Le pur et l’obscur : Le Vin de solitude ou la symphonie de la jeune fille en devenir
Résumés
Les jeunes filles sont des personnages récurrents dans l’œuvre d’Irène Némirovsky, mais ce qui distingue Le Vin de solitude de L’Ennemie ou du Bal, par exemple, c’est qu’il « [se] concentr[e] sur le processus d’apprentissage », pour reprendre les mots de Bakhtine, et peut être considéré, par là même, comme son unique roman de formation. En dialogue avec le modèle tel qu’il se configure aux XVIIIe et XIXe siècles, modèle qu’elle n’adopte pas passivement, Némirovsky parvient à façonner une matière autobiographique toute personnelle et à définir une grammaire du genre qui lui est propre, dont nous nous proposons de mettre en évidence quelques-uns des aspects fondamentaux.
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Mots-clés :
Némirovsky (Irène), roman de formation, Vin de solitude (Le), Bakhtine (Mikhaïl), Moretti (Franco)Keywords:
Némirovsky (Irène), Bildungsroman, Vin de solitude (Le), Bakhtine (Mikhaïl), Moretti (Franco)Texte intégral
- 1 Les journaux d’écriture, les brouillons et les avant-textes du Vin de solitude sont conservés à l’I (...)
1« N’est guère mon fort, les jeunes filles pures », c’est ce qu’Irène Némirovsky écrit dans le journal de travail du Vin de solitude1. Pourtant, pour citer le célèbre titre de Colette, contrairement à ce que l’affirmation de l’auteure laisse imaginer, ce n’est pas seulement à travers la dichotomie pur/impur, que se développe, chez Némirosvky l’apprentissage de la jeune fille. En effet, il serait plus pertinent d’analyser le pur en opposition à l’obscur, au trouble, au brumeux, à tout ce qui est insuffisamment défini ou en train de se définir.
- 2 Lettre d’I. Némirovsky à G. Chéreau, 11 février 1935, dans I. Némirovsky, Lettres d’une vie, éd. O. (...)
- 3 I. Némirovsky, L’Ennemie, dans Ead., Œuvres complètes, cit., t. I, p. 347.
- 4 Ibid., p. 349.
- 5 Ibid., p. 350.
- 6 Voir O. Philipponnat, « Notice à Le Vin de solitude », cit.
2Les jeunes filles sont des personnages récurrents dans son œuvre, surtout dans la première partie de sa production, jusqu’en 1935, date de publication du Vin de solitude, son « roman presque autobiographique », comme elle le définit dans une lettre à Gaston Chéreau2. L’une des premières filles « obscures » qu’elle met en scène est Gabri, héroïne de l’Ennemie (1928). Dans ce roman, s’impose l’un des thèmes centraux de l’écriture de Némirovsky, à savoir la rivalité mère/fille, qui, en l’espèce, est motivée par le fait que la jeune protagoniste tient sa mère pour coupable de la mort de sa petite sœur. Le désir de vengeance envers sa mère la pousse à séduire l’amant de celle-ci, expérience qui « embrume [son] esprit comme une ivresse sans fin »3. Ses rêves sont hantés par des « images confuses, troubles »4 et le motif de l’obscurité revient au moment de l’acmé : « La nuit était là, aveugle, opaque, silencieuse et attirante comme un gouffre. Un instant, il y eut, penché sur la rampe, les bras pendants au-dehors comme ceux d’une poupée cassée, un blême petit fantôme inerte. Puis elle sauta et disparut ; la nuit l’avait happée »5. Son suicide, qui apparaît à ses yeux comme le seul moyen de se venger de sa mère, est présenté comme une réponse à l’attrait qu’exerce sur elle le gouffre, terme qui, tout comme le titre, contient une réminiscence baudelairienne6. De manière similaire, dans Le Bal (1929), c’est dans l’obscurité de la nuit qu’une enveloppe tombe accidentellement des mains d’Antoinette. Ce menu incident la pousse à jeter toutes les invitations dans la Seine et à boycotter ainsi le bal qui aurait dû consacrer l’affirmation sociale de la famille.
- 7 A. Maurois, Le Cercle de famille, Paris, Grasset, 1932, p. 335.
3En 1932, Irène Némirovsky s’aperçoit que certains de ses propres thèmes se retrouvent également dans Le Cercle de famille de Maurois : Denise, née dans une riche famille bourgeoise, découvre que sa mère a un amant. Elle exprime ses soupçons à son père, qui, en guise de réponse, lui inflige une punition. La situation se résout avec la mort de ce dernier, ce qui permet à la mère d’épouser son amant. Dans la dernière scène, la fille se rend chez le nouveau couple : elle les entend jouer la Symphonie en la majeur de Franck et a l’impression que cette sonate est « l’image de l’amour »7. Mais si le thème du roman lui est familier, Némirovsky est horrifiée par cette happy-end : la douleur vécue très tôt par l’héroïne à cause de sa mère peut-elle être si facilement oubliée ? Maurois serait-il donc passé à côté de Rousseau et même de Freud ?
- 8 F. Orlando, Infanzia, memoria e storia da Rousseau ai romantici, Pisa, Pacini, 2007, p. 8-9.
- 9 ALM 29998.8.
- 10 Ibidem.
4Si l’on élargit ce que Francesco Orlando dit des souvenirs d’enfance à la représentation de l’enfance en général, on peut distinguer deux catégories : les récits gratuits, évoqués uniquement à des fins de plaisir nostalgique, et les récits motivés d’un point de vue narratif, liés par des relations de cause à effet à ce qui sera raconté plus tard, reliant l’expérience de la jeunesse à la personnalité adulte8. Doit-on supposer que les textes de Maurois appartiennent à la première catégorie et ceux de Némirovsky à la seconde ? L’affirmation est peut-être hasardeuse puisque les romans des deux auteurs en question s’achèvent avec la fin de l’enfance ; cependant il est certain que, pour Némirovsky, l’enfance est le lieu d’expériences primaires qui agissent sur la construction de la personnalité adulte. C’est cette conviction qui la décide à se lancer dans la création d’une œuvre dont, à l’inverse de ce qui se passe dans Le Cercle de famille, « l’idée directrice doit être la suivante – On ne pardonne pas son enfance. Une enfance malheureuse, c’est comme si votre âme était morte sans sépulture, elle gémit éternellement »9. « La vraie signification – continue-t-elle dans ses notes – est que cela doit peser sur sa vie, non pas comme le dit ce cocu de Maurois »10.
- 11 Ibidem.
- 12 Ibidem.
- 13 Ibidem.
- 14 Ibidem. C’est l’auteure qui souligne.
- 15 ALM 2998.9.
- 16 ALM 2998.8.
- 17 ALM 2998.9.
- 18 F. Moretti, Le Roman de formation, tr. fr. C. Bloomfield et P. Musitelli, Paris, CNRS Éditions, 201 (...)
- 19 ALM 2998.8.
- 20 ALM 2998.9.
- 21 ALM 2998.8. Pour l’adhésion à la symphonie comme modèle formel, voir O. Philipponnat, « “Un ordre d (...)
- 22 Cf. O. Philipponnat, « Notice à Le Vin de solitude », cit., p. 1171.
- 23 ALM 2998.8.
- 24 « Il faudrait trouver un symbole comme titre », ibidem.
- 25 ALM 2998.9. Cf. O. Philipponnat, « Notice à Le Vin de solitude », cit., p. 1172.
- 26 Lettre d’I. Némirovsky à G. Chéreau, 11 février 1935, cit.
- 27 Ch. Baudelaire, Le Vin du solitaire, dans Id., Les Fleurs du Mal, dans Id., Œuvres complètes, éd. Y (...)
- 28 ALM 2998.9.
- 29 J. Auscher, « Sous la lampe. Irène Némirovsky », dans Marianne, 11 février 1935, reproduit dans O. (...)
- 30 M. Bakhtine, Esthétique de la création verbale, Paris, Gallimard, « Tel », 1984, p. 251.
- 31 Ibidem.
- 32 Ibid., p. 252.
- 33 Ibidem.
5Une fois le fil conducteur identifié, « la haine de l’enfant. Comment sa mère fait son malheur »11, il faut trouver, poursuit-elle dans ses journaux d’écriture, une « enfant encore dans les limbes »12, « une enfant qui, innocente, sache cependant tout »13. D’après ses notes, en effet, son histoire s’offre tout à coup comme la réalisation particulière et parfaite de la vérité générale dont elle veut donner une démonstration : « L’enfant est difficile à trouver, à moins de prendre moi »14. Apparemment, l’aspiration autobiographique est venue après l’exigence littéraire. Au cours de l’été 1933, quand elle s’est enfin persuadée que « le passé palpitant et saignant » vaut bien « toutes les imaginations »15, elle entreprend son « autobiographie mal déguisée »16. Le choix de puiser dans sa vie impose la nécessité de réorganiser et de donner forme au matériau magmatique constitué par ses souvenirs d’enfance : « Dire seulement la vérité (autant que c’est possible dans la fiction naturellement) ou romancer ? Et si oui, dans quelle proportion ? […] voilà le hic de ce roman-ci »17. Ses carnets de travail révèlent une réflexion attentive sur le « rapport entre forme et idéologie »18 : « il faut se garder de mal composer exprès »19, écrit-elle. Dans un premier moment elle envisage un récit à la première personne, puis y renonce. Suivant une suggestion qui lui vient autant de Proust que, paradoxalement, de son contre-modèle, elle se convainc que la symphonie est la forme idéale pour représenter une existence agitée. « Il m’a semblé qu’une vie devait être construite non comme une architecture, mais comme une symphonie »20 ; « [e]t cela sera imagé dans une symphonie, à laquelle je voudrais que ma vie ressemble… »21, complète-t-elle. Le roman de Maurois se terminait sur la Symphonie en la majeure de César Franck, alors qu’elle opte pour la Symphonie en ré mineur du même compositeur. Elle développe un canevas assez détaillé qui ressort aux sentiments qui dominent chaque mouvement de la symphonie : innocence déçue, méditation, inquiétude, angoisse, indifférence, haine, espoir de vengeance, pitié22. Le modèle musical permet d’accueillir la dimension figurative à laquelle Némirovsky songe dès qu’elle commence à projeter son roman : « Je voudrais quelque chose de plus symbolique et moins Cercle de famille »23. Pour le titre, qui doit être également métaphorique24, elle envisage plusieurs possibilités : Les Années d’apprentissage à la Wilhelm Meister, Souvenirs romancés, Autobiographie mal déguisée, Une âme déviée25 (un titre qui aurait poussé à lire le récit sous le signe du mythe de l’enfant comme créature non encore corrompue). Elle choisit enfin Le Vin de solitude : « ce titre, dans ma pensée, veut exprimer l’espèce d’enivrement moral que donne la solitude (morale également) dans l’adolescence et la jeunesse »26. On y retrouve encore une fois une allusion à Baudelaire, notamment au Vin du solitaire où le poète écrit : « Tu lui verses l’espoir, la jeunesse et la vie […] Qui nous rend triomphants et semblables aux Dieux ! »27. L’image du triomphe revient dans le final du roman, lorsque Hélène traverse l’Arc de triomphe, mais la référence au poète implique surtout le rejet de la tentation purement mémorialiste et de l’effusion sentimentale. En effet, dans cette « autobiographie romancée »28 la dimension symbolique et figurative est particulièrement développée. Il est vrai qu’une partie de ces motifs avaient trouvé place dans ses œuvres précédentes, avec lesquelles le lien est manifeste, à tel point que l’écrivaine présenta Le Vin de solitude comme un roman « dans la lignée du Bal »29 ; cependant cette même matière est réemployée dans le but de donner une représentation littéraire cohérente, non pas de l’enfance ou de la jeunesse, tel que cela se produisait dans Le Bal ou dans L’Ennemie, mais bien de la quête identitaire menée par le personnage principal. Pour le dire avec Bakhtine, il est possible d’affirmer que l’écriture du Vin de solitude naît du désir d’« isoler le principe déterminant de la formation de l’homme »30. La différence par rapport aux autres œuvres consacrées à la jeune fille en devenir réside donc dans le fait que ce roman est entièrement « concentré sur le processus d’apprentissage »31 : cette focalisation donne lieu à une héroïne présentée comme une « unité dynamique »32, alors que celle du Bal, elle, est photographiée à un moment précis de sa formation, et peut par conséquent être considérée comme une « unité statique »33. Dès lors, si l’on s’en tient à la définition donnée par Bakhtine, assez restrictive quant à ce que l’on peut entendre par roman de formation, Le Vin de solitude peut-il être vu comme la seule œuvre d’Irène Némirovsky qui s’inscrit dans cette catégorie.
- 34 S. Zatti, « Raccontare la propria infanzia », dans F. Orlando, Infanzia memoria e storia da Roussea (...)
- 35 F. Moretti, op. cit.
6Pour reprendre le propos de Sergio Zatti en conclusion du livre de Francesco Orlando, Infanzia memoria e storia da Rousseau ai romantici, il est possible d’affirmer que ce texte porte les traces d’une réflexion qui explore aussi bien le besoin égotiste de se raconter que la recherche d’un genre littéraire caractérisé par des normes rhétoriques et des conventions expressives34. Ainsi que le suggère la référence à Wilhelm Meister, le genre, ou plutôt le sous-genre en question, est le roman de formation dans sa variante la plus classique, celle du roman de formation masculine tel que Franco Moretti le décrit35. En dialogue avec cette forme, qu’elle n’adopte cependant pas passivement, Némirovsky parvient à façonner sa propre matière autobiographique et arrive ainsi à définir sa propre grammaire du genre, qui se déploie à travers certains aspects fondamentaux que nous nous proposons de mettre en évidence.
7a. La dimension symbolique et figurative s’avère patente dans l’incipit du roman, où l’on retrouve des motifs fondamentaux :
- 36 I. Némirovsky, Le Vin de solitude, dans Ead., Œuvres complètes, cit., p. 1176 (dorénavant VS).
Dans la partie du monde où Hélène Karol était née, le soir s’annonçait par une poussière épaisse qui volait lentement dans l’air et retombait avec la nuit humide. Une trouble et rouge lumière errait au bas du ciel ; le vent ramenait vers la ville l’odeur des plaines ukrainiennes, une faible et âcre senteur de fumée et la fraîcheur de l’eau et des joncs qui poussaient sur les rives.36
- 37 VS, p. 1249.
- 38 Ibid., p. 1177.
- 39 Ibidem.
- 40 Ibid., p. 1178.
8La poussière et la fumée, voire la brume dont l’enfant se trouve enveloppée évoquent les relations troubles qui se nouent autour d’elle et qui l’accompagnent de ses huit ans à ses vingt-et-un ans : au début du roman elle est un peu plus jeune que ce à quoi l’on s’attendrait mais, « en Russie, à quatorze ans, on est femme, déjà… »37. Au centre de l’expérience de l’enfance se trouve la relation avec la mère, Bella, à laquelle tout l’oppose, jusqu’à son apparence physique. Hélène est la « fidèle image de son père »38 et n’a rien de cette femme avec une « tendance à l’embonpoint »39 qu’elle combat « par l’emploi de ces corsets en forme de cuirasse »40. Mais, si sa mère est toujours occupée avec ses amants, son père, pris par le jeu et les affaires, n’arrive pas non plus à lui prodiguer autant d’amour qu’elle le désire. Hélène vit constamment avec le sentiment d’être mise à l’écart et ce sentiment d’abandon fait qu’elle reconnaît en sa gouvernante française et en l’amant de sa mère des parents de substitution qui pourront lui offrir davantage d’amour. Les parents se trouvent ainsi redoublés et l’éloignement progressif des quatre adultes marque les étapes fondamentales de son apprentissage.
- 41 A. Kershaw, Before Auschwitz, New York-London, Routledge, 2010, p. 93. Pour Moretti, cependant, le (...)
- 42 VS, p. 1194.
9b. La dimension picaresque est inhérente au roman de formation : le parcours d’Hélène commence en Ukraine et se termine à Paris, en passant par Saint-Pétersbourg, que la famille fuit en raison de la Révolution russe, et la Finlande, où se déroule sa première initiation sexuelle avec un autre immigré russe. Angela Kershaw a remarqué qu’à la différence de ce qui se produit dans le roman de formation, les déplacements ne sont pas déterminés par la volonté de l’héroïne, mais ils sont dus à des raisons politiques41 ; ces déplacements peuvent donc être interprétés comme l’emblème de l’assujettissement d’Hélène au bon vouloir de sa famille et aux contraintes de l’histoire. Toutefois, si l’arrivée à Paris est accueillie favorablement aussi bien par Hélène que par sa famille, ce n’est pas pour les mêmes raisons : pour les Karol, la France est le lieu d’une possible ascension sociale, alors que pour Hélène, qui rêve d’être Française depuis son enfance (« Oh ! comme je voudrais être Française ! »42, dit-elle à sa gouvernante), la France comme patrie d’élection représente avant tout l’adhésion à un modèle culturel différent de celui dans lequel elle a été élevée.
- 43 Ibid., p. 1340.
- 44 S. Zatti, « Morfologia del racconto d’infanzia », dans S. Brugnolo (dir.), Il ricordo d’infanzia ne (...)
10c. « Tu l’as voulu, George Dandin »43. D’après un motif récurrent dans le roman de formation et dans le récit d’enfance44, la lecture joue un rôle décisif dans la constitution de la personnalité d’Hélène et permet de comprendre sa position polémique par rapport à ses parents. Alors que son père lit des journaux et sa mère des revues de mode, Hélène, par la médiation de son grand-père, connaît Chateaubriand et Hugo et, dans ses moments de jalousie à l’endroit de sa mère, elle cite George Dandin. Ce rapport à la littérature française renvoie à son ambition de se débarrasser de ses origines, tandis que l’obsession pour la lecture, combattue par sa grand-mère, qui lui dit qu’elle va s’abîmer les yeux, la singularise, à tel point qu’Hélène elle-même, lorsqu’elle veut se sentir comme les autres enfants, se propose de mettre de côté les livres. Enfin, son œuvre préférée, celle qu’elle connaît presque par cœur, est le Mémorial de Sainte-Hélène, dont le titre est à la base d’une identification cruciale pour le personnage.
- 45 N. Demorand, Premières leçons sur le roman d’apprentissage, Paris, Presses universitaires de France (...)
- 46 VS, p. 1239.
- 47 F. Godeau, « Visions d’avenirs, désillusion à venir, quelques remarques sur un topos du roman de fo (...)
- 48 S. Freud, Le roman familial des névrosés, tr. fr. O. Mannoni, Paris, Payot & Rivages, 2014, p. 37-3 (...)
11d. « Comment être Napoléon ? » : Hélène est digne de ses confrères du siècle précédent qui, d’après Demorand, se posaient cette question au cœur du roman de formation45. Elle joue à Napoléon et s’imagine impératrice46, se laissant aller à des rêveries, topos du roman de formation47, qui, tout comme Freud le prévoit dans Le Roman familial des névrosés, permettent d’amender le réel et de combler les désirs en lui offrant une possible revanche sur une société dont elle se sent exclue48.
- 49 VS, p. 1267.
- 50 Voir S. Suleiman, « Famille, langue, identité. La venue à l’écriture dans Le Vin de solitude », cit
- 51 VS, p. 1253.
12e. « Les doigts tachés d’encre »49. Cette image, qui revient dans L’Ennemie et Le Bal, annonce la scène topique d’initiation à l’écriture50 qui se rattache plutôt au roman d’artiste : lorsqu’elle est en train d’effectuer ses exercices d’allemand, Hélène tombe sur la description d’une famille unie. Furieuse, elle brandit le crayon comme une arme chargée et écrit sur le livre : « Le père pense à une femme qu’il a rencontrée dans la rue, et la mère vient seulement de quitter un amant. Ils ne comprennent pas leurs enfants, et leurs enfants ne les aiment pas […] »51. La fonction attribuée à l’écriture se fait jour, qui devient à la fois un instrument de vengeance et un moyen de rétablir la vérité, mais la valeur de l’épisode réside aussi dans le caractère transgressif du geste d’Hélène, qui lance par là un défi à l’autorité parentale.
- 52 Ibid., p. 1263.
13f. « Une brume lourde ». L’épisode ne fait que provoquer le renvoi de la gouvernante, que la mère tient pour coupable de l’attitude indisciplinée de sa fille. Congédiée, Mlle Rose meurt en proie à la folie. Cette mort est bien évidemment une expérience traumatique pour Hélène qui a conscience de perdre sa mère de substitution, laquelle, par un lapsus assez révélateur, remplace la véritable mère dans les prières du soir et qui représente l’avenir (la gouvernante lui donne des instructions positives, alors que sa mère ne fait que la gronder). Il s’agit d’un moment charnière de la vie du personnage et dans ce récit, la métaphore du brouillard s’accentue : « […] elle avançait dans une brume lourde qui roulait lentement comme une fumée […]. [Hélène] songea avec désespoir : “Jamais je ne la retrouverai !” »52.
- 53 Ibid., p. 1240.
- 54 Ibidem.
- 55 Ibidem.
- 56 F. Orlando, Les Objets désuets dans l’imagination littéraire. Ruines, reliques, raretés, rebuts, li (...)
- 57 VS, p. 1336.
- 58 Ibid., p. 1239.
14g. Rebuts. La vaisselle d’argent achetée dans les salles de vente, les statues de Capo di Monte encore entourées de leur papier d’emballage, les petites assiettes décorées de personnages et de bouquets amoncelées « tristement, inutilisées » sur les dressoirs53, les bibliothèques « achetées au mètre »54, les volumes de maroquin armorié qu’à l’exception d’Hélène, personne n’ouvre, les verres de Baccarat « ébréchés »55, les assiettes marquées par les initiales de quelqu’un d’autre, le coussin brodé d’armes héraldiques incertaines, les portraits achetés en bloc qui se couvrent lentement de poussière, les lustres aux ampoules à demi brûlées, les roses qui meurent dans leurs vases, le vieux bureau Louis XV, branlant et orné de griffes d’or décollées… Le Vin de solitude aurait pu donner de la matière à un chapitre des Objets désuets de Francesco Orlando56, tant les listes de rebuts et autres objets inutiles sont fréquentes. Quel est leur intérêt ? Les Karol, riches parvenus, les accumulent dans le but de bâtir leur propre lignée. La mère, « parée comme une châsse »57, fait partie intégrante de cet univers de vieilleries. Cependant, la poussière qui s’agglutine révèle leur incapacité à vénérer le passé et suggère que cette richesse disparaîtra aussi vite qu’elle est apparue. Le regard d’Hélène sur ces objets inutiles et dégradés confirme la vacuité et le caractère illusoire de l’entreprise : « Tout dans cette maison est comme un repaire de voleurs, de seconde main »58. Ces bibelots augmentent donc le sentiment d’éloignement d’Hélène par rapport à sa famille car ils dévoilent une posture différente envers le passé et l’avenir : à la volonté de ses parents de reconstruire un passé imaginaire à l’aide des objets qui pourraient les anoblir, s’oppose le désir de la jeune fille de s’émanciper du passé, qui se concrétisera à la fin du roman.
- 59 Ibid., p. 1340.
- 60 F. Moretti, op. cit., p. 44.
15h. Rhétorique de la solitude. Le thème de la vengeance et des représailles contre la mère, qui était décisif dans L’Ennemie et dans Le Bal, se manifeste clairement lorsque la fille tente de séduire Max, l’amant de celle-ci. En tant que père substitutif, Max devient le pivot de la rivalité sexuelle entre la mère et la fille. Pourtant, lorsqu’il lui propose de l’épouser, Hélène n’accepte pas, et l’homme, le cœur brisé, s’enfuit à Londres. Max, même s’il pouvait lui garantir une « vie propre, normale »59, lui rappellerait à jamais sa mère, tandis que la jeune fille aspire à construire sa vie sur des sentiments autres que le désir de vengeance qui l’a rapprochée de cet homme. Hélène rejette ce que Moretti appelle la « rhétorique du bonheur »60, qui est, de même que le mariage, une fin possible du roman de formation au féminin ; elle lui préfère la rhétorique de la solitude.
- 61 VS, p. 1177.
- 62 Ibid., p. 1361.
16i. « Il a bien su gagner sa vie ». La mort du père représente le tournant décisif dans l’histoire d’Hélène. Ses sentiments envers son père sont à l’opposé de ceux qu’elle éprouve pour sa mère et celui-ci représente le seul lien qu’Hélène a avec sa vie antérieure : « C’était à lui seul qu’Hélène ressemblait ; elle était sa fidèle image. Elle tenait de lui le feu de ses yeux, sa grande bouche, ses cheveux bouclés et sa peau brune […] »61. Il est aussi son seul modèle et, lorsqu’il décède, la jeune fille se rend compte que rien ne la retient désormais auprès de sa mère abhorrée et elle part en pensant que c’est ce que son père a fait bien des années auparavant : « […] Mon père était bien plus jeune que moi quand il est parti. Il a bien su gagner sa vie, lui. Il avait quinze ans. Il me l’a souvent raconté. Je ne suis qu’une fille, mais j’ai du courage »62.
- 63 G. Genette, Discours du récit [Paris, 1972], Paris, Seuil, 2007, p. 19. Cf. S. Suleiman, La Questio (...)
- 64 VS, p. 1362.
- 65 A. Kershaw, op. cit., p. 93.
17j. Hélène devient libre. « Marcel devient écrivain » : c’est par ces mots que Genette condense À la recherche du temps perdu63. Un résumé tout aussi succinct du Vin de solitude se contenterait de souligner que l’héroïne embrasse la liberté comme seul élément constitutif de son identité. Lorsque son père meurt, Hélène a le sentiment qu’elle n’a plus rien à perdre : en cet instant la solitude, perçue dans son enfance avec douleur, change désormais de signe, se transforme en liberté et est prise comme une valeur positive que le personnage assume pleinement. Elle va vers la vie, affranchie finalement des pulsions homicides à l’égard de sa mère et de la pulsion de mort à laquelle, par exemple, Gabri succombe dans L’Ennemie : « […] je suis libre, libre, délivrée de ma maison, de mon enfance, de ma mère, de tout ce que je haïssais, de tout ce qui me pesait au cœur. J’ai rejeté cela, je suis libre. Je travaillerai »64. Le fait, justifié par le désir d’Hélène de suivre les traces de son père, renvoie au modèle de formation masculine, ainsi qu’Angela Kershaw l’a observé65, et par conséquent marque la violation des conventions imposées par la société.
- 66 VS, p. 1193.
18k. « Une petite fille ordinaire ». Moretti insiste sur la normalité des héros du roman de formation. Il n’y a rien de normal dans l’histoire d’Hélène, comme cela est souligné à plusieurs reprises. Pourtant, cette absence de normalité est contrebalancée par le fait qu’Hélène est présentée par la gouvernante comme « une petite fille ordinaire »66 : cette condition, ce manque de tout caractère spécial, sous-tendent la reproductibilité de son expérience d’émancipation.
- 67 M. Bakhtine, op. cit., p. 254.
- 68 Ibid., p. 258.
- 69 Ibid., p. 254.
- 70 VS, p. 1311.
19l. L’espace et le temps. La reproductibilité de l’expérience trouve sa confirmation dans les deux événements historiques qui configurent l’arrière-plan du roman et se reflètent l’un dans l’autre, car aussi bien la Révolution russe que l’ère napoléonienne font allusion à la possibilité de se défaire de l’ordre ancien, qui est non seulement une expérience historique, mais aussi une expérience individuelle. L’histoire n’est pas une « toile de fond immobile »67 ni « immuable »68 dont les règles s’imposent forcément à l’individu : ses travers, qu’Hélène avait acceptés passivement au début du roman, laissent imaginer que la formation de l’individu peut évoluer aussi bien que l’histoire et qu’elle peut aussi toucher « aux fondements du monde »69. Il en va de même pour l’espace, également représenté dans sa dimension dynamique : « Mon Dieu, comme Paris a changé ! »70, affirme Bella, avec un autre écho baudelairien.
- 71 Ibid., p. 1363.
- 72 J. Milligan, The Forgotten Generation: French Women Writers of the Inter-war Period, Oxford-New Yor (...)
- 73 Ibid., p. 68.
- 74 F. Moretti, op. cit., p. 85.
- 75 S. Zatti, « Morfologia del racconto d’infanzia », cit., p. 29.
- 76 Cf. A. Kershaw, op. cit, p. 93.
20m. « Je n’ai pas peur de la vie, songea-t-elle. Ce ne sont que les années d’apprentissage. Elles ont été exceptionnellement dures, mais elles ont trempé mon courage et mon orgueil. Cela, c’est à moi, ma richesse inaliénable. Je suis seule, mais ma solitude est âpre et enivrante »71. La toute dernière étape de l’apprentissage d’Hélène consiste en la prise de conscience même de ce parcours accompli. Ce passage a bien évidemment permis d’apposer au Vin de solitude l’étiquette générique de roman de formation. Dans son livre The Forgotten Generation, Jennifer Milligan affirme que « la quête d’identité d’Hélène est incomplète, sa situation irréconciliable […] et que le roman n’offre pas de solution »72. Plus récemment, Susan Suleiman a soutenu que la prédilection de la jeune fille pour le Mémorial de Sainte-Hélène, tout comme celle de Julien Sorel, permet de déceler une allusion au Rouge et le Noir en tant que « roman d’apprentissage sur le mode de l’échec, dirait Lukács »73. Pourtant, la phrase prononcée par Hélène que l’on vient de citer suggère une interprétation différente. Tout d’abord, c’est dans la coïncidence entre fin de la narration et découverte de la finalité, que l’on repère clairement l’adhésion au modèle du Bildungsroman : « Le récit s’interrompt dès que le dessein intentionnel, dès que le projet qui implique le personnage principal et détermine le sens général est parvenu à son terme »74. La trajectoire d’Hélène n’est donc pas inachevée car son parcours se termine par un départ qui constitue une césure fondamentale dans sa vie et qui permet d’interpréter le sens de son histoire75. D’ailleurs, c’est précisément en tant qu’expérience aboutie que l’enfance continue d’exercer une influence sur la vie adulte. Bien que dans Le Vin de solitude, il n’y ait pas d’intégration réussie à la société ni d’assomption d’un rôle social76, comme on pourrait l’attendre d’un roman de formation, l’expérience d’Hélène ne peut néanmoins pas être considérée comme vouée à l’échec, car la découverte de la liberté coïncide parfaitement avec la découverte de sa vocation et avec la proclamation d’un principe d’autodétermination par rapport à l’identité reçue qui est à lui seul une réussite.
- 77 F. Moretti, op. cit., p. 105.
- 78 Ibid., p. 19-31.
- 79 Ibid., p. 129.
- 80 O. Philipponnat, « Notice à Le Vin de solitude », cit., p. 1174.
- 81 VS, p. 1332.
- 82 F. Moretti, op. cit., p. 175 et sq.
- 83 D’après Moretti, cette identification entre identité et héritage est une prérogative du roman angla (...)
- 84 M. Bakhtine, op. cit., p. 252.
- 85 VS, p. 1363.
21À travers ce dense réseau de thèmes et de symboles, dans lequel se combinent données réelles et autobiographiques, parfois manipulées, et données fictives chargées d’une valeur allusive, Irène Némirovsky parvient à construire « un outil narratif parfait » tel que Moretti désigne le Bildungsroman du XVIIIe siècle77, une « forme symbolique », pour reprendre une autre formule du même critique78. À d’autres égards, cependant, Le Vin de solitude reprend le modèle proposé par Stendhal et, plus généralement, le modèle du roman de formation du XIXe siècle, dans lequel, selon Moretti, « le processus se résume à une perte, à un renoncement »79. Némirovsky présente en effet l’itinéraire d’Hélène comme le passage progressif de l’enfance, âge confus, brumeux, incertain, aux multiples possibilités, à l’âge adulte, celui de la « pureté » (dans le sens de netteté, d’intelligibilité) ; les étapes qui cadencent le parcours de l’héroïne n’impliquent pas des acquisitions mais plutôt des pertes (la mort de la gouvernante, le départ de l’amant de la mère, la mort du père, l’éloignement final de la mère). Cependant, cet aspect est poussé à l’extrême, presque au point de saper son modèle de l’intérieur, car tous les éléments sur lesquels reposait l’identité de l’héroïne sont ainsi perdus et elle a la perception d’être enfin délivrée, même de ses « liens du sang », ainsi que l’a remarqué Olivier Philipponnat, faisant allusion au titre d’une nouvelle de l’auteure80, de ce sang « âpre et maudit »81 qu’Hélène exècre. En effet, alors que dans le modèle du XIXe siècle, l’individu se heurte au monde, dans ce roman féminin du XXe siècle, l’héroïne fait plutôt face à la famille, qui joue un rôle beaucoup plus important dans la formation de l’individu. En fait, le nœud de l’histoire d’Hélène n’est pas dans le conflit entre ambition et désenchantement, entre illusion et découverte de la « prose du monde »82, comme dans le roman du XIXe siècle, mais bien entre le désir d’indépendance et les règles familiales et sociales. L’héroïne n’ambitionne pas une place dans le monde, mais elle cherche plutôt à s’émanciper de sa famille et à construire son identité en dépit de son héritage83 : toute la formation se déroule donc à l’intérieur des murs de la maison, jusqu’à ce que, ayant délaissé les liens familiaux qui l’immobilisaient, Hélène peut partir à la découverte du monde, ce qui coïncide avec sa conquête ultime ainsi qu’avec le final du roman. Cela implique un processus de déconstruction progressive, plutôt que de formation, qui culmine dans l’atteinte de l’« identité zéro »84, sur laquelle le Bildungsroman s’ouvre traditionnellement plutôt qu’il ne se ferme. « Identité zéro », d’après le lexique de Bakhtine, « début d’une symphonie »85, d’après celui du narrateur du Vin de solitude.
- 86 L.-J. Goblet, Symphonie en ré mineur (FWV 48) de César Franck, consulté le 12/02/2023, URL : https: (...)
22L’image de la symphonie, en plus d’être l’emblème du dynamisme du parcours d’Hélène par rapport aux autres jeunes filles dépeintes par l’écrivaine, est un aspect essentiel de la grammaire du genre telle que Némirovsky l’expérimente. L’adhésion à ce modèle formel, qui ponctue le roman et en véhicule le sens, s’accomplit dans le dénouement, où, tout comme dans la symphonie de Franck, la trajectoire dramatique et spirituelle sur laquelle se compose l’œuvre se manifeste plus clairement dans le passage « de l’ombre à la lumière, de l’erratique Lento initial à l’apothéose finale »86. À la fin du roman, tous les motifs reviennent, chargés d’une nouvelle signification et porteurs d’une valeur différente. La solitude, cause de tant de souffrances pour la jeune fille délaissée, se mue maintenant en une valeur positive, voire en une richesse. Le silence écrasant de la province russe a été supplanté par le vent de Paris qui souffle avec un rythme profond. Avec une légèreté qui a le goût de la liberté, Hélène s’éloigne n’emportant avec elle qu’un chat tout aussi léger qu’elle. L’obscurité, phénomène d’intériorité projeté par analogie sur le paysage, s’estompe enfin, et le roman, qui s’était ouvert sur une soirée voilée par une poussière épaisse, s’achève par des nuages qui se dissipent, signe que la saison de la vie incertaine, brumeuse et obscure est désormais terminée. L’Arc de triomphe, un dernier souvenir napoléonien, se profile dans un ciel bleu, limpide, pur :
Elle écouta le bruit du vent, et il lui sembla sentir dans ce souffle furieux un rythme profond, solennel et joyeux, comme celui de la mer. Les sons, d’abord aigus, rauques et criards, se fondaient en une sorte d’harmonie puissante. Elle y percevait une ordonnance confuse encore, comme au début d’une symphonie, lorsque l’oreille étonnée entend le dessin d’un thème, mais le perd aussitôt, déçue, le cherche et, soudain, le retrouve, et cette fois-ci comprend qu’il ne lui échappera plus, qu’il fait partie d’un ordre différent, plus puissant et plus beau, et écoute, rassurée et confiante, la tempête bienfaisante des sons s’abattre sur elle.
- 87 VS, p. 1364.
Elle se leva, et, à ce moment, les nuages s’écartèrent ; entre les piliers de l’Arc de triomphe le ciel bleu parut et éclaira son chemin.87
Notes
1 Les journaux d’écriture, les brouillons et les avant-textes du Vin de solitude sont conservés à l’IMEC (Institut Mémoire de l’Édition Contemporaine de Caen) sous les cotes ALM 2998.8 (dont est tirée la citation au-dessus) ; ALM 2998.9 ; ALM 2998.10. Les pages des dossiers ne sont pas numérotées. Ce dossier, assez volumineux, a aussi été l’objet d’autres études : O. Philipponnat, P. Lienhardt, La Vie d’Irène Némirovsky, Paris, Grasset-Denoël, 2007 ; O. Philipponnat, « Notice à Le Vin de solitude », dans I. Némirovsky, Œuvres complètes, éd. O. Philipponnat, Paris, Librairie Générale Française, « Le Livre de Poche », 2011, t. I, p. 1171-1174 ; O. Philipponnat, « “Un ordre différent, plus puissant et plus beau”. Irène Némirovsky et le modèle symphonique », dans Roman 20-50, 54, 2012, p. 75-86 ; E. Quaglia, « Le style de genèse d’Irène Némirovsky : des brouillons palimpsestes », dans Approches, 180, 2019, p. 57-71 ; S. Suleiman, « Famille, langue, identité. La venue à l’écriture dans Le Vin de solitude », dans Roman 20-50, 54, 2012, p. 57-74 ; S. Suleiman, La Question Némirovsky, Paris, Albin Michel, 2017 ; C. Viollet, « Le Vin de solitude d’Irène Némirovsky : journal de genèse », dans Genesis, 39, 2014, p. 171-182.
2 Lettre d’I. Némirovsky à G. Chéreau, 11 février 1935, dans I. Némirovsky, Lettres d’une vie, éd. O. Philipponnat, Paris, Denoël, 2021, p. 175. Le roman paraît en feuilleton dans La Revue de Paris à partir du 1er mars 1935, puis en volume chez Albin Michel en août 1935. Pour les données biographiques nous nous appuyons sur O. Philipponnat, P. Lienhardt, La Vie d’Irène Némirovsky, cit. ; O. Philipponnat, Chronologie, dans I. Némirovsky, Œuvres complètes, cit., t. II, p. 1935-1991.
3 I. Némirovsky, L’Ennemie, dans Ead., Œuvres complètes, cit., t. I, p. 347.
4 Ibid., p. 349.
5 Ibid., p. 350.
6 Voir O. Philipponnat, « Notice à Le Vin de solitude », cit.
7 A. Maurois, Le Cercle de famille, Paris, Grasset, 1932, p. 335.
8 F. Orlando, Infanzia, memoria e storia da Rousseau ai romantici, Pisa, Pacini, 2007, p. 8-9.
9 ALM 29998.8.
10 Ibidem.
11 Ibidem.
12 Ibidem.
13 Ibidem.
14 Ibidem. C’est l’auteure qui souligne.
15 ALM 2998.9.
16 ALM 2998.8.
17 ALM 2998.9.
18 F. Moretti, Le Roman de formation, tr. fr. C. Bloomfield et P. Musitelli, Paris, CNRS Éditions, 2019, p. 14.
19 ALM 2998.8.
20 ALM 2998.9.
21 ALM 2998.8. Pour l’adhésion à la symphonie comme modèle formel, voir O. Philipponnat, « “Un ordre différent, plus puissant et plus beau”. Irène Némirovsky et le modèle symphonique », cit.
22 Cf. O. Philipponnat, « Notice à Le Vin de solitude », cit., p. 1171.
23 ALM 2998.8.
24 « Il faudrait trouver un symbole comme titre », ibidem.
25 ALM 2998.9. Cf. O. Philipponnat, « Notice à Le Vin de solitude », cit., p. 1172.
26 Lettre d’I. Némirovsky à G. Chéreau, 11 février 1935, cit.
27 Ch. Baudelaire, Le Vin du solitaire, dans Id., Les Fleurs du Mal, dans Id., Œuvres complètes, éd. Y.-G. Le Dantec, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléaide », 1961, p. 104.
28 ALM 2998.9.
29 J. Auscher, « Sous la lampe. Irène Némirovsky », dans Marianne, 11 février 1935, reproduit dans O. Philipponnat, P. Lienhardt, La Vie d’Irène Némirovsky, cit., p. 435-436, p. 435. Cf. aussi ses notes de travail : « Mais ce qui est comique, c’est que j’ai le roman (L’Ennemie) mais cela parait trop artificiel, je ne voudrais pas m’en servir […] Le Bal a été la quintessence de L’Ennemie », ALM 2998.9.
30 M. Bakhtine, Esthétique de la création verbale, Paris, Gallimard, « Tel », 1984, p. 251.
31 Ibidem.
32 Ibid., p. 252.
33 Ibidem.
34 S. Zatti, « Raccontare la propria infanzia », dans F. Orlando, Infanzia memoria e storia da Rousseau ai romantici, cit., p. 273-329, p. 276.
35 F. Moretti, op. cit.
36 I. Némirovsky, Le Vin de solitude, dans Ead., Œuvres complètes, cit., p. 1176 (dorénavant VS).
37 VS, p. 1249.
38 Ibid., p. 1177.
39 Ibidem.
40 Ibid., p. 1178.
41 A. Kershaw, Before Auschwitz, New York-London, Routledge, 2010, p. 93. Pour Moretti, cependant, le fait d’être contraint de partir est une réalité fréquente pour les héros anglais, voir F. Moretti, op. cit., p. 271.
42 VS, p. 1194.
43 Ibid., p. 1340.
44 S. Zatti, « Morfologia del racconto d’infanzia », dans S. Brugnolo (dir.), Il ricordo d’infanzia nelle letterature del Novecento, Pisa, Pacini, 2012, p. 25-63, p. 42.
45 N. Demorand, Premières leçons sur le roman d’apprentissage, Paris, Presses universitaires de France, 1995, p. 17.
46 VS, p. 1239.
47 F. Godeau, « Visions d’avenirs, désillusion à venir, quelques remarques sur un topos du roman de formation : la projection imaginaire de soi », dans P. Chardin (dir.), Roman de formation, roman d’éducation, Paris, Kimé, 2007, p. 313-323, p. 314.
48 S. Freud, Le roman familial des névrosés, tr. fr. O. Mannoni, Paris, Payot & Rivages, 2014, p. 37-38.
49 VS, p. 1267.
50 Voir S. Suleiman, « Famille, langue, identité. La venue à l’écriture dans Le Vin de solitude », cit.
51 VS, p. 1253.
52 Ibid., p. 1263.
53 Ibid., p. 1240.
54 Ibidem.
55 Ibidem.
56 F. Orlando, Les Objets désuets dans l’imagination littéraire. Ruines, reliques, raretés, rebuts, lieux inhabités et trésors cachés, avec une préface de C. Ginzburg, tr. fr. P.-A. et A. Claudel, Paris, Classiques Garnier, 2013.
57 VS, p. 1336.
58 Ibid., p. 1239.
59 Ibid., p. 1340.
60 F. Moretti, op. cit., p. 44.
61 VS, p. 1177.
62 Ibid., p. 1361.
63 G. Genette, Discours du récit [Paris, 1972], Paris, Seuil, 2007, p. 19. Cf. S. Suleiman, La Question Némirovsky, Paris, Albin Michel, 2017, p. 241.
64 VS, p. 1362.
65 A. Kershaw, op. cit., p. 93.
66 VS, p. 1193.
67 M. Bakhtine, op. cit., p. 254.
68 Ibid., p. 258.
69 Ibid., p. 254.
70 VS, p. 1311.
71 Ibid., p. 1363.
72 J. Milligan, The Forgotten Generation: French Women Writers of the Inter-war Period, Oxford-New York, Berg, 1996, cité et traduit par S. Suleiman, « Famille, langue, identité. La venue à l’écriture dans Le Vin de solitude », cit., p. 60-61.
73 Ibid., p. 68.
74 F. Moretti, op. cit., p. 85.
75 S. Zatti, « Morfologia del racconto d’infanzia », cit., p. 29.
76 Cf. A. Kershaw, op. cit, p. 93.
77 F. Moretti, op. cit., p. 105.
78 Ibid., p. 19-31.
79 Ibid., p. 129.
80 O. Philipponnat, « Notice à Le Vin de solitude », cit., p. 1174.
81 VS, p. 1332.
82 F. Moretti, op. cit., p. 175 et sq.
83 D’après Moretti, cette identification entre identité et héritage est une prérogative du roman anglais, ibid., p. 274 sq.
84 M. Bakhtine, op. cit., p. 252.
85 VS, p. 1363.
86 L.-J. Goblet, Symphonie en ré mineur (FWV 48) de César Franck, consulté le 12/02/2023, URL : https://www.crescendo-magazine.be/journal/concert-symphonique-hommage-a-cesar-franck-a-limep/.
87 VS, p. 1364.
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Référence électronique
Teresa Manuela Lussone, « Le pur et l’obscur : Le Vin de solitude ou la symphonie de la jeune fille en devenir », Revue italienne d’études françaises [En ligne], 13 | 2023, mis en ligne le 15 novembre 2023, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/10805 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rief.10805
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