Frédéric Gugelot, Fabrice Preyat et Cécile Vanderpelen-Diagre (dir.), La Croix et la Bannière. L’écrivain catholique en francophonie (xviie-xxie siècles)
Frédéric Gugelot, Fabrice Preyat et Cécile Vanderpelen-Diagre (dir.), La Croix et la Bannière. L’écrivain catholique en francophonie (xviie-xxie siècles), Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2007, 234 p., 24 cm (« Problèmes d’histoire des religions », 17), 25 €.
Texte intégral
1Issu d’un travail collectif de plusieurs années animé par une équipe française (Frédéric Gugelot, CEIFR/EHESS) et belge (Fabrice Preyat et Cécile Vanderpelen-Diagre, FNRS), l’ouvrage, tome XVII de la collection dirigée par Alain Dierkens, se signale par une approche comparatiste tant dans le temps (du xviie siècle à nos jours) que dans l’espace (Belgique, France, Québec, Suisse).
2Remarquable pour commencer est le fort contingent de contributions « dix-septièmistes », dues à Volker Kapp, Jacques Le Brun, Laurent Susini, F. Preyat, Philippe Martin, auxquelles il convient d’ajouter celle de Sophie Houdard. V. Kapp montre l’écart des conceptions de la res litteraria depuis le P. Bouhours, en 1670 (qui y inclut les Pères de l’Église), jusqu’à l’Anthologie de la poésie catholique de Robert Vallery-Radot, en 1916, typique d’un « catholicisme de ghetto ». S. Houdard lui fait écho par son étude sur la « catholicité littéraire », telle que l’abbé Bremond, historien du « sentiment religieux » au xviie siècle, dans cette même période du début vingtième, mais aussi acteur marginal de la crise moderniste et homme de lettres, invite à la comprendre. F. Preyat, dans la lignée précisément du livre de V. Kapp Télémaque de Fénelon. La signification d’une œuvre littéraire à la fin du siècle classique (1982), s’interroge, à partir du genre problématique, dans les années 1700, du roman, sur ce qu’il appelle ailleurs « la christianisation des mœurs et des pratiques littéraires » (dans sa thèse, 2007) et ici « la naissance de l’écrivain catholique ». P. Martin réfléchit en historien, sur le cas des livres de piété (souvent anonymes), à la catégorie d’auteur ; et J. Le Brun propose en exemple de « l’écrivain catholique », pour son époque, l’oratorien Richard Simon. L. Susini marque la distance, même l’opposition, entre des styles que cette étiquette pourrait trop commodément amalgamer : c’est-à-dire des « rhétoriques » mais aussi « deux systèmes et deux théologies », ceux de Pascal et du P. Binet.
3La rapide étude de Bruno Bernard consacrée à l’Atala de Chateaubriand, œuvre présentée comme une laïcisation peu convaincante de l’apologétique, fait la transition avec des approches plus monographiques : Barbey d’Aurevilly, figure elle aussi ambiguë du « critique catholique » (Corinne Bonafoux) ; Bremond, déjà évoqué ; André Dupeyrat, missionnaire en Papouasie, admiré par Claudel et dont Jacques Marx restitue la « sensibilité poétique » ; Augustin Viatte enfin (la toute dernière contribution, celle de Claude Hauser), chantre au Québec – mais d’origine suisse – des littératures francophones hors de France.
4Les contributions les plus ambitieuses relèvent d’une socio-histoire de la littérature, dont le projet d’« explorer l’identité de l’écrivain catholique », ou encore ses « représentations et constructions » dans l’espace-temps considéré, est explicité dans une riche introduction signée des trois coordonnateurs du volume. Exceptée l’étude de F. Preyat déjà citée, elles concernent toutes le xxe siècle. Hervé Serry reprend les thèmes de sa Naissance de l’intellectuel catholique (2004) dans un article très synthétique visant à « reconstituer les logiques sociales » qui ont accompagné la « renaissance littéraire catholique » de l’entre-deux-guerres en France : logique de l’institution (l’Église), logique de l’engagement (l’écrivain catholique), logique du « champ littéraire ». F. Gugelot s’intéresse à la « figure du prêtre », ou plutôt sa disparition, dans les romans français des dernières décennies –
il rejoint ainsi les réflexions des premiers contributeurs sur la nécessité ou non de la fiction. C. Vanderpelen-Diagre se fait l’historienne d’une « reconversion », celle des écrivains wallons de la deuxième moitié du xxe siècle, dont l’affirmation confessionnelle témoigne surtout d’un « état du champ religieux où l’institution a perdu sa légitimité régulatrice ». Par contraste, l’étude de Dorothéa Scholl sur la « littérature canadienne française » montre l’importance historique des écrivains catholiques au Québec et la permanence d’un héritage – serait-il dénié, « transformé ou travesti ». (Parmi d’autres pistes possibles, on signalera tout l’intérêt qu’il y aurait à explorer le regard du magistère sur l’activité littéraire, dans les rares occasions où il a à en juger : la grande thèse de Jean-Baptiste Amadieu sur la littérature française du xixe siècle et l’Index, encore inédite, le montre bien.)
5Enfin quelques études abordent des thèmes plus restreints : le genre du « drame musical religieux » (Béatrice Jakobs) – les œuvres de Meyerbeer, Saint-Saëns, Poulenc et Messiaen ; la traduction de la Bible dite des écrivains, parue chez Bayard en 2001 sous l’impulsion de Frédéric Boyer (Pierre Lassave, qui lui a consacré une enquête publiée dans la collection « logiques sociales » en 2005). On conclura sur celle de Corinne Valasik : « Intellectuels/écrivains catholiques en France actuellement : une désillusion ? », issue d’entretiens avec des « intellectuels catholiques laïcs » autoproclamés, voire (Philippe Sollers) « auto-défini comme catholique ». Ils y apparaissent les indicateurs d’une « crise » plus vaste, à la fois de l’institution et du langage d’appartenance à cette institution, et du « vivre ensemble », avec ce que Danièle Hervieu-Léger a diagnostiqué comme « dynamique de la personnalisation des valeurs ». En d’autres termes, sur la longue durée, la sorte de tension, constitutive de « l’écrivain catholique », entre la prétention de la littérature à l’autonomie et la revendication confessionnelle, sert à analyser les rapports de l’individu à l’institution, comme plus largement de la croyance à ses expressions et leur réception.
Pour citer cet article
Référence papier
François Trémolières, « Frédéric Gugelot, Fabrice Preyat et Cécile Vanderpelen-Diagre (dir.), La Croix et la Bannière. L’écrivain catholique en francophonie (xviie-xxie siècles) », Revue de l’histoire des religions, 2 | 2010, 266-268.
Référence électronique
François Trémolières, « Frédéric Gugelot, Fabrice Preyat et Cécile Vanderpelen-Diagre (dir.), La Croix et la Bannière. L’écrivain catholique en francophonie (xviie-xxie siècles) », Revue de l’histoire des religions [En ligne], 2 | 2010, mis en ligne le 26 janvier 2011, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhr/7602 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rhr.7602
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page