Écritures impossibles : du Livre mallarméen au Hors-Livre de Derrida
Résumés
Cet article se propose d’établir le lien entre la notion de Livre chez Stéphane Mallarmé et celle de Hors-Livre chez Jacques Derrida, en mettant en lumière l’influence profonde que les travaux du poète ont eue sur l’œuvre derridienne quant au sujet de l’« objet littéraire ». En partant du Coup de dés, cet article trace la véritable filiation entre les poèmes mallarméennes et l’écriture de La double séance, afin de montrer comment la déconstruction s’approprie, en les creusant et en les exaspérant, les marques du poète de la rue de Rome.
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- 1 « Je ne sais pas d’autre bombe, qu’un livre », S. Mallarmé, « Sur l’Explosion à la chambre des dépu (...)
- 2 Du titre de l’essai de J.-F. Hamel, Camarade Mallarmé, Paris, Les Éditions de Minuit, 2014.
1Le fonctionnement profond de la littérature, ainsi que les éléments qui permettent au dispositif littéraire d’exister en toute autonomie, ont façonné les soucis esthétiques partagés par deux représentants de la remise en question de l’objet culturel : Mallarmé et Derrida. Éloignés, bien sûr, tant sur le plan du rapport à la sacralité de l’Œuvre – Mallarmé, adepte, voire clerc, de la religion littéraire, Derrida se forgeant plutôt une réputation de destructeur de toute prétention à la liturgie textuelle –, qu’au niveau de l’horizon politique et culturel (pouvait-on réellement soupçonner la présence de l’« anarchiste Mallarmé »1, du « camarade Mallarmé »2 derrière les rideaux épais de l’appartement de rue de Rome ?), le poète et le philosophe consacrent toutefois de longues méditations à la possibilité d’étendre la notion de « littérature », à partir de ce que Mallarmé a défini comme une « Crise de vers », et que Derrida a pensé comme une « Crise de la philosophie ». Si les disciplines traditionnelles se meurent, semblent affirmer Mallarmé et Derrida, il faudra réinventer leurs limites et repenser leur statut.
- 3 « C’est t’apprendre que je suis maintenant impersonnel, et non plus Stéphane que tu as connu, – mai (...)
2On se demandera ainsi comment, à la fois chez le poète de la littérature autoréflexive et anonyme3, et chez le philosophe de la déconstruction, le Texte devient un dispositif d’expression autonome et virtuelle, en soulignant, notamment, la dette de Derrida envers les brouillons du Livre mallarméen et, enfin, le caractère radicalement chimérique des projets. Pour ce faire, on se penchera d’abord sur la filiation – textuelle et langagière – qui s’instaure entre les expériences littéraires mallarméennes et les procédés de Derrida, puis, à l’aide d’une relecture de La Dissémination derridienne (où l’on retrouve, notamment, la réflexion autour de l’œuvre de Mallarmé proposée par « La double séance »), on verra la manière dont le philosophe s’approprie le Livre mallarméen afin de proposer un Hors-Livre, une créature hybride qui dépasse les horizons irréalisables du projet mallarméen pour atteindre une dimension d’impossibilité définitive, bien que philosophiquement revendiquée.
Le Coup, le Livre et la Dissémination
- 4 Sur Ponge voir J. Derrida, Signéponge, Paris, Seuil, 1988. Sur Genet voir Id., Glas, Paris, Galilée (...)
3Parmi les auteurs dont Derrida propose des lectures philosophiques – Francis Ponge, Jean Genet4… –, Mallarmé occupe une place prédominante, et cela s’explique à travers l’importance que le poète revêt dans le cadre des expériences métalittéraires qui marquent le passage à la post-modernité littéraire. Les réflexions derridiennes sur l’autonomie de la littérature s’inscriront en effet dans le sillage du poète. Or, dans la bibliothèque de Derrida conservée à Princeton, on retrouve une seule œuvre mallarméenne : une édition de 1952 d’« Un Coup de dés ». Il faudra tenter de comprendre la raison pour laquelle le philosophe de la déconstruction, qui a fait de l’expérience mallarméenne un antécédent capital, ne possédait que le dernier poème du Maître de la rue de Rome. Toute explication pratique écartée, on proposera de lire la présence du « Coup » dans la bibliothèque de Derrida comme l’intention philosophique et littéraire de l’auteur de la Grammatologie de fonder sa lecture de Mallarmé sur le « Coup de dés », en réélaborant l’intégralité de l’expérience mallarméenne à travers le prisme du poème qui résume et éparpille les grands thèmes du poète : la dissémination langagière, la fin de la transcendance, le doute universel, la construction de la subjectivité sur le fond de l’indécidabilité ontologique. Ainsi, dans son interprétation de l’œuvre mallarméenne, Derrida généraliserait les théories atteintes à travers l’élaboration du « Coup de dés » et des textes qui comme le Livre, ou bien « Crise de Vers », anticipent les réflexions du poème.
- 5 On pense, par exemple, à la structure langagière du « Coup de dés », ou à la présence d’un sens qui (...)
- 6 Quelques exemples : F. Manzari, « Lire les poètes avec Derrida », dans S. Guindani et A. Nuselovici (...)
- 7 S. Mallarmé, « Un Coup de dés jamais n’abolira le hasard », dans OC I, p. 392.
- 8 Ibidem.
- 9 On ne citera que quelques exemples bibliographiques, le thème ayant été longuement abordé par la cr (...)
4À partir de l’exemple mallarméen, Derrida reprend et propose deux grands axes esthétiques : l’axe formel et l’axe substantiel. Le premier se fonde sur les modalités de l’écriture mallarméenne, sur les procédés stylistiques et littéraires et, surtout, sur la démarche disséminante propre au texte de Mallarmé5. L’écriture derridienne a une dette évidente envers celle de Mallarmé, comme la critique l’a fait remarquer6: il suffit de penser aux éléments les plus perturbants du texte de Derrida, à savoir la complexité graphique, la double structure de la page, l’écriture enrobée d’une super-écriture ou bien éparpillée dans une séquence de micro-écritures (comme l’exemplifient Glas, « Tympan », « La double séance »). Cette dimension disséminée de la page relève manifestement de la leçon du Livre et du « Coup de dés » mallarméens. L’écriture du « Coup de dés » se fonde sur la coprésence signifiante des espaces blancs et des mots, puisque, comme l’affirme Mallarmé dans la préface à l’édition 1897 du poème, « les blancs […] assument l’importance, frappent d’abord »7 ; quelques lignes après, Mallarmé écrit que l’avantage de la présence du blanc, de l’espace vide, semble « accélérer tantôt et […] ralentir le mouvement, le scandant, l’intimant même selon une vision simultanée de la Page : celle-ci prise pour unité comme l’est autre part le Vers ou ligne parfaite »8. Cela revient à dire que la signification du poème se structure dans et à travers la disposition graphique de la page9 : la position du mot sur la feuille participe du procédé signifiant, en conférant au signe une importance variable en fonction de sa « localisation » et de sa taille typographique, permettant ainsi, comme le fait la partition musicale, un système de « jeu » de la lecture qui se donne dans les pauses et dans les moments « sonores ».
- 10 Pour une analyse de la dimension inachevée du Livre, on renvoie à L. Bevilacqua, Mots manquants. L’ (...)
- 11 J. Scherer, Le « Livre » de Mallarmé, Paris, Gallimard, 1957.
5Le « Coup de dés » demeure un texte abouti, dont la structure graphique résulte d’une volonté précise de reproduire les possibilités sonores et signifiantes de la partition, ce qui permettra à Derrida de réactiver la « dissémination » de la page pour créer et établir des liens pourvus de sens entre les différentes colonnes de son texte ; le deuxième modèle de l’écriture derridienne est en revanche une œuvre essentiellement « éparpillée », puisqu’elle n’a jamais vu le jour dans sa forme définitive. C’est le Livre, le texte « universel », irénique, autour duquel Mallarmé réfléchit pendant des années sans trouver de réponse satisfaisante à ses interrogations théoriques10. Le texte du Livre ne subsiste ainsi qu’à l’état de brouillon, et les 202 feuillets qui composent le projet mallarméen ont été déchiffrés et publiés pour la première fois seulement en 195711. À cause de sa forme inachevée, le Livre présente des feuillets griffonnés selon la logique de l’inspiration momentanée, de l’écriture spontanée, non réélaborée : à la différence du « Coup de dés », donc, la présence de l’espacement, des « pauses » blanches entre les mots, ne relève pas d’une intention signifiante, mais, plus simplement, de l’impossibilité de donner une structure aboutie au projet.
6Voici un exemple :
le Dr est en le mystère
de l’équation suivante faite d’une double
identité
équation ou idée
que th si ceci est cela
est cela est ceci
- 12 Ibid., p. 74, feuillet 5 – A. On n’a reproduit ici que la première moitié de la page.
le développement du héros ou héros
à tort scindées en deux
le résumé du th
Comme Idée est hymne12
- 13 J. Derrida, La Dissémination, Paris, Seuil, 1972, p. 201.
- 14 Ibidem.
- 15 Il est intéressant de remarquer que même dans Glas on retrouve un philosophe, Hegel, sur le côté ga (...)
- 16 Id., « De l’Économie restreinte à l’économie générale », dans Id., L’Écriture et la Différence, Par (...)
- 17 R. Steinmetz, Les Styles de Derrida, Bruxelles, De Boeck Éditions, 1994, p. 123.
7Ainsi, les deux colonnes renvoient à l’hésitation du poète en train de concevoir l’œuvre parfaite, à l’état de réflexion permanente, au stade inachevé de la réalisation du Livre. Derrida reprend à la fois la spatialisation « volontaire » du « Coup de dés » et celle « essentielle », presque philologique, du Livre : la première page de « La double séance » présente, en effet, une mosaïque textuelle qui fait écho aux expériences mallarméennes à travers la juxtaposition d’un extrait d’un dialogue platonicien – Le Philèbe – et d’un extrait d’une divagation de Mallarmé, « Mimique ». Sur le plan du lien signifiant qu’il est possible d’établir entre les deux parties de la page (ce qui résulte de la réélaboration de l’économie textuelle du « Coup de dés »), on remarque que le début de l’extrait platonicien affirme : « SOCRATE : Et s’il a quelqu’un avec lui, développant en paroles adressées à son compagnon les pensées qu’il ne se disait qu’à lui-même, il prononcera tout haut les mêmes assertions, et ce que on appelait tout à l’heure opinion (doxan) sera dès lors devenu discours (logos) »13, alors que le texte mallarméen réfléchit sur le silence, l’élément qui serait le « seul luxe après les rimes, un orchestre ne faisant avec son or, ses frôlements de pensée et de soir qu’en détailler la signification l’égal d’une ode tue »14. Ces deux extraits se situent à gauche (Platon) et à droite (Mallarmé) de la page15 ; immédiatement, le lien sémantique est instauré : le texte platonicien portera sur la voix, sur les mots, sur la transcription du discours ; en revanche, l’extrait de Mallarmé proposera une valorisation du silence, de l’« ode tue ». L’opposition radicale entre l’héritage métaphysique platonicien – qui créé une hiérarchie de valeur entre parole et écriture – et la revendication de l’universalité de l’écriture prônée par Mallarmé à travers le « silence » plurisignifiant propre à l’expression écrite, est, dès l’ouverture de La Dissémination, représentée par les liens tissés entre les deux colonnes. Quant à l’héritage des brouillons du Livre, on remarquera la nécessité, pour Derrida, de valoriser l’élaboration permanente, l’écriture en mouvement, et une vision de la poésie comme perte de tous les repères : « le poétique […] est ce qui dans tout discours peut s’ouvrir à la perte absolue de son sens, au (sans) fond de sacré, de non-sens, de non-savoir ou de jeu, à la perte de connaissance dont il se réveille par un coup de dés »16. Comme l’a écrit Rudy Steinmetz, « il appartient maintenant à l’écriture poétique de s’écrire, d’écrire ce qu’elle est et ce qu’elle sera »17.
- 18 On renvoie à P. Audi, La Tentative de Mallarmé, Paris, Presses Universitaires de France, 1998 pour (...)
- 19 B. Marchal, Lecture de Mallarmé, Paris, José Corti, 1985, p. 287.
- 20 J. Derrida, « Le Théâtre de la cruauté et la clôture de la représentation », dans Id., L’Écriture e (...)
8Le deuxième axe se structure autour de la portée sémantique de l’œuvre mallarméenne, sur la signification profonde proposée par le poète : le « Coup de dés » est la représentation clairsemée d’une idée, du langage en proie du vertige de l’espace blanc, et de l’effort surhumain de l’esprit qui tente – sans succès – de reconstituer, dans un monde où règnent le hasard, le chaos et la contingence, la transcendance abolie18. Bertrand Marchal a écrit que « si seule une transcendance, comme Mallarmé en a la conviction, peut fonder la vérité du langage, la mort de Dieu a plongé le monde, pour le poète, dans un délire de représentations qui n’est que le tourbillon d’un langage autonome où le sens, figé par l’usage courant, vacille et glisse perpétuellement »19. Or, Derrida se fonde sur l’idée d’un poème mettant en scène la fin de la transcendance afin de proposer celle qu’il appellera, dans les études sur Artaud, la « clôture de la représentation »20 et la clôture de la transcendance.
- 21 S. Mallarmé, « Richard Wagner. Rêverie d’un poëte français », dans OC II, p. 157.
- 22 A. Thibaudet, La Poésie de Stéphane Mallarmé [1926], Paris, Gallimard, 2006, p. 389.
9Le projet du Livre portait sur un stade précèdent de la réflexion mallarméenne autour de l’impossibilité de donner corps aux concepts et aux phénomènes à l’époque de l’écroulement de la métaphysique, où toute prétention d’identification nette des choses disparaît après l’effacement des modèles. Mallarmé écrit dans « Richard Wagner. Rêverie d’un poëte français » que, sur la scène théâtrale du monde, il faudrait représenter des figures, des dispositifs esthétiques qui ne soient « pas […] fixes, ni […] séculaires et […] notoires, mais un, dégagé de personnalité, car il figure notre aspect multiple […]. Type sans dénomination préalable »21. Des personnages, par conséquent, sans identité précise, sans structure donnée, sans nom et sans histoire. L’objectif de cette désincarnation est de permettre la création d’une fiction abstraite et universelle, toujours jouable à travers les schémas de reproduction élaborés par le poète. Ainsi, le Livre se voulait porteur d’un message absolu ; toutefois, comme l’a écrit Thibaudet, « croire que l’on a réalisé, arrêté, un absolu, revient à nier la vie qui engendre, comprend et transcende tout »22 : le message ne peut trouver son origine que dans l’anonymat et dans la disparition de l’auteur. Derrida se sert de cette idée fondamentale afin d’élaborer la nécessité, pour la littérature, d’advenir sous une forme anonyme et impersonnelle, dépourvue de l’intention de l’auteur et ouverte à différentes lectures (comme l’était la pratique du Livre dans les brouillons de Mallarmé) :
- 23 J. Derrida, « Qual quelle », dans Id., Marges de la philosophie, Paris, Les Éditions de Minuit, 197 (...)
La toile [de l’écriture] devient très vite indifférente à l’animal-source [qui l’a générée] qui peut fort bien mourir sans avoir même compris ce qui s’était passé. Longtemps après, d’autres animaux viendront encore se prendre aux fils, spéculant, pour en sortir, sur le premier sens d’un tissage, c’est-à-dire d’un piège textuel dont l’économie peut toujours être abandonnée à elle-même. On appelle cela l’écriture.23
10Ainsi, Derrida fonde sa réflexion littéraire, pour ce qui concerne la réalisation graphique et la signification, sur deux textes fondamentaux de Mallarmé, le « Coup de dés » et le Livre ; on s’intéressera désormais à ce dernier, en s’interrogeant sur la manière dont Derrida « prolonge » le projet inabouti de Mallarmé jusqu’à proposer une possibilité deux fois impossible : la conception du Hors-Livre.
Du Livre au Hors-Livre
11C’est dans « La double séance » – transcription de la conférence donnée par Derrida en deux séances, le 26 février et le 5 mars 1969, parue d’abord dans Tel Quel aux éditions du Seuil (n. 41 et n. 42) en 1970 et recueillie ensuite dans la première édition de La Dissémination – que le philosophe de la déconstruction expose de manière explicite sa dette envers la réflexion mallarméenne. Comme on l’a dit plus haut, « La double séance » juxtapose un extrait du Philèbe et « Mimique », afin de développer deux sujets chers à la déconstruction derridienne : la question de la mimesis et l’ontologie des « livres ».
- 24 Platon, Philèbe, cité dans J. Derrida, La Dissémination, cit., p. 201.
12Le passage du Philèbe qu’on retrouve dans « La double séance », offre des considérations sur le thème de la mémoire et, surtout, de la « représentation mimétique » qui serait, selon les personnages platoniciens, une conséquence naturelle de la pensée : cette dernière fonctionne comme « un peintre, qui vient après l’écrivain et dessine dans l’âme les images correspondantes aux paroles »24. En ce qui concerne « Mimique », on peut lire, retranscrit, comme on l’a vu, sur le côté droit de la page derridienne, le commentaire d’un livret de pantomime – Pierrot Assassin de sa femme – mis en scène par Paul Margueritte, cousin de Mallarmé, et publié chez Calmann-Lévy en 1886. Le sujet de cette Divagation demeure assez complexe : le texte mallarméen est la transcription d’un spectacle, ce dernier portant sur la mise en scène des actes névrosés de Pierrot, qui a tué sa femme Colombine en la chatouillant jusqu’à la mort.
- 25 S. Mallarmé, « Mimique », dans OC II, p. 178.
13Or, « Mimique » propose une réflexion sur la possibilité de la représentation qui ne représente rien, puisque l’activité du mime ne renvoie, par définition, à rien de réel, mais bien à des actes de pure mimesis. Le spectacle, loin de représenter sur scène des événements antérieurs, demeure ainsi un « soliloque muet que, tout du long à son âme tient et du visage et des gestes le fantôme blanc comme une page pas encore écrite »25. C’est une pure représentation dépourvue d’antécédent, c’est un pur jeu sans réalité qui fonde les gestes et les mots de Pierrot. En revanche, l’extrait du Philèbe que Derrida rapproche du texte mallarméen critique la représentation mimétique : celle-ci ne permettrait d’atteindre qu’un deuxième degré d’impression et d’éloignement de la réalité. Selon Platon, les impressions extérieures se transcrivent dans notre âme ; la représentation de la pensée à travers l’écriture ne serait rien d’autre que la représentation mimétique des impressions du monde, et, par conséquent, une mise à distance de la réalité.
- 26 J. Derrida, « La double séance », dans Id., La Dissémination, cit., p. 221.
- 27 Ibidem.
14L’extrait du Philèbe permet à Derrida de proposer une critique virulente contre une interprétation de la mimesis comme simple dégradation de la réalité ; la juxtaposition avec le texte de Mallarmé devient l’occasion d’envisager la mimesis comme « pure présence », puisque « il n’y a pas d’imitation. Le Mime n’imite rien. Et d’abord il n’imite pas. Il n’y a rien avant l’écriture de ses gestes. Rien ne lui est prescrit »26. Ainsi, pour Platon la représentation mimétique qui se donne à travers l’écriture dépend de la réalité extérieure, et c’est la valeur des impressions du monde qui fait la valeur de la transcription : « la valeur du livre ne lui est pas intrinsèque […] La vérité ou la fausseté ne surviennent qu’au moment où l’écrivain transcrit une parole rentrée, quand il copie dans le livre un discours qui a déjà eu lieu et qui se tient dans un certain rapport de vérité (de ressemblance) ou de fausseté (dissemblance) aux choses mêmes »27. Le « livre platonicien » serait ainsi un dispositif neutre, une page non résistante, non opaque, puisque complètement traversable par la valeur de la transcription. L’écriture littéraire annoncerait par conséquent sa soumission à la vérité extérieure, réduisant le signe à l’ombre mimétique des phénomènes extérieures.
15Si le « livre » comme outil de « transcription » d’une parole et d’une impression extérieure – donc hiérarchiquement supérieure – implique la remise en question de l’écriture, il faudra s’appuyer sur un dispositif littéraire qui s’écarte de toute relation avec l’extérieur, et c’est précisément dans « Mimique » que Derrida trouve une première formulation de cette possibilité. Comme on l’a dit plus haut, « Mimique » porte sur une écriture qui renvoie à une représentation du rien, donc sur un sujet autosuffisant et purement « présent » à soi-même. Mais l’autre « livre » auquel Derrida songe, afin de trouver un anti-modèle, une altérité positive par rapport à la vision réductrice du livre comme objet-supplément de la réalité, est le Livre mallarméen, l’instrument athée et pragmatique (Mallarmé ayant réfléchi, dans ses brouillons, au prix de son œuvre, au déroulement des séances de lecture…) qui traite de la fiction pure.
16Derrida, dans le paratexte préliminaire de La Dissémination, écrit que
- 28 J. Derrida, « Hors Livre », dans Id., La Dissémination, cit., p. 62.
l’excès aventureux d’une écriture qui n’est plus dirigée par un savoir ne s’abandonne pas à l’improvisation. Le hasard ou le coup de dés qui « ouvrent » un tel texte ne contredisent pas la nécessité rigoureuse de son agencement formel. Le jeu est ici l’unité du hasard et de la règle, du programme et de son reste ou de son surplus. Ce jeu ne s’appellera encore littérature ou livre qu’en exhibant la face négative et athée (phase insuffisante mais indispensable du renversement), la clause finale du même projet qui se tient désormais sur la tranche du livre fermé, accomplissement rêvé et conflagration accomplie. Telles les notes programmatiques en vue du Livre de Mallarmé.28
- 29 J. Scherer, op. cit., p. 94.
17Le Livre mallarméen devait se structurer à travers un savant mélange de nécessité et de hasard : d’un côté, la composante hasardeuse, exemplifiée par Derrida à travers le renvoi au « Coup de dés », qui permet le surgissement du jeu disséminé de l’écriture. C’est bien l’acte du Maître au bord de l’océan, le héros tragique du poème : l’hésitation dramatique et suprême, qui dégage l’attente blanche, ou mieux, la page blanche propre à la dissémination du sens. De l’autre côté, la règle stricte de la nécessité de la lecture, qui comporte – conséquence d’extrême importance – l’autosuffisance du Texte. Dans les brouillons mallarméens, on retrouve les traces de la conception de l’expérience du Livre qui aurait permis, grâce à l’anonymat des personnages et aux pistes purement virtuelles et fictionnelles qui auraient pu éclore, une pluralité infinie de lectures. Le Livre aurait dû se composer de plusieurs feuilles mobiles sans numérotation imposée et Mallarmé aurait été « l’opérateur » du Livre, puisqu’il aurait dû lire les pages de l’œuvre selon le hasard imposé par la combinaison même des pages de l’œuvre. L’opérateur aurait ainsi procédé par « preuves », afin d’obtenir plusieurs résultats signifiants sans passer par le choix subjectif et conscient de l’auteur : « le Livre est réel dans toute la mesure où il est superposable à lui-même »29, écrit Scherer, et cela signifie que la seule clé d’interprétation de l’œuvre réside dans les conjonctions internes et dans l’autosuffisances de la lettre.
- 30 Sur les sens « différés » de l’entreprise poétique mallarméenne, voir Y. Delègue, Mallarmé : le sus (...)
18C’est ainsi le Livre mallarméen qui est pris comme exemple par Derrida pour envisager l’écriture comme un dispositif qui peut se passer de son « scribe » – comme Platon désignait l’écrivain, simple transcripteur – et qui peut subsister à travers le réseau fictionnel que les signes permettent30.
- 31 J. Derrida, « Hors Livre », cit., p. 67.
- 32 Ibid., p. 51.
19 À partir du Livre de Mallarmé, Derrida songe à un projet impossible : la « mise en jeu sans prélude, de ce qui reste à préparer d’un coup »31. Le philosophe désirerait ainsi accomplir « ce qui reste d’un coup », en se référant, on peut le déduire, au « Coup de dés ». Accomplir le geste du héros du poème signifie concilier les exigences de l’esprit absolu et du hasard, exemplifiées par le geste du Maître, ou par l’idée du Livre. Le projet derridien pourrait ainsi représenter l’équilibre entre la tension idéale d’un objet que ne se donne pas et sa réalisation concrète. En d’autres termes, accomplir le geste hésitant du Maître signifie, finalement, « réaliser le Livre de Mallarmé », sans tomber dans la modélisation : « le Modèle du Livre, le Livre Modèle, n’est-ce pas l’adéquation absolue de la présence et de la représentation, la vérité […] de la chose et de la pensée de la chose, telle qu’elle se produit d’abord dans la création divine […] ? »32.
20Or, prendre un modèle, choisir un archétype, est impossible, puisque la répétition d’un exemple s’approche de la reproduction, de la réédition qui renverrait à une hiérarchie métaphysique. Le problème méthodologique de Derrida se fonde sur l’impossibilité de réactiver l’entreprise mallarméenne à travers une reprise exacte de l’exemple : faire ressurgir le Livre des cendres des brouillons mallarméens sans reprendre l’idée du Livre.
- 33 Ibid., p. 53. Derrida utilise les deux graphies: « Hors-livre » et « Hors livre ».
21La nature captieuse du travail derridien relève du pur exercice intellectuel qui doit se faire matière ; la solution proposée par Derrida revient sur le projet mallarméen de vaporisation du monde, grâce à l’abolition de tout élément contingent, à travers l’absolu de la virtualité des personnages et des intrigues toujours renouvelables. Le philosophe pousse l’entreprise à son paroxysme : le Livre de Mallarmé n’existant pas, c’est sa virtualisation qu’il s’appropriera. Le Livre de Derrida sera ainsi un Hors-Livre : non pas un livre imaginaire, mais une écriture présente et absolue dans sa virtualité. « Ce que Mallarmé projetait encore sous le vieux nom de Livre, eût été, “existât-il”, tout autre. Hors-livre »33. Ainsi, le Hors-Livre derridien n’est pas seulement le titre de la préface de La Dissémination, mais le projet de l’écriture critique de Derrida ; un Livre qui se produit aux marges, dans les espacements et les blancs de la page et de l’idée. Et, surtout, un Livre qui puisse permettre la coprésence non hiérarchisée de l’absolu et du chaos.
- 34 Id., « Force et signification », dans Id., L’Écriture et la Différence, cit., p. 9-51, p. 17.
22La réalisation du Hors-Livre se fera ainsi dans les niches vides et dans le silence, car le Hors-Livre n’existe que dans sa pure virtualité : « le livre pur est naturellement tourné vers l’orient de cette absence qui est, par-delà ou en deçà de la génialité de toute richesse, son contenu propre et premier », écrit Derrida dans L’Écriture et la Différence34. Le Hors-Livre appartient par « essence » à l’absence, au non-lieu, à l’origine sans origine qui permet l’errance du signe derridien. Cette errance, ainsi que l’absence d’origine, permettent la réalisation de son contenu, à savoir le mouvement incessant de l’écriture : le Hors-Livre se projette sans arrêt vers un horizon insaisissable, tout comme l’écriture dont il se compose.
- 35 Id., « Edmond Jabès et la question du Livre », dans Id., L’Écriture et la Différence, cit., p. 99-1 (...)
- 36 J. Scherer, op. cit., p. 612, feuillet 180 – A.
- 37 J. Derrida, « Hors Livre », cit., p. 42.
23Dans « Edmond Jabès et la question du Livre », Derrida aborde longuement le concept de l’impossibilité du Livre idéal, le « juif » étant une figure, un rôle qui renvoie nécessairement à l’Écriture et à la sacralité du Texte. Le « lieu impossible » des juifs, « l’orient de l’absence » dont il était question plus haut, la Terre promise dont l’espoir fait office de présence, peut renvoyer à la chute du « Coup de dés » : « rien n’aura eu lieu que le lieu ». L’espace vide, l’absence, deviennent des moyens de signification et des possibilités d’existence pour l’écriture envisagée par Derrida. Si le lieu ne se donne que dans la virtualité, « tout (se) passe dans le livre. Tout devra habiter le livre. Les livres aussi. C’est pourquoi le livre n’est jamais fini. Il reste toujours en souffrance et en veilleuse »35. Il rapprochera cette affirmation d’une citation mallarméenne : « un livre ne commence ni ne finit ; tout au plus fait-il semblant »36. Derrida se sert ainsi consciemment de l’impossibilité du Livre mallarméen pour concevoir son propre Hors-Livre, Texte « en devenir » puisque la dissémination, étant un exercice sans origine et sans fin, ne peut pas concevoir sa conclusion : « si la dissémination est sans préface […], c’est parce qu’elle marque les limites essentielles et communes de la rhétorique, du formalisme et du thématisme, comme du système de leur échange »37.
- 38 T. Laus, « Le Livre au tombeau, apparaissant », dans É. Hoppenot et A. Milon (dir.), Maurice Blanch (...)
- 39 R. Rorty, Conséquences du pragmatisme [Minnesota, 1982], tr. fr. J.-P. Cometti, Paris, Seuil, 1993, (...)
24Tout comme le Livre mallarméen, le Hors-Livre est doté d’une mobilité illimitée, qui lui permet de poursuivre la recherche d’une virtualité qui puisse remplacer la page présente avec la page future, dans un état d’excitation intellectuelle permanente et d’une projection constante vers l’avenir. Thierry Laus a écrit que le Livre mallarméen est « “Livre” entre guillemets, métaphore, transfert du “Livre” à d’autres livres, de la “nature” aux sciences et des sciences à la “nature”, en un théâtre dont nous n’avons pas fini de voir les feux, les cendres, les pitreries, les éclats, les terreurs, les ordres et les désordres […] »38. L’autre-monde, le monde virtuel proposé par le Livre se reflète dans le Hors-Livre, qui circule, comme le dit Laus, d’une écriture à l’autre, en récusant, finalement, son accomplissement. Et la circulation se fait dans les textes, à travers les textes, en piochant les idées et les expériences, car « le besoin de dépasser “le livre” justifie la pratique qui consiste à utiliser tout texte pour interpréter n’importe quel autre texte »39. Le Livre de Mallarmé existe, dans la bibliographie imaginaire du Hors-Livre, comme un spectre, comme un refoulé fièrement exposé.
25Ainsi, le Hors-Livre derridien ne saurait pas se réduire à l’état de préface de La Dissémination, puisque sa présence se manifeste tout au long de l’ouvrage ; La Dissémination serait une possibilité de réalisation du Hors-Livre, qui fait de l’absolu autosuffisant de l’écriture (on ne peut pas compter les innombrables glissements de la langue française dans cette œuvre) le pôle qui s’oppose à la contingence de l’essai. Toutefois, une possibilité encore plus fascinante permet d’envisager le Hors-Livre comme virtualité sans démonstration, comme discours qui, comme le montrait « Mimique » porte sur le rien, imitant le rien. La présence de la préface s’accompagne de l’absence du Hors-Livre à venir, du dispositif intellectuel qu’aucun lecteur ne pourra lire. Reste le jeu de l’écriture, et de la possibilité, comme le voulait l’hésitation, ou l’acte en puissance, du « Coup de dés ».
Notes
1 « Je ne sais pas d’autre bombe, qu’un livre », S. Mallarmé, « Sur l’Explosion à la chambre des députés », dans Id., Œuvres complètes, éd. B. Marchal, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998-2003, t. II, p. 660 (dorénavant OC I et OC II).
2 Du titre de l’essai de J.-F. Hamel, Camarade Mallarmé, Paris, Les Éditions de Minuit, 2014.
3 « C’est t’apprendre que je suis maintenant impersonnel, et non plus Stéphane que tu as connu, – mais une aptitude qu’a l’Univers Spirituel à se voir et à se développer, à travers ce qui fut moi », S. Mallarmé, Lettre du 14 mai 1867 à Henri Cazalis, dans Id., Correspondance. Lettres sur la poésie, Paris, Gallimard, 1995, p. 343. Cette lettre célèbre marque le début de l’anéantissement mental de Mallarmé, qui songe à devenir un pur instrument de langage.
4 Sur Ponge voir J. Derrida, Signéponge, Paris, Seuil, 1988. Sur Genet voir Id., Glas, Paris, Galilée, 1972.
5 On pense, par exemple, à la structure langagière du « Coup de dés », ou à la présence d’un sens qui ne se donne que dans son absence, « L’Après-midi d’un faune », et dans son impossibilité, « Sonnet en -yx ».
6 Quelques exemples : F. Manzari, « Lire les poètes avec Derrida », dans S. Guindani et A. Nuselovici (dir.), Jacques Derrida, La dissémination à l’œuvre, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2021, p. 163-188 ; G. Bennington, « Derrida’s Mallarmé », dans M. Temple (dir.), Meetings with Mallarmé in contemporary French culture, Exeter, University of Exeter Press, 1998, p. 126-142 ; Y. Boudier, « Lire le poème après Mallarmé (la rencontre du lisible et du visible) », dans Revue des sciences humaines, 340, 2021, p. 111-122.
7 S. Mallarmé, « Un Coup de dés jamais n’abolira le hasard », dans OC I, p. 392.
8 Ibidem.
9 On ne citera que quelques exemples bibliographiques, le thème ayant été longuement abordé par la critique : M. Murat, Le Coup de dés de Mallarmé, Un recommencement de la poésie, Paris, Belin, 2005 ; A. Bonnet et P.H. Frangne (dir.), Mallarmé et la Musique, la musique et Mallarmé. L’écriture, l’orchestre, la scène, la voix, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2016 ; L. Jenny, « Mallarmé : musique, espace, pensée », dans Po&sie, 5, 1998, p. 115-122.
10 Pour une analyse de la dimension inachevée du Livre, on renvoie à L. Bevilacqua, Mots manquants. L’inachevé dans l’œuvre de Mallarmé, Paris-Roma, L’Harmattan-Tab Edizioni, 2022. On signale aussi, pour ce qui concerne la dimension « fragmentaire » de la poésie mallarméenne, la parution récente de F. Locatelli, « Suspens – rupture : le Tombeau d'Anatole de Stéphane Mallarmé », dans Les Lettres romanes, LXXVI, 3-4, 2022, p. 197-210, ainsi que l’ouvrage de F. Scotto, La Voce spezzata : il frammento poetico nella modernità francese, Rome, Donzelli, 2012.
11 J. Scherer, Le « Livre » de Mallarmé, Paris, Gallimard, 1957.
12 Ibid., p. 74, feuillet 5 – A. On n’a reproduit ici que la première moitié de la page.
13 J. Derrida, La Dissémination, Paris, Seuil, 1972, p. 201.
14 Ibidem.
15 Il est intéressant de remarquer que même dans Glas on retrouve un philosophe, Hegel, sur le côté gauche de la page et un écrivain, Genet, sur le côté droit.
16 Id., « De l’Économie restreinte à l’économie générale », dans Id., L’Écriture et la Différence, Paris, Seuil, 1967, p. 369-407, p. 383.
17 R. Steinmetz, Les Styles de Derrida, Bruxelles, De Boeck Éditions, 1994, p. 123.
18 On renvoie à P. Audi, La Tentative de Mallarmé, Paris, Presses Universitaires de France, 1998 pour une analyse de la tentative de la pensée de retrouver sa place dans un monde dépourvu de sens donné.
19 B. Marchal, Lecture de Mallarmé, Paris, José Corti, 1985, p. 287.
20 J. Derrida, « Le Théâtre de la cruauté et la clôture de la représentation », dans Id., L’Écriture et la Différence, cit., p. 341-368.
21 S. Mallarmé, « Richard Wagner. Rêverie d’un poëte français », dans OC II, p. 157.
22 A. Thibaudet, La Poésie de Stéphane Mallarmé [1926], Paris, Gallimard, 2006, p. 389.
23 J. Derrida, « Qual quelle », dans Id., Marges de la philosophie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1972, p. 331.
24 Platon, Philèbe, cité dans J. Derrida, La Dissémination, cit., p. 201.
25 S. Mallarmé, « Mimique », dans OC II, p. 178.
26 J. Derrida, « La double séance », dans Id., La Dissémination, cit., p. 221.
27 Ibidem.
28 J. Derrida, « Hors Livre », dans Id., La Dissémination, cit., p. 62.
29 J. Scherer, op. cit., p. 94.
30 Sur les sens « différés » de l’entreprise poétique mallarméenne, voir Y. Delègue, Mallarmé : le suspens, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1997.
31 J. Derrida, « Hors Livre », cit., p. 67.
32 Ibid., p. 51.
33 Ibid., p. 53. Derrida utilise les deux graphies: « Hors-livre » et « Hors livre ».
34 Id., « Force et signification », dans Id., L’Écriture et la Différence, cit., p. 9-51, p. 17.
35 Id., « Edmond Jabès et la question du Livre », dans Id., L’Écriture et la Différence, cit., p. 99-116, p. 113.
36 J. Scherer, op. cit., p. 612, feuillet 180 – A.
37 J. Derrida, « Hors Livre », cit., p. 42.
38 T. Laus, « Le Livre au tombeau, apparaissant », dans É. Hoppenot et A. Milon (dir.), Maurice Blanchot et la philosophie, Nanterre, Presses Universitaires de Paris Nanterre, 2010, p. 111-120, p. 114.
39 R. Rorty, Conséquences du pragmatisme [Minnesota, 1982], tr. fr. J.-P. Cometti, Paris, Seuil, 1993, p. 202.
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Référence électronique
Giorgia Testa, « Écritures impossibles : du Livre mallarméen au Hors-Livre de Derrida », Revue italienne d’études françaises [En ligne], 13 | 2023, mis en ligne le 15 novembre 2023, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rief/10379 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rief.10379
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