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Débats, chantiers et livres
Revisiter Freud

Qui peut faire l’histoire de la psychanalyse en France, et de quelle histoire s’agit-il ?

Who can make the history of psychoanalysis in France, and what history is it?
Annick Ohayon
p. 233-239

Texte intégral

1L’historiographie de la psychanalyse en France présente des caractéristiques qui ne lui sont pas spécifiques, qu’elle partage avec celles d’autres pays mais avec une « couleur » particulière, et d’autres qui lui sont propres, liées à l’histoire politique et intellectuelle de ce pays et à l’émergence du courant lacanien. La principale semble être la difficulté à sortir d’une histoire indigène ou internaliste, pour construire une histoire historicisante de la psychanalyse. À titre d’exemple, je retracerai principalement ici deux tentatives : celle d’Alain de Mijolla au sein de l’Association internationale d’histoire de la psychanalyse (AIHP) et celle d’Élisabeth Roudinesco et de la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP), et je reviendrai sur leur relatif échec.

  • 1 Tels Serge Moscovici dans La psychanalyse, son image et son public (1961), Robert Castel dans Le p (...)

2Plus que tout autre catégorie professionnelle, celle des psychanalystes se montre hostile au regard extérieur porté sur elle. Les sociologues ou les anthropologues qui s’y sont risqués1 en ont fait l’expérience, à la fois dans la difficulté à obtenir des témoignages, et dans l’accueil qui fut réservé par cette communauté à leur travail. Il en va de même pour les historiens : la psychanalyse serait si différente, si spécifique, si irréductible à d’autres pratiques, qu’elle requerrait une historiographie propre, tout comme elle a une épistémologie qui lui est propre. Il faut d’ailleurs reconnaître qu’à la suite de Freud, les psychanalystes n’ont pas cessé de produire un travail réflexif sur leur communauté, leurs pratiques, et sur leur histoire. Il s’ensuit logiquement qu’historiens et sociologues n’auraient nul besoin de revenir sur ce qui a déjà été fait. Mais, comme on le sait, ce n’est pas aussi simple.

  • 2 Roudisnesco, 1994.
  • 3 Fondée en 1910 par Sigmund Freud sur une proposition de Sandor Ferenczi, cette association avait p (...)

3Si l’on en croit Élisabeth Roudinesco, dans le livre Généalogies qu’elle définit elle-même comme un essai d’ego-histoire2, un tournant s’opère en France à la fin des années 1970. Jusqu’alors, l’histoire de la psychanalyse n’avait pas encore été constituée comme objet de savoir échappant aux sociétés de psychanalystes. Chez ceux qu’elle nomme les orthodoxes, et il faut entendre par là ceux qui n’ont pas rompu les liens avec l’Association psychanalytique internationale3 (API), c’est-à-dire essentiellement la Société psychanalytique de Paris (SPP), si histoire il y a, elle est construite sur le modèle établi par Ernest Jones : la vie du maître et de ses disciples, les ruptures, les scissions et l’après Freud. Elle note également que chez les lacaniens, il n’y a pas de désir d’histoire. D’une part parce que Lacan n’a cessé de répéter que la psychanalyse ne se transmet pas, donc que chaque analysant est, en quelque sorte, forcé de réinventer sur le divan la psychanalyse, et d’autre part parce que les lacaniens ne s’identifient pas alors à un père mort, mais à un maître vivant. Roudinesco explique que c’est la lente décomposition dogmatique du lacanisme, mais aussi le contexte politique : la fin des aspirations révolutionnaires, le développement des mouvements antitotalitaires, et, pour la France, l’échec de l’union de la gauche et le début de l’inexorable déclin du Parti communiste, qui vont la conduire à commencer, à partir de 1978, son travail d’historienne de la psychanalyse. Donc, à l’entendre, il n’y a alors pratiquement rien dans ce champ. Voyons ce qu’il en est pour les décennies 1960 et 1970.

Usages socio-historiques de la psychanalyse

  • 4 Devereux, 1965.
  • 5 Ibid., p. 43.
  • 6 Ohayon, 2006, 323-331.
  • 7 Bien que la traduction en Français du terme freudien Über Ich par Sur Moi fût alors communément ad (...)

4S’il n’y a pas en effet alors d’historiographie savante, on peut constater un intérêt puissant pour la psychanalyse. Il se manifeste d’abord, en filiation avec les travaux de Georges Devereux, dans le courant de la psychohistoire. Devereux, dans « La psychanalyse et l’histoire, une application à l’histoire de Sparte4 » pense qu’on peut opérer une étude psychanalytique des faits historiques, la psychanalyse devenant de ce fait une science « auxiliaire » de l’histoire. Notons d’emblée que ce terme d’auxiliaire avait peu de chances de séduire les psychanalystes. Il affirme que « le pullulement des névroses et des psychoses latentes dans certains systèmes destinés à s’écrouler est un des faits les plus méconnus dans l’histoire5 ». Ainsi existe-t-il des sociétés malades, telle l’antique Sparte ou l’Allemagne hitlérienne. Interviennent dans ces conjonctures à la fois les modes de socialisation et d’éducation des jeunes enfants, mais aussi la personnalité perverse de certains leaders. Il ne s’agit pas pour lui d’une interprétation psychanalytique de faits historiques qui serait d’un faible apport pour l’historien, mais de découvrir de nouvelles catégories de faits, grâce aux concepts psychanalytiques, et d’analyser les ressorts intrapsychiques et fantasmatiques qui animent aussi bien les comportements individuels que collectifs. En prenant l’exemple des archéologues, qui utilisent les données de la chimie pour des questions de datation, il estime que les historiens peuvent faire de même avec les données de la psychanalyse. Devereux a commencé ses premiers travaux aux États-Unis, qui donneront naissance à ce qu’il nommera l’ethnopsychiatrie. Il est très influencé par les thématiques de l’Ego Psychology (portées par les psychanalystes Rudolf Loewenstein, Hans Hartmann et Ernst Kris) et de l’École culturaliste américaine (Karen Horney, Harry Stack Sullivan, Ralph Linton), toutes approches qui ont tendu à réduire la psychanalyse à une psychologie sociale, ou à une psychologie du Moi, moralisatrice et adaptatrice. Il continue par là, mais sans y faire référence, les recherches conduites par le pionnier du groupe psychanalytique français, René Laforgue dans la revue Psyché au cours des années 19506. Celui-ci analysait ce qu’il nommait le « Super Ego7 collectif français » à travers la personnalité de Talleyrand, par exemple, dans un placage direct et grossier de la grille psychanalytique à l’analyse des faits sociaux.

  • 8 Dupront, 1969 ; Besançon, 1969 et 1971.
  • 9 Certeau, 1975, 292.

5Si les tentatives de Devereux trouvèrent peu d’écho auprès des psychanalystes, il n’en est pas allé de même pour les historiens. Dans les années 1970 s’inscrivent aussi dans cette lignée les historiens Alphonse Dupront, Philippe Ariés, qui évoque l’inconscient collectif d’une époque, et Alain Besançon8. Ils cherchent à utiliser les concepts de la psychanalyse comme une grille pour construire l’histoire ; sont ainsi mobilisés l’inconscient, la compulsion de répétition, le transfert et le contre-transfert, l’idéal du moi, l’idéal de groupe, le travail du deuil, le retour du refoulé. La position de l’analyste peut aussi apparaître comme un modèle pour l’historien : il sait attendre, observer, écouter et interpréter. Il faut noter que tous ces personnages, Dupront mis à part, se situent à droite sur l’échiquier politique. Alain Besançon, par exemple, est un communiste repenti. Il s’intéresse au « grand homme », et à l’adhésion des hommes à ce personnage. Il rapproche idéologie et structure perverse, en cela que toutes deux sont basées sur un déni de la réalité. Selon lui, il faut faire le deuil des illusions, accepter le manque et l’incomplétude, donc il ne sert à rien de vouloir changer la vie. Il s’agit d’une conception fixiste de l’histoire, sur laquelle il reviendra d’ailleurs plus tard. On imagine aisément les critiques que pareilles prises de positions ont pu susciter, dans la communauté des historiens comme dans celle des psychanalystes. Michel de Certeau, par exemple, dans L’écriture de l’histoire, estime que dans ces travaux « l’usage des concepts psychanalytiques risque de devenir une nouvelle rhétorique. Le recours à la mort du Père, à l’Œdipe et au transfert est bon à tout. Ces “concepts freudiens”, tant supposés utilisables à toutes fins, il n’est pas difficile de les piquer sur les régions obscures de l’histoire9 ».

  • 10 Pour l’essentiel rédigé par Bullitt avec une préface de Freud, le livre Le président Thomas Woodro (...)

6D’une manière plus stimulante, Saul Friedländer milite pour une réhabilitation de la biographie à partir de la psychanalyse, tout en reconnaissant les limites de l’exercice : le travail de Freud et de William Bullitt sur le président Wilson10 lui semble pauvre, et surtout incapable de rendre compte de la situation politique qu’il prétend éclairer. Il apparaît assez clairement, à la fin des années 1970 que la psychohistoire conduit à une impasse.

  • 11 Le livre sera réédité chez Fayard en 1994, avec une préface d’Élisabeth Roudinesco.
  • 12 Voir sur ce thème l’article de Jacqueline Carroy dans ce numéro.

7Élisabeth Roudinesco, qui se définit comme une « fille de la psychanalyse », inscrit son désir d’histoire dans un contexte de crise et de désenchantement. Dans Généalogies, elle rend hommage au livre fondateur qui a, selon elle, rendu possible le renouveau de l’historiographie de la psychanalyse en France, celui d’Henri Ellenberger consacré à l’Histoire de la découverte de l’inconscient. Paru en anglais en 1970 aux États-Unis, il y rencontre un vif succès. En France, il ne paraît qu’en 1974, dans une édition lyonnaise confidentielle11, et, seuls les psychiatres du groupe de L’Évolution psychiatrique, Henri Ey, Jacques Postel, Georges Lanteri-Laura en soulignent l’immense portée. Ellenberger montre d’ailleurs que l’histoire de la psychanalyse est inséparable de celle de la psychiatrie dynamique12. Les psychanalystes quant à eux l’ignorent car Ellenberger n’est membre d’aucune de leurs associations ; il fait figure de marginal, junguien pour les uns, psychiatre pour les autres, et surtout, il ne fait pas de la découverte freudienne un moment fondateur, mais l’inscrit dans une longue lignée qui culmine aux xixe et xxe siècles dans les travaux de Pierre Janet, de Freud certes mais aussi de Jung et d’Adler. Roudinesco souligne aussi sa propre dette à l’égard de Michel Foucault, du regard qu’il a porté sur la folie, et de Georges Canguilhem pour l’épistémologie de la science.

8Brossons maintenant le tableau des années 1980, en notant le surprenant parallélisme chronologique entre ses initiatives et celles d’Alain de Mijolla.

La course à l’histoire de la psychanalyse en France

9En 1982, juste avant qu’Élisabeth Roudinesco ne fasse paraître le premier tome de l’Histoire de la psychanalyse en France, sur-titré La bataille de cent ans, Alain de Mijolla rédige, pour Roland Jaccard, le chapitre consacré à la France de L’histoire de la psychanalyse (Hachette). Mijolla est médecin psychiatre et psychanalyste, membre de la SPP. En matière d’histoire, c’est un amateur éclairé, surtout connu pour ses travaux sur la psychanalyse de l’alcoolisme, avec Salem Shentoub et par un essai sur Arthur Rimbaud, Les visiteurs du moi, où se manifeste déjà son intérêt pour la psychogénéalogie. Son texte dans l’ouvrage de Jaccard est, il le reconnaît lui-même, une synthèse de sources de seconde main, déjà disponibles dans plusieurs écrits.

  • 13 Les deux premiers sont psychiatres, Quétel est historien de la psychiatrie.
  • 14 Mijolla, 2007.

10Il pense, à cette période, qu’une histoire de la psychanalyse en France est impossible à faire, ou au moins prématurée et souhaite seulement mettre sur pied un collectif de travail. Ce collectif, la future Association internationale d’histoire de la psychanalyse (AIHP), devrait réunir des personnes issues de divers courants de la psychanalyse, voire des non-psychanalystes, pour recueillir des témoignages et des archives. Il ignore alors absolument qu’Élisabeth Roudinesco est en train de construire cette histoire. En 1983, cette dernière intègre la Société française d’histoire de la psychiatrie fondée par Jacques Postel, Michel Vallée et Claude Quétel13, dont elle fait, en 1986, la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP), en une sorte de kidnapping. Mijolla quant à lui fonde l’AIHP en 1985, avec des collègues et des proches qui ne sont pas plus historiens que lui : Sophie de Mijolla, Salem Shentoub, Claude Hollande et Jean-Marc Varaut. Dans Topique en 2007, il revient sur cette histoire : « D’autres en tirèrent la conclusion qu’il fallait se dépêcher de fonder une association concurrente ». On peut noter d’emblée que les relations des deux groupes ne sont pas très cordiales14.

  • 15 N° 1 sur « Psychanalyse et psychanalystes durant la seconde guerre mondiale » (1988) ; n° 2, « Fre (...)
  • 16 Mijolla, 2015.

11Rapidement, chacune de ces institutions se dote d’une revue : Frénésie pour la SIHPP en 1986 et La Revue internationale d’histoire de la psychanalyse (RIHP) en 1988 pour l’AIHP. La première est trimestrielle, sous-titrée « Histoire Psychiatrie Psychanalyse ». Chaque numéro est thématique et comprend des articles originaux, des réimpressions de textes princeps ou rares, en général plutôt sur l’histoire de la psychiatrie, des notes de lectures et des biographies. L’éditorial du premier numéro est œcuménique, comme le sera celui de la revue concurrente : il ne s’agit pas seulement d’évoquer et de conserver les choses d’un passé révolu, mais de se doter d’un outil de travail (la société) et d’un organe dans lequel, au-delà des stériles querelles d’école, toutes les tendances pourront s’exprimer. Le premier numéro de la RIHP sort en juin 1988. C’est une très grosse revue (500 à 800 pages par livraison). Annuelle, éditée par les Presses universitaires de France, elle présente, outre des documents d’archives, les textes des interventions aux journées de rencontre de l’association. Il y aura six livraisons en tout, six volumes qui sont désormais historiques15. La revue disparaît en 1993 ; elle est trop onéreuse et ne se vend pas assez. Il en va de même pour Frénésie qui cesse de paraître en 1992, pour des raisons identiques. Mijolla, amer, évoque « l’indifférence, pour ne pas dire le rejet que les psychanalystes opposent à ce qui peut traiter de leur passé ». Selon lui, il y a une absence de reconnaissance officielle de ce champ de recherche, une absence d’échanges universitaires, ou de débouchés pour des étudiants qui voudraient engager une thèse dans ce domaine. Il faut dire que les psychanalystes, dans leurs colloques ou journées d’étude pratiquent des prix d’inscription qui ne correspondent pas à la culture de l’échange de la recherche académique16.

  • 17 Cocks, 1988.

12Bien que l’AIHP se soit définie à ses origines comme ouverte à tous les courants de la psychanalyse, et même aux non-analystes (!), la présence des lacaniens y est très faible ; sont essentiellement représentés la SPP, l’Association psychanalytique de France et le Quatrième Groupe, ces deux dernières associations s’étant fondées en rupture avec Lacan, essentiellement à propos de la formation des analystes. Enfin, il convient de noter que, malgré le vocable « international » dans leur sigle, l’AIHP et la SIHPP sont demeurées relativement franco-françaises et que l’ouverture aux historiens n’y a pas été très perceptible. Seul l’historien américain Paul Roazen a participé régulièrement aux travaux de l’AIHP, et pour ce qui concerne l’histoire de la psychanalyse sous le Troisième Reich, dans le premier numéro de la revue, les historiens Régine Lockot et Geoffrey Cocks17.

13En 2007, le numéro 98 de Topique (revue du Quatrième Groupe) porte sur « Le dévoilement historique ». Sophie de Mijolla a intitulé son article : « Peut-on écrire une histoire psychanalytique de la psychanalyse ? » (p. 7-23). Elle note d’emblée que cette interrogation ne ferait certainement pas sens pour un historien et lui paraîtrait dénuée de toute pertinence. Or elle est cruciale pour elle-même et pour ses collègues psychanalystes. Elle pose deux autres questions : l’histoire de la psychanalyse, est-ce une histoire ? ; qui doit écrire l’histoire de la psychanalyse ? Elle laisse ouverte la première, celle du titre de l’article, tout en critiquant la psychohistoire et la psychanalyse appliquée en général. La psychanalyse n’a pas à s’appliquer, mais à entrer en confrontation avec d’autres modèles proches des siens, sans s’y dissoudre. Pour la seconde, elle définit trois champs de recherches : la vie des psychanalystes et leur biographie, l’histoire du mouvement psychanalytique, et l’histoire des notions et des concepts en psychanalyse. Elle répond enfin à la troisième question en se prononçant pour une « autohistoricisation de la psychanalyse », en tant que celle-ci est nécessaire à la construction d’une identité de groupe, et d’autre part en tant que la « chose psychanalytique » échappe à la saisie de ceux qui n’en ont pas fait l’expérience.

  • 18 Sédat, 2007.
  • 19 Jean-Bertrand Pontalis, « Détournement de psychanalyse ? », Le Débat, 78, avril 1994, p. 62.

14Nous sommes donc ici ramenés sans ambiguïté à une définition de l’histoire indigène, qui s’est assez souvent confondue avec celle de « la cause freudienne ». Jacques Sédat, dans l’article qui suit18, fait une comparaison intéressante entre les psychanalystes et les communistes. Il pense que ces deux groupes auraient la même difficulté à penser leur histoire et ses errements. Ils préféreraient se mettre en position de témoins ou de victimes, tels des enfants abusés. Il faut souligner que le Parti communiste est un parti « particulier », tout comme on peut dire que la psychanalyse est une science particulière. Cette comparaison avait déjà été proposée par Jean-Bertrand Pontalis à propos du mouvement lacanien19 : il y eut un moment où il fallait en être, parce qu’il était valable, et un moment où il fallait le quitter, parce qu’il ne l’était plus. Ce moment correspondait naturellement à celui où les auteurs d’une telle analyse partaient eux-mêmes. Mais ce départ ne s’opérait pas sans déchirement, car ce que l’on quittait, c’était pratiquement une famille d’adoption, un mode de vie.

  • 20 Le livre de Nathalie Jaudel, Les légendes noires de Jacques Lacan. Élisabeth Roudinesco et sa méth (...)

15Cette comparaison offre des horizons stimulants à l’historien, puisque, depuis l’ouverture des archives de l’ex-Union soviétique, une histoire du communisme commence à émerger. Mais il ne faut pas sous-estimer la grande difficulté de la tâche en France. Une histoire du lacanisme, par exemple, demeure à élaborer et, compte tenu des passions que les tentatives d’établir une biographie de Lacan ou de Françoise Dolto ont suscité20, on peut clairement en inférer qu’une telle histoire n’est pas près d’être produite, du moins par un auteur français.

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Notes

1 Tels Serge Moscovici dans La psychanalyse, son image et son public (1961), Robert Castel dans Le psychanalysme (1973) et Samuel Lézé dans L’autorité des psychanalystes (2010).

2 Roudisnesco, 1994.

3 Fondée en 1910 par Sigmund Freud sur une proposition de Sandor Ferenczi, cette association avait pour but de réglementer une profession alors naissante, pour éviter les dérives et de fédérer les psychanalystes du monde entier.

4 Devereux, 1965.

5 Ibid., p. 43.

6 Ohayon, 2006, 323-331.

7 Bien que la traduction en Français du terme freudien Über Ich par Sur Moi fût alors communément admise, Laforgue préférait utiliser cette forme linguistique.

8 Dupront, 1969 ; Besançon, 1969 et 1971.

9 Certeau, 1975, 292.

10 Pour l’essentiel rédigé par Bullitt avec une préface de Freud, le livre Le président Thomas Woodrow Wilson ne fut publié qu’en 1967, après la mort de Bullitt.

11 Le livre sera réédité chez Fayard en 1994, avec une préface d’Élisabeth Roudinesco.

12 Voir sur ce thème l’article de Jacqueline Carroy dans ce numéro.

13 Les deux premiers sont psychiatres, Quétel est historien de la psychiatrie.

14 Mijolla, 2007.

15 N° 1 sur « Psychanalyse et psychanalystes durant la seconde guerre mondiale » (1988) ; n° 2, « Freud et sa correspondance » (1989) ; n° 3, « Histoire de l’exercice de la psychanalyse par les non-médecins » (1990) ; n° 4, « Histoire de l’édition des œuvres de Freud » (1991) ; n° 5, « L’engagement socio-politique des psychanalystes » (1992) ; n° 6, « Psychanalyse et histoire » (1993).

16 Mijolla, 2015.

17 Cocks, 1988.

18 Sédat, 2007.

19 Jean-Bertrand Pontalis, « Détournement de psychanalyse ? », Le Débat, 78, avril 1994, p. 62.

20 Le livre de Nathalie Jaudel, Les légendes noires de Jacques Lacan. Élisabeth Roudinesco et sa méthode historique (2014), en témoigne. Revenant sur la biographie de Lacan écrite par Roudinesco en 1993, l’auteure, membre de l’École de la Cause freudienne reproche à Roudinesco de s’être comportée comme une enquêtrice à charge, de confondre histoire et mémoire, et souligne que sa position d’acteur et de témoin est incompatible avec la posture historienne. On peut, certes, lui retourner le compliment. Concernant Françoise Dolto et son « impossible biographie », on peut évoquer les mésaventures de Katleen Kelley Laîné, chargée par Gallimard d’établir cette biographie qui fut refusée par Catherine Dolto.

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Pour citer cet article

Référence papier

Annick Ohayon, « Qui peut faire l’histoire de la psychanalyse en France, et de quelle histoire s’agit-il ? »Revue d’histoire des sciences humaines, 31 | 2017, 233-239.

Référence électronique

Annick Ohayon, « Qui peut faire l’histoire de la psychanalyse en France, et de quelle histoire s’agit-il ? »Revue d’histoire des sciences humaines [En ligne], 31 | 2017, mis en ligne le 22 mars 2019, consulté le 27 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhsh/474 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rhsh.474

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Auteur

Annick Ohayon

Maître de conférences honoraire à l’université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis, membre correspondant du Centre Alexandre-Koyré (EHESS/CNRS/MNHN, UMR 8560)

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