Passé irrécupérable, présent morne, futur aboli. Paradigmes de la médiocrité dans Le Pion sur l’échiquier d’Irène Némirovsky
Résumés
Bien que Le Pion sur l’échiquier (1934) soit accueilli par la critique comme un livre globalement raté, Némirovsky développe dans ce roman un réseau thématique et formel susceptible de renvoyer à une réflexion générationnelle sur le malaise de l’entre-deux-guerres. L’histoire de Christophe Bohun, employé anonyme qui déteste son existence ordinaire, s’écarte en effet de la veine russe-juive dominante jusqu’à ce moment-là dans la production romanesque de l’écrivaine pour mettre l’accent sur l’illustration d’une petite-bourgeoisie française rongée par un véritable malheur social et existentiel. Ainsi, le sombre paysage intérieur du héros se fond – sans solution de continuité – dans le tableau d’une époque tourmentée par l’affirmation d’une civilisation tellement intrusive qu’elle perturbe la relation entre le sujet et le monde.
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Mots-clés :
Némirovsky (Irène), médiocrité, malaise, père, suicide, déclassement, Pion sur l’échiquier (Le)Keywords:
Némirovsky (Irène), mediocrity, malaise, father, suicide, failure, Pion sur l’échiquier (Le)Texte intégral
- 1 Jusqu’en 1934, Némirovsky avait publié ses œuvres chez Grasset.
- 2 Parmi les rares exceptions, voir notamment H. de Régnier, « Le Pion sur l’échiquier, par Irène Némi (...)
- 3 R. Brasillach, « Les Mouches d’automne », dans L’Action française, 7 janvier 1932, p. 3 ; désormais (...)
- 4 R. Brasillach, Le Pion sur l’échiquier, dans L’Action française, 31 mai 1934, p. 3.
- 5 C’est par exemple l’opinion de T. M. Lussone dans « Une oubliée sous les feux de la rampe : le cas (...)
- 6 Voir, à titre indicatif, M. Prévost, « Romans imaginés et vécus », dans Gringoire, 15 juin 1934, p. (...)
1I.
Premier roman de Némirovsky paru chez Albin Michel1, Le Pion sur l’échiquier (1934) est accueilli par la critique comme un livre globalement raté à cause de ses tonalités mornes et désespérantes2. Dans L’Action française du 31 mai 1934, Robert Brasillach – qui, seulement deux ans plus tôt, avait fait l’éloge des Mouches d’automne (1931)3 – se lance dans un compte rendu des plus négatifs. Son analyse se concentre tout d’abord sur des aspects rhétoriques tels que la conduite raide du récit, le manque d’action et d’invention, la construction maladroite du personnage principal. Mais ces défauts ne sont à ses yeux que la surdétermination formelle d’un sombre désespoir métaphysique considéré comme incompatible avec les fondements du génie français : « Nous retrouvons le désespoir total qui est au fond de toutes les œuvres de l’auteur, la passivité qui nous fait songer à une caricature du roman russe »4. On ne saurait dire si le préjugé anti-juif a contribué à la formulation d’un jugement si sévère5. Néanmoins, quiconque a une certaine familiarité avec les positions esthétiques de Brasillach sait que, bien au-delà de ses positions politiques, il a toujours rejeté toute forme de pessimisme qui ne soit pas transcendé par une peinture poétique de l’existence humaine. Il n’en reste pas moins que les questions soulevées par l’écrivaine offrent un angle d’observation décisif pour souligner un réseau thématique et formel susceptible d’insérer Le Pion sur l’échiquier dans un terreau romanesque qui, à cette époque-là, aborde une réflexion analogue sur le malaise de la génération d’après-guerre. Ce n’est pas un hasard si la critique contemporaine vit dans ce roman un déconcertant changement de manière dans l’œuvre de Némirovsky6. L’histoire de Christophe Bohun, employé anonyme qui déteste son existence ordinaire, s’écarte en effet de la veine russe-juive dominante jusqu’à ce moment-là et pose l’accent sur l’illustration d’une petite-bourgeoisie française rongée par un véritable malheur social ; illustration que Céline poussera jusqu’à ses conséquences extrêmes, deux ans plus tard, dans Mort à crédit (1936).
- 7 H. de Régnier, art. cit.
2L’un des éléments les plus manifestes du Pion sur l’échiquier est sans aucun doute l’importance accordée au malaise psychologique du héros. Cependant, l’intérêt du roman réside moins dans la formulation d’une vague inquiétude existentielle que dans la volonté de lier ce désespoir au rejet d’un milieu culturel et économique précis. On reviendra sur ces questions et sur ce que signifie l’insatisfaction vis-à-vis des symboles par excellence de la culture petite-bourgeoise. Pour le moment, il suffit de souligner qu’un tel aspect s’insère de façon cohérente dans une interrogation générationnelle concernant la fragilité d’une classe moyenne qui, après les désastres moraux et matériels de la Première Guerre mondiale, se trouve mise en question par le fantasme de l’homogénéisation de masse. Bien que les repères historiques soient réduits au minimum dans le texte, Christophe Bohun est en effet l’un des représentants les plus accomplis d’un malaise strictement lié au contexte de l’entre-deux-guerres, et notamment au sentiment d’inquiétude sociale suscité par la crise économique de 1929. Déjà dans Le Malentendu (1926), d’ailleurs, l’angoisse d’un jeune vétéran pour son propre statut social parvenait à miner son histoire d’amour avec une femme aisée. Le Pion sur l’échiquier tend à radicaliser la dialectique entre ce que H. de Régnier appelle « le sens du tragique latent des existences »7 et le tourment lié à une société capitaliste qui révèle alors toutes ses apories. Contrairement à David Golder, où l’ascension du héros jusqu’au monde de la haute finance sous-tend encore la présence d’une libido sociale vigoureuse, dans Le Pion sur l’échiquier l’argent est devenu à la fois le symbole et la cause d’une dramatique perte de sens de la vie individuelle. Ainsi, le sombre paysage intérieur du protagoniste se relie au tableau d’une époque tourmentée par l’affirmation d’une civilisation démocratique qui, en assignant une importance démesurée aux valeurs matérielles au détriment des valeurs spirituelles, perturbe la relation entre le sujet et le monde.
- 8 Cité dans O. Philipponnat, P. Lienhardt, La Vie d’Irène Némirovsky, Paris, Grasset/Denoël, 2007, p. (...)
- 9 Cité dans S. R. Suleiman, La Question Némirovsky : vie, mort et héritage d’une écrivaine juive dans (...)
3Figure incertaine et solitaire, inéluctablement vouée à la marginalité, le personnage que Némirovsky met en scène dans Le Pion sur l’échiquier renvoie à un modèle très récurrent dans cette saison littéraire, où la représentation d’une médiocrité à la fois sociale et existentielle donne lieu à une sorte d’épopée démocratique au sein de laquelle le sujet est confronté à son statut problématique. En se démarquant des mythologies proustiennes du moi et des opérations avant-gardistes d’inspiration surréaliste, la production romanesque de cette période esquisse en effet une véritable fresque de l’homme moyen, incapable de faire preuve d’excellence et par conséquent condamné à expérimenter la vacuité absolue de sa trajectoire. Par rapport à une atmosphère générationnelle où les données historico-culturelles sont souvent transcendées par des significations – idéologiques, philosophiques, religieuses – à la portée plus universelle, Némirovsky donne un rôle écrasant au domaine socio-économique dans l’itinéraire de son héros : « Un homme d’aujourd’hui que le sort fait vivre dans une époque trouble et tragique sans que lui-même ait, dans la conduite de son destin, qui dépend tout entier des lois sociales et économiques, la moindre part »8. Sur la base de ces coordonnées, Le Pion sur l’échiquier pose un court-circuit entre insuffisances existentielles et déchéance sociale : d’un côté, le malaise psychologique trouve son reflet dans la condition d’une petite bourgeoisie qui pose de façon angoissée le problème de sa survivance ; de l’autre, l’obsession du déclassement devient le moteur d’une interrogation angoissée sur le sens même de l’être au monde. De ce point de vue, il n’y a pas de solution de continuité entre les romans de Némirovsky qui thématisent les échecs du parvenir juif et Le Pion sur l’échiquier. Dans les deux cas, le sentiment d’étrangeté identitaire qui peut s’emparer de l’individu par rapport à son univers d’origine ainsi qu’à son contexte d’appartenance débouche sur une investigation concernant les ambivalences du déracinement, véritable métaphore obsédante de l’écrivaine : « Je continue à peindre la société que je connais le mieux et qui se compose de désaxés, sortis du milieu où ils eussent normalement vécu, et qui ne s’adaptent pas sans choc ni sans souffrances à une vie nouvelle »9.
- 10 Sur ces questions, je me permets de renvoyer à I. Leoni, Una duplice eclissi. Orfanità e sterilità (...)
4II.
Dans le roman des années trente, la condition d’un sujet sans liens biologiques, sociaux et culturels renvoie souvent à l’écroulement des certitudes traditionnelles liées à la famille, institution désormais incapable d’assurer à l’individu un héritage moral et matériel solide10. Déjà dans Le Malentendu, le malaise du héros trouvait son expression métaphorique dans l’absence d’un père qui avait dilapidé le patrimoine familial, obligeant le fils à se confronter aux conséquences sociales et psychologiques d’une telle catastrophe. Tout en s’inscrivant dans cet imaginaire, Le Pion en offre une vision à la fois différente et complémentaire : loin d’être absent du périmètre de la narration, le vieux Bohun est un malade qui, après avoir bâti un empire dans le champ de l’acier, vit maintenant enfermé dans sa chambre. La dégradation physique n’est en effet que la manifestation tangible de la faillite économique qui constitue l’arrière-fond essentiel du roman, puisqu’un tel déclassement a obligé Christophe à mener une existence petite-bourgeoise qui lui apparaît intolérable. De façon cohérente avec un paradigme romanesque qui métabolise dans la métaphore paternelle les inquiétudes d’une génération tourmentée par la perte de ses points de repère, la représentation littéraire de la paternité sollicite dans Le Pion une interrogation anthropologique et culturelle concernant non seulement l’héritage du passé, mais aussi son inscription dans le présent. Cependant, cette interrogation s’enracine dans un contexte où, plutôt qu’une continuation, entre la classe des pères et celle des fils s’est consumée une fracture qui renvoie précisément au rapport entre libido sociale et ubi consistam identitaire : si, tout comme David Golder, le vieux Bohun pouvait encore interpréter la lutte pour la richesse comme une attestation de sa suprématie biologique, pour Christophe le besoin d’argent semble provoquer au contraire une baisse de la force vitale. La coexistence entre la déchéance paternelle et la passivité du fils a des effets déterminants sur l’axe diégétique du récit, dans la mesure où elle contribue à désactiver tout dispositif narratif basé sur la rébellion œdipienne : la relation avec les instances de la tradition se configure moins comme une tension oppositive susceptible de nourrir les événements que comme une rancune passive destinée à ralentir, sinon à paralyser, le développement de l’intrigue.
- 11 I. Némirovsky, Le Pion sur l’échiquier [Paris, 1934], dans Ead., Œuvres complètes, éd. O. Philippon (...)
5Confirmée de façon incisive par la composante physique – le « visage affaissé et vieilli » du fils contraste ouvertement avec l’ancienne prédilection du vieux Bohun pour « les choses âpres, amères et fortes »11 –, la crise de la dialectique générationnelle découle d’une disjonction désormais nette entre les raisons des pères et la classe des fils :
- 12 Ibid., p. 867.
« Malgré tout c’est mon fils... » Mais il revit le sourire, le regard indifférent de Christophe. « Je ne l’ai jamais compris... Je n’irais pas lui raconter tout cela... À quoi bon ?... Je n’ai jamais su parler, songea-t-il encore. D’ailleurs, il m’est indifférent... C’est bizarre... depuis ce mariage stupide, je ne le reconnais pas... Un étranger... Il n’a jamais aimé, ni compris ce que j’aime... Un certain goût de la vie, une certaine qualité âpre et forte de l’existence, il ne l’a jamais connue... Quelle génération... faibles, paresseux, pitoyables, lâches... Peut-être avons-nous tout mangé d’avance... Peut-être leurs dents sont agacées », murmura-t-il.12
6Comme le regard paternel contribue à le souligner, Christophe est représentatif d’un type de personnage dont on trouve plusieurs exemples au cours des années trente : celui du fils qui n’est pas capable d’accéder de façon autonome à la virilité. Cela contribue à préciser le sens de la métaphore paternelle à l’œuvre dans le récit : si traditionnellement l’action filiale se résume dans le choix entre prolongement de la tradition ou suppression de la continuité, Némirovsky désamorce ici aussi bien la tension vers la continuation que celle vers l’innovation, pour mettre en exergue l’irrésolution d’un sujet incapable de rejeter constructivement la toute-puissance de l’institution paternelle. D’ailleurs, le seul projet qu’il parvient à concevoir est celui d’attendre la mort du père afin d’obtenir un patrimoine capable de lui assurer une vie finalement aisée. Et même quand l’héritage arrivera, sous la forme d’un dossier de documents compromettants, il ne parviendra pas à en profiter, puisque les utiliser pour exercer un chantage impliquerait une volonté d’agir inconciliable avec sa passivité. Némirovsky reprend l’imaginaire de la succession, mythe fondamental dans la littérature du XVIIIe ou du XIXe siècle pour exprimer les obsessions d’un ethos bourgeois en quête de légitimation, mais en le soustrayant aussi bien à son application narrative plus prévisible qu’à la représentation, plus moderne, d’une réalisation identitaire autonome. Le thème sert plutôt de révélateur de la psychologie des personnages, puisque la sphère économique se fait instrument d’une fragmentation identitaire. L’hostilité envers le père s’est désormais déplacée de l’extérieur, c’est-à-dire du champ de la conflictualité économique et sociale, vers l’intérieur du sujet ; de ce point de vue, Christophe contredit explicitement le devoir que – selon la célèbre citation de Goethe tant aimée par Freud – tout fils doit respecter pour assumer son rôle d’héritier : reconquérir l’héritage paternel pour le posséder véritablement. Par le biais d’une transition symbolique consubstantielle à l’invention littéraire, derrière l’échec de la transmission générationnelle se montrent ainsi toutes les apories qui caractérisent le passage d’une bourgeoisie socialement méprisable, mais encore capable de s’autodéterminer, à une petite bourgeoisie passive et, pour cela, historiquement aussi condamnable.
- 13 Ibid., p. 922.
- 14 Voir J.-P. Sartre, La Nausée [Paris, 1938], dans Id., Œuvres romanesques, éd. M. Contat et M. Rybal (...)
7III.
Située à peu près à la moitié du roman, la mort du père n’est que la manifestation la plus évidente d’un éloignement progressif des rituels standardisés de la culture petite-bourgeoise ; éloignement présent ab ovo dès les premières pages du récit à travers la contestation adressée aussi bien à l’idéal du travail qu’à celui de la famille, stigmatisée comme un « mot incompréhensible »13. Un tel démantèlement de la dimension sociale contribue à mettre en exergue la condition d’un sujet n’ayant plus rien à hériter ni à exhiber publiquement et par conséquent réduit à ses manifestations minimales. Individu sans importance collective, Christophe se confronte avec angoisse à la précarité d’une civilisation où l’écroulement des valeurs n’a conduit qu’à une affirmation encore plus radicale des pulsions matérialistes et capitalistes ; ou, pour mieux le dire, d’une civilisation où la fragilité des justifications traditionnelles a été endiguée par le culte tout-puissant de l’argent, désormais seul moyen apte à déterminer la consistance individuelle. Sans qu’un tel imaginaire ne se coagule jamais en une revendication militante explicitement assumée par l’instance narrative, le malaise du héros sous-tend la constatation d’une faillite morale du monde occidental, ou au moins le soupçon d’une coïncidence impossible entre progrès socio-économique et possibilité d’un développement spirituel et esthétique. De ce point de vue, la chanson No more money qui ponctue plusieurs épisodes du récit joue un rôle diamétralement opposé par rapport à la mélodie jazz que, quelques années plus tard, Roquentin écoutera dans La Nausée (1938) : si Sartre fera allusion à une création artistique susceptible de nier le dégoût pour l’existence et, finalement, de transcender la contingence14, Némirovsky prive la musique de tout sous-entendu euphorique pour la réduire à l’agent d’une révélation qui, loin de sublimer la réalité, en confirme ironiquement l’hypothèque tragique.
- 15 I. Némirovsky, Le Pion sur l’échiquier, cit., p. 934.
- 16 Ibid., p. 925.
8Tout en étant la source d’un morne désespoir, la condition de marginalité déclenche parfois une lucidité qui devient une interrogation sur le sens même de l’être au monde. À travers un dispositif cher à l’imagination littéraire, le regard étranger – en même temps dans et en dehors de la société – participe fonctionnellement à la contestation d’une structure démocratique sclérosée, dont les mœurs demeurent obtusément liées aux valeurs superficielles de la famille, de la position sociale et, notamment, de l’argent : « Des milliers de gens existent et se contentent de cette vie !... Non !... Non !... Mensonge, songeait-il passionnément : ils se résignent car ils ont honte d’arrêter leur pensée sur le côté matériel de l’existence. Honte ?... Quelle bonne blague ! Donnez-nous autre chose... »15. Le Pion sur l’échiquier réactive ainsi l’une des ambivalences les plus intéressantes qui fondent la représentation littéraire de la médiocrité à cette époque : d’un côté, la conscience aigüe de l’insuffisance individuelle n’entre jamais en contradiction avec une lucidité réflexive qui mène à filtrer de façon critique le status quo ; de l’autre, la tension cognitive virtuellement ancrée au déroulement autonome de l’expérience ne produit pas de véritable réaction, mais plutôt une forme préventive de résignation. D’ailleurs, l’interrogation sur les possibilités de recommencer n’aboutit pour Christophe à aucune issue concrète ; la seule hypothèse demeure le désir vague d’une médiocrité finalement revendiquée, derrière laquelle se montre le rêve impossible d’une classe moyenne qui se veut indifférente aussi bien au culte bourgeois de la compétition qu’aux revendications du prolétariat : « Mais l’argent, instrument de puissance, l’argent, instrument de haine et de domination ! Quelle blague, quelle vaste blague !... Je voudrais le loisir, la paresse, la tranquillité, ni végéter, ni me battre »16. Reste que l’aspiration à une existence finalement délivrée du souci matériel est d’autant plus obsessive – et d’autant plus irréalisable – que les personnages de Némirovsky vivent dans un contexte où le libre-arbitre de l’individu est sans cesse menacé par le poids des structures économiques.
- 17 Sur cette question, voir par exemple F. Fiorentino, Invito alla lettura di Balzac, Roma-Bari, Later (...)
- 18 I. Némirovsky, Le Pion sur l’échiquier, cit., p. 892.
9Némirovsky a été souvent rapprochée de Balzac, notamment pour son habilité à montrer l’imbrication entre les vicissitudes individuelles et les mécanismes sociaux-économiques dominants. Dans Le Pion sur l’échiquier, cette association permet de reprendre et réactualiser la thèse balzacienne selon laquelle se soustraire aux lois de l’argent est impossible, à moins que l’on ne se condamne à vivre en dehors de la structure sociale, avec toutes les conséquences que ce choix comporte17. D’où la contradiction constitutive qui caractérise plusieurs personnages de l’écrivaine : si accepter l’assimilation à la société démocratique-capitaliste signifie sacrifier son existence à des valeurs aliénantes, en rejeter les présupposées n’apparaît comme une solution praticable qu’au prix d’un déracinement identitaire déstabilisant. En effet, aucun but plus élevé ne semble diriger l’itinéraire de Christophe, dont la recherche du sens est frustrée par une médiocrité statutaire liée à l’intuition d’une compromission insurmontable avec la morale petite-bourgeoise : « Enfants perdus du capitalisme que nous sommes !... Tout me manque, puisque cette vie est ainsi faite qu’en enlevant l’argent, tout vous est enlevé... D’autres tourments peut-être... un but plus haut... Mais je suis désespérément moyen, homme dans la rue, ce n’est pas ma faute... »18. De ce point de vue, le plan stylistique du roman, caractérisé par une extrême économie de la subordination et par l’absence exhibée d’artifices rhétoriques, n’est que la manifestation formelle d’un contenu narratif qui réfléchit sur la condition d’un sujet incapable aussi bien d’assumer les superstructures culturelles et collectives imposées par la civilisation bourgeoise que d’organiser une forme quelconque de réaction. Même la narration à la troisième personne s’insère de façon cohérente dans ce projet, dans la mesure où la persistance d’un trait formel virtuellement traditionnel ne sous-entend pas la possibilité de recomposer une vérité d’ordre plus général mais plutôt une relativisation du point de vue, lequel tend à se focaliser sur la conscience fragmentée des personnages.
- 19 Voir à ce propos les célèbres thèses exposées par Lukács dans La Théorie du roman (1920).
- 20 On pourrait penser, par exemple, à certains romans d’Emmanuel Bove. L’association entre Le Pion sur (...)
- 21 I. Némirovsky, Le Pion sur l’échiquier, cit., p. 877.
10IV.
Le contraste entre le moi et la brutalité d’un contexte socio-politique qui phagocyte les aspirations individuelles – on le sait – est l’un des grands thèmes de la littérature du XIXe siècle19. Mais dans la grande saison du roman d’apprentissage – j’emploie ce terme dans son acception la plus large – la stature morale des personnages demeure souvent élevée ; c’est plutôt la frustration progressive des illusions qui nourrit la matière la plus proprement narrative des textes. Profondément mis en question par Flaubert, ce mécanisme se trouve désormais renversé dans le paradigme romanesque de l’entre-deux-guerres, où entre la dégénérescence des valeurs collectives et les insuffisances de l’individu s’établit un rapport de réversibilité symétrique. Sujet qui ne peut ni ne veut s’opposer à la mesquinerie du monde, Christophe est en dehors de toute appartenance religieuse ou politique et donc réduit à son individualité la plus précaire. Sur le récit plane d’ailleurs le fantôme de la Première Guerre mondiale, véritable fracture générationnelle qui a produit un bouleversement des instances viriles, élevant l’acceptation à la fois résignée et exhibée de la médiocrité à seule forme paradoxale d’héroïsme. Si chez plusieurs auteurs cela peut donner lieu à une perception quasiment pré-existentialiste de l’absurde20, chez Némirovsky ce constat devient insoutenable puisque la seule issue possible est une dévalorisation tellement radicale de l’expérience qu’elle mène à la fuite de soi. Une telle crise de l’action s’inscrit, plus généralement, dans un mouvement d’expulsion du sujet de l’Histoire ; expulsion qui semble anticiper la fracture définitive entre le moi et son contexte de référence plus tard théorisée par les poétiques du Nouveau roman. Ce n’est pas un hasard si les références historiques sont réduites à une évocation presque anecdotique, une toile de fond sans rapports apparents de cause-effet avec la scène principale : « ces ris divers, amalgamés, fondus dans la même haïssable et morne clameur »21. Il s’agit en réalité d’une banalisation seulement apparente, car un tel estompement participe fonctionnellement à augmenter la pression invisible des circonstances socio-économiques, dans le cadre d’une conception de l’Histoire qui n’est pas vue comme une chaîne de liens causaux mais comme le résultat d’un Destin aveugle et, ainsi, encore plus puissant.
- 22 Ibid., p. 871.
- 23 Ibid., p. 876.
11Entre les années dix et les années trente, l’imaginaire romanesque – même au-delà des frontières françaises – semble souvent cultiver l’illusion de sublimer les frustrations du moi à travers l’espoir d’un renouvellement radical. Le Pion sur l’échiquier ne relève de cet imaginaire que pour le désactiver, car l’élan vers l’évasion postulé par le roman reste une solution illusoire. Tout au long du récit, c’est parfois une nostalgie vague du passé qui canalise l’aspiration à une recomposition du sens. Mais, pour Christophe, il ne s’agit pas de s’enraciner dans une lignée verticale susceptible de justifier la fragmentation de l’individu ni de voir dans la réappropriation du temps perdu un moyen pour redonner du sens au chaos de l’expérience ; de ce point de vue, Némirovsky s’inscrit de façon cohérente dans une génération profondément critique envers la conception proustienne de la temporalité. Si tous les personnages sont caractérisés par l’obsession de la fluidité temporelle, Christophe semble se livrer au regret d’un passé situé en dehors du temps et de l’espace, à la rêverie d’une enfance qui perd ses contours réels pour se dissoudre dans une atmosphère pré-historique et pré-rationnelle : « Comme on plonge dans la mer, il se laissa couler au fond. Lui-même, reprit la longue rêverie interrompue, qu’il poursuivait nuit après nuit, qui venait des profondeurs de l’enfance, qui remplaçait la fortune absente, l’amour incertain et le bonheur »22. Là où plusieurs écrivains voient dans l’enfance une sorte de zone franche, un moment auroral de la vie où les hypothèses dominent encore sur les regrets, ici le surgissement du souvenir n’est que la prémisse d’un nouvel effacement : « Des souvenirs d’enfance, rayonnants, paisibles, se levaient dans la mémoire ; Christophe eût voulu retenir un instant encore l’image d’un arbre mollement incliné dans le vent ; le micro avait capté le léger frémissement musical des feuilles agitées par un doux vent de printemps... Mais déjà il s’effaçait »23. La superposition symbolique entre nature et passé, récurrente dans le texte, fait allusion précisément à la mélancolie refoulée pour une dimension étrangère à une civilisation de plus en plus marquée par les valeurs matérielles de l’argent et du profit ; une dimension où on pourrait cultiver le rêve d’une nudité originelle inacceptable pour un ethos bourgeois qui, au contraire, voit dans le culte de la possession le seul véhicule apte à masquer la honte d’une existence contingente.
- 24 Ibid., p. 960.
- 25 Ibid., p. 881.
- 26 Voir I. Némirovsky, David Golder [1929], dans ŒC I, notamment p. 538-549. Sur la conclusion de Davi (...)
12Face à une régression vers le passé qui demeure irréalisable, sinon dans les formes compensatoires de la rêverie, le seul plaisir consciemment revendiqué par Christophe reste le sentiment de liberté que lui procure sa voiture : « Mon seul désir, la voiture la plus vite de France !... »24. Forme d’ivresse qui parvient à nier la routine petite-bourgeoise, la vitesse se donne comme seule réaction possible au plongement de l’individu dans la masse anonyme. La tentation de l’aventure, qui chez d’autres romanciers – Malraux en tête – s’enracine dans un véritable culte de l’action, est ici ironiquement réduite à un loisir éphémère qui, au lieu de contester la puissance des superstructures économiques, en confirme de façon paradoxale l’incidence, car le seul bonheur admissible coïncide désormais avec la possession d’un objet de luxe. D’ailleurs, lorsque Christophe sera obligé de renoncer définitivement à sa voiture, il prendra soudain conscience d’une peine profonde qui le submergeait depuis si longtemps et il entreprendra le chemin vers sa dissolution définitive. Le Pion sur l'échiquier montre ainsi toutes les contradictions inhérentes au mythe de l’argent, à la fois passion effrénée et distraction superficielle incapable d’offrir une consolation réelle. De ce point de vue, Némirovsky pose un parallèle implicite mais tangible entre l’expérience de la guerre et l’affirmation de la civilisation capitaliste, dans la mesure où l’argent ne peut que superficiellement remplir le vide laissé par l’écroulement des valeurs guerrières : « J’étais moins malheureux à la guerre. La vie, du moins, paraissait avoir du prix »25. Ainsi, le thème de la dépossession joue un rôle particulier dans le roman : contrairement à David Golder, dont la déchéance finale fait allusion au rêve d’une réappropriation de soi à la fois désirée et impossible26, ici la renonciation est perçue de façon funeste et aboutit à une solitude inféconde qui, au lieu de supposer une nouvelle naissance symbolique, mène à la mort.
- 27 Suleiman évoque à ce propos la réflexion de Durkheim sur le lien entre suicide et anomie sociale. V (...)
- 28 É. Tonnet-Lacroix, Après-guerre et sensibilités littéraires (1919-1924), Paris, Publications de la (...)
13V.
Si plusieurs romans des années trente voient dans le rejet des catégories petites-bourgeoises le moyen d’élaborer un projet alternatif – qu’il soit politique, existentiel, religieux –, ici l’expression de l’angoisse ne conduit qu’à l’entropie physique et existentielle du sujet. Plongé dans un contexte où il n’est plus possible de recomposer le moi, l’individu n’a plus la maîtrise de ses actions, lesquelles sont le résultat d’impulsions imprévisibles provenant de l’inconscient. Aucune surprise, alors, si cet itinéraire se termine par une véritable automutilation de l’expérience. Afin de formaliser narrativement cet échec, Némirovsky convoque l’imaginaire du miroir, souvent employé – au moins depuis la fin-de-siècle – dans le cadre d’une réflexion sur les oscillations inquiétantes de l’identité : devant son reflet, Christophe constate la non-coïncidence avec son propre moi et, de façon presque involontaire, se donne, au moyen d’un rasoir, la blessure qui le conduira, après deux jours, à une mort médiocre par septicémie. Privé de tout sous-entendu héroïque, le thème du suicide se trouve ainsi banalisé et, conformément aux enjeux du roman, réduit à une action fortuite – ou, au moins, à une auto-humiliation guidée par une pulsion de mort. Freud est peut-être passé par là27. Tout en révélant l’absurde auquel est condamné le sort du déraciné, la scène du miroir sous-tend aussi un bouleversement radical du mythe de Narcisse, dans la mesure où le reflet ne mène pas au constat douloureux d’un amour impossible pour soi-même mais scelle plutôt le dégoût définitif face à la conscience d’une médiocrité devenue insoutenable. Comme Éliane Tonnet-Lacroix l’a démontré, la modification du mythe est à cette époque strictement liée à des éléments tels que la conscience exacerbée de la subjectivité, l’obsession du double, la tentation persistante de la mort : « Les Narcisses de l’après-guerre ne s’aiment pas eux-mêmes, en ce sens qu’ils voient avec lucidité leurs propres petitesses et les faiblesses inhérentes à l’être humain »28.
14Au moment même où elle certifie la toute-puissance des superstructures sociales sur le sort du sujet, la pulsion suicidaire fait définitivement jaillir le désir de revenir à la matière, d’entreprendre un chemin qui puisse ramener aux territoires de l’animalité ou de la végétation les plus élémentaires. De ce point de vue, la mort du héros n’est pas seulement une issue paradoxale qui démontre la vacuité de toute action mais aussi l’aboutissement le plus cohérent d’un itinéraire qui, dès le départ, était déjà placé sous le signe de l’auto-annulation énergétique. La recherche – mi-volontaire, mi-inconsciente – du repos éternel n’est pas séparable du retour à un état de minéralisation, moyen définitif pour atteindre l’indifférence et délivrer l’existence individuelle de toutes tensions centripètes :
- 29 I. Némirovsky, Le Pion sur l’échiquier, cit., p. 961.
Combien cela paraissait désirable par une chaleur comme celle-là, la terre parfumée, traversée de racines et gonflée de sève... Ce qui était haïssable, c’étaient ces tombes maçonnées, ces pierres, si lourdes, sans doute, et le bois, le fer du cercueil, les vêtements... Il ferma les yeux et rêva qu’on le couchait nu, dans la terre, que la terre mordait ses os et pénétrait sa chair... Se dissoudre, disparaître au plus vite, devenu de la matière.29
15Conçu en ces termes, le suicide n’est que la manifestation extrême d’un éclatement du sujet dont les causes se situent à la croisée de l’anonymat social-existentiel, du sentiment d’étrangeté face à la perte des repères et des effets d’une réflexivité qui confine à l’aliénation. Bien au-delà de l’importance qu’il revêt dans Le Pion sur l’échiquier, un tel imaginaire participe à la réflexion que cette génération développe sur la notion de sujet comme instance autotélique. Si, chez plusieurs romanciers, les enjeux de l’engagement s’appuient sur l’hypothèse d’une autodétermination finalement revendiquée, la confrontation avec le monde laisse ici sa place à un solipsisme qui, expulsant définitivement le moi de l’Histoire, punit les instances virtuellement transgressives que le personnage incarne. Par ses lois, la civilisation capitaliste oblige l’individu à renoncer à tout contrôle sur son destin : se soumettre ou se condamner à la solitude, sinon à la folie et puis à la mort, semblent être les deux seules possibilités accordées. Ainsi, le constat d’une fracture entre le moi et son contexte de référence – constat qui ne cesse d’être présent jusque dans les derniers moments – ne parvient pas à déclencher une revendication supplétive mais détermine un renoncement préventif face à la possibilité de forcer les chaînes du déterminisme socio-économique.
- 30 Journal de travail cité par O. Philipponnat, P. Lienhardt, La Vie d’Irène Némirovsky, cit., p. 255.
16Liée à une réinterprétation de l’opposition mythique entre l’individu et son propre destin, une telle conclusion renvoie certes à la fragilité de la volonté individuelle face au poids de puissances qui la dépassent. Mais la main qui guide le suicide de Christophe Bohun est aussi le symbole de la condamnation qui frappe toute une classe sociale. À la prédestination individuelle s’ajoute ainsi la prédestination d’une petite-bourgeoisie condamnée à expérimenter l’échec d’un idéal rationaliste qui avait parié sur la possibilité d’une intégration harmonieuse de l’individu dans son contexte d’appartenance. Ainsi, Le Pion témoigne de l’une des préoccupations les plus urgentes de Némirovsky : réfléchir aux ambivalences d’une société démocratique et capitaliste qui semble désormais avoir métamorphosé la promesse d’égalité en tendance à l’homologation, la réalisation de soi en aliénation dans le travail et l’argent. De ce point de vue, les enjeux de la médiocrité ne peuvent que renvoyer aussi – et surtout – à l’inquiétude face à une civilisation si intrusive qu’elle s’est infiltrée jusqu’à l’intérieur du domaine intellectuel et littéraire. L’angoisse devant l’obligation de gagner sa vie par le travail, ainsi que l’allusion à un tissu social marqué par l’obsession du profit au détriment de la recherche spirituelle, sont d’ailleurs trop présentes dans le récit pour ne pas témoigner d’une interrogation plus urgente qui intéresse la situation même de Némirovsky, consciente d’avoir écrit Le Pion sur l’échiquier « pour manger »30. Il s’agit d’une interrogation qui va bien au-delà de ce cas spécifique et concerne – quoiqu’avec des accents souvent très différents – toute la classe intellectuelle de l’entre-deux-guerres, appelée à se confronter au fantasme de son déclassement social. D’où l’ambivalence structurelle de cette génération : d’une part, les sollicitations imposées par la situation historico-culturelle des années trente encouragent le rôle collectif de la littérature et empêchent l’écrivain de fuir ses inquiétudes en se réfugiant dans l’autonomie de l’art ; de l’autre, cette tension constructive n’arrive jamais à quitter totalement le soupçon d’une impuissance liée à la compromission désormais endémique entre l’argent et les lettres.
Notes
1 Jusqu’en 1934, Némirovsky avait publié ses œuvres chez Grasset.
2 Parmi les rares exceptions, voir notamment H. de Régnier, « Le Pion sur l’échiquier, par Irène Némirovsky », dans Le Figaro, 21 juin 1934, p. 4 et R. Lalou, « Le Pion sur l’échiquier ou les vertiges de la solitude », dans Noir et blanc, 7 juin 1934, p. 10.
3 R. Brasillach, « Les Mouches d’automne », dans L’Action française, 7 janvier 1932, p. 3 ; désormais dans R. Brasillach, Articles critiques, éd. I. Leoni, Pisa, Edizioni Ets, 2018, p. 51-52.
4 R. Brasillach, Le Pion sur l’échiquier, dans L’Action française, 31 mai 1934, p. 3.
5 C’est par exemple l’opinion de T. M. Lussone dans « Une oubliée sous les feux de la rampe : le cas Némirovsky », dans Revue italienne d’études françaises, 6, 2016, consulté le 22/06/2023, URL : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/1251.
6 Voir, à titre indicatif, M. Prévost, « Romans imaginés et vécus », dans Gringoire, 15 juin 1934, p. 4 : « [...] l’auteur de David Golder a tenu, par goût, par caprice, ou par effort de mieux faire, à changer quelque peu sa manière dans le roman récent ».
7 H. de Régnier, art. cit.
8 Cité dans O. Philipponnat, P. Lienhardt, La Vie d’Irène Némirovsky, Paris, Grasset/Denoël, 2007, p. 255.
9 Cité dans S. R. Suleiman, La Question Némirovsky : vie, mort et héritage d’une écrivaine juive dans la France du XXe siècle [New Heaven and London, 2016], tr. fr. A. de Saint-Loup et P.-E. Dauzat, Paris, Albin Michel, 2017, p. 216. De ce point de vue, le juif peut être considéré comme l’exemple le plus significatif des contradictions qui caractérisent tout processus d’assimilation. Voir, à ce propos, l’essai de V. Dei, Un parvenir sans espoir. Récits singuliers d’ascension sociale au XXe siècle – Irène Némirovsky, Albert Cohen et Joseph Roth, Pisa, Pisa University Press, 2022.
10 Sur ces questions, je me permets de renvoyer à I. Leoni, Una duplice eclissi. Orfanità e sterilità nel romanzo francese degli anni Trenta, Pisa, Edizioni Ets, 2020.
11 I. Némirovsky, Le Pion sur l’échiquier [Paris, 1934], dans Ead., Œuvres complètes, éd. O. Philipponnat, Paris, Librairie générale française, « La Pochothèque », 2011, t. I, p. 853 (dorénavant, pour les deux volumes qui composent l’ouvrage, nous abrégeons comme suit : ŒC I et ŒC II).
12 Ibid., p. 867.
13 Ibid., p. 922.
14 Voir J.-P. Sartre, La Nausée [Paris, 1938], dans Id., Œuvres romanesques, éd. M. Contat et M. Rybalka, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1981, p. 202-210.
15 I. Némirovsky, Le Pion sur l’échiquier, cit., p. 934.
16 Ibid., p. 925.
17 Sur cette question, voir par exemple F. Fiorentino, Invito alla lettura di Balzac, Roma-Bari, Laterza, 1989, p. 115-123.
18 I. Némirovsky, Le Pion sur l’échiquier, cit., p. 892.
19 Voir à ce propos les célèbres thèses exposées par Lukács dans La Théorie du roman (1920).
20 On pourrait penser, par exemple, à certains romans d’Emmanuel Bove. L’association entre Le Pion sur l’échiquier et l’auteur de Mes amis a déjà été avancée par O. Philipponnat, Notice de Le Pion sur l’échiquier, dans ŒC I, p. 833-836, p. 836.
21 I. Némirovsky, Le Pion sur l’échiquier, cit., p. 877.
22 Ibid., p. 871.
23 Ibid., p. 876.
24 Ibid., p. 960.
25 Ibid., p. 881.
26 Voir I. Némirovsky, David Golder [1929], dans ŒC I, notamment p. 538-549. Sur la conclusion de David Golder, voir par exemple C. Donadille, « David Golder : un itinéraire de la dépossession et du rachat », dans Roman 20-50, 54, 2012, p. 7-18.
27 Suleiman évoque à ce propos la réflexion de Durkheim sur le lien entre suicide et anomie sociale. Voir S. R. Suleiman, op. cit., p. 216.
28 É. Tonnet-Lacroix, Après-guerre et sensibilités littéraires (1919-1924), Paris, Publications de la Sorbonne, 1991, p. 159.
29 I. Némirovsky, Le Pion sur l’échiquier, cit., p. 961.
30 Journal de travail cité par O. Philipponnat, P. Lienhardt, La Vie d’Irène Némirovsky, cit., p. 255.
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Référence électronique
Iacopo Leoni, « Passé irrécupérable, présent morne, futur aboli. Paradigmes de la médiocrité dans Le Pion sur l’échiquier d’Irène Némirovsky », Revue italienne d’études françaises [En ligne], 13 | 2023, mis en ligne le 15 novembre 2023, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/11100 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rief.11100
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