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Présentation générale

Francis Goyet et Christine Noille

Texte intégral

1Cette nouvelle revue a comme objectif de mettre l’accent sur la rhétorique pratique, et par là même plus sûrement théorique. Voilà qui ne va pas de soi : reprenons donc méthodiquement.

2Nous avons tous un beau matin fait cette expérience : nous nous mettons à notre bureau, nous retrouvons le texte sur lequel nous étions en train de travailler — mettons un texte bref, Le Loup et l’Agneau, mais ce pourrait être aussi bien un texte long : les Essais de Montaigne… , avec le projet ferme d’en faire une analyse rhétorique un peu serrée, un peu sérieuse. Histoire de voir à quoi ressemble la mécanique du texte, histoire de s’appuyer solidement sur quelques éléments de description avant d’enchaîner, qui sur une interprétation, qui sur une contextualisation, peu importe. Oui, mais voilà, un vertige soudain nous suspend : par où commencer ?

3La rhétorique commence précisément là, dans l’apprentissage de ce que la lecture peut faire au texte : des gestes, des repérages, des hypothèses, des manipulations, toute une pratique informée du découpage, de l’identification, de la modélisation, qui va du détail à l’ensemble, des figures de mots aux ressorts argumentatifs, des parties aux genres, des dispositifs à leurs effets, de ce que le texte dit à ce qu’il fait, à ce qu’il nous fait. Autrefois on appelait cela une technique, un art : un art du discours qui est d’abord un art de lire, tout autant qu’un art de dire, un art de décrire tout autant qu’un art de composer.

4Ou pour le dire autrement, la rhétorique est à coup sûr une théorie, un système complexe de concepts pour nous aider à penser par exemple la discursivité, l’argumentation, les figures, la cohérence…, mais elle n’a pas vocation à en rester là : le but est toujours d’en arriver à une meilleure connaissance de l’objet en situation, autrement dit des textes. Et la force (l’empire) de la rhétorique est bien d’avoir réussi à se doter d’un outillage redoutable, d’un ensemble de protocoles parfaitement opératoires pour construire méthodiquement une intelligibilité des textes, une description de leur forme, de leur dynamique, de leur efficacité.

5La nouvelle idée de la lecture rhétorique qui émerge alors a assurément à voir avec des routines d’application et de mise en œuvre. Mais il faut parfois se méfier des métaphores : les routines sont constamment révisables et le mécanique passe par les aléas de l’entraînement en série. La première chose dont le rhétoricien fait l’expérience, c’est le défi technique qu’il y a à s’approprier les outils de la rhétorique, c’est l’épreuve constante de leur malléabilité et de leur labilité. Car il n’y a d’outils qu’en esprit : dans la réalité, il y a des hypothèses d’analyse, des propositions de description, des tests d’utilisation et des reformulations. Parce qu’elle est d’emblée, fondamentalement, technique, la rhétorique est une pensée vive, une pratique de la théorisation par et dans les exemples.

6Les musiciens s’entraînent avec leurs gammes et leurs morceaux ; les médecins s’instruisent par la clinique : les rhétoriciens, eux, n’ont plus l’équivalent. La revue Exercices de Rhétorique reprend donc à son compte la conviction des anciens pédagogues de la discipline. La seule lecture des traités et des doctrines ne saurait suffire ; l’analyse des discours en est un complément indispensable, et elle peut, à la limite, dispenser des traités. Autrement dit, soyons moins contemplatifs, et plus opératoires ; moins byzantins, et plus virtuoses. Osons une rhétorique qui assume sa vocation expérimentale.

7La revue accueille tous travaux et documents qui éclairent la pratique même de la rhétorique, en s’appliquant à l’analyse des discours complets et plus généralement à la composition des textes, antiques ou modernes, historiques ou fictifs. Un des corpus d’appui sera le vaste ensemble des commentaires européens à usage de la classe de rhétorique qu’a mis à jour l’équipe de recherche RARE (Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution) et dont elle a entrepris l’archéologie raisonnée. Mais ce corpus ancien n’est ni exclusif ni limitatif. La revue a vocation à intégrer et à susciter toutes les pratiques d’analyse, de tous les territoires de la rhétorique.

8Pour ce faire, la revue s’articulera autour de plusieurs sections. Les lectures rhétoriques seront rassemblées dans un « Dossier » thématique ; les réflexions en cours sur l’application technique des notions rhétoriques trouveront place dans l’« Atelier ». Aussi souvent que possible, seront proposés dans la section « Documents » des textes dont l’intérêt rhétorique pratique est fort, et dans la section « Analyse d’un discours » des entreprises de critique rhétorique systématique menées sur un texte long.

9Mais quelle que soit l’entrée, l’intérêt encore une fois est clairement actuel : il s’agit de nous situer nous-mêmes face à notre propre pratique des textes et de nous approprier, dans notre monde de concepts et de théories, des questionnements et des gestes, des raisonnements et des hypothèses de travail qui ont à voir avec de l’analyse rhétorique. Autant dire que la revue fait complètement sien l’appel qu’a lancé en 1995 un rhétoricien moderne, Michel Charles, quand il écrit : « Il va falloir maintenant assumer la nécessaire reformulation des quelques instruments entr’aperçus et passer d’une réflexion sur la méthode à sa mise en œuvre dans une pratique d’analyse. Si la méthode est un corps de règles définissant des procédures, la question déjà posée revient avec plus d’urgence : et maintenant, que fait-on ? »

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Pour citer cet article

Référence électronique

Francis Goyet et Christine Noille, « Présentation générale »Exercices de rhétorique [En ligne], 1 | 2013, mis en ligne le 17 septembre 2013, consulté le 05 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhetorique/87 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rhetorique.87

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Auteurs

Francis Goyet

Univ. Grenoble-Alpes, RARE – Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution

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Christine Noille

Univ. Grenoble-Alpes, RARE – Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution

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Droits d’auteur

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