tel », 1966, t. I, p. 241.

34 G. Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 261. Cf. T. M. Lussone, « “Faire la débâcle comme je veux” : du manuscrit à la version inédite de Suite française », dans F. Pellegrini, D. Tononi (dir.), Génétique Textuelle. Approches croisées et études de cas, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2023, p. 131-154.

35 I. Némirovsky, M. Rose, dans ŒC II, p. 862.

36 Ead., Suite française, dans ŒC II, p. 1651.

37 Sur la relation entre récits de guerre et construction de la mémoire collective, voir A. Casadei, La Guerra, Roma-Bari, Editori Laterza, 1999, p. 15.

38 W. Benjamin, Il narratore. Considerazioni sull’opera di Nicola Leskov, in Id., Angelus Novus, [1962], Torino, Einaudi, 1982, p. 247-274, p. 248.

39 A. Barbieri, art. cit., p. 35.

40 VI, p. 437, 438, 439.

41 G. W. F. Hegel, Estetica, Torino, Einaudi, 2017, p. 103. Voir aussi A. Casadei, op. cit., p. 10.

42 À propos de la perte du caractère transcendant et des topoï fondamentaux de la représentation de la guerre chez les écrivains du XXe siècle, voir P. Glaudes, H. Meter (dir.), L’Expérience des limites dans les récits de guerre (1914-1945), Genève, Éditions Slatkine, 2001, p. 10.

43 VI, p. 42.

44 A. Barbieri, art. cit., p. 46.

45 Ibid., p. 15.

46 J.-N. Cru, Témoins. Essai d’analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français de 1915 à 1928, Paris, Les Étincelles, 1929.

47 VI, p. 174.

48 Cf. A. Barbieri, art. cit., p. 14 ; A. Casadei, op. cit., p. 18.

49 R. Esménard, Lettre à I. Némirovsky, 7 mars 1941, dans LV, p. 447.

50 Pour la lecture de Suite française en tant que document, voir A. Kershaw, « Suite française, un roman historique au XXIe siècle », dans M. Dambre (dir.), Mémoires occupés. Fictions françaises et seconde guerre mondiale, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2013, p. 85-92. Quant à la possibilité de lire ce roman comme un recueil de mémoire, rappelons que Némirovsky n’a pas vécu l’exode dans sa chair : « Pour moi l’exode fut sans histoires », I. Némirovsky, Lettre à M. Cabour, 22 décembre 1940, dans LV, p. 336.

51 R. Barthes, « L’effet de réel », dans Le Bruissement de la langue. Essais critiques IV, Paris, Seuil, 1993, p. 179-187, p. 186.

52 VI, p. 200.

53 Ch. Mauron, Psychocritique du genre comique, Paris, Corti, 1964, p. 9.

54 Voir Y. Baudelle, « Ironie et comique dans Suite française », dans Roman 20-50, 2012, p. 109-123 ; T. M. Lussone, « Un roman sans “chichis”. Illusion comique et réalité tragique dans la deuxième version de Suite française », dans Approches, 180, 2019, p. 89-103.

55 H. Godard, op. cit., p. 43-47.

56 VI, p. 37. Sur la mise en évidence de la phrase, qui dans la première version du roman se trouve à l’intérieur du texte, cf. O. Tajani, « La tempesta in giugno di Némirovsky », dans Nazione indiana, consulté le 10/04/2023, URL : <https://www.nazioneindiana.com/2022/06/18/la-tempesta-in-giugno-di-nemirovsky/>.

57 VI, p. 111.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Teresa Manuela Lussone, « La Tempête qui « balaye les feuilles mortes ». Esthétique et éthique de la guerre dans Suite française d’Irène Némirovsky »Revue italienne d’études françaises [En ligne], 13 | 2023, mis en ligne le 15 novembre 2023, consulté le 30 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/11354 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rief.11354

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Teresa Manuela Lussone

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