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Débats, chantiers et livres

Les sciences de l’homme sous le Troisième Reich

Entretien de Wolf Feuerhahn avec Frank-Rutger Hausmann
Human and Social sciences under the Third Reich. Interview by Wolf Feuerhahn with Frank-Rutger Hausmann
Frank-Rutger Hausmann et Wolf Feuerhahn
p. 309-329

Texte intégral

Wolf Feuerhahn : Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. La première série de questions que j’aimerais vous poser porte sur votre parcours. Pourriez-vous nous expliquer comment, alors que vous étiez romaniste et spécialiste de l’humanisme italien, vous avez été conduit à travailler, parallèlement et de plus en plus, sur l’histoire de ce que l’on nomme les Geisteswissenschaften – « sciences de l’esprit » – dans l’Allemagne du xxe siècle et, en particulier, pendant la période nationale-socialiste ?

  • 1 Note de Wolf Feuerhahn : Hugo Friedrich (1904-1978) a exercé comme professeur d’études romanes à l (...)

Frank-Rutger Hausmann : Avant de faire des études de philologie romane et d’histoire médiévale, j’ai fait des études de droit – j’ai jeté l’éponge après trois semestres en 1964. Là, j’ai constaté que certains des professeurs que j’avais à l’université de Göttingen avaient été des nazis avérés. Je voulais savoir pourquoi et comment. Après avoir quitté l’université de Göttingen, je suis allé à Fribourg-en-Brisgau où j’ai été, de 1966 à 1968, « assistant privé » de Hugo Friedrich – le célèbre romaniste1. Je l’accompagnais à ses conférences où se pressaient près de mille auditeurs dans le « grand amphi ». À la fin du cours, nous avions toujours le même rituel : nous nous dirigions vers son bureau et passions devant la plaque commémorative en hommage à la synagogue de Fribourg. Un jour, en 1967, il s’est arrêté là, à côté de cette plaque de bronze. À ce moment-là, j’ai pensé qu’il allait parler des événements de 1933 et de 1938. En réalité, il m’a montré à l’aide de sa canne (il était handicapé) une fenêtre en hauteur et a dit : « Vous vous intéressez à tout. Là-haut se trouvait le séminaire de romanistique entre les deux-guerres. » J’ai demandé : « Monsieur le Professeur, qu’avez-vous fait le lendemain de la nuit de l’incendie de la Synagogue ? » Il m’a regardé comme si je lui avais posé une question idiote et m’a répondu : « J’ai bien entendu fait mon Oberseminar, mon séminaire doctoral. » Lui n’était pas nazi. Je voulais savoir comment une personne humaniste comme lui pouvait faire son séminaire le lendemain d’un fait de ce genre, le lendemain de la nuit de Cristal (nuit du 9 au 10 novembre 1938) ! Et je me suis dit : « Il faut que tu te renseignes sur ces choses-là. » J’ai donc petit à petit commencé à faire des recherches systématiques dans les archives. J’ai interviewé des témoins oculaires de l’époque. Nous avons organisé en septembre 1987 à Fribourg la rencontre bisannuelle des romanistes allemands et autrichiens et avons choisi pour thématique « les événements de 1933-1938-1940 et leurs suites pour la romanistique ». C’est ainsi que j’ai commencé, à côté de mon métier principal, à m’occuper de ces sujets (j’avais fait des études d’histoire : j’avais appris à travailler en archives). J’ai à peu près consulté toutes les sources disponibles en Allemagne, en Autriche, aux États-Unis, etc. Ces choses ne m’ont jamais laissé en paix. J’ai continué et persévéré. L’écho rencontré était plutôt négatif. On m’a dit : « Vous êtes un Nestbeschmutzer, quelqu’un qui crache dans la soupe. Vous salissez la discipline ! » On ne m’a jamais loué ni encouragé pour ce que je faisais. J’ai tout financé avec mes fonds personnels. Je n’ai demandé aucune subvention. Je faisais cavalier seul, pour ainsi dire, et j’ai pu travailler en toute liberté.

Wolf Feuerhahn : Avez-vous commencé vos enquêtes dès les années 1960 ?

Frank-Rutger Hausmann : Un peu plus tard, disons de manière systématique à la fin des années 1970, au début des années 1980. À cette époque, j’avais acquis un certain statut. J’ai passé mon habilitation en 1974. J’ai été nommé professeur pour la première fois en 1975.

Wolf Feuerhahn : Pourriez-vous caractériser l’état de l’histoire des Geisteswissenschaften en Allemagne lorsque vous avez décidé de vous y intéresser ? Comment voyiez-vous alors ce champ de recherche et comment vous y êtes-vous inséré ?

  • 2 Helmut Heiber (1924-2003) est l’auteur d’une somme en trois volumes parus entre 1991 et 1994 : Uni (...)
  • 3 « Deutsche und österreichische Romanisten als Verfolgte des Nationalsozialismus ». Les actes de ce (...)

Frank-Rutger Hausmann : Les recherches dans ce domaine étaient pratiquement inexistantes. Le premier ouvrage à m’indiquer le chemin était un livre de Helmut Heiber, Universität unterm Hakenkreuz2 (L’université sous la croix gammée). C’était un livre en trois volumes, très épais, et l’auteur faisait cavalier seul. Il n’y parlait pas des disciplines, mais des administrations et des ministères : en somme, du système officiel de l’organisation des universités à l’époque. En ce qui concerne la philologie romane, lors de l’une des rencontres annuelles dont j’étais co-organisateur (le 20 septembre 1987), nous avons invité des survivants d’origine juive qui avaient pu émigrer aux États-Unis. Nous avions consacré une section aux « événements de 1933 » et à leurs suites3. L’écho avait été positif. Mais certains romanistes ne voulaient pas qu’on parle de cela. Ils disaient que je dénigrais des collègues vénérables, que l’on devrait laisser en repos le passé, que l’on ne pouvait plus changer le cours des choses, que qui n’avait pas vécu à cette époque ne pouvait la juger, etc. L’encouragement à poursuivre ces enquêtes n’était pas nul, mais les échos positifs étaient très limités.

Wolf Feuerhahn : Merci. Pourriez-vous expliciter vos choix de méthode ? Je les trouve originaux et vous avez tendance parfois, je trouve, à ne pas les valoriser. Je pense qu’il serait intéressant que vous insistiez sur l’articulation entre votre formation de philologue, voire de philologue et d’historien – puisqu’en Allemagne, les étudiants reçoivent plusieurs formations initiales –, et la manière dont vous mobilisez ce savoir-faire dans vos analyses des stratégies d’acteurs, des logiques d’institutions… J’aimerais en particulier comprendre la place que vous accordez aux correspondances pour élucider ces questions.

Frank-Rutger Hausmann : D’abord, j’ai fait de nombreuses recherches dans les archives. Je connais pratiquement toutes les archives universitaires en Allemagne, en Autriche, un peu en Suisse et aux États-Unis. Il faut avouer que ces dossiers sont relativement « secs ». Les choses qui m’intéressaient vraiment ne s’y trouvaient pas. Ce sont des dossiers personnels. Il faut chercher ailleurs : auprès des témoins d’abord. J’ai fait deux voyages aux États-Unis où j’ai rencontré, dans l’État de New York et en Californie, plusieurs survivants et réfugiés qui m’ont raconté ce qu’ils avaient vécu, comment ils avaient été bannis de l’université et discriminés. J’ai mené plusieurs entretiens que j’ai enregistrés sur des bandes magnétiques. J’ai fondé mes propres archives à l’université d’Augsbourg (je siégeais au sein de son conseil d’administration), puisque l’université de Fribourg n’en voulait pas. Dans les archives d’Augsbourg, il y a, depuis, toute une section « Hausmann », dans laquelle j’ai engrangé, pour ainsi dire, et conservé les interviews, les bandes magnétiques, etc.4. J’ai fait ce choix, parce que je crois que les dossiers retrouvés dans les archives sont relativement anodins. On y parle de voyages, de subventions pour organiser un événement académique. Mais on ne voit pas ce que cela signifiait d’être un jeune romaniste juif en 1934-1935 et, ce faisant, d’être exclu de l’habilitation avec l’impossibilité de poursuivre sa carrière, d’être obligé de quitter son pays… Pour ne pas négliger les archives, j’ai consulté toutes celles conservées en Allemagne et en Autriche. J’ai étudié tous les dossiers personnels que l’on pouvait y trouver pour voir ce que les professeurs, la génération de mes maîtres, avaient fait à l’époque. On a organisé des congrès. J’ai lu les publications qui en sont résultées. J’ai ainsi pu me faire une « vue d’ensemble ». Étant historien de formation, j’ai mobilisé les méthodes des historiens. Il existait quelques travaux dans d’autres domaines. Mais, s’agissant de comprendre la romanistique de cette époque, il n’existait pas de « guide » : c’était un champ d’investigation historique vierge.

Wolf Feuerhahn : Ce qui me frappe dans ce que vous dites, lorsque vous parlez des archives administratives qui se trouvent « sèches » et qui, dans un premier temps, vous déçoivent un peu, c’est que vous allez plus loin que certains historiens qui, spontanément, se contentent d’une histoire institutionnelle de l’organisation des Geisteswissenschaften dans un régime politique particulier. Vous, ce qui vous intéresse, c’est de lier les deux – histoire institutionnelle et des savoirs –, d’entrer dans la matière elle-même, de mieux comprendre l’implication des liens, des engagements politiques, le type de recherche conduit, les thématiques abordées, les contenus de savoirs produits et les formes choisies.

  • 5 Pour une analyse approfondie de cette « action concentrée », voir Hausmann, F.-R., 2007, « Deutsch (...)

Frank-Rutger Hausmann : Il faut dire que les nazis avaient un don de l’organisation. Ils ont convoqué deux fois cinq cents professeurs des Geisteswissenschaften pour organiser un Kriegseinsatz, une « intervention militaire » par les intellectuels5. Ils ne voulaient pas lutter au front, mais ils voulaient former un front intellectuel. Les dossiers et publications ont été conservés. On trouve dans ces écrits ce que ces savants voulaient faire en matière de romanistique. Nul ne peut nier que cela existe. C’est écrit « noir sur blanc » dans deux grands volumes de mille pages où l’on a une cinquantaine, une soixantaine de représentants de la romanistique de l’époque, convoqués par trois fois, s’exprimant sur des sujets variés. Ici, on peut voir dans quelle tendance, dans quelle direction, la romanistique devait aller selon eux. Ces Kriegseinsätze ne concernaient pas seulement la romanistique, mais bien toutes les disciplines. Dans ces publications, on trouve des travaux anodins, mais aussi des articles qui prônent un racisme pur et dur et qui sont anti-judaïques, qui dénoncent l’« esprit de l’ouest » (der westliche Geist), c’est-à-dire une prétendue communauté intellectuelle regroupant la France, l’Angleterre et les États-Unis.

Je crois être le premier à avoir exploité ces productions écrites-là. Pourtant, on trouve dans les archives universitaires et dans les archives officielles des documents sur ces Kriegeinsätze, ces « interventions militaires » des Geisteswissenschaften.

Wolf Feuerhahn : L’idée est de faire connaître vos travaux sur ces sujets à un large public francophone. À cet effet, pourriez-vous résumer vos résultats en la matière ? Et surtout pourriez-vous essayer d’expliquer si, au terme de toutes ces enquêtes, il vous semble que les « sciences de l’esprit » allemandes ont été davantage nazifiées que les sciences de la nature ? Y voyez-vous des spécificités propres aux « sciences de l’esprit » ? Est-ce que certaines vous semblent avoir été plus réceptives, même promotrices de l’idéologie nazie, ou est-ce, à chaque fois, davantage une question de lieux, d’acteurs, d’institutions ?

  • 6 Voir Fahlbusch, M., Haar, I., Pinwinkler, A. (dir.), 2017, Handbuch der völkischen Wissenschaften. (...)
  • 7 Voir l’article « Verfolgte Romanisten. Biobibliographische Dokumentation », dans Christmann, H. H. (...)

Frank-Rutger Hausmann : Je crois d’abord que les Geisteswissenschaften se sont surestimées. Les travaux que leurs représentants ont produits et imprimés n’ont pas intéressé beaucoup de monde. Alors, c’est ailleurs que la musique s’est jouée. Ils ne voulaient pas se marginaliser. Ils voulaient participer. Parmi les travaux présentés, un bon nombre aurait pu, en partie, être produit à la fin du xixe ou au début du xxe siècle. Ils portaient par exemple sur la pensée anglophone, l’anglomanie ; ils n’étaient pas très orientés dans une direction raciale. Je dirais en allemand que beaucoup étaient harmlos, c’est-à-dire innocents6. Les contributeurs voulaient participer au combat avec leurs armes. Ils ne voulaient pas se marginaliser parce qu’il y avait des subventions à obtenir, que cela offrait l’occasion de se rencontrer entre collègues, que cela permettait de voyager à travers l’Allemagne. Si l’objectif était d’uniformiser les Geisteswissenschaften dans le sens du national-socialisme, on peut dire que cela n’a pas fonctionné. Les volumes en sont la preuve. Les articles publiés auraient pu l’être avant 1933 comme après 1945. Mais le fait qu’une centaine de personnes se sont rencontrées sous l’insigne de la croix gammée, c’est déjà quelque chose. Tous les juifs étaient exclus de ces contributions et de l’antisémitisme s’exprime dans ces volumes. On a banni les romanistes juifs : par exemple, Erich Auerbach et Leo Spitzer, qui étaient les plus célèbres, ont été expulsés. Ils n’ont pas pu continuer à enseigner en Allemagne et ont enrichi le monde anglophone surtout. Le chemin de l’exil passait d’abord par l’Angleterre, avant de conduire aux États-Unis. Là, il n’y avait pas de romanistique renommée. Elle a été fondée par ces immigrés. C’est un résultat ironique qui n’avait pas été voulu par les nazis. Après la guerre, des penseurs comme Auerbach et Spitzer sont rentrés en Allemagne pour y donner des conférences. Mais ils n’ont plus jamais voulu être des professeurs allemands ou autrichiens. Cette expulsion est une histoire horrible, d’une ampleur beaucoup plus importante qu’on ne le pense. Elle a concerné surtout des jeunes. Je suis allé à la fin des années 1980 à New York et en Californie pour rencontrer ces personnes. En 1933, ces jeunes avaient déjà soutenu un doctorat ou étaient en train d’en préparer un, ils occupaient souvent un poste d’assistant7. Ce n’est pas seulement la génération des professeurs établis qui a été punie et persécutée, c’était aussi celle des jeunes qui voulaient faire carrière. Ils ont continué leurs travaux au Canada, aux États-Unis, en Angleterre, en Amérique du Sud. C’est là que s’est produit un transfert intellectuel de l’Allemagne et de l’Europe vers l’Amérique du Nord et du Sud. Personne n’en a vraiment parlé. C’était un effet non voulu de la prise du pouvoir par Hitler. La romanistique allemande, qui avait une position dominante sur la scène savante internationale avant et après la Première Guerre mondiale et encore dans les années 1920, a perdu son importance, sa renommée. C’est quelque chose que l’on n’a jamais plus récupéré, à mon avis.

Wolf Feuerhahn : Au sein des « sciences de l’esprit », cette nazification était-elle plus importante dans certains secteurs ? La romanistique a-t-elle eu un statut identique aux autres ? Certaines disciplines étaient-elles plus engagées dans ces interventions militaires (Kriegseinsätze) ?

  • 8 Klippel, F., Kolb, E., Sharp, F. (dir.), 2013, Schulsprachenpolitik und fremdsprachliche Unterrich (...)
  • 9 Hausmann, F.-R., 2011, « Neuphilologien », publié dans Die Geisteswissenschaften im « Dritten Reic (...)

Frank-Rutger Hausmann : Je crois que la romanistique n’intéressait pas grand monde au sein de l’appareil national-socialiste. La langue française avait déjà été éliminée des lycées (Gymnasien). À l’époque de la république de Weimar, le français était la première langue moderne enseignée au lycée, l’anglais la seconde. La situation s’est inversée après 1933 ; le français a été marginalisé8. Un peu plus tard, l’espagnol et l’italien ont été introduits comme matières facultatives pour des raisons politiques, parce que Mussolini et Franco étaient des amis. Mais le français a perdu sa place de première langue vivante dans les lycées allemands après 1933. Et c’est resté ainsi après la guerre. On enseignait le français lorsque j’étais au lycée ; mais, dans l’ordre, c’était d’abord le latin, puis l’anglais. Ce n’est qu’après cinq années que l’on apprenait le français. Hitler et ses acolytes avaient fait la Première Guerre mondiale et avaient été vaincus par les Français ; les nazis ont ainsi mobilisé une pensée antifrançaise très profonde. On a dénoncé « l’esprit de l’ouest » (der westliche Geist). On voulait se lier à l’Angleterre. On a essayé de former une union avec l’Angleterre. Mais on était profondément antifrançais. C’est l’une des causes principales de l’élimination du français comme première langue étrangère au lycée9.

Wolf Feuerhahn : L’hostilité à la France était-elle plus forte que l’hostilité à la Grande-Bretagne dans les années 1920 ?

  • 10 Bloch, C., 1966, « La Grande-Bretagne face au réarmement allemand et l’accord naval de 1935 », Rev (...)

Frank-Rutger Hausmann : Absolument. Cette génération avait fait la guerre. Hitler, qui avait combattu dans les Flandres, dans le nord de la France, était antifrançais. À l’inverse, on a toujours essayé d’être ami avec l’Angleterre. On considérait les Anglais comme des « frères germaniques ». Circulaient des théories absurdes de cette sorte10. La langue française n’a jamais plus récupéré la position qu’elle avait sous la république de Weimar, et même avant, sous le régime de l’Empire germanique du Kaiser. De nos jours, c’est l’anglais qui domine, et c’est l’un des résultats.

Wolf Feuerhahn : Même la politique de De Gaulle-Adenauer n’a pas changé cette situation ?

Frank-Rutger Hausmann : Pas vraiment. À mon avis, non.

Wolf Feuerhahn : Ce que vous mentionniez tout à l’heure était tout à fait intéressant : le fait que les archives que vous avez constituées – un travail remarquable – se trouvent à Augsbourg, tandis qu’à Fribourg, vous n’avez pas trouvé de possibilité de les héberger, alors que vous y étiez en poste. Est-ce que cela témoigne, à l’époque, du fait que des lieux ont été plus ou moins marqués par cet engagement pronazi ?

Frank-Rutger Hausmann : C’est difficile à dire. Je suis historien de formation : comme vous le savez, on étudie plusieurs matières à l’université en Allemagne. J’ai même été assistant d’histoire à l’université de Bielefeld pendant un an. Mais pour les historiens, je ne suis pas un des leurs. Les romanistes, de leur côté, ne s’intéressent pas à leur histoire. Ce n’est pas un sujet qui les motive, ou qui les intéresse, sauf exceptions. En ce sens, je ne dirais pas que je faisais cavalier seul, mais qu’il y avait très peu de personnes qui faisaient ce que j’ai fait. Si vous regardez, par exemple, chez les juristes : il y a le domaine de la Rechtsgeschichte (histoire du droit), qui concerne le droit romain, le droit germanique, mais aussi l’histoire de la discipline. Du côté des sciences naturelles et de la technique, il y a la Wissenschaftsgeschichte et la Technikgeschichte qui sont institutionnalisées. Mais on ne trouve pas d’histoire des lettres ou des Geisteswissenschaften qui soit reconnue. Cela nécessite à la fois d’avoir de bonnes connaissances de la matière concernée et de maîtriser les méthodes historiques : il faut aller dans les archives – un travail sec et pénible – et cela requiert du temps. Si vous écrivez un livre là-dessus, cela intéresse peu de personnes. J’ai financé mes livres moi-même. Je n’ai jamais été rémunéré pour ce que j’ai fait. J’ai tout payé de ma poche. Je ne le dis pas pour me vanter, mais comme un fait : cela n’intéresse que peu de personnes.

Wolf Feuerhahn : Est-ce que vous pourriez essayer d’expliquer ce que l’on appelle « l’action Ritterbusch » ?

  • 11 Les romanistes ont été, comparativement aux professeurs des autres disciplines, relativement produ (...)

Frank-Rutger Hausmann : Paul Ritterbusch (1900-1945) était un juriste, recteur de l’université de Kiel et en même temps un excellent organisateur. Cette action coordonnée, comme on pourrait la nommer, commence en 1939, et les participants se rencontrent à plusieurs reprises jusqu’à la fin de la guerre. Elle reposait sur une de ces idées grandioses que les nazis chérissaient. Ils voulaient convoquer tous les professeurs des Geisteswissenschaften et les réunir en congrès, produire des séries de livres témoignant de la supériorité de l’« esprit germanique » sur « l’esprit de « l’ouest » – au départ français et, par la suite, aussi anglais. Ont été organisées des sections : en grande partie, elles portaient sur des choses anodines, mais on voulait convaincre le monde entier de la supériorité de l’esprit germanique, en l’occurrence dans le domaine des lettres, des sciences, ou en matière académique en général. Ritterbusch avait projeté la publication d’une série de soixante livres environ. Mais l’entreprise est restée inachevée. N’en est parue qu’une dizaine, voire une douzaine11. Ces rencontres étaient intéressantes pour les professeurs : ils étaient en contact avec des collègues, fréquentaient de bons hôtels, pouvaient bavarder. Ils avaient ainsi l’impression d’être importants dans un monde qui, habituellement, ne s’intéressait pas trop aux lettres ni aux universités ou aux Geisteswissenschaften. Dans ces volumes et dans les projets, on trouve beaucoup d’articles assez plats, pas très nazifiés. Il y en a, mais peu.

Wolf Feuerhahn : Pourquoi cette volonté de mettre à part les Geisteswissenschaften de la part de Ritterbusch ou dans le projet ?

Frank-Rutger Hausmann : Il avait projeté cela pour toutes les disciplines. L’entreprise concernait aussi les juristes par exemple… C’était une action totale. Toutes les disciplines auraient dû contribuer à la victoire. L’objectif était de penser contre l’ouest, pas (encore) contre la Russie. L’objectif était de montrer aux Anglais, aux Français et aux Américains que les universités et les Geisteswissenschaften allemandes étaient les plus innovantes, les mieux organisées, etc. En partie pour justifier la supériorité de l’Allemagne sur la France, l’Angleterre, les États-Unis…

Wolf Feuerhahn : Est-ce que cela concernait toutes les disciplines ? Si je ne m’abuse, en priorité celles issues des facultés de droit et des Philosophische Fakultäten ? Donc, pas les sciences de la nature ?

  • 12 Voir Kaufmann, D. (dir.), 2000, Geschichte der Kaiser-Wilhelm-Gesellschaft im Nationalsozialismus. (...)

Frank-Rutger Hausmann : Les réunions des sciences de la nature avaient lieu ailleurs12. Dans ce cadre, les Geisteswissenschaften pouvaient se considérer comme importantes. Car habituellement, on considérait qu’elles ne pouvaient pas vraiment contribuer à l’effort de guerre.

Wolf Feuerhahn : Est-ce que ce n’était pas dû au fait que les Geisteswissenschaften devaient être particulièrement pertinentes pour analyser, critiquer le « westlicher Geist » ?

  • 13 Voir Ahrens, R., Bald, W.-D., Hüllen, W. (dir.), 1995, Handbuch Englisch als Fremdsprache, Berlin, (...)
  • 14 Schaller, H., 2021, Nationalsozialistische Sprach- und Sprachenpolitik 1933 bis 1945. Europäische (...)

Frank-Rutger Hausmann : C’est vrai ! Vous savez que jusqu’à l’époque du Second Empire allemand, le français était la première langue moderne apprise au lycée. Et Guillaume II a changé de cap. Il a privé le français de sa place prédominante. Il l’a remplacé par l’anglais – il avait une mère anglaise et était le petit-fils de la reine Victoria. Le choix d’une orientation vers la France ou vers la Grande-Bretagne a toujours été une question très importante dans la politique allemande13. Et le changement vers l’anglais sous Guillaume II a été une décision importante. Mais à l’époque de la république de Weimar, c’était encore le français qui dominait. Hitler a, dès son arrivée au pouvoir, destitué le français de sa place pour le remplacer par l’anglais. Et le français n’était plus enseigné en tant que première langue vivante dans les lycées allemands à l’époque nazie, il ne l’était qu’à titre de discipline optionnelle. À l’inverse, l’anglais et le latin étaient obligatoires. Le grec était un peu enseigné dans les lycées classiques. Le français était volontairement marginalisé : l’objectif était de mettre la France à l’écart14.

Wolf Feuerhahn : J’aimerais maintenant vous poser quelques questions sur ce que sont devenus après 1945 ces acteurs, ces programmes et, éventuellement, les institutions qui ont été promu(e)s à l’époque nationale-socialiste ? Est-ce que les acteurs ont facilement retrouvé une place dans le monde académique ? Ou est-ce qu’ils ont radicalement modifié, ou simplement maquillé leurs recherches ? Ultérieurement, à partir de quand est-ce que l’on a eu une volonté politique de dénazification des Geisteswissenschaften ? Et est-ce que celle-ci a été plus ou moins importante que dans le cas des Naturwissenschaften, voire différente selon les pays ? Car vous avez non seulement travaillé sur l’Allemagne, mais aussi sur l’Autriche.

Frank-Rutger Hausmann : D’abord, les Alliés avaient introduit un processus de dénazification qui passait par un questionnaire à remplir. Chaque fonctionnaire était d’abord destitué. Il devait remplir ce questionnaire, puis celui-ci était évalué et classé. Les verdicts allaient de 1 à 5 (les fonctionnaires classés 1 et 2 étaient censés être les plus coupables). Avec la classification 1, le fonctionnaire était mis à la retraite ; avec 2 et 3, il fallait faire preuve d’un changement d’esprit. La plupart des fonctionnaires ont réussi à se libérer de ce statut et ont poursuivi leur carrière. Cette procédure, mise en place par les Alliés, poursuivie par les Allemands eux-mêmes, était infructueuse. Car les professeurs pouvaient produire l’attestation d’un élève juif les disculpant ou une publication dans laquelle ils auraient reconnu l’importance de la pensée française, par exemple, en la présentant comme un acte de résistance.

Ce fut un énorme travail de gestion bureaucratique, mais qui n’a rien produit. Ainsi, après 1954 – 1956 au plus tard –, tous étaient à nouveau en poste, ne serait-ce que parce que l’on avait besoin de personnes pour enseigner. Quand je suis entré au lycée en 1953, une bonne partie des enseignants étaient d’anciens nazis. Ils se vantaient encore de leurs faits de guerre, qu’ils avaient été en Russie, qu’ils avaient vu le monde. Aucun ne se repentait. La question morale n’était jamais abordée.

Wolf Feuerhahn : Est-ce que vous voyez une sorte de « seconde vague » de dénazification ? Cette fois-ci qui ne porterait plus sur les postes et sur l’inscription à l’université, mais sur un retour critique des disciplines sur leur passé – comme vous, vous l’avez opéré pour la romanistique et plus généralement les Geisteswissenschaften ? De quand dateriez-vous cela le cas échéant ? Pourriez-vous caractériser cet éventuel retour critique ?

  • 15 Bräutigam, T., 1997, Hispanistik im Dritten Reich. Eine wissenschaftsgeschichtliche Studie, Francf (...)

Frank-Rutger Hausmann : Je dirais que la génération de 1968 – dont l’avant-garde était composée d’étudiants berlinois – a obligé les autorités officielles à se pencher sur leur passé. Les publications critiques concernent d’abord les germanistes et les historiens. En ce qui concerne les romanistes, et comme je l’ai mentionné plus haut, c’est Hans Helmut Christmann et moi qui avons organisé en 1987 à Fribourg un colloque intitulé Deutsche und Österreichische Romanisten als Verfolgte des Naziregimes (« Les romanistes allemands et autrichiens persécutés par le régime national-socialiste »). C’était la première fois… et pratiquement la dernière fois que le monde des romanistes s’est penché sur son passé. On avait invité des personnes qui avaient pu se réfugier aux États-Unis. C’était très émouvant. Tout le monde a regretté ce qu’il s’était passé. Mais cela n’a pas laissé de trace. Il existe très peu de travaux de ma discipline – si ce n’est un travail sur les hispanistes à l’époque nazie15 et quelques articles. Mais, de manière générale, cela n’a intéressé que peu de personnes. On était contents que j’organise ce congrès pour (se) dire : « Nous, on a fait quelque chose, on s’est penché sur notre passé. » Mais cela n’a pas eu de suite.

Wolf Feuerhahn : Maintenant, je vais prendre trois cas qui n’appartiennent pas aux mêmes générations, qui ont des parcours différents et sur lesquels vous vous êtes penché. J’en citerai trois parmi les romanistes, je serais très heureux si vous pouviez nous en dire quelque chose. Le premier, dont vous avez publié toute une partie des correspondances, Ernst Robert Curtius (1886-1956) ; le deuxième auquel je pensais, qui appartient à une autre génération et dont le passé a été révélé plus récemment, Hans Robert Jauss (1921-1997) ; le troisième, enfin, qui a un parcours très différent, Victor Klemperer (1881-1960).

  • 16 Traduction française : Curtius, E. R., 1956, La littérature européenne et le Moyen Âge latin, trad (...)
  • 17 Sur Jauss, voir Hausmann, F.-R., 2018, « Plus dure sera la chute : le “cas” Hans Robert Jauss », C (...)
  • 18 Krauss, W., 2004, Ein Romanist im Widerstand. Briefe an die Familie und andere Dokumente, éd. par (...)

Frank-Rutger Hausmann : Je parlerai d’abord de Curtius, qui était un adversaire avéré du nationalisme. Il a survécu à l’époque nazie. Il s’est retiré des études françaises pour se pencher sur le Moyen Âge latin. C’était une astuce, une manière d’échapper à l’actualité. S’il était le grand spécialiste des relations franco-allemandes à l’époque de la république de Weimar, il est devenu le spécialiste de la latinité médiévale avec son ouvrage maître Europäische Literatur und lateinisches Mittelalter (1948)16. Il a ainsi pu continuer sa carrière sans aucun problème. Jauss est un cas spécifique, puisqu’à l’époque nazie, il n’était encore qu’un jeune homme et n’avait aucune fonction de professeur. Il a fait son service militaire, est rentré dans la Waffen-SS et a participé à la guerre. Il n’a fait carrière que plus tard, à l’université de Constance. Il n’a rien écrit dans un sens nazi. C’est seulement le fait qu’il ait été membre de la Waffen-SS et qu’il ne se soit pas assez repenti qui pose problème. Je l’ai rencontré lors de congrès. Ce n’était pas un personnage très agréable à l’égard des jeunes – surtout si l’on n’était pas membre de son « école »17. Klemperer est encore un cas à part. Il a survécu à l’intérieur de l’Allemagne, grâce à sa femme « aryenne ». Lui était juif « à 100 % » et sa femme a refusé de se séparer de lui. Elle lui a ainsi sauvé la vie et lui a permis de survivre en Allemagne. Il a pu publier ses journaux, qui fournissent un témoignage et une critique de la part de quelqu’un qui risquait d’être arrêté, déporté. Mais cela n’a pas eu lieu ; il le doit à sa femme. Nous avons, grâce à lui, un témoignage authentique, inégalable, car il était loin de sympathiser avec le système. Il l’a scruté tel un chercheur qui l’observe avec un microscope. Ce sont donc trois manières différentes de faire face à l’idéologie nazie. Sans doute faudrait-il regarder ailleurs ; on trouverait peut-être aussi des personnes qui étaient en marge du système et qui ne sont pas entrées en résistance – parce que cela n’était pas possible. Le courage du romaniste Werner Krauss (1900-1976), membre du groupe résistant « Rote Kapelle » (Chapelle rouge), condamné à mort pour « haute trahison » et sauvé par un rapport médical le déclarant irresponsable, est un cas à souligner18.

Wolf Feuerhahn : Une question de curiosité par rapport à Klemperer. Klemperer est aussi quelqu’un qui, ensuite, reste en République démocratique allemande (RDA) au moment de la guerre froide. Comment se passent les choses de ce côté-là, par rapport au passé national-socialiste ? Y-a-t-il une redéfinition des valeurs de la romanistique dans ce cadre-là, après 1949 ?

Frank-Rutger Hausmann : Si Klemperer est resté en RDA, c’est qu’il avait ses raisons. Il n’aurait jamais eu la place qu’il a eue là-bas s’il était allé en République fédérale allemande (RFA). En RFA, certains se moquaient de ses travaux. Il était perçu comme un graphomane, un Schnellschreiber, quelqu’un qui travaille « à la va-vite », qui n’est pas sérieux, qui produit une œuvre « journalistique ». Les grands romanistes allemands, tels Curtius, Hugo Friedrich et d’autres, ne le prenaient pas au sérieux ; tandis qu’en RDA, il était « quelqu’un ». D’abord parce qu’il était un « antifasciste », survivant des persécutions nazies. Et il avait une plume « facile », c’est-à-dire que les livres qu’il rédigeait sur l’histoire de la littérature se vendaient bien – je les ai achetés alors que j’étais jeune étudiant et je les ai trouvés fantastiques, car ils se lisaient comme des romans policiers, ou comme de bons romans. Il avait un talent « journalistique », pour ainsi dire, dans la présentation des choses. Il n’était ni lourd ni difficile à lire : on le comprenait. Klemperer pouvait voyager. Il a fait des voyages, donné des conférences – c’était avant la construction du Mur (Klemperer est mort en 1960). Il était ainsi à cheval entre les deux systèmes. Quand il y avait une rencontre bisannuelle des romanistes allemands, il était présent avec sa femme. S’il avait été un professeur « provincial » en Allemagne de l’Ouest, personne ne l’aurait pris au sérieux.

  • 19 La première traduction française ne parut qu’en 1996 : Klemperer, V., 1996, LTI, la langue du IIIe(...)

Wolf Feuerhahn : Le LTI – Lingua Tertii Imperii : Notizbuch eines Philologen, publié en 194719, est-il un ouvrage qui a eu une réception particulière dans le monde des philologues ?

  • 20 Voir Fischer-Hupe, K., 2001, Victor Klemperers « LTI, Notizbuch eines Philologen » : ein Kommentar(...)
  • 21 Hadwig Klemperer (1926-2010).

Frank-Rutger Hausmann : D’abord, aucune20. C’était aux historiens de s’occuper de ce problème, à ce que je sais. J’en ai pris note beaucoup plus tard et j’ai rendu visite à sa deuxième épouse Hadwig21 en 1990.

Wolf Feuerhahn : Il y a donc un décalage dans la réception… J’aimerais vous poser une nouvelle question : est-ce que vous pourriez revenir sur la réception de vos travaux, à la fois dans la discipline et dans d’autres sciences humaines et sociales ? Et dans le monde des historiens et particulièrement ceux spécialistes du IIIReich ?

Frank-Rutger Hausmann : Je suis entre deux feux. J’ai fait des études de philologie romane, de latin médiéval et d’histoire. J’ai été assistant d’histoire médiévale à l’université de Bielefeld, même assistant-fondateur puisque c’était une jeune université. Je suis resté là un an. Je connaissais très bien les « gros légumes » chez les historiens, puisqu’un comité d’organisation avait été constitué pour mettre cette faculté sur pied. On avait donné des postes de professeurs ordinaires à des chercheurs renommés. Des « gros légumes » qui venaient tous les cinq mois. Il fallait que je sois là pour obéir aux ordres des « grands chefs ». On avait déjà loué des salles, on avait planifié les programmes d’études. Et je suis parti. Je n’ai pas continué, car j’étais seul à Bielefeld – l’université n’existait pas encore, il n’y avait pas de structure.

Wolf Feuerhahn : Quand est-ce que cela s’est-il passé ?

Frank-Rutger Hausmann : C’était en 1971. Quand Hugo Friedrich a pris sa retraite (j’étais son assistant à Fribourg auparavant), j’étais un peu déboussolé, alors je me suis réorienté. J’ai rencontré par hasard Kaspar Elm (1919-2019) qui était un historien, spécialiste d’histoire médiévale. Il a dit : « Comment allez-vous ? » J’ai répondu : « Oh, je ne sais pas trop, mon chef Friedrich est à la retraite ! » Il a proposé : « Écoutez, j’ai un poste à Bielefeld, voulez-vous être mon assistant ? » J’ai tout de suite répondu positivement. Mais je l’ai vu deux fois seulement à Bielefeld. Après un an, j’ai quitté cette université. Mon expérience en tant qu’historien a donc été relativement courte. Après, j’ai travaillé pour la Deutsche Forschungsgemeinschaft. Mais l’administration, ce n’était pas pour moi non plus. Et je suis rentré à Fribourg pour faire mon habilitation, voilà pour mon périple. Je connais donc les historiens, mais leur situation est très différente, car leur standing dans le monde intellectuel est beaucoup plus fort que celui des représentants de la philologie romane. Cette dernière n’intéresse pas grand monde, d’autant plus que les relations avec la France ne sont pas au centre des travaux des romanistes qui travaillent sur le Moyen Âge, le xixe siècle, etc. Si l’on est historien, on est beaucoup plus proche des développements intellectuels, sociaux de la vie publique.

Wolf Feuerhahn : Vous êtes en contact à la fois avec la communauté des historiens et avec une sous-communauté bien singulière en son sein, celle des historiens médiévistes…

Frank-Rutger Hausmann : Oui. J’avais des rapports étroits avec les latinistes spécialistes du Moyen Âge.

Wolf Feuerhahn : Ce ne sont en effet pas des historiens du contemporain…

Frank-Rutger Hausmann : Il faut dire que tous les travaux que j’ai menés sur l’histoire de la discipline ne m’ont rien valu. Si je n’avais pas fait, en même temps, de la romanistique traditionnelle, je n’aurais pas pu faire carrière. Ce que j’ai fait pour l’éclaircissement des processus après 1933 ne m’a pas valu de reconnaissance. Des gens m’appelaient un Nestbeschmutzer, c’est-à-dire « quelqu’un qui crache dans la soupe ». On a dit : « Vous, vous êtes jeune, comment voulez-vous juger de la situation après 1933 ? Si vous aviez été à notre place, qu’auriez-vous fait ? » J’ai répondu : « Je n’ai jamais voulu juger, mais seulement montrer ce qu’il s’est passé : c’est très différent ! » Mais j’ai fait carrière, non pas grâce à ces travaux-là, mais parce que j’ai travaillé dans d’autres domaines dits « traditionnels ». J’étais pratiquement entre deux chaises. C’était un « dada », un hobby, ce que j’ai fait sur l’histoire des universités.

Wolf Feuerhahn : Il n’y a pas eu non plus de réception du côté des historiens des universités ?

Frank-Rutger Hausmann : Très peu. Très peu. Parfois, un compte rendu d’une demi-page. Maintenant je suis un vieux monsieur, cela ne m’intéresse plus.

Wolf Feuerhahn : C’est frappant. Car vous avez traversé une période durant laquelle l’historiographie du nazisme en Allemagne a énormément évolué, où les positions ont évolué, tout comme l’intérêt, y compris celui de la discipline historique pour son passé, qui a fait scandale à la fin des années 1990 – je pense au Deutscher Historikertag de 1998. Là, il y a eu un moment où les historiens ont été obligés de regarder le passé de leur discipline.

Frank-Rutger Hausmann : J’ai fait la même chose pour les anglicistes : j’ai écrit un livre sur les anglicistes à l’époque nazie. De même pour le latin médiéval (j’avais fait des études de latin médiéval). J’ai été invité une fois à la rencontre bisannuelle des anglicistes à Vienne (2001), où j’ai donné une conférence. Mais l’écho, je dois dire, était toujours mince, maigre. C’est comme cela. Ce n’est pas un sujet qui intéressait les collègues.

Wolf Feuerhahn : Écoutez, en tout cas, nous, cela nous intéresse beaucoup. Je suis, à titre personnel, un grand lecteur de vos travaux. Je trouve que vous avez fait une œuvre remarquable de réflexions pour la communauté. Et pour nous qui appartenons à un tout petit domaine qui n’est même pas un phare, c’est très important. Je sais qu’en Allemagne, l’histoire des sciences humaines et sociales est encore moins développée qu’en France. Pour nous, il est important de faire connaître vos travaux dans la communauté des historiens des sciences, et en particulier des sciences humaines et sociales. Nous vous remercions donc très chaleureusement pour cet entretien.

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Bibliographie

Ouvrages

Ouvrages en nom propre

1993, « Aus dem Reich der seelischen Hungersnot ». Briefe und Dokumente zur Fachgeschichte der Romanistik im Dritten Reich, Wurtzbourg, Königshausen & Neumann.

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2000, « Vom Strudel der Ereignisse verschlungen ». Deutsche Romanistik im « Dritten Reich », Francfort-sur-le-Main, Klostermann [2e éd. revue et mise à jour en 2008].

2001, « Auch im Krieg schweigen die Musen nicht ». Die Deutschen Wissenschaftlichen Institute im Zweiten Weltkrieg, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht [2e éd. en 2002].

2002, Ein Verleger und seine Autoren. Vittorio Klostermann im Gespräch mit Martin Heidegger, Ernst und Friedrich Georg Jünger, Francfort-sur-le-Main, Klostermann.

2003, Anglistik und Amerikanistik im « Dritten Reich », Francfort-sur-le-Main, Klostermann.

2004, « Dichte, Dichter, tage nicht! » Die Europäische Schriftsteller-Vereinigung in Weimar, 1941-1948, Francfort-sur-le-Main, Klostermann.

2006, Hans Bender (1907-1991) und das « Institut für Psychologie und Klinische Psychologie » an der Reichsuniversität Straßburg, 1941-1944, Wurtzbourg, Ergon.

2010, Das Fach mittellateinische Philologie an deutschen Universitäten von 1930 bis 1950, Stuttgart, Anton Hiersemann.

2011, Die Geisteswissenschaften im « Dritten Reich », Francfort-sur-le-Main, Klostermann.

2012, Die Deutsche Dante-Gesellschaft im geteilten Deutschland, Stuttgart, Hauswedell.

Ouvrages collectifs

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Éditions critiques

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Curtius, E. R., 2015, Briefe aus einem halben Jahrhundert. Eine Auswahl, éd. et commenté par Frank-Rutger Hausmann, Baden-Baden, Valentin Koerner.

Curtius, E. R., Rychner, M., 2015, Freundesbriefe, 1922-1955, éd. et commenté par Frank-Rutger Hausmann avec la collaboration de Claudia Mertz-Rychner, Francfort-sur-le-Main, Klostermann.

Gröber, G., 2018, Briefe aus den Jahren 1869 bis 1910, éd. et commenté par Frank-Rutger Hausmann, Berlin, Walter De Gruyter.

Articles

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2012, « Der Freiburger Romanist Hugo Friedrich (1904-1978) als Vermittler französischer Geistesart », dans Grunewald, M. (dir.), France-Allemagne au xxe siècle. La production du savoir sur l’autre, vol. 2, Les spécialistes universitaires de l’Allemagne et de la France au xxe siècle – Deutschland und Frankreich im 20. Jahrhundert. Akademische Wissensproduktion über das andere Land, bd. 2, Die Akademischen Akteure der Deutschland- und Frankreichforschung im 20. Jahrhundert, Bern, Peter Lang, p. 125-140.

2013, « Das Deutsche Institut in Paris (1. September 1940 – 16. August 1944) als Zentrum der nationalsozialistischen Kulturpolitik in Frankreich », dans Grunewald, M. (dir.), France-Allemagne au xxe siècle. La production du savoir sur l’autre, vol. 3, Les institutions – Deutschland und Frankreich im 20. Jahrhundert. Akademische Wissensproduktion über das andere Land, bd. 3, Die Institutionen, Bern, Peter Lang, 2013, p. 281-294 ; 343-344 ; 357-358.

2013, « Wissenschaftslenkung an der Reichsuniversität Straßburg. Ernst Anrich, Hans Bender und das “Grenzwissenschaftliche Institut” », dans Krimm, K. (dir.), NS-Kulturpolitik und Gesellschaft am Oberrhein, 1940-1945, Ostfildern, Jan Thorbecke, p. 131-144.

2013, « La romanistique d’expression allemande au temps du national-socialisme », dans Trachsler, R. (dir.), Bartsch, Foerster et cie. La première romanistique allemande et son influence en Europe, Paris, Classiques Garnier, p. 83-125.

2013, « Ernst Robert Curtius und die Mittellateinische Philologie », Mittellateinisches Jahrbuch, 48, p. 181-206.

2013, « Ernst Robert Curtius in den Vereinigten Staaten von Amerika », ASNSpr, 250, p. 241-270.

2014, « Universitätsgeschichte in der Zeit des Nationalsozialismus als Forschungsaufgabe », dans Ramm, T., Saar, S. C. (dir.), Nationalsozialismus und Recht. Erste Babelsberger Gespräche, Baden-Baden, Nomos, p. 9-25.

2014, « Curtius, Goethe und Jaspers oder Ernst Robert Curtius als Goetheforscher », Offener Horizont. Jahrbuch der Karl Jaspers-Gesellschaft, 1, p. 72-105.

2015, « Klaus-Dieter Ertler, Romanistik als Passion. Sternstunden der neueren Fachgeschichte IV », RF, 127 (1), p. 72-76.

2015, « Elias Avery Lowe (1879-1969) und Deutschland. Mit einem Anhang unveröffentlichter Briefe », Mittellateinisches Jahrbuch, 50, p. 1-38.

2015, « Préface », à Friedrich, H., La pensée antiromantique moderne en France, éd. par Clarisse Barthélemy et Aurélien Galateau, Paris, Classiques Garnier, p. 13-20.

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2016, « Elsässische Romanistikprofessoren vor und im Ersten Weltkrieg (mit einem Anhang einschlägiger Dokumente) », Romanische Studien, 4, p. 429-458.

2016, « Maurice Wilmotte (1861-1942), “le plus français des Belges”, und die deutsche Romanistik. Mit einem Anhang unveröffentlichter Briefe », Romanische Studien, 5.

2017, « Der “Fall” Hans Robert Jauß. Ein Diptychon », RZLG, 41, p. 207-221.

2017, « Die politische Auseinandersetzung zwischen W. v. Wartburg und Johann Ulrich Hubschmied. Zusammengestellt von Johannes Hubschmid, herausgegeben, eingeleitet und angemerkt von Frank-Rutger Hausmann », Zeitschrift für romanische Philologie, 133, p. 1-29.

2017, « “Habent sua fata libelli”. Ernst Robert Curtius’ nachgelassenes Werk Elemente der Bildung », Offener Horizont. Jahrbuch der Karl Jaspers-Gesellschaft, 4, p. 392-406.

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2018, « Plus dure sera la chute : le “cas” Hans Robert Jauss », Critique, 852, p. 429-443, DOI : 10.3917/criti.852.0429 (consulté le 22 juillet 2022).

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2022, « “Ungewollte Internationalität” – deutsche Romanistik im Exil », dans Albrecht, A., Danneberg, L., Mateescu, K., Klausnitzer, R. (dir.), Internationale Wissenschaftskommunikation und Nationalsozialismus. Akademischer Austausch, Konferenzen und Reisen in Geistes- und Kulturwissenschaften 1933 bis 1945, Berlin, Boston (De Gruyter Oldenbourg), p. 395-410..

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Notes

1 Note de Wolf Feuerhahn : Hugo Friedrich (1904-1978) a exercé comme professeur d’études romanes à l’université de Fribourg-en-Brisgau de 1937 à sa mort, en 1978. Il est notamment connu pour son essai sur la Structure de la poésie moderne (1956 ; traduction française en 1976). Philologue et théoricien de la littérature, spécialiste de Dante et de la poésie italienne, Friedrich a consacré une grande partie de son œuvre à la littérature et à la pensée française. F.-R. Hausmann a préfacé la traduction française de sa thèse d’habilitation : Friedrich, H., 2015, La pensée antiromantique moderne en France, édition critique par Clarisse Barthélemy, traduction du texte et de la préface par Aurélien Galateau, préface de Frank-Rutger Hausmann, Paris, Classiques Garnier.

2 Helmut Heiber (1924-2003) est l’auteur d’une somme en trois volumes parus entre 1991 et 1994 : Universität unterm Hakenkreuz, vol. 1, Der Professor im Dritten Reich. Bilder aus der akademischen Provinz, Munich, K. G. Saur, 1991 ; vol. 2.1 et 2.2, Die Kapitulation der Hohen Schulen. Das Jahr 1933 und seine Themen, Munich, K. G. Saur, 1992 et 1994.

3 « Deutsche und österreichische Romanisten als Verfolgte des Nationalsozialismus ». Les actes de ce colloque ont été publiés sous le titre Deutsche und österreichische Romanisten als Verfolgte des Nationalsozialismus, éd. par Hans Helmut Christmann et Frank-Rutger Hausmann, Tübingen, Stauffenburg, 1989.

4 Voir la page « Romanistenarchiv » sur le site de l’université d’Augsbourg : https://www.uni-augsburg.de/de/organisation/einrichtungen/archiv/uberblick-uber-die-bestande/nachlasse-und-deposita/romanistenarchiv/ (consulté le 20 juillet 2022).

5 Pour une analyse approfondie de cette « action concentrée », voir Hausmann, F.-R., 2007, « Deutsche Geisteswissenschaft im Zweiten Weltkrieg ». Die « Aktion Ritterbusch » (1940-1945), troisième éd. augmentée, Heidelberg, Synchron. Les noms des quelque sept cents participants se trouvent à la fin du volume (p. 419-463). Du côté français ont été invités, sans que nous sachions qui a accepté l’invitation, Roger Arnaldez, Gaston Bachelard, Louis François Cazamian, Roger Dion, Philippe Lavastine, André Meynier, André Philipp, Charles Robequain, Alphonse Séché, Jean-Édouard Spenlé. Les disciplines représentées sont multiples : études anciennes, géographie, germanistique, histoire, histoire de l’art, langues et littératures orientales, philosophie, droit public et constitutionnel, droit des peuples, droit civil, études indogermaniques, musicologie, psychologie, ethnologie, études américaines anciennes, journalisme. Contrairement aux intentions des organisateurs, la plupart des conférences et articles sont plutôt traditionnalistes.

6 Voir Fahlbusch, M., Haar, I., Pinwinkler, A. (dir.), 2017, Handbuch der völkischen Wissenschaften. Akteure, Netzwerke, Forschungsprogrammen, Berlin/Boston, De Gruyter Oldenbourg, 2 vol.

7 Voir l’article « Verfolgte Romanisten. Biobibliographische Dokumentation », dans Christmann, H. H., Hausmann, F.-R., 1989, Deutsche und österreichische Romanisten als Verfolgte des Nationalsozialismus, Tübingen, Stauffenburg, p. 268-329 (la liste comprend 61 noms).

8 Klippel, F., Kolb, E., Sharp, F. (dir.), 2013, Schulsprachenpolitik und fremdsprachliche Unterrichtspraxis. Historische Schlaglichter zwischen 1800 und 1989, Münster, Waxmann.

9 Hausmann, F.-R., 2011, « Neuphilologien », publié dans Die Geisteswissenschaften im « Dritten Reich », Francfort-sur-le-Main, Klostermann, p. 585-595.

10 Bloch, C., 1966, « La Grande-Bretagne face au réarmement allemand et l’accord naval de 1935 », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, 16 (63), p. 41-68.

11 Les romanistes ont été, comparativement aux professeurs des autres disciplines, relativement productifs : Brüch, J., 1941, Die Anglomanie in Frankreich, Berlin, Kohlhammer ; Ester, K., 1942, Die Presse Frankreichs im eigenen Urteil, Berlin, Kohlhammer ; Knauer, K., 1945, Künstlerisches Schaffen im Dienste der nationalen Gemeinschaft und der politischen Propaganda in Frankreich im Zeitalter der nationalen Festigung (von Franz I bis Ludwig XIV), Berlin, Kohlhammer ; Knoop, B., 1941, Hegel und die Franzosen, Berlin, Kohlhammer ; Leube, H., 1941, Deutschland-Bild und Lutherauffassung in Frankreich, Berlin, Kohlhammer ; Mönch, W., 1943, Voltaire und Friedrich der Große, das Drama einer denkwürdigen Freundschaft ; eine Studie zur Literatur, Politik und Philosophie des XVIII. Jahrhunderts, Berlin, Kohlhammer ; Neubert, F., 1941, Die französische Klassik, Berlin, Kohlhammer ; Preißig, E., 1943, Die französische Kulturpropaganda in der ehemaligen Tschecho-Slowakei 1918-1939, Berlin, Kohlhammer ; Spanke, H., 1943, Deutsche und französische Dichtung des Mittelalters, Berlin, Kohlhammer ; Wandruszka, M., 1942, Wille und Macht in drei Jahrhunderten französischer Schau, Berlin, Kohlhammer.

12 Voir Kaufmann, D. (dir.), 2000, Geschichte der Kaiser-Wilhelm-Gesellschaft im Nationalsozialismus. Bestandsaufnahm und Perspektiven der Forschung, Göttingen: Wallstein ; Ash, M. G., 2010, « Die Kaiser-Wilhelm-Gesellschaft im Nationalsozialismus », NTM Zeitschrift für Geschichte der Wissenschaften, Technik und Medizin, 18 (1), p. 79-118.

13 Voir Ahrens, R., Bald, W.-D., Hüllen, W. (dir.), 1995, Handbuch Englisch als Fremdsprache, Berlin, Erich Schmidt ; Kuhfuß, W., 2014, Eine Kulturgeschichte des Französischunterrichts in der frühen Neuzeit. Französischlernen am Fürstenhof, auf dem Marktplatz und in der Schule in Deutschland, Göttingen, V & R unipress.

14 Schaller, H., 2021, Nationalsozialistische Sprach- und Sprachenpolitik 1933 bis 1945. Europäische Sprachen aus ideologischer Sicht und sprachliche Wirklichkeit, Berlin, Peter Lang.

15 Bräutigam, T., 1997, Hispanistik im Dritten Reich. Eine wissenschaftsgeschichtliche Studie, Francfort-sur-le-Main, Iberoamericana Vervuert.

16 Traduction française : Curtius, E. R., 1956, La littérature européenne et le Moyen Âge latin, trad. de l’allemand par Jean Bréjoux, Paris, Presses universitaires de France.

17 Sur Jauss, voir Hausmann, F.-R., 2018, « Plus dure sera la chute : le “cas” Hans Robert Jauss », Critique, 852, p. 429-443. DOI : 10.3917/criti.852.0429 (consulté le 21 juillet 2022).

18 Krauss, W., 2004, Ein Romanist im Widerstand. Briefe an die Familie und andere Dokumente, éd. par Peter Jehle et Peter-Volker Springborn, Berlin, Weidler.

19 La première traduction française ne parut qu’en 1996 : Klemperer, V., 1996, LTI, la langue du IIIe Reich : carnets d’un philologue, trad. de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot, présenté par Sonia Combe et Alain Brossat, Paris, Albin Michel.

20 Voir Fischer-Hupe, K., 2001, Victor Klemperers « LTI, Notizbuch eines Philologen » : ein Kommentar, Hildesheim/Zurich/New York, Olms.

21 Hadwig Klemperer (1926-2010).

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Pour citer cet article

Référence papier

Frank-Rutger Hausmann et Wolf Feuerhahn, « Les sciences de l’homme sous le Troisième Reich »Revue d’histoire des sciences humaines, 41 | 2022, 309-329.

Référence électronique

Frank-Rutger Hausmann et Wolf Feuerhahn, « Les sciences de l’homme sous le Troisième Reich »Revue d’histoire des sciences humaines [En ligne], 41 | 2022, mis en ligne le 07 décembre 2022, consulté le 27 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhsh/7356 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rhsh.7356

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Auteurs

Frank-Rutger Hausmann

Professeur émérite de romanistique à l’université de Fribourg-en-Brisgau, spécialiste de l’humanisme italien et français, Frank-Rutger Hausmann a très tôt (dès le milieu des années 1980) et tout au long de sa carrière publié, en parallèle, de très nombreux travaux sur l’histoire de sa discipline (la romanistique, c’est-à-dire de l’étude des langues, littératures et civilisations romanes), et plus généralement celle des sciences humaines et sociales dans les pays germanophones sous le Troisième Reich. Cette œuvre immense est fondée sur un très gros travail d’archives comme d’entretiens (notamment avec les savants juifs exilés en Amérique du Nord et du Sud). F.-R. Hausmann a non seulement étudié des parcours savants comme le devenir d’institutions, mais il a aussi édité un grand nombre de correspondances. À quelques réserves près, cette œuvre est restée beaucoup trop peu connue en France et, comme on le verra dans l’entretien ci-dessous, assez ignorée en Allemagne même. À travers cet échange, auquel nous avons ajouté une bibliographie complète des travaux de F.-R. Hausmann sur ces questions, nous souhaitons susciter de l’intérêt pour une œuvre cruciale, qui offre une plongée très subtile dans le monde des sciences de l’homme germanophone sous le Troisième Reich.

Wolf Feuerhahn

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