Samuel Giquel, Prêtres de Bretagne au xixe siècle
Samuel Giquel, Prêtres de Bretagne au xixe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, 310 p., 24 cm, (« Histoire »), 20 €.
Texte intégral
1Ce livre propose une analyse des carrières cléricales pendant la période concordataire (1801-1905) dans les diocèses bretons de Saint-Brieuc et de Vannes, ces deux derniers étant traversés par la frontière linguistique et culturelle qui sépare la Basse-Bretagne bretonnante à l’ouest et la Haute-Bretagne à l’est, où les fidèles parlent gallo ou français. L’étude n’est pas une histoire globale du clergé concordataire des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes, car elle laisse volontairement de côté des sujets comme les relations des clercs avec leurs paroissiens ou les notables, ainsi que la vie pastorale dans les paroisses. Elle pose un nouveau regard sur le clergé en utilisant le prisme des carrières, envisagées ici comme la suite des fonctions occupées par un prêtre diocésain au cours de sa vie. Inscrite dans le cadre de l’histoire sociale du fait religieux, elle est aussi une réflexion sur une zone de contact culturel et par là une contribution à l’histoire des rapports entre le catholicisme et les cultures bretonnes.
2L’auteur qui a étudié la carrière de plus de sept mille prêtres diocésains distingue trois temps concordataires : le premier tiers du xixe siècle est marqué par le manque de prêtres et par la rapidité des promotions. Le deuxième tiers de la période concordataire se distingue par un spectaculaire blocage des carrières, en raison du nombre exceptionnel des vocations dans ces deux évêchés. Enfin, à partir des années 1860, les profils de carrière se diversifient. Les passages vers l’enseignement, les aumôneries et les départs vers les missions et les ordres religieux limitent quelque peu l’encombrement des carrières. Ces dernières varient dans le temps mais aussi dans l’espace : dans les diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes, la dimension culturelle et linguistique est déterminante. Du point de vue des carrières paroissiales, chaque évêché tend à se diviser en deux sous-diocèses, les franchissements de la limite linguistique étant exceptionnels.
3En outre, la composante urbaine est essentielle. Les prêtres citadins, grâce à leurs réseaux et leurs avantages culturels, occupent davantage que les ruraux les postes enviés, notamment dans les villes. Sur le plan social enfin, le xixe siècle apparaît comme une période d’uniformisation des profils cléricaux. Les séminaires jouent un rôle structurant croissant, la formation continue se complète et s’impose progressivement en dépit des résistances rencontrées. Dans le dernier tiers du xixe siècle, le prêtre cultivé et l’animateur d’œuvres tendent à supplanter le prêtre bon et pieux. Au final, l’un des principaux acquis de ce travail est de montrer l’absence de modèle qui régirait l’ensemble des carrières. Les itinéraires pastoraux sont divers et les voies de la distinction multiples. L’auteur reconnaît que des sujets restent non traités faute d’archives adéquates : le fonctionnement des conseils épiscopaux, les échanges entre l’administration épiscopale et son clergé au sujet des carrières. L’investissement politique et associatif des prêtres diocésains, effleuré, mériterait d’être approfondi. L’étude du patrimoine des ecclésiastiques serait aussi à réaliser pour présenter une description précise de la vie matérielle des prêtres concordataires.
4L’ouvrage est bien écrit et clair, ce qui le rend agréable à lire. L’auteur a su trouver un équilibre dans la composition de l’ouvrage entre les textes, les tableaux statistiques nombreux et les cartes. Il permet de mieux connaître la vie de deux diocèses bretons et de son personnel religieux au cours de la période concordataire. Cependant, comme l’indique l’auteur au début de son étude, contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre du livre, il ne s’agit pas d’une histoire globale du clergé breton au xixe siècle. C’est là sa limite. Un ouvrage de synthèse reprenant les études disponibles sur les prêtres diocésains pour l’ensemble des diocèses bretons, de Quimper à Nantes entre 1801 et 1905, compléterait utilement cette contribution passionnante à l’histoire sociale du fait religieux en Bretagne.
Pour citer cet article
Référence papier
Christophe Grannec, « Samuel Giquel, Prêtres de Bretagne au xixe siècle », Revue de l’histoire des religions, 2 | 2010, 272-273.
Référence électronique
Christophe Grannec, « Samuel Giquel, Prêtres de Bretagne au xixe siècle », Revue de l’histoire des religions [En ligne], 2 | 2010, mis en ligne le 26 janvier 2011, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhr/7610 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rhr.7610
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