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Dossier

L’Enquête, entre science de l’État et thérapie sociale

Genèse et transformations d’une catégorie de la recherche empirique en Allemagne (années 1880 - années 1930)
The ‘Inquiry’: between an instrument of the State and a social therapy. Emergence and transformations of a category of empirical research in Germany (1880s-1930s)
Martin Herrnstadt et Léa Renard
p. 29-64

Résumés

Cet article tente de reconstituer l’histoire de la réception et de l’appropriation de la catégorie Enquête dans le champ des recherches empiriques en sciences sociales en Allemagne entre les années 1880 et 1930. Nous allons voir comment l’Enquête passe d’un instrument de savoir au service de l’État à un dispositif de recherche « privé » dans le cadre des mouvements réformateurs et féministes. Ce faisant, nous déplaçons le regard vers des cercles extra-universitaires qui ont développé un programme indépendant de recherche pour lequel les réflexions méthodologiques sur l’Enquête sont centrales. Pouvant aussi bien recourir à l’étude de cas individuels, l’observation directe, l’entretien, l’analyse de documents officiels et de statistiques, l’Enquête se présente comme une forme hybride de production de connaissance sur la société, entre proximité et prise de distance avec les milieux étudiés.

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Texte intégral

  • 1 George Embden dans Verein für Socialpolitik, 1877, 1. Toutes les traductions depuis l’allemand ont (...)

On entend en allemand par Enquête, non seulement dans la vie quotidienne mais aussi dans des publications scientifiques, des types de procédures de nature très différente et de valeur inégale ; nous ne nous sommes pas approprié le terminus technicus français, notre usage linguistique utilise l’“Enquête” comme expression élastique contextuelle, qui en réalité [...] n’acquiert une définition concrète qu’au regard des circonstances qui accompagnent son emploi1.

  • 2 Dans ce qui suit, nous utilisons le terme original allemand en italique et avec une majuscule, mar (...)
  • 3 C’est ce que confirme une rapide recherche dans le catalogue de la bibliothèque nationale (Staatsb (...)
  • 4 Pfeifer et al., 1993.

1Lorsque le terme Enquête2 apparaît au milieu du xixe siècle dans la langue allemande, il désigne alors dans le langage juridique et administratif des travaux effectués dans le cadre de commissions parlementaires3 ; dans les années 1880, le terme passe dans le langage courant en même temps que les pratiques et les acteurs liés à cette forme de production de savoir évoluent4. Une analyse de la fréquence du terme dans deux grands corpus de langue allemande signale l’apparition du terme Enquête (ou Enquete selon la graphie) autour de 1800 ; la fréquence accélère au milieu du xixe siècle pour arriver à son apogée autour de 1900 et retomber dans les décennies suivantes, sans que le terme ne disparaisse complètement (Graphique 1).

Graphique 1 – Fréquence du terme Enquête dans un corpus de langue allemande entre 1600 et 1999

Graphique 1 – Fréquence du terme Enquête dans un corpus de langue allemande entre 1600 et 1999

Corpus : Deutsches Textarchiv (1598-1913) et DWDS-Kernkorpus des 20. Jahrhunderts (1900-1999). Tous deux sont composés de documents issus de la presse, des lettres, de la littérature spécialisée et de publications scientifiques.

Source : DWDS-Wortverlaufskurve für « Enquete », erstellt durch das Digitale Wörterbuch der deutschen Sprache, URL : https://lstu.fr/​dwds (consulté le 20 juillet 2020).

  • 5 Maus, 2018 [1973] ; Oberschall, 1997 ; Bonß, 1982 ; Gorges, 1986, 1991, 2013.
  • 6 Raphael, 1996. Gorges parle de la « scientifisation de la recherche sociale » autour de 1900 (Gorg (...)
  • 7 Le terme « sociologie » est lui-même un objet contesté dans ce débat. Les frontières entre les ter (...)
  • 8 Bonß, 1982, 138-141.
  • 9 La formule du premier président de l’Association allemande de sociologie, Ferdinand Tönnies (1855- (...)
  • 10 Bonß, 1983, 73.

2La pratique de l’Enquête dans l’espace germanophone à la fin du xixe siècle occupe une position stratégique pour l’histoire des sciences sociales5. Au sein du récit sur la « scientifisation du social6 », elle est présentée comme une des sources des sciences sociales en général et de la sociologie en particulier, avant leur consolidation épistémologique7. L’Enquête mais aussi les formes monographiques de description de la société représentent dans ce cadre un « mode de représentation narratif-expérimental » qui ne pourra devenir l’objet d’une « objectivation de la connaissance » qu’à travers une science sociale pensée comme « libérée du sujet et de la situation »8. Vers 1900, la sociologie se serait consolidée dans le monde universitaire sur le modèle de la neutralité (Wertfreiheit) des sciences naturelles et des statistiques, précisément en opposition avec le cadre méthodologique de l’Enquête9. Dans un ouvrage de référence, Wolfgang Bonß en conclut que l’histoire de l’Enquête est celle d’une « institutionnalisation ratée », puisqu’elle n’aurait jamais dépassé le statut de « science amateur », comme « contre-projet à l’appropriation statistique de la réalité »10. Il nous semble que ce récit historiographique, dans lequel l’Enquête apparaît en creux face à la sociologie académique, comme une alternative qui ne saura finalement s’imposer, mérite d’être révisé. Il aplanit notamment cette forme de connaissance en la présentant comme un dispositif homogène, alors que ses significations furent diverses et discutées parmi les acteurs de l’époque, comme le prouve la citation en épigraphe. Selon les traditions, elle a pu emprunter des formes d’administration de la preuve différentes et hybrides, aussi bien narratives-qualitatives que statistiques-quantitatives (à une époque où le terme même de statistique n’est pas figé). En outre, ce récit empêche de retracer les voies alternatives d’académisation et l’émergence d’un programme indépendant de recherches en sciences sociales, qui s’oppose explicitement au modèle disciplinaire de la sociologie en cours d’institutionnalisation à l’époque au sein de l’université.

  • 11 Wimmer et Schiller, 2002.
  • 12 Giraud et Lallement, à paraître.
  • 13 Yeo, 2013.
  • 14 Sur la place des femmes aux xixe et xxe siècles au sein des sciences sociales naissantes, entre en (...)
  • 15 Sur le settlement movement, voir Wisselgren, 2018.
  • 16 Sachße, 1994 [1986], 89-96 ; voir aussi Kruse, 2009.
  • 17 Voir par exemple Julliard, 2004 ; Prochasson, 2004.
  • 18 Sur ce point, voir également les travaux de Christian Topalov sur les enquêtes londoniennes de Cha (...)

3La perspective défendue dans cet article se propose de décentrer le regard androcentré et empreint de « nationalisme méthodologique11 », qui laisse peu de place aux phénomènes de traduction, de diffusion et d’emprunts transnationaux de concepts, pour interroger l’Enquête comme catégorie et forme de savoir à la frontière entre sciences sociales, travail social et engagement politique. La volonté de « décentrage12 » – ou, devrait-on dire plutôt, de recentrage13 – se décompose en un triple mouvement. Premièrement, il s’agit de porter le regard particulièrement sur une stratégie alternative de réception et d’académisation de la catégorie d’Enquête notamment au sein du mouvement féministe bourgeois14. Deuxièmement, au-delà des ancrages locaux et nationaux de ces mouvements, nous essayerons de mettre en avant la dimension internationale de leurs réseaux d’action et de recherche à cette période : une source majeure est le settlement movement britannique et américain15 et les projets de réforme sociale associés16. Dans un troisième temps, il s’agit de montrer que l’Enquête comme forme de connaissance ne peut être saisie suivant la distinction entre méthodes quantitatives et qualitatives. Contrairement à ces lieux communs historiographiques, toujours actuels17, notre objectif est de reconstruire l’épistémologie de l’Enquête comme une forme spécifique d’articulation des procédures d’observation numériques et descriptives18, ainsi qu’une technique particulière de production d’intimité et de distance avec leur objet d’étude. Ces deux dimensions interconnectées de l’Enquête, à la fois forme spécifique de savoir et relation sociale, constituent la spécificité de cette nouvelle science du social.

  • 19 Sur ce point et sur l’histoire du Verein en général, voir Gorges, 1986.
  • 20 Sachße, 1994, 95. Ainsi, A. Salomon précise que le travail d’une Enquête consiste précisément à re (...)

4Nous allons nous focaliser non pas sur la pratique elle-même, sur la confection des enquêtes et la publication des résultats, mais sur le métadiscours, sur les textes méthodologiques qui formulent des recommandations sur la manière de mener des enquêtes et tentent de définir cette pratique. Différentes méthodes et pratiques s’aiguisent à cette époque, que l’on peut interpréter comme autant de stratégies de scientifisation coexistantes mais séparées : la voie de l’« objectivité » et de l’abstraction vers laquelle se dirige progressivement la sociologie allemande vers 1900 et de manière accrue après la fondation de l’Association allemande de sociologie en 1909, n’est qu’un des chemins possibles. Celle du singulier, de l’étude de cas, méthodologie développée dans les Soziale Frauenschulen (écoles sociales féminines), en est un autre. La juxtaposition de points de vue situés, telle que pratiquée dans les réunions du Verein für Socialpolitik19 – association de réformateurs sociaux qui s’appuie sur les sciences sociales pour formuler des recommandations politiques –, constitue une stratégie différente, tout comme l’observation statistique organisée par les bureaux de statistique. Indépendamment de leurs différentes stratégies épistémiques, ces acteurs tentent tous de mobiliser la science comme ressource pour leurs projets politiques et institutionnels respectifs. Or la revendication d’objectivité révèle paradoxalement le positionnement politique des acteurs impliqués, celui d’un centre politique bourgeois et intellectuel (dans lequel s’inscrit le mouvement féministe bourgeois représenté par le Bund Deutscher Frauenvereine), qui s’efforce de se distinguer autant des camps libéraux que socialistes révolutionnaires20.

  • 21 La première chaire de « bienfaisance sociale » est créée en 1910 à l’Académie sociale et commercia (...)

5Dans ce qui suit, nous souhaitons mettre la focale sur l’histoire de la réception de la catégorie d’Enquête dans les sciences sociales germanophones, histoire qui a reçu peu d’attention jusqu’à présent. Celle-ci s’étend de la formalisation du terme en langue allemande dans les années 1880, en passant par sa mobilisation dans le contexte des mouvements réformateurs autour de 1900, jusqu’à son institutionnalisation (internationale) dans le contexte de la « science de la bienfaisance » (Fürsorgewissenschaft) dans les années 1920-193021. Notre texte est divisé en trois parties. Nous commençons par la réception initiale du concept au début de l’Empire allemand dans le cadre des sciences de l’État au sein du Verein für Socialpolitik (I). Dans un deuxième temps, nous nous penchons sur la critique de cette conception de l’Enquête centrée sur l’État, telle qu’elle a été formulée par Gottlieb Schnapper-Arndt (1846-1904) à la fin des années 1880 (II). À partir de la réception de la critique de G. Schnapper-Arndt sur les méthodes et la pratique politique de l’Enquête par le mouvement féministe libéral, la troisième étape permet de retracer la diffusion, l’appropriation et la transformation d’une compréhension dite « thérapeutique » de l’Enquête. Le terme devient ici une ressource pour une justification à la fois épistémologique et morale des objectifs émancipateurs du mouvement féministe libéral. En même temps la mobilisation du concept s’inscrit dans une stratégie de professionnalisation et d’académisation du travail social dans le cadre d’institutions éducatives indépendantes et reconnues par l’État (III). Dans une brève ouverture, nous concluons par une discussion sur la circulation internationale de cette forme alternative de connaissance de la société.

L’Enquête entre description empirique et politique sociale

Enquêtes d’État, enquêtes « privées »

  • 22 König, 1973 ; Oberschall, 1997 ; Lichtblau, 2018.
  • 23 Gorges, 2013, 79-81.

6Dans l’espace germanophone, le terme d’Enquête est fortement lié à l’histoire du Verein für Socialpolitik ; l’historiographie s’accorde pour faire de cette société savante un lieu d’émulation pour les sciences sociales et économiques naissantes et notamment pour la recherche empirique22. Lors de sa création en 1872, un an après la fondation de l’Empire allemand à l’issue de la guerre franco-prussienne, le contexte est au développement d’une politique de sécurité sociale étatique censée accompagner les changements sociétaux provoqués par l’industrialisation rapide du pays dans le cadre d’une organisation capitaliste de l’économie promue par les forces conservatrices au pouvoir. Le Verein est fondé par des représentants de l’école historique allemande d’économie nationale (Nationalökonomie) tels que Lujo Brentano (1844-1931) et Gustav Schmoller (1838-1917) ; ceux-ci se positionnent en faveur d’une intervention de l’État dans l’économie, à la fois contre le laisser-faire libéral de l’école de Manchester et en opposition au socialisme révolutionnaire. Au sein de ce projet politique conservateur, l’économie nationale ne se concevait pas seulement comme une base scientifique pour la réforme sociale, mais aussi comme une science sociale qui prenait une part active à la production de valeurs et de normes pour la vie sociale et le bien public23.

  • 24 Gorges, 1986, 95.
  • 25 Au moment de la rédaction du rapport, G. Embden est avocat et député du centre-gauche au parlement (...)
  • 26 Verein für Socialpolitik, 1877, 1.

7Jusqu’aux années 1880, le Verein ne perçoit pas son action comme une forme de production scientifique en elle-même, mais discute du cadre dans lequel l’État produit des connaissances sur le social, nécessaires selon lui en amont de toute réforme législative. Ses membres publient des recommandations, à destination de l’administration, sur la manière de mener des enquêtes24. Un des axes de travail du Verein a été la réception d’une tradition anglaise et d’une tradition française de l’Enquête, afin de déterminer une forme de connaissance appropriée aux nouvelles réalités sociales, politiques et administratives de l’Empire. En 1877, trois rapports sont commandés par le Verein sur la procédure à suivre pour les « Enquêtes sur les conditions sociales » (Enquêten über sociale Verhältnisse). Le premier, rédigé par le juriste George Embden (1839-1907)25, dont est issue la citation en épigraphe, commence par rappeler la polysémie du terme Enquête dans le contexte germanophone, « expression élastique contextuelle26 ». Il propose la définition suivante pour les enquêtes que le Verein souhaite promouvoir :

  • 27 Ibid.

[U]ne procédure ordonnée par un organe autorisé par la loi à le faire, dont la mission première est l’investigation [Ermittelung] de faits économiques et sociaux et de relations de causalité, dont le but est de préparer des décisions législatives ou administratives et dans laquelle l’audition de témoins et d’experts est utilisée comme principal moyen de remplir cette mission et d’atteindre cet objectif27.

  • 28 C’était déjà l’une des principales caractéristiques relevées par Franz Neumann dans un exposé data (...)
  • 29 Verein für Socialpolitik, 1877, 2 ; voir également Gorges, 1986, 114-115.
  • 30 Verein für Socialpolitik, 1877, 4.
  • 31 Ibid., 3. Une différence supplémentaire entre les deux formes d’Enquête consiste dans la publicati (...)
  • 32 Ibid., 12.

8Cette définition met l’accent sur le caractère officiel de l’Enquête, menée par des acteurs « autorisés » (l’État, le Parlement, la commune), et dont l’objet est d’informer la préparation d’une réforme législative28 ; elle exclut ainsi les enquêtes « privées », à l’intérêt purement scientifique. Méthodologiquement, G. Embden différencie deux formes, l’une exhaustive et l’autre succincte (vollständig vs. unvollständig organisiert), et attribue la première à une tradition anglaise et la seconde à une tradition française29. L’Enquête exhaustive est menée par une commission ad hoc ; elle ne se contente pas de recueillir le matériau, mais formule des recommandations sur la base des résultats engendrés lors de l’audition de témoins – on parlerait aujourd’hui d’entretiens « non-directifs », dans la mesure où G. Embden désapprouve l’usage d’un catalogue de questions préparées préalablement pour laisser s’établir une discussion libre entre les membres de la commission et le témoin30. L’Enquête succincte aurait quant à elle recours à un questionnaire standardisé, envoyé à des rapporteurs choisis pour leur connaissance de la question traitée31. Selon G. Embden, l’Enquête succincte serait héritée d’un mode de gouvernement du souverain sur ses sujets, basé sur le pouvoir de l’administration (Beamtenstaat), tandis que l’Enquête exhaustive serait marquée du sceau de la culture parlementaire, caractérisée par la relation entre un citoyen éclairé et l’État : « En un mot, l’Enquête exhaustive est un outil de contrôle, d’agitation et de pouvoir de l’État moderne32 ». Dans ce contexte, celui d’une connaissance produite par l’État ou un organe de représentation politique à des fins d’aide à la décision publique, la terminologie utilisée pour décrire le procédé de l’Enquête emprunte à la fois au champ lexical parlementaire et judiciaire, entre commission parlementaire, interrogatoire de police et tribunal (Ermittelung, Zeugenverhören, Vernehmung, Auskunft, Sachverständiger, Gutachten, Erhebungen).

  • 33 Les rapports sont suivis par une annexe, traduction d’une conférence tenue en anglais par John Mal (...)
  • 34 Ibid., 21. La méthode de l’audition permettrait selon lui plus sûrement que le questionnaire écrit (...)
  • 35 Ibid., 29-31. Les enquêtes commandées par le Parlement portent généralement l’épithète « parlement (...)
  • 36 Ibid., 33-34. Il regrette ainsi le fait que les membres des commissions d’enquête soient toujours (...)
  • 37 Il prend exemple pour cela sur l’enquête agricole de 1866 pour laquelle des commissions départemen (...)

9Les deux rapports suivants, rédigés par deux membres du Verein et représentants de l’école historique d’économie nationale Gustav Cohn (1840-1919) et Wilhelm Stieda (1852-1933), s’appliquent à décrire la pratique de l’Enquête dans le contexte britannique (Cohn) et dans le contexte français (Stieda)33. Gustav Cohn met en avant certaines caractéristiques communes des enquêtes menées en Angleterre par les commissions royales et parlementaires depuis le milieu du xviiie siècle comme la pratique des auditions, les adaptations aux contextes locaux par le biais des Assistant-Commissioners ou la publication exhaustive du matériau recueilli. Il attire surtout l’attention sur l’hétérogénéité des procédures utilisées et la nécessité de trouver la « juste combinaison de statistique, de procédés écrits et oraux » dans le contexte allemand34. Dans son rapport sur la France, W. Stieda, souligne le caractère polysémique du terme « enquête » en français (utilisé aussi bien dans le champ judiciaire qu’administratif) et la diversité des procédures réunies sous ce terme qui ne répondent pas à une règle bien définie35. Il critique la tendance qui se dessine dans les enquêtes menées à partir de 1831 en France, à privilégier le recueil d’un matériau écrit sous la direction d’un seul et même organe (le Conseil supérieur du commerce) à partir d’un questionnaire standardisé36. Il recommande pour la réception du terme Enquête en Allemagne de privilégier des pratiques d’investigation « sur place » (an Ort und Stelle), au contact direct des autorités locales et des personnes concernées, garantissant « l’immédiateté » et le caractère « véridique » des informations37.

  • 38 Gorges, 1986, 152-155. Pour I. Gorges (2013, 83), le Verein poursuit ses enquêtes selon les mêmes (...)
  • 39 Gorges, 1986, 167.
  • 40 L’enquête sur « l’usure dans les campagnes » (1886) a été ainsi menée sous la direction d’Hugo Thi (...)
  • 41 Les rapporteurs reçoivent un dédommagement monétaire en échange de l’envoi de leurs rapports qui c (...)

10À partir des années 1880, le Verein va se mettre à produire lui-même les connaissances qu’il appelait de ses vœux dans la décennie précédente. Dans le contexte politique allemand des années 1880 et après le vote des lois antisocialistes de 1878 qui proscrivent toute activité politique pouvant être rapprochée de près ou de loin avec la social-démocratie, cette réorientation doit être comprise comme une stratégie de survie pour l’association : évitant désormais d’exercer une influence politique directe sous la forme de résolutions à l’intention du Parlement, elle va se concentrer sur ses activités « scientifiques », dans une démarche explicitement détachée des affaires partisanes et décrite comme « objective » par ses membres38. Tandis que dans la décennie précédente, le terme d’Enquête était réservé à des investigations menées par l’État et son administration, le Verein va s’approprier la catégorie et la pratique dans les années 1880 et commanditer ainsi plusieurs enquêtes en son nom. I. Gorges parle alors de « privatisation » de la recherche par Enquête39. Cependant, cette privatisation est toute relative : si l’impulsion vient désormais du Verein lui-même et si la publication des résultats s’effectue sous son nom, en pratique, ces investigations sont menées en grande partie par des acteurs étatiques ou politiques, qui forment une part importante des membres de l’association40. De plus, les enquêtes sont largement financées par l’État lui-même41.

  • 42 Pour une analyse contextualisée de l’enquête de M. Weber sur les ouvriers agricoles pour le compte (...)
  • 43 Gorges, 1986, 248. En 1893, il entreprit de compléter l’étude du Verein par une enquête pour le co (...)
  • 44 Ibid., 273.
  • 45 À en juger par la manière dont Hugo Thiel, responsable de l’enquête sur les ouvriers agricoles, ju (...)
  • 46 Sur l’exotisation des milieux populaires dans les reportages sociaux britanniques du milieu du xix(...)

11Dans les années 1890, les méthodes utilisées par le Verein dans ses enquêtes se diversifient (questionnaires, monographies, analyse secondaire de données statistiques et documents). L’enquête menée entre 1890 et 1892 sur les ouvriers agricoles attire les foudres des membres sociaux-démocrates de l’association : seuls les employeurs ont été interrogés et pas les ouvriers eux-mêmes. Max Weber, responsable de la partie de l’enquête consacrée aux provinces à l’Est de l’Elbe42, justifie ce biais en invoquant les supposées difficultés pour les enquêteurs de gagner la confiance des travailleurs et le fort taux de non-réponse attendu auprès de cette population43. Cette altercation révèle plus profondément un positionnement paternaliste, largement répandu parmi les membres du Verein, qui, en tant que savants, fonctionnaires et intellectuels, étrangers aux classes laborieuses qu’ils étudient, se pensent comme mieux à même d’identifier les véritables intérêts de la classe ouvrière comme observateurs impartiaux et de formuler des recommandations de réforme sociale44. Elle révèle également une caractéristique fondamentale de l’Enquête telle qu’elle est pratiquée dans ce contexte et par ces milieux réformateurs, intellectuels et bourgeois : bien loin de la réputation d’une technique d’incursion dans les milieux sociaux étudiés, dont l’enquête de terrain jouit aujourd’hui (notamment auprès des étudiants apprentis sociologues), qui donnerait la parole aux populations marginalisées, il s’agit à l’époque d’une technique de mise à distance, dans laquelle dominent le soupçon et la crainte, en même temps que la fascination de ces Autres, perçus comme des masses prolétaires et paysannes ignares qu’il faudrait sauver d’elles-mêmes45, et qu’on va s’appliquer pour cela par différents moyens à « objectiver »46.

D’une définition politique à une définition politico-épistémologique : l’entrée Enquête dans le Dictionnaire de poche des sciences de l’État

  • 47 Ce dictionnaire serait un objet d’investigation intéressant en soi, qui illustre la différenciatio (...)
  • 48 Stieda, 1892, 248.
  • 49 Ibid., 244. Par conséquent, il ne serait pas nécessaire de mettre en place une autorité spécifique (...)
  • 50 Il n’est pas simple de traduire l’expression allemande de Stimmung en français. On retrouve ce ter (...)
  • 51 Ibid.
  • 52 Ibid., 245.

12L’entrée Enquête dans le troisième volume du Handwörterbuch der Staatswissenschaften47 de 1892 constitue un bon point de départ pour saisir l’essor du terme dans le contexte allemand à partir des années 1870, en même temps que les difficultés de définition48. Cette tentative de définition, réalisée par Wilhelm Stieda, est caractéristique du discours sur l’Enquête dans les années 1880 et 1890. Selon W. Stieda, élève de Gustav Schmoller et lui-même membre du Verein, l’Enquête ne se laisserait pas définir uniquement par son caractère officiel, juridique et politique, contrairement à la définition promue par G. Embden, mais bien plutôt par des caractéristiques épistémologiques particulières, dans la mesure où elle constitue une forme de connaissance à part entière, distincte notamment de la statistique officielle. Contrairement au recensement, qui à partir du milieu du xixe siècle se répète à intervalle régulier, l’Enquête est une opération ponctuelle, dont l’objectif est l’exploration d’une question précise et circonscrite, en réaction à un problème « aigu » qui attise un large intérêt au sein de la société49. Il s’agit de « dresser un portrait de l’état d’esprit [Stimmung50] au sein de la population ou des conditions générales51 ». Pour autant, les enquêtes ont presque toujours recours à des observations présentées sous une forme numérique, même si elles disposent d’un « traitement plus libre » de ces informations et d’un large choix des méthodes, dans la mesure où celles-ci doivent être dictées par le problème social ou économique traité52. Dans sa manière de déterminer les caractéristiques épistémologiques de l’Enquête, le point de vue de W. Stieda permet de remettre en question les interprétations rétrospectives qui voient une opposition fondamentale entre recherche sociale qualitative et quantitative. La différence spécifique entre les statistiques et l’Enquête, telle que W. Stieda la construit, consiste dans la publicisation non seulement des résultats mais également de l’ensemble du matériau recueilli :

  • 53 Ibid., 247.

Une Enquête ne sera réellement utile que si les informations et les déclarations reçues sont soumises à la critique publique, de sorte que tous ceux qui se croient bien informés sur la question puissent participer à l’évaluation53.

13La publicisation des données n’obéit pas seulement à un impératif de transparence ou de mise à disposition pour des recherches futures – dont il avait dénoncé l’absence lors de sa critique de la tradition française d’enquête – elle constitue un instrument de connaissance en propre : elle a une fonction d’activation, elle appelle la critique. Pour W. Stieda, c’est ce caractère conflictuel et critique qui, en définitive, distingue le savoir de l’Enquête des autres formes de savoir sur le social et le rapproche de la politique.

  • 54 Ibid., 243.

14L’entrée de dictionnaire de W. Stieda permet de souligner deux aspects essentiels de l’histoire de l’Enquête dans l’espace germanophone : la réflexion naissante sur les méthodes dans les années 1880 et 1890 qui s’accompagne de la tentative de définir une tradition allemande de l’Enquête distincte des traditions anglaise et française, tout d’abord. D’autre part, on voit émerger une forme de savoir indépendante à la frontière entre la production de connaissances et l’organisation politique. Le terme d’Enquête décrit alors une certaine relation entre la science et la souveraineté de l’État. Cette pratique serait à la base d’une politique qui conçoit son action à partir de l’observation des « faits économiques et sociaux » et la légitime par la mise à disposition publique du savoir54. C’est pour cette forme de rationalité politique que l’Enquête devient intéressante à partir des années 1870 en Allemagne.

L’Enquête hors de l’État : les enquêtes privées de Gottlieb Schnapper-Arndt et leur dimension « thérapeutique »

  • 55 En plus de son séjour au bureau prussien, il assista aux enseignements du statisticien Richard Böc (...)
  • 56 Schmoller était à la tête de la « jeune génération » de l’École historique allemande d’économie na (...)
  • 57 Maus, 2018, 707.
  • 58 Oberschall, 1997, 52.
  • 59 Voir Seger, 1975, xxi et suiv.
  • 60 Voir Bonß, 1982, 97-115 ; Bonß 1983, 73.
  • 61 Dans leur analyse historique de l’État providence allemand, Christoph Sachße et Florian Tennstedt (...)

15Outre cette conception de l’Enquête issue de l’État et orientée vers son intervention, un concept alternatif fut développé dans les années 1880, en réaction à une enquête du Verein ; cette approche sera une source d’inspiration pour le mouvement féministe libéral. L’un des promoteurs de cette conception alternative fut Gottlieb Schnapper-Arndt55, professeur de « statistique sociale », ancien stagiaire au bureau de statistique prussien sous la direction d’Ernst Engel (1821-1896) à Berlin et à la fois élève des économistes ennemis Gustav Schmoller et Carl Menger (1840-1921), qui, dans les années 1880, se sont affrontés dans le grand débat méthodologique entre branche historique et branche théorique de l’économie nationale56. Dans l’historiographie, G. Schnapper-Arndt est considéré tantôt comme un point de référence pour la réception en langue allemande de la méthode le playsienne57, comme un théoricien de la recherche par Enquête58 ou comme un pionnier de la recherche empirique moderne en sciences sociales59. À d’autres endroits, il est présenté comme l’exemple emblématique de l’échec de l’académisation de la recherche par Enquête, notamment dans sa forme monographique60. Ses réflexions sur l’Enquête comme cadre méthodologique privilégié de la recherche empirique en sciences sociales n’auraient pas fait le poids face aux modèles de l’idéal type et de l’observation des masses par la statistique, sur lesquels va se consolider la sociologie universitaire. Dans ce qui suit, nous souhaitons apporter une vision plus différenciée en tournant le regard vers l’institutionnalisation et l’académisation de la recherche empirique dans des lieux extra-universitaires tels que les académies de commerce et les écoles de travail social et de bienfaisance. Selon nous, la tentative de G. Schnapper-Arndt de poser les fondements conceptuels et épistémologiques de l’Enquête comme méthode des sciences sociales ne peut se comprendre qu’au regard du combat pour la professionnalisation des métiers du social qui connaissent un développement significatif à partir des années 189061.

  • 62 Verein für Socialpolitik, 1887. Pour une description détaillée de l’enquête et des débats qu’elle (...)
  • 63 Schnapper-Arndt, 1975 [1888]. La version intégrale du texte a été publiée dans Schnapper-Arndt, 18 (...)

16Sa réflexion méthodologique va se développer autour de la critique d’une vaste enquête effectuée par le Verein entre 1885 et 1887 sur « l’usure dans les campagnes » (Wucher auf dem Lande)62, critique qu’il formule l’année suivante lors d’une conférence puis qui sera publiée dans une version étendue sous le titre Sur la méthodologie de l’enquête sociale63. Cette critique illustre l’émergence d’un nouveau genre de recherche par Enquête dans l’espace germanophone, qui sous la dénomination d’« enquête privée » [Privat-Enquete] entend briser le cadre étroit des sciences de l’État.

La forme monographique ou la science du cas individuel

  • 64 Schnapper-Arndt, 1975, 197, 213.
  • 65 Le problème de l’usure dans les campagnes est un problème socio-économique fondamental engendré pa (...)
  • 66 Schnapper-Arndt, 1975, 197.
  • 67 Ibid., 197-199.

17Prenant comme exemple l’enquête du Verein, G. Schnapper-Arndt s’interroge sur les conditions nécessaires pour que la « recherche sociale » soit considérée comme une science64. La question de l’usure dans les campagnes, plus généralement celle de la dépendance et de la détresse des petits agriculteurs face au marché, avait été érigée depuis quelques années en problème public, notamment parce que la loi nationale contre l’usure adoptée en 1880 n’avait pas été suivie d’effets concrets65. Pour G. Schnapper-Arndt, la question de l’usure « enflammait la haine et les passions du peuple et des lettrés66 » à tel point que l’Enquête risquait alors de dégénérer en porte-parole de la « haine » et de l’« état d’esprit » (Stimmungen) de certains groupes sociaux ; contre cela, il lui semble nécessaire de « débattre sur les principes méthodologiques » de l’Enquête afin de l’élever « au rang de science »67.

  • 68 Pour un aperçu approfondi de cette tradition, voir Laborier et al., 2011 et plus récemment Schilli (...)
  • 69 Schnapper-Arndt, 1975, 199.
  • 70 Ibid., 204.

18Par rapport à l’article de W. Stieda, on constate que le concept d’Enquête se voit détaché du contexte des sciences de l’État (Staatswissenschaften) qui trouvaient leurs racines dans les sciences camérales du xviiie siècle68. La condition de la vérité de l’« enquête privée » n’est pas liée à l’autorité de l’État, mais à sa méthodologie et sa scientificité. Afin de parvenir à une épistémologie de l’Enquête, la « vérité du jugement » devrait être séparée de la « certitude de faits ou relations présumés »69. C’est justement sur ces certitudes non vérifiables que repose en grande partie l’enquête du Verein selon G. Schnapper-Arndt : à défaut de pouvoir recueillir des « données statistiques positives » sur la question traitée, ses auteurs se seraient vus dans l’obligation de se tourner vers « des rapports sur l’état d’esprit [Stimmungsberichte] effectués par des personnes familières du sujet »70. Or pour pouvoir être considérée comme scientifique, l’Enquête ne doit pas se faire l’expression d’un état d’esprit diffus mais bien plutôt prendre celui-ci comme objet de critique.

  • 71 Ibid.
  • 72 Ibid., 213.
  • 73 Ibid., 216 et suiv.

19Pour Schnapper-Arndt, le « point central » d’une réforme du « système privé d’enquête »71 consiste à combiner des formes d’observation historico-descriptives et numériques. Contrairement au recensement, les enquêtes sur les problèmes sociaux ne peuvent pas se référer à des « unités de recensement » clairement définies, mais elles doivent s’attacher à identifier des « symptômes probants », sur la base desquels des observations fondées pouvaient être formulées. Les chiffres et la « description numérique » jouent un double rôle dans la méthodologie de l’Enquête pour G. Schnapper-Arndt : d’une part, comme instrument de comparaison et de critique, d’autre part, comme instrument indépendant d’observation des problèmes sociaux. Cependant, si le recueil de données en masse pour leur analyse statistique se révèle impossible ou si le phénomène en question ne se laisse pas décomposer en « unités de comptage », alors l’unité d’observation à choisir est celle du cas individuel. L’Enquête comme étude de cas peut se baser sur deux types de matériaux : des données obtenues sur la base des propres observations de l’enquêteur ou sur la base de témoignages de tierces personnes. Dans les deux cas, ces sources doivent être soumises à une critique approfondie (Quellenkritik)72. Les principes méthodologiques de base des enquêtes privées sont, d’une part, la nécessité d’une description aussi détaillée que possible. Pour ces descriptions, la quantification constitue une protection décisive contre des généralisations abusives et guidées par l’opinion. Le deuxième principe directeur est la publication du matériau utilisé, des « documents originaux » sur lesquels se fondent les observations73. Pour G. Schnapper-Arndt, l’enquête privée constitue un modèle de recherche scientifique sur le social, au sein duquel l’objectivisme des données de masse et le subjectivisme de l’étude de cas ne sont pas opposés, mais se complètent dans la poursuite d’un même objectif.

  • 74 Sur Ducpétiaux, voir Geerkens, 2019, 76 ; sur Le Play, voir Bacciochi et David, 2005-2006 ; Porter (...)
  • 75 Selon G. Schnapper-Arndt, Le Play a été « à peu près aussi révolutionnaire » pour la description s (...)
  • 76 Pour G. Schnapper-Arndt, cette forme monographique de l’Enquête ne représentait pas seulement une (...)

20Depuis le milieu du xixe siècle, les études sur les budgets des familles et des ménages fournissaient un modèle de recherche sociale privée, fondée sur l’étude de cas et issue des enquêtes ouvrières d’Édouard Ducpétiaux (1804-1868) en Belgique et de Frédéric Le Play (1806-1882) en France74. Dans le contexte germanophone, la réception de ce genre scientifique s’est effectuée principalement sous la catégorie de monographie (ou monographie familiale). G. Schnapper-Arndt a été l’un des premiers à introduire la méthode et l’œuvre de Le Play dans le contexte germanophone des années 1880 et à travailler de manière systématique dans cette tradition, complimentant son souci du détail75. Seule une « représentation numérique et en même temps largement commentée par le verbe » permettait d’obtenir « une image vivante du micro-organisme économique » que constitue le ménage76.

La fonction politique de l’Enquête dans la lutte contre l’antisémitisme et pour l’émancipation des femmes

  • 77 Depuis les années 1880, il est actif au sein du Freies Deutsches Hochstift à Francfort-sur-le-Main (...)
  • 78 Schnapper-Arndt, 1975 [1888], 200.
  • 79 « En réponse à la question : “Qui pratique principalement l’usure ?”, il s’est trouvé bien peu de (...)

21La critique épistémologique ne résulte pas d’un intérêt scientifique pur. Pour G. Schnapper-Arndt, qui était lui-même membre du Verein für Socialpolitik et qui était activement impliqué dans diverses institutions de réforme sociale77, le problème épistémologique était directement lié à une critique de la fonction de l’Enquête comme forme de politique sociale : l’impulsion qui enclenche l’investigation étant toujours politique ou sociale, son influence sur la société peut être multiple. Elle peut se transformer en « intervention thérapeutique » sur l’état d’esprit (Stimmung) qui domine au sein des différents groupes sociaux78 ; mais elle peut tout aussi bien s’emparer d’opinions malavisées ou confuses qui circulent dans la société et se transformer en caisse de résonance. G. Schnapper-Arndt accuse l’enquête du Verein d’avoir encouragé des préjugés, en l’occurrence antisémites, et de leur avoir offert une scène nationale, du fait précisément des incohérences et faiblesses méthodologiques de la procédure79.

  • 80 Ibid., 222.
  • 81 La controverse se déclenche à la suite d’un article de l’historien Heinrich von Treitschke en 1879 (...)

22Ce qui pour G. Schnapper-Arndt pesait plus lourdement que cette servitude à des fins racistes, c’est que le choix de catégories raciales et religieuses pour expliquer les problèmes sociaux ignorait leurs causes fondamentales ; on ne pouvait donc en attendre aucune intervention « thérapeutique » qui s’attaquerait aux racines du problème. L’antisémitisme n’est pas seulement l’ennemi des Juifs, il est avant tout l’ennemi de la politique sociale. Car rien n’empêche plus de rechercher des « solutions organisationnelles » aux problèmes sociaux que « de chercher la cause des manifestations mouvantes des caractéristiques humaines dans des particularités raciales »80. L’exigence de scientificité et d’indépendance méthodologique à l’égard des enquêtes privées ne peut ainsi être séparée de leur fonction politique. On peut donc interpréter la réception de l’Enquête comme forme autonome de recherche sociale comme stratégie dans une lutte politique contre un chauvinisme revigoré depuis la controverse sur l’antisémitisme à Berlin (1879-1881)81.

  • 82 C’est surtout sa « biographie économique » de Frederike Herrmann, une couturière de linge souabe, (...)
  • 83 Schnapper-Arndt, 1897, 403 et suiv. ; Schnapper-Arndt, 1908, 360 et suiv.
  • 84 Schwerin, 1897, 393 ; Schwerin, 1899. La collection Gerritsen propose une base de données des prin (...)
  • 85 Schnapper-Arndt, 1897, 404.
  • 86 Schnapper-Arndt, 1908, 363.
  • 87 Ibid., 360 et suiv.
  • 88 Schnapper-Arndt, 1897, 406 ; Schnapper-Arndt, 1908, 361, 362.
  • 89 Schnapper-Arndt, 1906 [1904], 190 et suiv.

23Outre la lutte contre les courants racistes et antisémites dans la politique sociale, G. Schnapper-Arndt fut dans les années 1890 un des acteurs ayant considéré la recherche par enquête comme un outil central pour le mouvement féministe libéral dans la lutte pour l’émancipation82. En septembre 1896, il est invité comme conférencier au Internationaler Kongress für Frauenwerke und Frauenbestrebungen (Congrès international des œuvres et initiatives des femmes) à Berlin comme expert sur les questions touchant aux ouvrières et à l’éducation populaire83. Sous la houlette de Jeannette Schwerin (1852-1899), l’une des figures de proue du mouvement féministe bourgeois, la section au sein de laquelle il intervint avait pour objet de discuter les champs sur lesquels l’ensemble du monde des femmes pourrait se réunir dans une action commune, ce qui provoqua de fortes controverses entre les camps social-démocrate et bourgeois. Dans son discours d’introduction, J. Schwerin avait promu l’inspection du travail en usine par des femmes comme un des domaines principaux sur lesquels il serait possible de dépasser les conflits et divisions théoriques84. G. Schnapper-Arndt se concentre quant à lui dans son intervention sur la « question des domestiques » comme objet d’enquête et point aveugle du mouvement bourgeois, qui profite largement des législations en vigueur sur la domesticité (Gesindeordnung)85. Selon lui, « les efforts des femmes visant à améliorer la condition du genre féminin » devraient avant tout examiner la situation de « leurs sœurs les plus pauvres – les domestiques – en ce qui concerne les horaires de travail, le logement, la liberté de mouvement et l’éducation »86. Il cite comme exemple d’enquête sur les conditions de vie et de travail des domestiques l’œuvre de Charles Booth à Londres qui, dans le cadre du settlement movement, a entrepris en 1886 une enquête intitulée Life and Labor of the people of London87. Cette enquête refléterait le « socialisme restreint » de l’auteur, « qui ne s’attaque pas aux forces de l’individualisme et aux sources de richesse ». Dans le même temps, la « forme monographique » fournirait un instrument pour déterminer en détail les « revenus de la classe domestique et ses conditions » ce qui donnerait un moyen pour les mobiliser politiquement et syndicalement88. G. Schnapper-Arndt avait lui-même signé une enquête de cet acabit au sujet d’une couturière de Souabe, qu’il avait suivi pendant plus de dix ans, sur la base d’entretiens, de l’observation de son logement, de documents officiels et d’un registre de ses dépenses et recettes89.

24La forme monographique de l’Enquête, définie en opposition aux tendances antisémites présentes dans l’enquête du Verein, est en même temps un instrument pour rendre visibles les injustices économiques, mais aussi et surtout de genre, qui restent très peu abordées dans le cadre de la question ouvrière. Dans ce contexte, le mouvement féministe va mobiliser à partir des années 1890 le concept et la méthode de la recherche par enquête, dans sa version centrée sur le cas individuel et tournée vers l’action dite « thérapeutique ». L’Enquête se voit mobilisée d’une part comme moyen de description scientifique autonome des problèmes sociaux, d’autre part comme élément méthodologique distinctif permettant d’esquisser un domaine professionnel et scientifique indépendant qui se démarque de manière offensive de la science sociale universitaire.

De l’Enquête au « diagnostic social » : la recherche empirique au temps de l’institutionnalisation et de l’internationalisation du travail social

  • 90 Salomon, 1900, 10. Sur la place des enquêtes sociales au sein de la formation au travail social en (...)
  • 91 La pédagogue Helene Lange (1848-1930) a été particulièrement impliquée dans le développement du co (...)
  • 92 Nadai et al., 2005 ; Hammerschmidt, 2010 ; Sachße, 1994. En Allemagne, les femmes obtiennent offic (...)

25Autour de 1900, le mouvement féministe bourgeois constitue un second foyer de réception et de réflexion théorique sur l’Enquête comme forme de connaissance. Comprise comme description de la société à partir du cas individuel, elle va être mobilisée dans le combat pour établir le travail social (Soziale Arbeit) comme profession mais aussi comme forme à part entière de « recherche sociologique90 ». Dans ce contexte de constitution d’une nouvelle discipline, l’adoption du terme et des réflexions méthodologiques, basées sur le souci méthodique du détail et du cas individuel, peut être vue comme la réappropriation créative et la réinterprétation de caractéristiques dites féminines, essentialisées, telles que le soin, la bienfaisance, mais surtout la « maternité psychique91 » (geistige Mütterlichkeit), qui avaient à l’origine été utilisées pour exclure les femmes du monde du travail. Le travail social va naître à l’intersection de deux phénomènes concomitants : d’un côté, l’assistance sociale se développe à partir des années 1880 et va évoluer vers un système hybride dans le contexte allemand, dans lequel l’assistance publique est déléguée à des organisations privées de bienfaisance. De l’autre, le travail social est intrinsèquement lié aux transformations du mouvement féministe dont une frange importante, libérale et bourgeoise, va trouver dans l’éducation professionnelle des femmes et jeunes filles issues des classes favorisées un outil d’émancipation à une époque où les portes de l’université sont encore largement fermées aux femmes92.

  • 93 Salomon, 1908a, 82.
  • 94 Salomon 1908b ; Reinicke, 2012, 15, 63.
  • 95 Reinicke, 2012, 36-43.

26Dans cette phase de professionnalisation et constitution de la discipline du travail social, la formulation d’une conception scientifique et théorique particulière, autour de la forme de l’Enquête et de la figure du « praticien formé scientifiquement93 », s’oppose explicitement aux sciences sociales telles qu’elles sont pratiquées dans les universités allemandes. Contrairement au développement qu’a connu le travail social en Angleterre et aux États-Unis, dont la formation est intégrée aux cursus universitaires, sa professionnalisation en Allemagne s’est effectuée en dehors du monde académique, dans des instituts de formation spécialisés, les Soziale Frauenschulen, dont la première fut créée en 1908 à Berlin94. L’enseignement s’y veut à la fois théorique et pratique ; coté théorie, il s’agit d’une formation généraliste et interdisciplinaire en sciences sociales. Les directrices et directeurs des écoles mettent un point d’honneur à cet équilibre entre théorie et pratique, la théorie devant informer et guider l’action pratique95. C’est dans ce contexte que l’enseignement des méthodes prend toute son importance.

27Le travail social fut dès ses origines un champ internationalisé, à la fois par la mise en réseaux des actrices au-delà des frontières nationales mais aussi et surtout par la circulation des idées et concepts à travers ces réseaux. Dans ce contexte, les différentes traditions de recherche par Enquête ayant cours jusqu’alors dans l’espace germanophone, elles-mêmes fortement inspirées de modèles étrangers, vont se mêler à d’autres concepts issus des milieux réformateurs et féministes anglo-américains.

La mise en place des premières inspectrices du travail : le genre comme condition d’accès au terrain

  • 96 Elle commença sa carrière comme « visiteuse des pauvres » (Armenbesucherin) au sein des « groupes (...)
  • 97 Schwerin, 1899, 174.
  • 98 Dyhrenfurth, 1895.
  • 99 Gnauck-Kühne, 1896 ; Adler et. al., 1897 ; Pappritz, 1903 ; Salomon, 1906 ; sur Gnauck-Kühne, voir (...)
  • 100 Dyhrenfurth, 1895, 496.
  • 101 Salomon, 1905, 628.
  • 102 Salomon, 1901, 42.

28Actrice centrale de l’académisation du travail social en Allemagne, Alice Salomon (1872-1948) contribue à la mobilisation stratégique du concept d’Enquête96. Elle est initiée à la recherche en science sociale par J. Schwerin, fondatrice d’un bureau d’information pour les institutions de charité en 1893 (qui deviendra par la suite l’Institut allemand de questions sociales) et auprès de qui elle travailla comme assistante dans les années 1890. C’est pour explorer la question du travail des femmes, et notamment dans son combat pour installer des « inspectrices d’usine », que J. Schwerin voit dans l’Enquête un instrument de choix, qui mêle compétence d’observation, « tact » et autorité administrative97. L’enquête sur les conditions de travail de la Royal Commission on Labour (1891-1894) en Angleterre, à laquelle des femmes-inspectrices ont participé pour la première fois à temps plein, a servi de modèle aux mouvements féministes germanophones, comme le prouvent sa réception98 et l’organisation consécutive d’enquêtes sur le même protocole99. Celles-ci avaient pour objet de « décrire les témoins dans la totalité de leurs conditions de vie »100, contrairement à un « enregistrement numérique de la situation des ouvrières » qui resterait à la « périphérie de l’être humain » ; l’Enquête, telle qu’elle est comprise et pratiquée par ces actrices, vise bien plutôt à « saisir et comprendre les pensées, l’état d’esprit [Stimmung] des ouvrières »101. Les inspecteurs masculins ne seraient pas en mesure d’accéder aux problèmes spécifiques des conditions de vie et de travail des ouvrières car celles-ci les leur dissimuleraient. Le genre féminin ne serait donc pas facteur de biais, en raison de la subjectivité du « point de vue féminin102 », mais au contraire, le « tact » dont feraient preuve des inspectrices féminines permettrait de mieux examiner les conditions de travail des femmes. L’appartenance des enquêtrices à la même catégorie de genre que les sujets observés se révèle donc dans ce contexte la condition de possibilité de l’Enquête, en créant une certaine proximité entre observatrice et observée.

L’Enquête, à la fois science et art

  • 103 Elle rencontre notamment Beatrice Webb en 1899 lors d’un séjour à Londres à l’occasion de la deuxi (...)
  • 104 Salomon, 1900, 10.
  • 105 Ibid., 18.

29Les travaux du settlement movement et des réformateurs britanniques Charles Booth (1840-1916), Beatrice Webb (1858-1943) et Sidney Webb (1859-1947) constituent une autre source d’inspiration importante venue de l’étranger. Après un voyage à Londres103, Alice Salomon fut l’une des premières à en assurer la réception dans l’espace germanophone sous la forme d’un article programmatique intitulé « L’art de faire des enquêtes » qui paraît en 1900. Elle y dénonce l’absence d’un enseignement de la méthode de l’Enquête en Allemagne par manque de réflexion méthodologique104. Elle souligne l’importance de cette forme d’« investigations sociologiques » (sociologische Untersuchungen) pour le mouvement féministe qui ne doit pas seulement consommer, mais bien plutôt produire un savoir sur la société. Comme G. Schnapper-Arndt avant elle, elle perçoit la double fonction de l’Enquête : normative, pour initier des réformes politiques, mais aussi comme forme de connaissance à part entière sur le social et ses lois, à partir de l’analyse de « documents officiels, expériences personnelles et entretiens105 ».

  • 106 Pappritz, 1903.
  • 107 Gnauck-Kühne, 1896 ; 1904.
  • 108 Voir Hering et Münchmeier, 2014, 41-47 ; Weyrather, 2003.

30Les enquêtes du mouvement féministe libéral à cette époque prennent pour objets les « origines économiques de la prostitution106 », les « conditions des ouvrières dans l’industrie de papeterie berlinoise », la « femme au tournant du siècle »107 ou encore les « causes de la rémunération inégale du travail des hommes et des femmes », thèse de doctorat d’A. Salomon108. Pour cette dernière, l’Enquête n’est pas seulement une science, mais surtout un art. Citant C. Booth, elle explique que toute la difficulté et le défi de cet art consistent à trouver un juste mélange entre les « jugements numériques » et l’« expérience intensive » de l’observation, dans un exercice d’équilibriste entre narration de l’expérience concrète et statistiques :

  • 109  Salomon, 1900, 10 et suiv.

C’est dans un sentiment aussi intense, et non dans des chiffres statistiques, que se cache la force qui fait bouger le monde. Mais elle doit être guidée par des chiffres statistiques si elle veut faire bouger le monde correctement109.

  • 110 Ibid., 18.

31Comme chez G. Schnapper-Arndt, on voit ici que les chiffres et l’enregistrement numérique ne contredisent pas les « observations personnelles » des cas individuels, mais fournissent plutôt le moyen de les transformer en problèmes sociopolitiques110. Une heuristique basée sur la confrontation de la recherche quantitative et qualitative perdrait de vue cette tension caractéristique de l’Enquête.

Le « diagnostic social », technique de proximité et de mise à distance

  • 111 Voir Kruse, 2009, 18.
  • 112 Salomon, 1926, 1.
  • 113 Ibid., 2, 12.
  • 114 Ibid., 11.
  • 115 Topalov, 2004, 129-130.

32Les méthodes d’investigation sont inspirées du settlement movement britannique, comme nous l’avons vu, mais également de courants réformistes états-uniens, en particulier de la méthode du social casework et du concept de social diagnosis développés par l’Américaine Mary Richmond (1861-1928). En 1926, Alice Salomon traduit partiellement l’ouvrage de référence de cette dernière, paru en 1917, et l’adapte au contexte allemand sous le titre de Soziale Diagnose111. Elle y décrit les débats méthodologiques et terminologiques au sein des milieux allemands de l’assistance publique et de la bienfaisance : le concept de Diagnose (diagnostic) semble s’imposer au début des années 1920 au détriment du mot étranger de Recherche et de celui d’Ermittlung (investigation), termes employés dans la lignée de celui d’Enquête112. Le diagnostic médical formule des conclusions et des recommandations pour le traitement du problème ; c’est cette méthode-là que la travailleuse sociale, tel un médecin, se doit d’appliquer pour « résorber la misère ou les difficultés », à partir d’un raisonnement inductif ou déductif113. Empruntant ses méthodes aussi bien au médecin qu’au juge et à l’historien, la travailleuse sociale se doit d’exercer un jugement critique sur les sources qu’elle recueille – la plupart du temps les déclarations des individus à aider et de leurs proches –, de balancer le vrai du faux en fonction de la « compétence » et de l’« objectivité » attribuées aux personnes interrogées114. Alice Salomon note également l’importance des documents administratifs comme source complémentaire, à la fois dans l’exercice du travail social et dans la pratique des enquêtes. C’était déjà le cas chez Charles Booth qui avait recueilli ses informations auprès des administrations et œuvres de charité (en l’occurrence, les « visiteurs » du School Board) en contact avec le public défavorisé qu’il étudiait, préférant ainsi interroger « ceux qui étaient supposés savoir » (administration, clergé, enseignants) – les dépositaires de l’autorité locale issus de l’élite dirigeante – plutôt que les intéressés eux-mêmes115.

  • 116 Cet examen critique doit s’appliquer également face aux propres jugements et préjugés de la travai (...)

33Si Jeannette Schwerin soulignait l’importance d’établir une proximité entre l’inspectrice et l’ouvrière, une relation presque intime, engendrée à la fois par l’appartenance commune de genre, mais aussi par le « tact » dont doivent faire preuve les inspectrices, ici, A. Salomon met en exergue la nécessité pour la travailleuse sociale de mettre à distance les récits de vie et déclarations des personnes interrogées par un examen critique116. La distance de classe entre des travailleuses sociales pour la plupart issues de la bourgeoisie et leur public prolétaire, à laquelle s’ajoute l’examen critique des documents et témoignages recueillis, est censée garantir l’« objectivité » de l’entreprise. Proximité de genre et distance de classe se combinent ainsi pour construire le juste point de vue à partir duquel il est possible d’observer le social.

Un savoir sur l’individu et sur la société

  • 117 Salomon, 1908a. La première année, les femmes reçoivent un enseignement pédagogique et d’économie (...)
  • 118 Zeller, 1994, 73.
  • 119 Nous avons déjà évoqué la création en 1910 de la chaire de bienfaisance sociale et de statistique (...)
  • 120 Salomon, 1929.
  • 121 La formation visait à transmettre une réflexion théorique et méthodologique, sur la base de connai (...)
  • 122 Kruse, 2004, 89.
  • 123 Salomon, 1930, 285.

34À la tension entre narration et quantification vient se superposer une autre tension qui concerne les différents niveaux d’analyse, celui de l’individu et celui de la société, qui sont autant de niveaux d’action et d’intervention. Cette intrication structurelle devient patente en 1925 avec la création par A. Salomon de l’Akademie für soziale und pädagogische Frauenarbeit (Académie pour le travail social et pédagogique des femmes). Les années 1910-1920 voient fleurir de nombreuses écoles de bienfaisance. La formation dure trois ans et se base sur le modèle de « l’éducation sociale des femmes », mise en place pour la première fois en 1908 dans l’école d’A. Salomon à Berlin dans le quartier de Schöneberg117. En 1932, il y avait en Allemagne au total 33 écoles de bienfaisance (Wohlfahrtsschulen) pour femmes, agréées par l’État, dont 5 à Berlin118. On assiste également à plusieurs tentatives d’installer une « science de la bienfaisance » (Fürsorgewissenschaft) durablement, en dehors et au sein des universités119. Dans ce paysage, l’Akademie créée par A. Salomon, établissement d’enseignement supérieur (hochschulartig) « par les femmes pour les femmes » (von Frauen für Frauen)120, avait plusieurs fonctions et accueillait plusieurs types de public : elle offrait une formation continue pour les travailleuses sociales à un niveau universitaire, une formation professionnelle aux métiers du travail social pour des femmes disposant d’un diplôme universitaire souhaitant se reconvertir et une formation pédagogique pour les futures enseignantes des écoles de bienfaisance et de travail social121. Les portes de l’Akademie étaient aussi ouvertes aux femmes au foyer et aux mères désireuses de poursuivre un enseignement scientifique (avec des cours spécialement placés en matinée). Pour A. Salomon, les femmes inscrites à l’Akademie ont le statut d’« étudiantes » (Studentinnen)122. Ce n’était pas seulement une institution de formation et d’enseignement mais également un lieu de recherche. Dès 1926, l’Akademie se lance en effet dans une série de travaux empiriques consacrés à la famille et ses métamorphoses. L’objectif est de tester l’hypothèse selon laquelle la famille comme unité de base de la société serait en phase de délitement sous le poids de l’individualisme – hypothèse que viendrait confirmer l’apparition même de l’assistance sociale, qui prend en charge de nombreuses tâches précédemment effectuées au sein de la famille. Alice Salomon n’utilise pas le terme d’Enquête pour caractériser cette entreprise mais Erhebung. Trois méthodes sont privilégiées : le recueil de monographies de familles, dans la tradition leplaysienne et de G. Schnapper-Arndt ; la description et l’analyse de sous-problèmes en lien avec la cohésion familiale ; la méthode statistique. Tandis que les deux premières livrent des descriptions « intensives », détaillées, la statistique est censée donner un aperçu général et simplifié des transformations en cours123. Contrairement au travail social qui intervient au niveau individuel, ces recherches empiriques ont pour but de produire des connaissances au niveau social, sur la famille comme institution, afin de venir en contrepartie informer la pratique des travailleuses sociales :

  • 124 Ibid., 286.

Les recherches se penchent non sur la bienfaisance [Fürsorge] mais sur la société. Mais en faisant cela, elles veulent aussi permettre à la bienfaisance de mieux comprendre ses tâches et ses possibilités124.

  • 125 « [Les universités] servent la science pure : le transfert de méthodes et contenus intellectuels, (...)

35D’un côté, la pratique du travail social au contact direct des individus, de leur famille et de leur situation personnelle, fournit à la recherche ses données, sous la forme des dossiers constitués par les travailleuses sociales à partir de leurs rapports et observations. De l’autre, la recherche et ses résultats au niveau social se doivent d’informer la pratique sur le terrain. Avec les écoles de travail social et l’Akademie, A. Salomon a mis en place un système autonome où production de savoir, enseignement et pratique de l’action sociale se complètent et sont en échange permanent, système indépendant et basé sur l’interdisciplinarité, opposé à la formation purement théorique et spécialisée qui a cours au sein des universités125.

  • 126 Sachße et Tennstedt, 1992.
  • 127 Zeller, 1994, 144-159.
  • 128 Ibid. Voir aussi Kruse, 2004, 55.

36L’Akademie est dissoute par le directoire lui-même en 1933, alors que les nazis exigent la démission de sa directrice. Cette dissolution s’inscrit dans un processus plus long que Christoph Sachße et Florian Tennstedt ont décrit comme la « montée de l’État-providence autoritaire en Allemagne (1930-1938)126 ». Dès 1930, les écoles sociales ont été soumises à une pression croissante de l’État pour adapter leur enseignement principalement à la crise économique sous la forme d’une « sélection stricte127 ». Après la « loi sur la restauration de la fonction publique » du 7 avril 1933 et la « loi contre la surpopulation des écoles et des universités allemandes » du 25 avril 1933, les écoles de bienfaisance perdent ce qui leur restait d’autonomie. Les expressions de bienfaisance et de travail social se voient remplacées par celle de « soin du peuple » (Volkspflege) en même temps que les programmes d’étude, dans beaucoup de cas avec le concours des actrices restées en poste, se convertissent à la nouvelle idéologie : de nouveaux enseignements tels que « soins héréditaires et raciaux » (Erb- und Rassenpflege), « conseils aux mères » (Mütterberatung) et « bien-être des enfants » (Säuglingsfürsorge) apparaissent, tandis que la psychologie, la pédagogie et la politique sociale perdent en importance128.

  • 129 Sur ces différentes positions, voir Kruse, 2004, 89-90.

37En ce qui concerne la postérité du projet de A. Salomon à travers l’Akademie, certains historiens et historiennes du travail social estiment qu’il aura jeté les bases de l’institutionnalisation du travail social en Allemagne dans les années 1970 en dehors de l’université, au sein d’institutions d’enseignement supérieur spécialisées, les Fachhochschulen. Pour d’autres, la dissolution de l’Akademie constitue un arrêt net du programme de scientifisation et d’académisation lancé par A. Salomon, qui ne trouvera pas d’équivalent dans l’après-guerre129. Aujourd’hui encore, le caractère scientifique du travail social est fortement disputé.

  • 130 Par rapport à l’évolution du terme Enquête (voir Graphique 1), l’analyse de la fréquence de Sozial (...)

38L’Enquête a constitué un élément central, la base épistémologique de la stratégie de scientifisation et d’académisation du travail social. D’un autre côté, elle devient un instrument collectif de connaissance au service d’un mouvement social dans le cadre du mouvement féministe libéral. On assiste ainsi progressivement à une séparation des différentes traditions de recherche empirique et d’Enquête ; le concept lui-même va se voir remplacé par d’autres (Erhebung, Ermittlung, Diagnose) pour permettre aux acteurs et actrices de mieux se positionner à l’intérieur de ce champ de la recherche en science sociale. Le concept de « diagnostic » permet de se rattacher à un discours anglo-saxon et marque le poids des influences internationales sur les méthodes du travail social en Allemagne. Nous postulons que la perte de vitesse du concept à partir des années 1920, contrairement à son utilisation inflationniste à la fin du xixe siècle, ne doit pas être comprise comme un échec mais plutôt comme une preuve de l’institutionnalisation de la méthode et de ses principes, qui doit maintenant trouver de nouvelles différenciations internes130.

  • 131 Salomon, 1937 ; Kruse, 2003. Les recensions qui paraissent dans les années 1938-1939 dans les revu (...)
  • 132 Wieler, 1988, 70-71.
  • 133 Kraus, 1938, 116.
  • 134 Wieler, 1988, 71. La correspondance d’A. Salomon à cette époque montre clairement l’importance que (...)
  • 135 Kruse, 2003, 136.
  • 136 « Methods and standards must vary according to the complexity of the modern world, and no system c (...)
  • 137 Salomon, 1937, 102 et suiv. ; sur ce point, voir aussi Kruse, 2003, 133.

39Cette orientation internationale constante, qui s’exprime dans la réception du concept d’Enquête, est particulièrement visible dans le dernier grand projet de recherche d’Alice Salomon, Education for Social Work. A Sociological Interpretation Based on an International Survey131. Quatre ans après qu’elle avait été contrainte d’abandonner ses travaux de recherche à l’Akademie à la suite de la prise de pouvoir des nazis, cette étude fut publiée en 1937 par l’Association internationale des écoles de travail social (IASSW), dont elle était présidente depuis 1929132. Le point de départ est une enquête qu’A. Salomon a mené en 1934 à Genève pour le compte de l’Organisation internationale du travail (OIT) et pour laquelle elle a analysé 179 écoles de travail social et 63 programmes d’enseignement133. Elle avait obtenu sur sa propre initiative en 1933 les ressources financières nécessaires à ses voyages de recherche auprès de la Fondation Russel Sage134. Les aspects organisationnels de l’Enquête sont patents dans cette étude : elle est un instrument de connaissance qui permet de contextualiser les cultures nationales et prépare ainsi la mise en place d’une organisation internationale du travail social135. Son but n’est ni l’uniformisation des structures ni la transplantation d’un idéal organisationnel ou méthodologique dans d’autres pays ; A. Salomon s’applique dans son enquête au contraire à mettre en avant les différentes cultures nationales de la bienfaisance (elle parle de « caractères nationaux »)136. À partir de ce constat, elle s’efforce de déterminer comparativement les directions générales sur lesquelles peuvent se fonder les initiatives locales. La tension entre science et art, constitutive de sa réflexion sur « l’art de l’Enquête » et qui se retrouve dans les programmes d’enseignement des écoles et académies de travail social, fournit la base épistémologique pour une structure internationale du travail social, qui ne se résume ni à un projet d’homogénéisation ni de standardisation venu d’en haut137.

40Malgré le caractère internationalisé du travail social, les perspectives de carrière ne furent pas prometteuses pour les travailleuses sociales émigrées aux États-Unis après 1933, bien au contraire. L’histoire personnelle d’A. Salomon, en exil à New York à partir de 1937, en témoigne. Dans une lettre de 1942, elle décrit la situation à un membre de l’IASSW :

  • 138 Salomon à Wagner, lettre du 12 février 1942, citée dans Salomon, 1984, 327.

La vie est dure ici, mais stimulante. Je donne beaucoup de conférences, je suis mal payée, mais je dépense peu. Ce n’est pas complètement sans espoir pour moi. Les travailleurs sociaux ici font comme si tout ce qu’on nous apprend et qu’on fait en Europe était absolument inférieur. Nos travailleurs sociaux diplômés et expérimentés ne sont même pas admis dans les écoles ici ! “Have no academic standards” Eh bien, il faut pouvoir le supporter. C’est très difficile pour les plus jeunes138.

  • 139 Kruse, 2004.

41Dans ces mots, on devine l’ironie particulière qui caractérise l’histoire de l’Enquête dans l’espace germanophone. Les « premières tendances à l’académisation139 » du travail social en dehors de l’université dans les années 1920, la création et la consolidation d’institutions éducatives et de programmes de recherche indépendants à partir de la réception et de l’appropriation de programmes de recherche anglo-américains, se transforment, au moment de l’émigration forcée dans ces pays, en obstacles pour l’avenir professionnel et la carrière des travailleuses sociales.

  • 140 Aujourd’hui Alice-Salomon-Hochschule Berlin.

42Au niveau national, les traditions évoquées ici ont connu une postériorité dans deux champs qui au premier abord semblent complètement opposés. L’académisation du travail social aboutit en Allemagne dans les années 1960-1970 avec la création des Fachhochschulen, établissements d’enseignement supérieur spécialisé (« technologique » ou « appliqué »), et la transformation de l’école de femmes en Fachhochschule für Sozialarbeit und Sozialpädagogik (établissement spécialisé pour le travail social et la pédagogie sociale) en 1971. Ce n’est qu’après la tardive « redécouverte » des travaux d’Alice Salomon dans les années 1980 que l’école reprendra son nom en 1992140. Les travaux de Gottlieb Schnapper-Arndt trouveront quant à eux une réception assez inattendue dans l’après-guerre dans la démoscopie et les études d’opinion. Pour preuve la réédition en 1963 de sa thèse de doctorat sur la région rurale du Hoher Taunus près de Francfort dans le cadre d’une série sur les « Classiques de la recherche par sondage » coordonnée par l’Institut de démoscopie d’Allensbach.

  • 141 Ploder, 2014.
  • 142 Merllié, 2004, 133.
  • 143 Dans son interprétation de Charles Booth et sa critique de la « légende enchantée des origines de (...)

43La résonance limitée des traditions épistémologiques mises au jour dans cet article au-delà de certains cercles spécialisés peut avoir plusieurs origines, dont nous ne pouvons ici qu’esquisser les contours. Premièrement, l’histoire de la discipline sociologique s’est jusque-là surtout concentrée sur les apports théoriques ; l’historicisation des méthodes des sciences sociales reste encore un champ largement à construire141. En outre, si la sociologie se présente aujourd’hui volontiers comme la discipline empirique par excellence, où l’enquête de terrain (par entretien, questionnaire et/ou observation) occupe une place de premier ordre, autour de 1900 la branche universitaire de la discipline, représentée en France par Émile Durkheim (1858-1917), s’est développée en grande partie à contre-courant de l’enquête : « Fondamentalement, les sociologues universitaires autour des années 1900 en France ne cèdent en rien à la mode ambiante des enquêtes142 ». En Allemagne, plusieurs stratégies de scientifisation sont en concurrence à cette période. L’Enquête, dans sa version monographique, va se constituer dans des espaces extra-universitaires autour d’une certaine épistémologie et à travers cela, d’une conception propre de la science, non pas apolitique mais au service de l’action sociale. Elle se révèle être non seulement une technique de mise à distance mais aussi une technique d’intervention et de production de proximité, dans laquelle s’expriment à la fois la peur et la méfiance du milieu étudié et le désir d’un accès immédiat143.

  • 144 Peukert, 1994 ; Dickinson, 2004 ; Pieper, 2003.

44Ainsi, nous proposons de comprendre l’Enquête comme une forme hybride de connaissance caractérisée par un certain nombre de tensions. Pendant les premiers temps de la réception de la catégorie dans le cadre des activités du Verein, celle-ci sert à désigner une forme d’observation de la société qui se constitue précisément dans la distance face à son objet, mais dans le même temps risque de tomber dans une appropriation de l’« état d’esprit » raciste qui secoue certains milieux sociaux. La critique de ces méthodes et la définition conceptuelle élaborées par G. Schnapper-Arndt, dans une approche antiraciste de l’Enquête privée, et par le mouvement féministe, se fondent précisément sur la dimension productive et thérapeutique de la proximité, voire de l’intimité, sur une combinaison de rencontre directe, de « tact » et de distanciation par la consultation de documents administratifs et d’experts. Cette tension productive s’exprime également dans la relation entre le cas individuel et les statistiques. Une caractéristique fondamentale de la forme de connaissance que constitue l’Enquête, que ce soit dans le contexte des sciences de l’État, des enquêtes privées ou du travail social et des « sciences de la bienfaisance », est la combinaison systématique de procédés narratifs, descriptifs et numériques. Pour ses promoteurs, l’intensité et la proximité de l’observation directe et la distance des chiffres ne sont pas contradictoires, mais forment les deux faces d’un même programme de recherche. Ce serait précisément grâce aux connaissances détaillées qu’ils véhiculent que les chiffres pourraient devenir le support d’une intimité et d’une proximité qui ne peuvent être révélées par l’observation directe, comme le développe entre autres G. Schnapper-Arndt dans ses travaux. La tâche d’une théorie de l’enquête pour les acteurs et actrices citées serait donc d’appliquer et d’utiliser cette tension pour les « sciences de la bienfaisance » et le développement et la consolidation de structures institutionnelles. La perspective portée sur l’académisation alternative de la recherche sociale dans le cadre des écoles de travail social et de l’Akademie offre un matériau riche pour une histoire de l’Enquête dans le contexte germanophone, qui ne saurait être considérée comme l’histoire d’une institutionnalisation manquée. Au-delà d’une idéalisation trompeuse de la dimension humaine du travail social et de l’ouverture que représente l’épistémologie de l’Enquête, il reste à montrer en détail comment le modèle méthodologique de l’Enquête a pu être adapté à des rationalités politiques diverses et dans quelle mesure il a opéré à travers des techniques concrètes de bienfaisance. Une telle histoire des connaissances sur lesquelles s’appuie notre modernité biopolitique partagée reste encore largement à écrire144.

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Notes

1 George Embden dans Verein für Socialpolitik, 1877, 1. Toutes les traductions depuis l’allemand ont été effectuées par les auteurs, sauf mention contraire. Les auteurs remercient les membres du comité pour leurs commentaires et Céline Barthonnat pour son travail précieux.

2 Dans ce qui suit, nous utilisons le terme original allemand en italique et avec une majuscule, marque des noms communs en allemand.

3 C’est ce que confirme une rapide recherche dans le catalogue de la bibliothèque nationale (Staatsbibliothek) pour cette période. À titre d’exemple, voir „Norddeutscher Bund. Ausschuß für Handel und Verkehr, 1868 (Enquête über das Hypotheken-Bankwesen)“.

4 Pfeifer et al., 1993.

5 Maus, 2018 [1973] ; Oberschall, 1997 ; Bonß, 1982 ; Gorges, 1986, 1991, 2013.

6 Raphael, 1996. Gorges parle de la « scientifisation de la recherche sociale » autour de 1900 (Gorges, 2013, 86f.).

7 Le terme « sociologie » est lui-même un objet contesté dans ce débat. Les frontières entre les termes théorie de la société (Theorie der Gesellschaft), théorie sociale (Gesellschaftslehre), science de la société (Gesellschaftswissenschaft), science sociale (Sozialwissenschaft), sociologie (Soziologie), science sociologique (soziologische Wissenschaft) ne sont pas le cadre, mais le résultat de cette lutte pour la scientifisation de la recherche sociale. À ce titre, il est important de souligner que même Max Weber (1864-1920) – « l’âme » derrière la fondation de l’Association allemande de sociologie (Deutsche Gesellschaft für Soziologie) (Wiese 1911, 278) – n’utilisait le terme de sociologie qu’avec des réserves (voir Feuerhahn, 2014). En revanche, il semble établi que la démarcation par rapport à la « subjectivité » et au jugement de valeur, ainsi que par rapport au contexte politique a constitué une base essentielle pour la revendication de validité des sciences sociales au sein des universités, sur le modèle des sciences naturelles. L’Association allemande de sociologie va être créée en 1909 entre autres pour se détacher du Verein für Socialpolitik qui prétendait exercer une « science éthique sur une base empirique » (ethische Wissenschaft auf empirischer Grundlage, Weber, 1922 [1904], 148). Pour des travaux actuels sur les débuts de la sociologie germanophone, voir Lichtblau, 2018, 18-21 ; Dahms, 2018 ; Gorges, 2013 ; 2018.

8 Bonß, 1982, 138-141.

9 La formule du premier président de l’Association allemande de sociologie, Ferdinand Tönnies (1855-1936), en est un bon exemple. Lors des premières journées allemandes des sociologues (Erster deutscher Soziologentag) à Francfort-sur-le-Main en 1910, il a déclaré que le sociologue devait saisir et représenter les phénomènes de la vie sociale comme s’ils étaient des « événements survenus sur la lune » (Wiese, 1911, 277).

10 Bonß, 1983, 73.

11 Wimmer et Schiller, 2002.

12 Giraud et Lallement, à paraître.

13 Yeo, 2013.

14 Sur la place des femmes aux xixe et xxe siècles au sein des sciences sociales naissantes, entre engagements politiques et philanthropiques et cercles académiques, voir Honegger et Wobbe, 1998 ; sur la division sexuée du travail et l’exclusion des femmes des cercles académiques, voir Hausen, 1986 ; sur les espaces de pratique scientifique en dehors de la science académique, voir Von Oertzen, Rentezi et Watkins, 2013 ; voir également le dossier spécial dirigé par Fauvel, Coffin et Trochu, 2019 ; sur l’effacement de la contribution des femmes dans les publications scientifiques, voir le cas de John Stuart Mill et Harriet Taylor Mill : McDonald, 2004, 157-164.

15 Sur le settlement movement, voir Wisselgren, 2018.

16 Sachße, 1994 [1986], 89-96 ; voir aussi Kruse, 2009.

17 Voir par exemple Julliard, 2004 ; Prochasson, 2004.

18 Sur ce point, voir également les travaux de Christian Topalov sur les enquêtes londoniennes de Charles Booth : Topalov, 2004, 2015 ; également Feuerhahn, 2016.

19 Sur ce point et sur l’histoire du Verein en général, voir Gorges, 1986.

20 Sachße, 1994, 95. Ainsi, A. Salomon précise que le travail d’une Enquête consiste précisément à reproduire « les faits tels qu’ils sont » et non « tels qu’ils sont reflétés dans les intérêts ou la prise de parti des acteurs » (Salomon, 1900, 10).

21 La première chaire de « bienfaisance sociale » est créée en 1910 à l’Académie sociale et commerciale de Francfort-sur-le-Main et est occupée par Christian-Jasper Klumker (1868-1942). C’est de là que proviennent, entre autres, des impulsions importantes pour la définition d’une « science de la bienfaisance » (Polligkeit et al., 1929). L’un des projets les plus connus dans ce contexte est l’étude sur la situation des enfants illégitimes à Francfort, réalisée par Othmar Spann (1878-1950) à la suite d’une suggestion de C.-J. Klumker (voir Spann, 1905 ; Scherpner, 1979, 175).

22 König, 1973 ; Oberschall, 1997 ; Lichtblau, 2018.

23 Gorges, 2013, 79-81.

24 Gorges, 1986, 95.

25 Au moment de la rédaction du rapport, G. Embden est avocat et député du centre-gauche au parlement régional d’Hambourg, ainsi que secrétaire de la chambre de commerce de cette même ville. Cette fonction l’amène à être associé à la préparation de réformes politiques dans le domaine économique et financier au niveau national et notamment à participer à des commissions d’enquête. Voir la notice dans la base de données biographiques Hamburger Persönlichkeiten : http://www.hamburger-persoenlichkeiten.de/ (consulté le 2 septembre 2020).

26 Verein für Socialpolitik, 1877, 1.

27 Ibid.

28 C’était déjà l’une des principales caractéristiques relevées par Franz Neumann dans un exposé datant de 1873 ; selon ce dernier, une enquête doit être conduite par une administration et menée par une commission ad hoc composée de parlementaires et dirigée par un représentant du bureau statistique.

29 Verein für Socialpolitik, 1877, 2 ; voir également Gorges, 1986, 114-115.

30 Verein für Socialpolitik, 1877, 4.

31 Ibid., 3. Une différence supplémentaire entre les deux formes d’Enquête consiste dans la publication des résultats : tandis que dans une Enquête exhaustive, l’ensemble du matériau recueilli, notamment les compte-rendus sténographiques des auditions, a vocation à être exposé et publié (ins vollste Licht der Öffentlichkeit), seul un résumé des discussions et des recommandations sera envoyé au commanditaire dans le cas d’une Enquête succincte (ibid., 7).

32 Ibid., 12.

33 Les rapports sont suivis par une annexe, traduction d’une conférence tenue en anglais par John Malcolm Ludlow, leader du mouvement socialiste chrétien anglais.

34 Ibid., 21. La méthode de l’audition permettrait selon lui plus sûrement que le questionnaire écrit d’atteindre une certaine forme de vérité (Wahrheit) et elle permettrait un certain contrôle des déclarations écrites, notamment du fait de la « confrontation des opinions et intérêts opposés » entre auditionnés (ibid., 23).

35 Ibid., 29-31. Les enquêtes commandées par le Parlement portent généralement l’épithète « parlementaire » ou « législative » (ibid., 36).

36 Ibid., 33-34. Il regrette ainsi le fait que les membres des commissions d’enquête soient toujours choisis dans les plus hauts rangs de l’État plutôt que pour leur compétence spécialisée sur une question en particulier (ibid., 43).

37 Il prend exemple pour cela sur l’enquête agricole de 1866 pour laquelle des commissions départementales avaient été mises en place. Ibid., 41-42, 44.

38 Gorges, 1986, 152-155. Pour I. Gorges (2013, 83), le Verein poursuit ses enquêtes selon les mêmes modalités que dans la décennie précédente, mais désigne cette activité désormais sous le terme de « science » plutôt que politique sociale.

39 Gorges, 1986, 167.

40 L’enquête sur « l’usure dans les campagnes » (1886) a été ainsi menée sous la direction d’Hugo Thiel (1839-1918), membre du ministère prussien de l’agriculture. Les résultats de l’enquête sur la crise du logement dans plusieurs grandes villes allemandes (1886) sont introduits par le maire de Francfort, Johannes von Miquel, futur ministre prussien des finances.

41 Les rapporteurs reçoivent un dédommagement monétaire en échange de l’envoi de leurs rapports qui constituent la base de la publication des résultats de l’enquête. Dans les années 1890, les enquêtes sur les artisans et les colporteurs ont été financées par l’État directement (Chancelier de l’Empire, ministre autrichien du Commerce, ministre de l’Intérieur bavarois) et une fondation privée (Institut für Gemeinwohl, Francfort) (Gorges, 1986, 301).

42 Pour une analyse contextualisée de l’enquête de M. Weber sur les ouvriers agricoles pour le compte du Verein, voir Pollak, 1986.

43 Gorges, 1986, 248. En 1893, il entreprit de compléter l’étude du Verein par une enquête pour le compte du Congrès social protestant (Evangelisch-Sozialer Kongress) sur la même question, avec un questionnaire et une méthodologie toutefois légèrement modifiés. Les questionnaires devaient être passés directement aux ouvriers par l’intermédiaire des pasteurs. M. Weber attribuait le taux de réponse très faible (1 000 questionnaires sur les 15 000 envoyés, soit moins de 10 %) à la méfiance qu’une telle enquête susciterait chez les ouvriers. Voir Riesebrodt, 1984, 14.

44 Ibid., 273.

45 À en juger par la manière dont Hugo Thiel, responsable de l’enquête sur les ouvriers agricoles, justifiait le recours aux employeurs plutôt qu’aux ouvriers en précisant que ces derniers seraient « dans la plupart des cas, mentalement si peu développé[s] et si peu conscient[s] de [leur] propre intérêt […] qu’un bref entretien aurait probablement révélé peu de choses d’importance ou de valeur » (cité dans Riesebrodt, 1984, 13). Voir aussi les déclarations de Gustav Cohn dans son rapport de 1877 : « Plus les travailleurs sont eux-mêmes dépendants, misérables, moins ils sont mûrs, plus on devra s’en remettre à d’autres sources pour compléter leurs déclarations. Lors de l’enquête anglaise sur le travail des enfants (1863), de jeunes ouvrières travaillant depuis plusieurs années dans les ateliers les plus dégoûtants et les plus dangereux pour la santé ont déclaré s’y sentir “plutôt bien”. Des déclarations dont on ne savait pas si elles devaient être attribuées davantage à la peur de la vérité [Scheu vor der Wahrheit] ou à un manque de raison [Unverstande] » (Verein für Socialpolitik, 1877, 23).

46 Sur l’exotisation des milieux populaires dans les reportages sociaux britanniques du milieu du xixe siècle à laquelle les enquêtes londoniennes de Charles Booth dans les années 1880 opposent une volonté de présenter un regard différencié, voir Topalov, 2004.

47 Ce dictionnaire serait un objet d’investigation intéressant en soi, qui illustre la différenciation stratégique à l’intérieur des sciences de la société. Les éditions suivantes s’intitulent en effet Dictionnaire de poche des sciences sociales (1956) puis Dictionnaire de poche de l’économie (1972).

48 Stieda, 1892, 248.

49 Ibid., 244. Par conséquent, il ne serait pas nécessaire de mettre en place une autorité spécifique en charge de la supervision des enquêtes, mais chaque enquête devrait être sous la houlette d’une commission d’experts, constituée ad hoc par le gouvernement et qui se dissoudrait à la fin de sa mission.

50 Il n’est pas simple de traduire l’expression allemande de Stimmung en français. On retrouve ce terme aussi bien ici chez W. Stieda que chez G. Embden, G. Schnapper-Arndt et plus tard chez A. Salomon, ce qui prouve sa centralité dans les discours sur l’Enquête. Max Weber, dans son étude sur la psychophysique du travail industriel (1908/1909), utilise le concept de Stimmungslage pour désigner une forme intermédiaire de rationalité et d’affectivité dont les effets sur les performances au travail sont significatifs. Selon M. Weber, les Stimmungslagen doivent être comprises comme motifs d’action, qui sont conscients sans qu’en même temps « le cours de cette influence sur l’action soit “vécu” consciemment » (Weber, 1995 [1908/1909], 246-247). Le terme devient ensuite un concept central dans la phénoménologie et l’ontologie fondamentale de Martin Heidegger (1985 [1927]). Le traducteur de Être et temps, Emmanuel Martineau, a choisi l’expression de « tonalité » qui a l’avantage de filer la métaphore musicale présente dans le mot allemand (ein Instrument stimmen = accorder un instrument). Pour Ferdinand Tönnies (1922), les Stimmungen sont un élément central de l’opinion publique. Dans le présent contexte, l’expression désigne l’atmosphère générale, les humeurs, l’état d’esprit voire les rumeurs et ressentiments qui traversent la population ou certains groupes et que l’Enquête se devrait à la fois d’enregistrer et de mettre à distance.

51 Ibid.

52 Ibid., 245.

53 Ibid., 247.

54 Ibid., 243.

55 En plus de son séjour au bureau prussien, il assista aux enseignements du statisticien Richard Böckh (1824-1907), qui dirigeait le bureau de statistique de la ville de Berlin à l’époque, et aux cours magistraux de l’économiste Adolph Wagner (1835-1917) (Zeitlin, 1906, 3). C’est auprès de ce dernier qu’il découvrit la nouvelle tradition de l’école historique d’économie nationale (en opposition à l’école de Manchester) dont les principaux représentants fondèrent le Verein (Gorges, 2013, 80). Après un passage chez Gustav Schmoller à Strasbourg, c’est à Tübingen sous la direction de Gustav von Rümelin (1815-1889) qu’il défend en 1882 sa thèse de doctorat avec son étude des conditions de vie et de travail des habitants d’une région rurale à l’Ouest de Francfort, Fünf Dorfgemeinden auf dem Hohen Taunus. Eine sozialstatistische Untersuchung über Kleinbauern, Hausindustrie und Volksleben (Zeitlin, 1906, 3 ; Seger, 1975, xii-xiii ; Bohler, 2001, 21 et suiv.). Il continue ensuite son parcours chez Carl Menger, dont l’ouvrage publié en 1883 initie le Methodenstreit avec les représentants de l’école historique allemande (Menger, 1883, xvii, cf. également Schmoller, 1883). En 1901, G. Schnapper-Arndt est nommé professeur à l’Académie des sciences sociales et commerciales nouvellement créée à Francfort à l’initiative de l’Institut für Gemeinwohl de l’entrepreneur-philanthrope Wilhelm Merton (1848-1916) (Institut für Gemeinwohl, 1902 ; sur l’institut, voir Sachße, 1994, 75-89).

56 Schmoller était à la tête de la « jeune génération » de l’École historique allemande d’économie nationale et avait une vision scientifique qui contredisait la théorie économique abstraite de Menger, considéré comme le fondateur de l’École autrichienne d’économie nationale (voir Gorges, 2013, 80-84 ; Lichtblau 2018, 18 et suiv.). Tout l’intérêt du travail de G. Schnapper-Arndt est, selon nous, justement dû au fait qu’il ne voit pas de contradiction entre ces deux traditions ; il représente bien plutôt une tentative originale de médiation entre les deux.

57 Maus, 2018, 707.

58 Oberschall, 1997, 52.

59 Voir Seger, 1975, xxi et suiv.

60 Voir Bonß, 1982, 97-115 ; Bonß 1983, 73.

61 Dans leur analyse historique de l’État providence allemand, Christoph Sachße et Florian Tennstedt soulignent pour le dernier tiers du xixe siècle la séparation de l’aide sociale municipale entre secteurs de la santé, l’aide à la jeunesse, logement et aide aux chômeurs, en sus de l’aide sociale classique en faveur des pauvres (Sachße et Tennstedt, 1988, 26). Cette « planification sociale » de l’assistance va de pair avec la scientifisation de la réforme sociale (ibid., 21). Une fonction essentielle de ces réformes fondées sur la connaissance était l’« objectivation » et la « désidéologisation » de la « question sociale », dans laquelle le projet politique de l’économie nationale (Nationalökonomie), politiquement au centre, se reflète de manière significative (Sachße, 1994, 93-94).

62 Verein für Socialpolitik, 1887. Pour une description détaillée de l’enquête et des débats qu’elle a engendrés, voir Gorges, 2014.

63 Schnapper-Arndt, 1975 [1888]. La version intégrale du texte a été publiée dans Schnapper-Arndt, 1888.

64 Schnapper-Arndt, 1975, 197, 213.

65 Le problème de l’usure dans les campagnes est un problème socio-économique fondamental engendré par la transition du système féodal à la privatisation de la propriété foncière (voir Stein, 1880). Le processus légal de cette libération perdure en Prusse tout au long de la première moitié du xixe siècle. Les différents types d’usure dans les campagnes (usure de bétail, d’argent, de biens, de marchandises) sont tous basés sur le même principe. La nouvelle dépendance à l’argent des petits agriculteurs est exploitée de telle manière que des terres, du bétail ou d’autres objets de valeur sont légalement achetés à bas prix par des commerçants et revendus ensuite aux mêmes agriculteurs à un prix écrasant. Dans le cadre de son étude sur l’échec de la révolution de 1848 en France, Karl Marx analyse l’usure dans les campagnes comme un cas exemplaire du fonctionnement de la privatisation. La libération des paysans du féodalisme aboutit à une dépendance existentielle à l’égard du marché et de la monnaie. L’alliance entre la classe paysanne et la bourgeoisie contre le féodalisme se serait transformée en une soumission des paysans au capital, faisant de la terre non pas leur propriété mais leur dette (voir Marx, 2007 [1852]).

66 Schnapper-Arndt, 1975, 197.

67 Ibid., 197-199.

68 Pour un aperçu approfondi de cette tradition, voir Laborier et al., 2011 et plus récemment Schilling et Vogel, 2019.

69 Schnapper-Arndt, 1975, 199.

70 Ibid., 204.

71 Ibid.

72 Ibid., 213.

73 Ibid., 216 et suiv.

74 Sur Ducpétiaux, voir Geerkens, 2019, 76 ; sur Le Play, voir Bacciochi et David, 2005-2006 ; Porter, 2011.

75 Selon G. Schnapper-Arndt, Le Play a été « à peu près aussi révolutionnaire » pour la description sociale que ne le fut « Zola pour le réalisme en littérature ». Voir Schnapper-Arndt, 1908, 388. Schnapper-Arndt lui-même déclare avoir été le premier à utiliser explicitement la méthode de Le Play dans l’espace germanophone dans son étude sur un horloger de la Forêt noire en 1880 (Schnapper-Arndt, 1906 [1880], 21). Outre plusieurs exemples d’application de la méthode monographique (voir, par exemple, Schnapper-Arndt, 1906 [1880], 1883, 1906 [1901], 1906 [1904]), il donne une introduction complète à l’œuvre de Le Play, tant dans ses cours sur la statistique sociale (Sozialstatistik. Vorlesungen über Bevölkerungslehre) (id., 1908) que dans sa Théorie et histoire de la statistique de l’économie privée (Zur Theorie und Geschichte der Privatwirthschaftsstatistik) (id., 1906 [1903]). Le grand ouvrage inachevé de G. Schnapper-Arndt, intitulé Études sur l’histoire du coût de la vie à Francfort sur-le-Main au cours des xviie et xviiie siècles (Studien zur Geschichte der Lebenshaltung in Frankfurt a. M. während des 17. und 18. Jahrhunderts) (id., 1915), peut être considéré comme un transfert de l’approche de Le Play dans le domaine de l’histoire économique et sociale.

76 Pour G. Schnapper-Arndt, cette forme monographique de l’Enquête ne représentait pas seulement une base solide pour la constitution des « budgets modèles » (Musterbudgets) des différents groupes sociaux et classes sociales dans le domaine des sciences sociales, mais elle était de même un instrument de « description sociale » (Sozialschilderung) qui permettait de reconstruire exactement l’« existence économique » (ökonomische Dasein) d’un cas individuel. Dans cette fonction, la forme monographique était également promise à un avenir certain dans le champ de l’« ethnographie » (Schnapper-Arndt, 1906 [1903], 23-2).

77 Depuis les années 1880, il est actif au sein du Freies Deutsches Hochstift à Francfort-sur-le-Main, fondation héritée des idées de la révolution de 1848 et proche de la social-démocratie. À partir des années 1890, il a été membre du conseil d’administration de l’Association de lutte contre l’antisémitisme (Verein zur Abwehr des Antisemitismus). En 1894, il co-organise le Congrès social protestant à Francfort-sur-le-Main dans le cadre duquel M. Weber présente les premiers résultats de sa deuxième enquête sur les ouvriers agricoles (voir « Schnapper-Arndt, Gottlieb », Frankfurter Personenlexikon : https://frankfurter-personenlexikon.de/node/1108, consulté le 3 septembre 2020). Outre son engagement philanthropique et en faveur de la réforme sociale, un premier examen des documents de sa succession révèle également des contacts avec le mouvement féministe bourgeois. Ce point peut aussi être soutenu par le fait qu’il a obtenu par décret du gouvernement royal en 1887 le droit d’utiliser le nom de famille de son épouse, Johanna Arndt, comme nom composé, chose peu courante à l’époque. Cependant, l’histoire de ces connexions n’a pas encore été étudiée.

78 Schnapper-Arndt, 1975 [1888], 200.

79 « En réponse à la question : “Qui pratique principalement l’usure ?”, il s’est trouvé bien peu de personnes, comme on peut le comprendre au vu de certains courants, qui n’ont pas jugé utile de nommer la confession ou la race comme dimension principale de classification » (ibid., 221). Voir également Gorges, 2014.

80 Ibid., 222.

81 La controverse se déclenche à la suite d’un article de l’historien Heinrich von Treitschke en 1879 qui mettait en cause la capacité des Juifs à s’assimiler et qui se prononçait fortement contre l’« âge d’une culture mixte judéo-allemande ». Pour H. Treitschke, l’usure dans les campagnes serait un des moyens par lesquels les Juifs, déjà « installés dans des milliers de villages allemands », « vendaient leurs voisins » (Treitschke, 2004). Pendant cette controverse, le terme d’antisémitisme, à peine introduit dans la langue allemande, devint une partie intégrante du langage politique. Le débat a contribué de manière décisive à rendre acceptables les attitudes antisémites dans les universités et parmi les classes moyennes instruites. Pour l’Empire, la controverse sur l’antisémitisme à Berlin a eu une signification similaire à celle de l’affaire Dreyfus en France. Voir Launay, 2004 ; Zimmermann et Berg, 2011.

82 C’est surtout sa « biographie économique » de Frederike Herrmann, une couturière de linge souabe, qui est citée dans le contexte du mouvement féministe bourgeois et du travail social (voir Arlt, 2011, 87). Hormis quelques références éparses à la réception de ses travaux au sein du mouvement féministe, par exemple chez Henriette Fürth (Härpfer, 2010, 42), il n’existe pas d’étude sur les contacts de G. Schnapper-Arndt au sein du mouvement féministe.

83 Schnapper-Arndt, 1897, 403 et suiv. ; Schnapper-Arndt, 1908, 360 et suiv.

84 Schwerin, 1897, 393 ; Schwerin, 1899. La collection Gerritsen propose une base de données des principaux textes et périodiques des mouvements féministes avant 1945 numérisés et consultables en ligne : http://gerritsen.chadwyck.com.

85 Schnapper-Arndt, 1897, 404.

86 Schnapper-Arndt, 1908, 363.

87 Ibid., 360 et suiv.

88 Schnapper-Arndt, 1897, 406 ; Schnapper-Arndt, 1908, 361, 362.

89 Schnapper-Arndt, 1906 [1904], 190 et suiv.

90 Salomon, 1900, 10. Sur la place des enquêtes sociales au sein de la formation au travail social en Belgique, voir Zelis, 2019.

91 La pédagogue Helene Lange (1848-1930) a été particulièrement impliquée dans le développement du concept de maternité intellectuelle comme outil de lutte pour l’éducation des femmes, voir notamment : Lange, 1887 ; Gerhard, 2012. Pour une critique du concept, voir Beil, 1926. Sur le concept opposé de « chevalerie/courtoisie » (Ritterlichkeit), pendant masculin dans le champ de l’aide sociale des années 1920, voir Nohl, 1927.

92 Nadai et al., 2005 ; Hammerschmidt, 2010 ; Sachße, 1994. En Allemagne, les femmes obtiennent officiellement le droit de s’inscrire à l’université entre 1900 (Bade) et 1908 (Prusse). Auparavant, elles devaient être munies d’une autorisation spéciale d’un professeur pour pouvoir assister aux cours. Voir Hausen, 1986, 32.

93 Salomon, 1908a, 82.

94 Salomon 1908b ; Reinicke, 2012, 15, 63.

95 Reinicke, 2012, 36-43.

96 Elle commença sa carrière comme « visiteuse des pauvres » (Armenbesucherin) au sein des « groupes de filles et de femmes de bienfaisance sociale » (Mädchen- und Frauengruppen für soziale Hilfsarbeit) (Salomon, 1984, 29-31), organisation de bienfaisance fondée en 1893 à Berlin par Minna Cauer (1841-1922) considérée comme étant à l’origine du métier de travailleuse sociale (Reinicke, 2012, 23). En plus d’une formation pratique, les groupes accueillaient des cours magistraux de sociologie et d’éducation citoyenne, enseignements qui formeront par la suite le noyau des programmes des écoles de bienfaisance. Pour des éléments biographiques, voir son autobiographie, dont l’original rédigé en anglais n’est paru qu’en 2004 faute d’avoir trouvé un éditeur de son vivant : Salomon, 1984 pour la version allemande ; 2004 pour la version anglaise.

97 Schwerin, 1899, 174.

98 Dyhrenfurth, 1895.

99 Gnauck-Kühne, 1896 ; Adler et. al., 1897 ; Pappritz, 1903 ; Salomon, 1906 ; sur Gnauck-Kühne, voir aussi Salomon, 1905.

100 Dyhrenfurth, 1895, 496.

101 Salomon, 1905, 628.

102 Salomon, 1901, 42.

103 Elle rencontre notamment Beatrice Webb en 1899 lors d’un séjour à Londres à l’occasion de la deuxième conférence du Conseil international des femmes (organisation dont elle deviendra secrétaire en 1909) où elle représente l’Union des organisations féministes allemandes. Lors de ce voyage, elle fait plus ample connaissance avec le settlement movement et les travaux de Charles Booth (Salomon, 1984, 74 ; Kuhlmann, 2000, 99 et suiv.).

104 Salomon, 1900, 10.

105 Ibid., 18.

106 Pappritz, 1903.

107 Gnauck-Kühne, 1896 ; 1904.

108 Voir Hering et Münchmeier, 2014, 41-47 ; Weyrather, 2003.

109  Salomon, 1900, 10 et suiv.

110 Ibid., 18.

111 Voir Kruse, 2009, 18.

112 Salomon, 1926, 1.

113 Ibid., 2, 12.

114 Ibid., 11.

115 Topalov, 2004, 129-130.

116 Cet examen critique doit s’appliquer également face aux propres jugements et préjugés de la travailleuse sociale. Dans son étude datée de 1931, The Scientific Basis of Social Work. A Study in Family Case Work, dont les résultats sont repris en 1933 par A. Salomon, l’Américain Maurice J. Karpf a souligné à partir d’une analyse de 18 000 documents produits par des travailleuses sociales que la majorité des descriptions des cas individuels sont empreints de jugements personnels ; il exige la révision des enseignements pour donner une base objective à l’intervention sociale, notamment en standardisant les catégories d’analyse. Voir Braches-Chyrek, 2012, 112.

117 Salomon, 1908a. La première année, les femmes reçoivent un enseignement pédagogique et d’économie domestique. En deuxième année, elles suivent des enseignements de « sciences sociales et des cours spécialisés nécessaires au travail social », tels que « l’économie sociale » ou « le droit de la famille » (Salomon, 1908b, 606).

118 Zeller, 1994, 73.

119 Nous avons déjà évoqué la création en 1910 de la chaire de bienfaisance sociale et de statistique (Lehrstuhl für soziale Fürsorge und Statistik) à l’Académie des sciences sociales et commerciales de Francfort. Pour un aperçu des autres institutions et cursus créés à l’époque, voir Kruse, 2004, 84-86.

120 Salomon, 1929.

121 La formation visait à transmettre une réflexion théorique et méthodologique, sur la base de connaissances tirées des différentes disciplines des sciences sociales (psychologie, économie, sociologie, politique etc.). Elle propose un enseignement à plein temps d’un an ou des cours du soir après la journée de travail ; en complément, des cycles de conférences sont organisés, qui accueilleront notamment les leaders du mouvement féministe telles que Marianne Weber ou Gertrud Bäumer. Voir Kruse, 2004, 88 ; Toppe, 2020.

122 Kruse, 2004, 89.

123 Salomon, 1930, 285.

124 Ibid., 286.

125 « [Les universités] servent la science pure : le transfert de méthodes et contenus intellectuels, la recherche, la connaissance [Erkennen] ; pas la préparation directe à l’action. […] Le travail social a besoin d’une théorie relative à l’action pratique, c’est-à-dire à l’action orientée vers le bien-être de l’être humain dans sa totalité. Cela, les universités allemandes ne peuvent pas l’offrir » (Salomon, 1929, 139-140).

126 Sachße et Tennstedt, 1992.

127 Zeller, 1994, 144-159.

128 Ibid. Voir aussi Kruse, 2004, 55.

129 Sur ces différentes positions, voir Kruse, 2004, 89-90.

130 Par rapport à l’évolution du terme Enquête (voir Graphique 1), l’analyse de la fréquence de Sozialarbeit montre un développement complémentaire : la montée du terme Sozialarbeit coïncide au moment de la chute de la courbe de fréquence du terme Enquête dans les années 1920-1930. Son apparition dans les années 1890 est suivie par une croissance lente jusque dans les années 1930 pour marquer une croissance plus rapide jusqu’à 1999. Source : DWDS-Wortverlaufskurve für « sozialarbeit », erstellt durch das Digitale Wörterbuch der deutschen Sprache, URL : https://lstu.fr/dwds-sozialarbeit (consulté le 4 septembre 2020).

131 Salomon, 1937 ; Kruse, 2003. Les recensions qui paraissent dans les années 1938-1939 dans les revues Social research, American Sociological Review ou American Journal of Sociology, entre autres, témoignent de la résonnance directe de ce travail au sein du discours nord-américain de recherche sociale. Voir notamment Karpf, 1938 ; Kraus, 1938 ; Hathway, 1938 ; Young, 1939.

132 Wieler, 1988, 70-71.

133 Kraus, 1938, 116.

134 Wieler, 1988, 71. La correspondance d’A. Salomon à cette époque montre clairement l’importance que revêtait pour elle cette mission pour le compte de l’OIT : « Je ne peux pas vous dire ce que cela signifie pour moi d’être hors de portée des chemises brunes et de faire un travail convenable en toute tranquillité, qui, espérons-le, sera aussi lu dans le futur. » (Lettre d’A. Salomon à van den Kleek du 29 decembre 1933, citée dans Wieler, 1987, 135).

135 Kruse, 2003, 136.

136 « Methods and standards must vary according to the complexity of the modern world, and no system can be considered the right system for all countries or the best and highest » (Salomon, 1937, 113).

137 Salomon, 1937, 102 et suiv. ; sur ce point, voir aussi Kruse, 2003, 133.

138 Salomon à Wagner, lettre du 12 février 1942, citée dans Salomon, 1984, 327.

139 Kruse, 2004.

140 Aujourd’hui Alice-Salomon-Hochschule Berlin.

141 Ploder, 2014.

142 Merllié, 2004, 133.

143 Dans son interprétation de Charles Booth et sa critique de la « légende enchantée des origines de l’anthropologie urbaine », C. Topalov a décrit l’enquête comme une technique de prise de distance, inspirée par une méfiance fondamentale à l’égard du terrain (et vis-à-vis des enquêtés) (Topalov, 2015, 177, 413). Par contre, son interprétation omet la part de proximité de l’enquête mise en avant au sein du mouvement féministe libéral, où le « tact » et le contact avec le terrain – facilité par la proximité du genre – sont aussi fondamentaux que la production de distance par les procédures analytiques.

144 Peukert, 1994 ; Dickinson, 2004 ; Pieper, 2003.

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Table des illustrations

Titre Graphique 1 – Fréquence du terme Enquête dans un corpus de langue allemande entre 1600 et 1999
Légende Corpus : Deutsches Textarchiv (1598-1913) et DWDS-Kernkorpus des 20. Jahrhunderts (1900-1999). Tous deux sont composés de documents issus de la presse, des lettres, de la littérature spécialisée et de publications scientifiques.
Crédits Source : DWDS-Wortverlaufskurve für « Enquete », erstellt durch das Digitale Wörterbuch der deutschen Sprache, URL : https://lstu.fr/​dwds (consulté le 20 juillet 2020).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhsh/docannexe/image/5059/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 186k
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Pour citer cet article

Référence papier

Martin Herrnstadt et Léa Renard, « L’Enquête, entre science de l’État et thérapie sociale »Revue d’histoire des sciences humaines, 37 | 2020, 29-64.

Référence électronique

Martin Herrnstadt et Léa Renard, « L’Enquête, entre science de l’État et thérapie sociale »Revue d’histoire des sciences humaines [En ligne], 37 | 2020, mis en ligne le 01 avril 2021, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhsh/5059 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rhsh.5059

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Auteurs

Martin Herrnstadt

Chaire d’histoire des savoirs (Wissensgeschichte), université de Constance

Léa Renard

Freie Universität Berlin, ZI Lateinamerika-Institut

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Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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