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Géographies académiques pour temps de crise

Wolf Feuerhahn et Olivier Orain
p. 5-6
Traduction(s) :
Geographies of Academia for a Time of Crisis [en]

Texte intégral

1Le rythme des revues savantes n’est pas celui de l’actualité politique, il n’est pas non plus celui de l’urgence sanitaire. Il est toutefois des moments où ces temporalités si distinctes viennent s’entrechoquer. C’est sans doute ce que nous vivons depuis le mois de décembre 2019 au point d’avoir l’impression d’un vertige régulièrement ravivé.

  • 1 La Revue d’histoire des sciences humaines a signé la pétition « Enseignement supérieur et recherch (...)

2Nous avons ouvert notre précédent numéro (Carrières de femmes, 35 | 2019) par un éditorial de lutte : l’enjeu était pour nous de nous associer à un combat collectif contre des réformes de l’enseignement supérieur et de la recherche précarisant son personnel et survalorisant la « performance individuelle » au détriment de l’intelligence collective. Peu de temps après la parution de ce volume, la pandémie de Covid-19 a contraint peu à peu la majorité de l’humanité à se confiner, tant bien que mal pour les plus pauvres et les plus vulnérables. Mais pendant le confinement et juste après, la mise en place des réformes en vue de l’adoption de la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) s’est poursuivie1. Dès le début du déconfinement, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal, a, sans hésitation, présenté la LPPR comme une loi qui se ferait indépendamment des nombreuses protestations du début de l’année 2020. La Réforme générale des politiques publiques (RGPP) qui sert de boussole aux transformations en matière de fonction publique depuis vingt ans n’est nullement remise en cause. Il y a fort à parier que les arbitrages budgétaires à la suite de la crise économique qui se profile après la crise sanitaire ne privilégieront pas un secteur réputé dépensier, peu rentable et finalement si peu prioritaire.

3En amont de la crise sanitaire, nous avions longuement réfléchi à la façon dont nous voulions poursuivre notre lutte contre ces politiques publiques qui frappent le travail académique au sens large. De nombreuses équipes de sciences sociales s’y sont également attelées, avec des moyens d’analyse économique, sociologique, politiste, géographique, etc. Une revue comme la Revue d’histoire des sciences humaines se doit pour sa part d’être fidèle à ses principes de base : l’historicisation, la contextualisation, la comparaison, la mise en série, la variation des focales. Il nous a semblé de ce point de vue que le meilleur service que nous pouvions rendre à l’intelligence collective était d’une part de replacer les luttes actuelles dans une histoire de plus large empan, d’autre part, et surtout, de sortir la question d’un prisme hexagonal qui tend à exceptionnaliser la situation que nous vivons, alors même qu’elle a des précédents, des analogues, des contre-exemples, etc. Au demeurant, les dirigeants politiques qui depuis quinze ans entendent « normaliser » la recherche et l’université françaises ont eux-mêmes des modèles étrangers à l’esprit, qu’ils utilisent souvent comme des parangons de vertu en celant, à dessein ou par ignorance, tout ce qui n’a rien d’exemplaire dans lesdits modèles. Autrement dit, une fois n’est pas coutume, notre optique est d’abord et avant tout géographique, au sens de l’exploration d’une diversité de configurations académiques, nationales le plus souvent.

4Nous avons passé commande d’un ensemble de textes à des spécialistes du monde universitaire allemand, néerlandais, algérien, russe, états-unien, chinois, etc. La liste est loin d’être close et nous n’avons pas donné de format fixe à nos interlocuteurs et interlocutrices, leur laissant la liberté de proposer ce qui leur convenait. Car ce « tour du monde académique » n’a pas vocation à appliquer les mêmes grilles, les mêmes cadrages aux différentes situations nationales. Cet ensemble de travaux viendra alimenter une nouvelle rubrique, que nous avons décidé d’intituler « Géographies académiques ». Le pluriel indique la diversité de situations à envisager, éventuellement une diversité interne à ces situations. Elle sera alimentée au gré des arrivages, voire s’auto-entretiendra, si elle suscite des envies et des vocations. Elle souhaite aussi s’ouvrir aux géographes de la science, si d’aventure le projet les intéresse et touche au vif de leurs recherches.

5Pour ouvrir cette rubrique, nous avons mené un entretien avec Christian Topalov en février 2020 que le lecteur trouvera dans le présent numéro. Il nous a semblé précieux de bénéficier de son regard critique et très bien informé sur les évolutions récentes de la politique publique française concernant la recherche et l’université. Dans une autre veine, l’article de Pierre-Yves Lacour sur Frédéric II de Prusse et la recherche de son temps, à paraître dans le n° 37, permet une autre forme d’estrangement, par l’histoire en l’occurrence. Nous espérons que ce nouveau projet éditorial intéressera un public divers et varié. Nous allons nous efforcer de le rendre lisible et attractif. En ces temps difficiles, un regard curieux sur ce qui a lieu ailleurs et chez nous nous semble plus que jamais nécessaire.

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Notes

1 La Revue d’histoire des sciences humaines a signé la pétition « Enseignement supérieur et recherche : appel solennel à cesser de prendre toute mesure non-urgente en période de confinement » : https://www.mesopinions.com/petition/politique/enseignement-superieur-recherche-appel-solennel-cesser/86263 (17 576 signatures au 11 juin 2020).

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Pour citer cet article

Référence papier

Wolf Feuerhahn et Olivier Orain, « Géographies académiques pour temps de crise »Revue d’histoire des sciences humaines, 36 | 2020, 5-6.

Référence électronique

Wolf Feuerhahn et Olivier Orain, « Géographies académiques pour temps de crise »Revue d’histoire des sciences humaines [En ligne], 36 | 2020, mis en ligne le 23 septembre 2020, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhsh/4516 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rhsh.4516

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Auteurs

Wolf Feuerhahn

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