Céline Rohmer et François Vouga, Jean Baptiste, aux sources
Céline Rohmer et François Vouga, Jean Baptiste, aux sources, Genève, Labor et Fides (« Essais bibliques », 55), 2020, 106 p., 22 cm, 15 €, ISBN 978‑2-8309‑1705‑5.
Texte intégral
1Ce volume propose un parcours des quatre évangiles dans un style simple, clair, lisible, sans notes de bas de page, sans bibliographie ni mots grecs au détour des phrases. On découvre ainsi de chapitre en chapitre comment établir un portrait de Jean Baptiste à partir des évangiles canoniques et de l’historien juif Flavius Josèphe. Dès les premiers versets, l’évangile de Marc met en scène un Baptiste qui annonce dans le désert un « baptême de changement » dont la finalité vise à préparer la venue de celui qui est plus fort que lui. En accolant la figure ancienne d’Élie à celui qui baptise Jésus, Marc présente la tragédie de l’assassinat du Baptiste comme signe annonciateur de la violence qui va aussi pousser Jésus jusqu’à la croix. Le bref portrait d’un maître philosophe tracé par Flavius Josèphe (Antiquités juives, XVIII, 116‑119) souligne le contenu moral des exhortations du Baptiste et la peur d’Hérode de voir le peuple se soulever contre lui. Pour le Baptiste, la purification du corps devait s’accompagner d’une purification de l’âme par la pratique de la justice. Matthieu hérite ensuite du portrait de Marc pour le retravailler selon ses propres préoccupations : le Baptiste appartient nettement à un monde ancien et montre la supériorité du baptême des disciples de Jésus. Sa mort tragique annonce la Passion du Christ sous l’autorité d’un pouvoir assassin. La préoccupation historique de Luc se manifeste dans le double ouvrage de l’évangile et des Actes des Apôtres ; dès les récits d’enfance, Luc déroule ainsi une succession des temps caractérisée par rupture et continuité. Jean a beau être le dernier des prophètes, son baptême prépare à la conversion et à la réception de l’Esprit de Pentecôte. Dans l’évangile de Jean, la rupture entre Jean et Jésus est encore plus flagrante. Jean n’est plus Élie ou un prophète, il n’est que le témoin du baptême de Jésus. L’évangéliste, plutôt poète, présente le Baptiste comme la voix qui rend témoignage au Christ, une sorte de premier apôtre d’une communauté qui se construit sur un témoignage de foi. Un dernier chapitre récapitule l’ensemble des résultats et propose ce qu’on peut tirer historiquement des propos évangéliques sur le Baptiste. En résumé, cet essai biblique balise avec une grande clarté les enjeux historiques et théologiques de chacun des évangiles canoniques.
2Une question se pose pourtant à propos du contenu précis du baptême annoncé par Jean. Même si une lecture christiano-centrée souligne, comme souvent dans l’exégèse néotestamentaire, l’opposition entre le baptême de Jean et le baptême d’Esprit des disciples de Jésus, rien n’est dit ici de ce que représente pour Jean un « baptême d’Esprit » ou un « baptême de feu », indépendamment de ce qu’en pensent les évangélistes. On aurait attendu quelques pages sur le contexte juif des pratiques des bains rituels, et particulièrement sur ce qu’on pourrait tirer des textes de Qumran à ce propos (cf. en particulier le Rouleau de la Règle, III et VI). Cette sorte d’angle mort appelle un autre questionnement sur l’usage des textes apocryphes dont il est dit dès l’introduction qu’ils n’apportent rien pour la recherche des évangiles (p. 14). Il est sans doute difficile d’établir, comme pour chaque évangile, un portrait du Baptiste dans toute la littérature apocryphe – ce serait l’objet d’un autre ouvrage. Mais c’est passer sous silence les nombreuses allusions au Baptiste dans les textes apocryphes (voir surtout la littérature pseudo-clémentine) et même un pan de la ritualité baptiste qui a existé pendant plusieurs siècles, y compris avec les baptistes mandéens et leur littérature. On aurait tort de croire que la figure de Jean Baptiste s’estompe en milieu chrétien même avec la mise en place d’un christianisme devenu religion d’État. Il suffit de renvoyer, par exemple, aux travaux qui présentent la figure du Baptiste dans l’homilétique copte d’Égypte (cf. le catalogue dressé par Walter Till, « Johannes der Täufer in der koptischen Literatur », Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts Abteilung Kairo, 16, 1958, p. 310‑332 ; et Georg Steindorff, « Gesios und Isidoros », Zeitschrift für Ägyptische Sprache und Altertumskunde, 1883, 4, p. 137‑158 ; Arnold van Lantschoot, « Fragments coptes d’un panégyrique de S. Jean-Baptiste », Le Muséon, 44, 1931, p. 235‑254).
Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Daniel Dubois, « Céline Rohmer et François Vouga, Jean Baptiste, aux sources », Revue de l’histoire des religions, 1 | 2023, 141-143.
Référence électronique
Jean-Daniel Dubois, « Céline Rohmer et François Vouga, Jean Baptiste, aux sources », Revue de l’histoire des religions [En ligne], 1 | 2023, mis en ligne le 20 mars 2023, consulté le 18 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhr/12300 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rhr.12300
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