Sambre, question de genre, ou migration des concepts
Résumés
Comment des concepts élaborés dans le cadre d’une culture militante féministe passent-ils dans le grand public ? À partir de l’exemple du livre d’Alice Géraud Sambre, et de la série télévisée du même nom réalisée par Jean-Xavier de Lestrade, on peut s’interroger sur les conditions qui permettent une telle migration d’un environnement culturel à un autre. L’examen de la posture professionnelle des deux auteurs permet de constater, en premier lieu, que la popularisation des concepts de culture du viol, de patriarcat et de domination systémique fait explicitement partie de leur projet. Leur expérience et leur éthique professionnelle leur donnent les moyens de réaliser une œuvre au propos clair. En revanche, les aléas de la réception amènent à s’interroger sur l’efficacité de la démarche. Il ne s’agit là que d’une étude de cas mais elle permet d’interroger la question de l’efficacité de certaines œuvres dans un contexte de changement culturel.
Entrées d’index
Haut de pagePlan
Haut de pageTexte intégral
- 1 Sambre est une mini-série de six épisodes, réalisée par Jean-Xavier de Lestrade, diffusée à partir (...)
- 2 Marion Olité, « Pourquoi Sambre est une série importante sur les violences sexistes et sexuelle », (...)
- 3 Alice Géraud, Sambre, Radioscopie d’un fait divers, Paris, Éditions JC Lattès, rééd. Livre de poche (...)
- 4 Voir Susan Brownmiller, Against our Will, Men, Women and Rape, Penguin Books, 1976, 471 p. Georges (...)
1Qu’est-ce qui fait d’une série, ou d’un livre, un évènement ? Peut-on associer des œuvres à des tournants culturels dont ils seraient les marqueurs ou les agents ? La série télévisée Sambre, réalisée par Jean-Xavier de Lestrade et diffusée en novembre 2023 en Belgique et en France, fait partie de ces productions qui sont présentées, à leur sortie, comme marquant leur époque1. Soulignant son succès d’audience, le magazine féministe Madmoizelle écrit que, sur la thématique des femmes victimes de viols et qu’on ne croit pas, « la France manquait d’une œuvre de référence. C’est chose faite avec Sambre, une série juste et puissante qui vous hante longtemps après son visionnage et qui, on l’espère, ouvrira la voie à une meilleure représentation sur les écrans français des violences sexistes et sexuelles faites aux femme »2. La série s’inspire d’un livre intitulé Sambre : radiosocopie d’un fait divers, de la journaliste Alice Géraud et sorti en 20233. On peut faire l’hypothèse que le livre comme l’œuvre télévisuelle qui en est tirée arrivent à un moment particulier d’évolution de la société française où il est désirable d’inscrire dans la culture commune des concepts issus du monde restreint de la recherche académique ou des engagements militants tels que culture du viol, patriarcat ou domination systémique. C’est l’étude de ce moment particulier où on voit, en quelque sorte, des mots et des idées opérer une migration dans le champ culturel qui sera proposée ici. L’identification de la position professionnelle et des choix éthiques des auteurs du livre et de la série, tout comme l’analyse des choix d’écriture qui ont gouverné leur travail, devraient permettre de comprendre comment une œuvre devient le vecteur de cette migration, ou du moins comment elle se présente comme telle. Une analyse du contexte permet en effet de s’interroger sur l’originalité de la série Sambre. L’œuvre, qui s’affirme comme militante et nécessaire, s’inscrit dans un contexte qui incite à relativiser les choses. Lorsque sort la série, la notion de culture du viol4 est loin d’être absente de la sphère médiatique, particulièrement dans les nouveaux supports des médias numériques (blogs, fanzines). Son originalité tiendrait donc plus à sa forme, la fiction documentaire, et à son vecteur de diffusion, des chaines publiques de grande écoute, qu’à son propos.
Le mouvement féministe, le viol et la culture académique
- 5 Georges Vigarello, Histoire du viol, XVe-XXe siècle, Paris, Seuil, 1998.
- 6 Pauline Delage, « Année zéro. Histoire croisée de la lutte contre le viol en France et aux Etats-Un (...)
- 7 Véronique Nahoum-Grappe, « #Metoo : Je, Elle, Nous », Esprit, mai 2018 https://esprit.presse.fr/art (...)
2Entre 1970 et 2023, la façon dont le viol est considéré en France évolue profondément, tant dans son traitement juridique que dans la manière dont sont traitées les victimes5. Les luttes féministes des années 1970, aux États-Unis et en Europe6, ont, en effet, conduit à des prises de conscience successives qui culminent dans le mouvement #MeToo en 2018, au moment où est prise la décision de faire la série qui nous intéresse7. Ce mouvement international est l’occasion, pour certains médias, de faire partager au grand public des concepts qui n’étaient pas sortis d’un certain entre-soi militant. En parallèle des luttes menées sur le terrain du droit et des institutions, la réflexion académique et militante féministe a, en effet, élaboré, au cours des cinquante dernières années, des concepts ou des représentations permettant de rendre compte des formes de domination qui affectent les femmes dans toutes les sociétés patriarcales.
- 8 Susan Brownmiller, Against our Will: Men, Women and Rape, New York, Simon & Schuster, 1975.
- 9 Traduction : « Un processus conscient d’intimidation par lequel tous les hommes maintiennent toutes (...)
- 10 Pauline Delage, « Après l’année zéro… », art. cité.
3Le concept sociologique de « culture du viol » désigne un ensemble d’attitudes et de comportements qui normalisent le viol, voire l’encouragent. On peut faire remonter son origine à l’ouvrage de Susan Brownmiller Against Our Will : Men, Women and Rape, publié aux États-Unis en 1975 et repris l’année suivante en Grande-Bretagne chez Penguin Books, dans une collection de titres de sociologie et d’anthropologie destinée au grand public8. Sur la couverture de cette édition, le titre complet explicite la volonté de l’autrice d’aborder la question du viol comme un système. Se détachent, en effet, en lettres rouges sur fond noir, les mots « …a conscious process of intimidation by which all men keep all women in a state of fear9 ». Cette publication ouvre la voie à toute une série de travaux académiques, militants, ou les deux, sur le viol qui traversent l’Atlantique10.
- 11 Nathalie Bajos, Michel Bozon et l’équipe CSF, « Les violences sexuelles en France, quand la parole (...)
- 12 Véronique Le Goaziou, « Les viols en justice : une (in)justice de classe ? », Nouvelles Questions F (...)
4Au cours des trois décennies suivantes, une prise de conscience s’opère dans la société française de la réalité du viol comme phénomène de société. Pour la première fois on cherche à en mesurer la prévalence à travers des enquêtes sociologiques méthodiques. Une grande enquête sur les violences faites aux femmes (Enveff), réalisée en 2000 avec le soutien du Secrétariat aux droits des femmes, permet ainsi de définir des points de méthode et de prendre une première mesure de l’ampleur de ces violences. Six ans plus tard, une autre recherche montre qu’environ 16 % des femmes et 5 % des hommes déclarent avoir été victimes de violences sexuelles dans leur vie11. Ce chiffre, en augmentation par rapport à l’enquête précédente, témoigne d’une plus grande propension des personnes interrogées à se confier dans le cadre d’une enquête scientifique, le seuil de tolérance de la société s’étant abaissé vis-à-vis de ces agressions. La sociologue Véronique Le Goaziou conclut que ces enquêtes valident les intuitions des théories féministes des années 1970 : les violeurs sont issus de tous les milieux sociaux et font majoritairement partie de l’entourage immédiat des victimes12.
- 13 Tony Gheeraert, « Les contes de fées littéraires classiques, une “culture du viol” ? (1) Marginalit (...)
- 14 Laura Delcamp, « La culture du viol dans le cinéma aux États-Unis », Institut du genre en géopoliti (...)
- 15 Anne Martine Parent, « “So many different types of sexual assault”. Violences sexuelles et consente (...)
- 16 Patricia Paulson, Rape Culture in Disney Animated Princess Movies, master en Social and Behavioral (...)
- 17 Anne Martine Parent, « “So many different types of sexual assault…”. art. cité, paragraphe 3.
5Dans le même temps, des travaux académiques s’intéressent à la façon dont le viol est représenté dans les fictions qui forment la trame de la culture commune. Les représentations du non-consentement et, plus généralement, de la domination masculine, portées par les contes de fées (Blanche-Neige, Cendrillon) qui s’adressent à l’enfance, sont ainsi mises en évidence13. Sur la question du viol, le cinéma14, les séries télévisées15, et les autres productions des industries numériques16 sont successivement interrogées au regard d’une exigence féministe. Ces travaux permettent de marquer un tournant qui voit des séries télévisées se faire le vecteur de la dénonciation du viol. Anne Martine Parent considère la série britannique I May Destroy You, sortie en 2020, comme un tournant où « dans les séries télévisées contemporaines abordant le sujet des violences sexuelles et du consentement, s’opère une dénonciation de la culture du viol qui s’accompagne d’une sensibilisation à ce qui constitue une agression à caractère sexuel »17. Elle écrit : « En me basant sur la distinction entre female gaze et male gaze, je ferai ressortir la différence entre une représentation esthétisante du viol, relevant du divertissement, et une représentation qui se situe du côté des victimes et cherche à mettre en lumière la nature traumatique des agressions sexuelles ».
- 18 Hélène Breda, « De la réception engagée à l’engagement militant : l’exemple des “fanarts féministes (...)
6Les études de genre développent, parallèlement, une approche nuancée de tout ce qui touche à la réception. De nombreuses études de cas explorent les notions d’influence, de représentation, d’appropriation et introduisent de la complexité dans le rapport entre le propos d’une œuvre et la façon dont elle est reçue et appropriée par ses lecteurs/spectateurs. S’interrogeant sur les « fanarts » féministes des princesses Disney, Hélène Breda écrit ainsi : « Face à une représentation insuffisante ou inadéquate de certaines identités culturelles dans les œuvres d’origine, les publics concernés, loin de les rejeter en bloc, peuvent opérer des lectures négociées ou oppositionnelles »18.
- 19 Pop Modèles est un projet d’éducation aux médias, porté par Média Animation, une association sans b (...)
- 20 Marlène Schiappa, Où sont les violeurs ? Essai sur la culture du viol, Paris, Éditions de l’Aube, 2 (...)
7Cette lecture critique des productions de l’industrie culturelle a comme arrière-plan un mouvement féministe global qui élabore des concepts tels que patriarcat, male – and female – gaze, culture du viol ou domination systémique. Ces notions, mobilisées très tôt par la recherche académique, pénètrent assez rapidement certains médias destinés à des publics spécifiques qui ne sont ni entièrement académiques, ni entièrement militants mais qui intègrent les codes de ces deux milieux. On prendra comme exemple un article intitulé « La culture du viol, c’est pas de la fiction », disponible en 2024 sur le blog Pop modèles, souhaitant « questionner les stéréotypes et les représentations dans la culture médiatique populaire »19. Les expertes et experts qui conseillent les rédacteurs et rédactrices appartiennent au milieu académique belge. La notion de culture du viol fait partie de ces concepts élaborés dans le cadre de recherches académiques et militantes et peu à peu diffusées à des publics divers. Elle acquiert, en France, une popularité inédite, à l’occasion de la vague mondiale du mouvement #MeeToo et de la parution de l’essai de Marlène Schiappa, Où sont les violeurs ? Essai sur la culture du viol, paru en 201720.
8Par ailleurs, au début du XXIe siècle, le regard collectif accorde un intérêt tout nouveau aux victimes. Dans le cas particulier du viol, l’attention portée à ces dernières se substitue lentement à la focalisation sur la figure du criminel déviant, en particulier en cas de crime sériel. Cette posture d’attention portée aux victimes est, peu à peu, intégrée dans la culture professionnelle de la Justice et des services de maintien de l’ordre, police et gendarmerie.
9En cinquante ans, les notions de culture du viol et de domination systémique, ainsi que la priorisation des victimes, sont donc sorties du ghetto des publications féministes académiques ou activistes et se sont, très inégalement, répandues dans la pratique des institutions, via notamment l’évolution de la culture professionnelle des avocats et avocates et des juges, du moins dans les nouvelles générations.
Sambre : un regard nouveau
- 21 Ce nombre représente celui des viols retenus par la Justice. Le nombre réel est certainement plus é (...)
10C’est dans ce contexte qu’apparaissent, en 2023, un livre et une série télévisée consacrés à une série de trente-cinq viols perpétrés par un même auteur, entre 1988 et 2018, dans la vallée de la Sambre, à la frontière entre la France et la Belgique21. Alice Géraud, journaliste, publie Sambre : radioscopie d’un fait divers, à l’automne 2023. Elle participe ensuite, comme co-scénariste avec Marc Herpoux, à la réalisation de la série télévisée éponyme réalisée par François de Lestrade.
- 22 Interview de Jean-Xavier de Lestrade par Laure Bedonnet, 20 minutes, 12 novembre 2023.
11Ce qui interroge les auteurs du livre et de la série, c’est l’effet de système qui a fait que durant trente ans l’auteur de ces crimes, qui n’a jamais quitté la vallée de la Sambre, a pu demeurer impuni. Xavier de Lestrade explique ainsi, à propos de deux de ses documentaires de société : « Laetitia [Perrais, assassinée en 2011] et Sambre dépassent largement le cadre du fait-divers. Ce sont des faits de société. L’histoire de Sambre permettait de raconter l’histoire de trente ans de non-prise en charge des violences sexuelles »22. Leur écriture, qui, pour la série, associe les techniques du documentaire et de la fiction, se présente comme un outil d’analyse sociologique et historique en même temps qu’un appel à une prise de conscience. Tant le livre que la série peuvent, en effet, être replacées dans l’évolution des sensibilités, évoquée plus haut, sur la question du viol.
- 23 On notera un dispositif semblable dans la série britannique The Long Shadow, consacrée à « l’Éventr (...)
12Décentrant le regard, Alice Géraud s’intéresse non à la personnalité monstrueuse du violeur en série, mais à chacune de ses victimes, auxquelles son patient travail d’investigation et d’entretiens redonne, l’une après l’autre une identité, et auxquelles elle témoigne un respect dont elles n’avaient jamais bénéficié. Jean-Xavier de Lestrade, réalisateur de la série télévisée, opère à son tour un pas de côté. En concentrant, de façon plus méthodique encore que dans le livre d’Alice Géraud, les six épisodes de sa fiction documentaire sur les failles du système policier, judiciaire et politique qui ont permis au violeur d’échapper pendant trente ans aux recherches, il veut donner une forme télévisuelle, dans une œuvre destinée au grand public, au concept abstrait et parfois controversé, de domination systémique. Alice Géraud et lui-même se donnent pour objectif de contribuer ainsi à faire entrer la réflexion critique issue de cinquante ans de militantisme féministe dans la culture populaire, tout en accompagnant l’évolution de la sensibilité collective vers plus de considération pour les victimes23.
13On verra, dans les pages suivantes, dans quel contexte professionnel s’inscrivent les auteurs du livre et de la série et comment ils se sont forgé une éthique professionnelle qui donne aux auteurs de Sambre, le livre comme le film, une véritable légitimité. On regardera ensuite comment les concepts de culture du viol, de patriarcat et de domination systémique des femmes parviennent à être traduits dans les formes narratives propres à un livre ou une série télévisuelle. Enfin, dans une troisième partie, on s’intéressera à certaines caractéristiques de la réception : les médias qui font l’interface entre les intentions des auteurs et les lecteurs ou spectateurs obéissent, en effet, à des logiques qui peuvent déjouer le cadre de réception prévu par les auteurs.
Sambre, du livre à la série, des auteurs engagés
14Alice Géraud et Jean-Xavier de Lestrade, sont, chacun dans leur domaine, des experts qui allient à une solide expérience de l’écriture une familiarité avec l’univers du fait-divers et une conscience aiguë des enjeux éthiques des sujets qu’ils abordent.
Alice Géraud, l’honneur retrouvé des victimes
- 24 Christine Chevret, « Le traitement du fait divers par la presse comme miroir des mutations de l’esp (...)
- 25 Alice Géraud, Sambre : radioscopie d’un fait divers, op. cité, p. 16.
- 26 Ibid., p. 17
15Le livre d’Alice Géraud Sambre : radioscopie d’un fait divers, est d’abord publié aux Éditions Lattès en 2023, l’année du procès de Dino Scala, le « violeur de la Sambre », puis réédité en livre de poche, au moment de la sortie de la série télévisée. Son autrice possède, au moment où elle commence son enquête, une solide expérience professionnelle du traitement des faits divers. Elle a été journaliste au quotidien Libération, qui fut, en son temps, pionnier dans le renouvellement du regard journalistique sur ces derniers24. En 2018, elle est, comme elle l’explique à ses lecteurs, journaliste au média en ligne Les Jours, qui raconte l’actualité sous forme de séries25. Lorsqu’elle se rend dans la vallée de la Sambre au mois de juin 2018, cinq mois après l’arrestation, elle cherche un point de vue par lequel aborder l’affaire et décide, écrit-elle, « d’envisager l’étude de ce fait divers par son envers. Laisser de côté le côté criminel pour [s]’intéresser à ses victimes »26.
- 27 Ibid., p. 1
16Dans le chapitre « À l’origine », la journaliste précise sa démarche. Elle va, avant d’aller rencontrer les victimes pour de longs entretiens, consulter les minutes des procès et effectuer des recherches dans les archives des commissariats locaux et des gendarmeries : « Une centaine de dépôt de plaintes prises dans une poignée de commissariats et quelque gendarmeries contigus, … cela raconte beaucoup du traitement des victimes d’agressions sexuelles et de viols ces trente dernières années. Le sort réservé à ces femmes sera l’objet de ce livre27. »
Jean-Xavier de Lestrade, puissance de la fiction documentaire
- 28 Ana Vinuela, Jean-Xavier de Lestrade, « Retour sur The Staircase : la caméra peut-elle saisir la vé (...)
- 29 Jean-Xavier de Lestrade, La Justice des Hommes, écrit par Thierry-Vincent de Lestrade et Jean-Xavie (...)
- 30 Jean-Xavier de Lestrade, Un coupable idéal/ Murder on a Sunday Morning, France et États-Unis, 2023, (...)
- 31 Aline Chassagne, « Jean-Xavier de Lestrade, Soupçons, La dernière chance (The staircase) », Lecture (...)
- 32 Xavier de Lestrade, Parcours meurtrier d’une mère ordinaire : l’affaire Courjault, France, 2009, 10 (...)
17Jean-Xavier de Lestrade, lorsqu’il entreprend la production de Sambre, est déjà un vieux routier du documentaire. What’up Films, la société qu’il a fondée avec ses associés, s’en est fait une spécialité. Des études de droit l’ont conduit à s’intéresser aux coulisses ou aux dysfonctionnements de la justice mais aussi à la façon dont, en droit, émergent de nouveaux concepts28. Ainsi le documentaire La Justice des Hommes (2000) est-il consacré aux juges qui, au Rwanda, devaient élaborer de nouveaux concepts et procédures pour juger les auteurs du génocide29. Ce film obtient le prix Albert-Londres. En 2001, Xavier de Lestrade suit, aux États-Unis, le procès d’un jeune garçon africain-américain, accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Il reçoit pour cela en 2002 l’oscar du meilleur documentaire30. La série documentaire Soupçons, lancée en 2004, est, elle, centrée sur la notion de doute raisonnable31. En 2009, il réalise un film consacré à Véronique Coujault, meurtrière de ses enfants, et popularise la notion de déni de grossesse comme pathologie32.
- 33 Laëtitia est une mini-série de six épisodes de 45 mn, diffusée en septembre 2020 sur France2.
- 34 Ivan Jablonka, Laëtitia Ou la Fin des hommes, Paris, Seuil, 2016.
- 35 Norine Raja, « Laëtitia ou l’art de traiter du fait-divers à la télévision », [entretien avec Jean- (...)
18Jean-Xavier de Lestrade se tourne vers la fiction documentaire à l’occasion de Laëtitia, consacrée au viol et à l’assassinat, en 2011, de Laëtitia Perrais, élève de lycée professionnel en stage dans un restaurant du pays nantais33. L’analyse méticuleuse des faits de société qui ont mené, comme inéluctablement, la jeune femme à sa mort, a auparavant été faite dans l’ouvrage de l’historien Ivan Jablonka34. Dans Laëtitia, Jean-Xavier de Lestrade associe à un intérêt pour les ratés ou les ambiguïtés du système judiciaire le souci de mettre en évidence le sort de la victime. Laëtitia est une jeune femme dont la destinée tragique n’intéresse ni les pouvoirs ni les institutions. Elle est, en quelque sorte, invisibilisée, « proie, dit-il, de la société patriarcale, sans cesse trahie ou abusée par les figures masculines auxquelles elle accorde sa confiance35 ».
19Cette évolution dans la filmographie de Jean-Xavier de Lestrade vers des productions consacrées à l’histoire de femmes violentées et méprisées par les institutions éclaire la façon dont il aborde l’histoire des viols perpétrés dans la vallée de la Sambre. Il va, lui aussi, s’intéresser non pas au criminel mais à la société qui l’entoure et qui a rendu possible vingt ans de crimes impunis.
Culture du viol et domination systémique : populariser des concepts difficiles
- 36 Ludovic Galtier-Loret, « Audiences. Quel bilan pour Sambre, la mini-série évènement de France 2 … » (...)
- 37 Claire Courbet, « Plus de cinq millions de vues pour la plate-forme, nouveau record pour la série " (...)
20Le temps écoulé entre l’arrestation du coupable des viols de la Sambre, en février 2018, la sortie du livre d’Alice Géraud et la diffusion de la série sur une chaine publique française est assez court : six ans. Le livre reçoit un certain succès de librairie puisqu’il est réédité en format de poche. La série connait une audience très honorable. En France, en moyenne, 3,33 millions de téléspectateurs ont ainsi regardé les derniers épisodes. Cela représente 18,4 % du public et 5,5 % des femmes responsables des achats âgées de moins de 50 ans (FRDA-50)36. L’épisode final, le dénouement, réalise les meilleures parts d’audience sur l’ensemble du public (20,5 %) et sur la cible des FRDA-50 (6,1 %). Cela fera plus de cinq millions de vues sur la plateforme de France Télévisions37. Est-ce parce que le sujet correspond, en quelque sorte à « l’air du temps » ? Interrogée sur la question, Alice Géraud fera le lien avec ce qu’on appelle alors la vague #MeToo ou plutôt avec ce qu’elle considère comme « le reflux réactionnaire » qui, à ses yeux, se produit dans beaucoup de médias, comme un geste de protection destinée à limiter la prise de conscience collective.
- 38 Benoît Darragon, « Audiences TV », Le Parisien, 23 novembre 2023.
21Livre et série seraient alors nécessaires pour soutenir un point de vue. Tout se passe comme si ces œuvres venaient, à ce moment précis, couronner une longue évolution des sensibilités et des mœurs, et qu’elles trouvaient alors leur juste place dans un récit collectif en jouant un rôle particulier du fait même de leur nature. On peut considérer, en effet, que la fiction télévisée catalyse les représentations, leur donne une forme et sert d’exutoire aux émotions. Elle propose aussi au spectateur une mise en forme de son expérience. Peut-être Sambre vient-il à point pour offrir aux lecteurs du livre puis aux spectateurs de la série une façon de penser leur vie. À cet égard, il n’est pas sans intérêt de noter que, à en croire les études d’audience, les femmes – et les hommes – qui ont le plus suivi la série Sambre sont celles et ceux qui ont connu les années 1980 et donc vécu à l’époque où opérait Dino Scala38.
22Qu’est-ce qui, dans le livre d’Alice Géraud et dans la série de Jean-Xavier de Lestrade, fait écho aux souvenirs et aux émotions de cette génération ?
Une lente prise de conscience
- 39 Alice Géraud, Sambre, op. cit., p. 7 : « Comment cet homme [Dino Scala] a-t-il pu agresser et viole (...)
- 40 Séverine Liartard, « Comment le viol est devenu un crime », L’Histoire, 470, avril 2020, n.p.
23Le livre d’Alice Géraud l’affirme d’emblée : ce qu’elle veut mettre en lumière, c’est la façon dont les jeunes filles et les femmes de la vallée de la Sambre ont été victimes d’une culture du viol qui était endémique au tournant du XXIe siècle39. Le premier viol répertorié de Dino Scala a lieu en 1988. Entre cette date et 2018, moment de son arrestation, une évolution se produit en France au niveau national dans la façon dont la société et les institutions abordent le viol. Au niveau de la définition juridique de l’acte d’abord. Depuis la loi de 1980, acquise à l’issue d’un mouvement militant (procès de Bobigny, plaidoyer de Gisèle Halimi), la loi redéfinit le viol comme un crime. La loi de 1992 pénalise le viol entre époux. La modification du code pénal, voulue par Robert Badinter et qui met enfin en lumière les crimes contre la personne, évacue les notions d’attentat à la pudeur et autres formules qui renvoyaient à un comportement attendu des femmes dans l’espace public. La loi de 2018, enfin, modifie une nouvelle fois la définition du viol et allonge à trente ans la prescription40.
- 41 Véronique Le Goaziou, « Les viols aux assises : regard sur un mouvement de judiciarisation », Archi (...)
- 42 « Violences sexuelles. Un nombre encore en hausse en 2023 », Vie publique, 8 mars 2024. La hausse s (...)
24Dans ce même laps de temps, les statistiques des services de police et de la gendarmerie montrent une forte multiplication des plaintes pour viol (ou tentative de viol) en l’espace de 40 ans, signe du fait que ces agressions sont plus ouvertement vécues comme intolérables et, peut-être, indice d’une confiance accrue des victimes dans le système policier et judicaire. Ainsi, « dans les années 1970, autour de 1 500 viols sont constatés par les services de police et gendarmerie alors que l’on dépasse la barre des 10 000 au début des années 2000. La même augmentation s’observe à partir des statistiques judiciaires : les affaires de viols enregistrées par les parquets des tribunaux n’ont cessé de croître de 2003 à 2008 »41. En 2023, 84 000 faits de violences sexuelles (hors cadre familial) sont signalés aux autorités42.
- 43 Séverine Liatard, « Comment le viol est devenu un crime », L’Histoire, avril 2020.
25Mais la façon dont le viol est culturellement abordé ne progresse que très lentement. Dans la revue destinée au grand public L’Histoire, la productrice de documentaires radiophoniques Séverine Liatard explique, en 2020, « comment le viol est devenu un crime ». Elle rappelle qu’il s’est longtemps agi du seul acte criminel dans laquelle la victime se sentait systématiquement coupable. Au début du XXIe siècle, les délais d’instruction sont encore longs, en moyenne quatre ans ; une plainte sur dix, seulement, finit aux assises. En 2020, près de la moitié des Français interrogés estiment que si la victime a eu une attitude provocante en public la responsabilité du violeur peut être atténuée : « Il existe, explique-t-elle, une “culture du viol”, entendue comme l’ensemble des représentations genrées de la sexualité permettant et encourageant les violences sexuelles »43.
Alice Géraud et la domination masculine
26Le livre d’Alice Géraud témoigne de la persistance de ces conceptions archaïques dans la société du Val de Sambre entre 1988 et 2020 – à travers la façon dont les victimes sont mal accueillies par les institutions et inégalement soutenues par leur entourage.
- 44 Alice Géraud, Sambre…, op. cit, p. 50.
27Sambre : radioscopie d’un fait divers, en effet, est une très longue suite d’entretiens avec les victimes, qui racontent leur expérience. L’accumulation des témoignages produit un effet obsessionnel et glaçant. Leur croisement avec les archives révèle que la vérité des faits a été très fréquemment sous-évaluée, minimisée, voire purement et simplement passée sous silence par l’institution policière. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, le désintérêt structurel de la police locale est-il explicité dans le chapitre intitulé « Le commissariat ». La jeune fille venue porter plainte après une agression particulièrement sauvage se souvient de n’avoir pas été écoutée. La consultation des archives confirme la violence de l’institution : « Le procès-verbal ne fait d’ailleurs que quelques lignes. Les faits sont qualifiés d’attentat à la pudeur avec violences. Il n’y a pas d’enquête. Personne ne se rend sur les lieux, la plainte n’est pas transmise au parquet. Elle reste là, oubliée, quelque part dans les archives »44.
28Centré sur les victimes, l’ouvrage d’Alice Giraud ne se perd cependant pas dans l’anecdote sordide qui aurait été irrespectueuse vis-à-vis des victimes. La journaliste explore, à travers une myriade de récits individuels, les différentes formes de la domination structurelle pesant sur les femmes : intériorisation de la honte et de la responsabilité, minimisation de l’agression, violence symbolique exercée par les forces de l’ordre et la justice, rejet par leurs pairs des professionnels engagés dans une modernisation des sensibilités et des procédures. L’accumulation de ces dysfonctionnements, tout au long du récit, produit un effet accablant.
29L’ouvrage d’Alice Géraud témoigne cependant, aussi, de la façon dont le féminisme a, dans ce même espace social, commencé à opérer des transformations. Quelques figures militantes jouent un rôle d’intermédiaires culturels. On pense ainsi à la maire de Louvroil, Annick Mattighello, ouvrière chez Thomson, élue communiste, qui tente d’alerter les femmes de sa commune et, d’ailleurs, le paye cher politiquement puisqu’elle est désavouée, accusée de nuire à l’attractivité économique du territoire. Ou encore aux jeunes femmes de la police scientifique, qui constituent, de leur propre chef, un tableau méthodique des viols du Val de Sambre dont elles ont connaissance, tableau qui restera longtemps inexploité. Le changement vient aussi des juges nouvellement nommés, essentiellement de jeunes femmes, à la formation plus récente, mais qui ne restent jamais longtemps en place. Il faut noter que la résolution de l’enquête viendra d’un commandant de police judicaire de Lille habilité à reprendre des affaires anciennes en souffrance, à un moment où l’institution est sommée de donner une réponse au sentiment d’abandon des victimes de crimes sériels. Ceux-là ont, par inclination personnelle, ou en raison de leur génération et de leur origine sociale, ou encore parce qu’ils ont été mieux formés, apporté dans le Val de Sambre des conceptions nouvelles face aux violences faites aux femmes. Articulant l’individuel au collectif, Alice Géraud pose là un regard plein de finesse et d’acuité sur ceux qui dans l’histoire « font bouger les choses ».
La série Sambre : pesanteurs structurelles et individus d’exception
30Ces individualités qui changent l’histoire sont encore mieux identifiées et héroïsées dans la série télévisée. Dans au moins quatre épisodes sur six, le personnage qui les représente devient moteur du récit. Certes, la série défend le même propos que le livre : l’abandon structurel où ont été laissées les victimes (une victime, au moins, est évoquée à chaque épisode). Cependant, probablement pour des raisons d’efficacité narrative, les épisodes s’organisent autour de figures actives : juge, élue, experts, policier qui font bouger les lignes. Les titres donnés par le réalisateur aux épisodes sont parlants : S1-E2 Irène (la juge) ; S1-E3 Arlette (la maire) ; S1-E4 Cécile (la scientifique) ; S1-E5 Winckler (le commandant).
31Le récit est donc double. Il illustre, d’une part, une culture du viol et une domination structurelle qui « explique » l’impunité du violeur mais il s’ouvre, d’autre part, sur des perspectives positives. Il y a toujours la possibilité de déjouer cette fatalité grâce à des individualités, fortes, militantes, porteuses d’une puissante éthique de l’action.
Quelques éléments de réception
- 45 Les responsables de la rubrique « Epistémologie en débats », « Réceptions et publics en histoire cu (...)
32Ce point de vue d’Alice Géraud et de Xavier de Lestrade est-il celui qui s’impose au spectateur ? On connait la difficulté des enquêtes de réception45. Nous n’avons pas eu la possibilité d’effectuer une telle enquête en bonne et due forme. À défaut, il est toutefois possible d’approcher une réponse en se penchant sur la façon dont la presse et les médias spécialisés ont proposé à leurs lecteurs d’aborder ce récit. Cela permet de sortir de l’illusion d’un public global qui recevrait de façon indifférenciée le message de la série. On fera l’hypothèse de fragments de publics qui abordent la série soit par l’écoute collective soit par la consultation de la plate-forme. Le lien avec ces publics se fait par les médias spécifiques qui s’adressent à des groupes fragmentaires avec lesquels ils ont une affinité particulière. S’adressant à des publics imaginés, ils leur proposent des cadres d’interprétation eux aussi spécifiques. Dans cette perspective, les médias plus marginaux d’apparence sont aussi pertinents que les médias généralistes.
- 46 Voir sur le site de France Télévision : https://www.francetvpro.fr/contenu-de-presse/61156273 consu (...)
- 47 Ibid.
- 48 Ibid.
33En règle générale, la sortie d’une série est accompagnée d’une campagne de communication, construite autour d’un dossier de presse dont on peut repérer les arguments dans les divers médias. Cependant chaque support retravaille l’information en fonction de l’intérêt imaginé de ses lecteurs. La série Sambre ne fait pas exception. Le dossier de presse réalisé par France Télévisions est mis en ligne le 23 octobre 202346. Il donne certaines indications sur la façon dont peut être reçue l’œuvre. Par exemple, il souligne le fait que, dépassant le fait-divers, la série analyse un fait de société : « Raconter cette histoire, c’est raconter trente ans de faillite dans la prise en charge des victimes de viols, et l’évolution d’une justice qui depuis les années 1980 a bien du mal à endiguer les violences sexistes et sexuelles, des fléaux toujours solidement ancrés dans notre société après l’ère #MeToo47 ». Mais il invite aussi les spectateurs à une approche sensible, centrée sur la souffrance des victimes : « Le réalisateur a fait le choix de suivre un personnage clé par épisode. Un dispositif qui permet d’explorer émotionnellement et en profondeur chacun des six personnages, leur rôle dans l’affaire mais aussi les répercussions que cette histoire a sur eux et sur leur vie personnelle »48.
34Dans quelle mesure les médias relaient-ils l’approche qui leur est ainsi, en quelque sorte, recommandée ? On ne citera dans les pages suivantes que quelques supports qui nous ont paru significatifs des approches assez diverses proposées aux spectateurs et spectatrices. On peut, à cet égard, séparer les médias qui parlent de Sambre en deux groupes. Ceux, majoritaires, qui comprennent le point de vue du réalisateur et le relaient. Et ceux, minoritaires, qui persistent dans des approches différentes ; les premiers appartiennent plutôt aux médias nationaux et prennent des formes contemporaines (média électronique, blog). Les seconds se recrutent plutôt dans la presse locale. En définitive, c’est quand même le sentiment d’un certain éclatement qui domine. Nul n’est certain que les spectateurs, cachés quelque part derrière les journalistes qui relayent leurs intérêts supposés, comprennent bien les choses comme on l’espère.
La Libre Belgique : un combat jamais terminé
- 49 Karin Tshidimba, « La fiction et le collectif peuvent sauver des vies : la preuve par la série Samb (...)
- 50 Karin Tshidimba, « Sambre » : récit amer d’un déni collectif qui a permis à un violeur de sévir ent (...)
35L’accueil que fait le quotidien belge La Libre Belgique à la série Sambre, dont l’action se déroule en partie sur le territoire belge, se ressent du traumatisme vécu en 1996 par le pays tout entier lorsque la dramatique gestion de l’affaire Dutroux avait révélé au grand jour les failles et l’incompétence des services de police et de justice du pays. Le quotidien fait le choix de relayer directement le projet militant d’Alice Géraud et de Jean-Xavier de Lestrade. Le titre de l’article présentant Sambre à ses lecteurs est clair : « La fiction et le collectif peuvent sauver des vies »49. La suite souligne l’engagement des protagonistes : « Portés par leur intime conviction et leur respect pour les victimes, Jean-Xavier de Lestrade (réalisateur), Alice Géraud (scénariste) et Alix Poisson (comédienne) font front ». La série est une arme dans un combat pour que les choses changent qui ne fait que commencer. Alice Géraud est citée : « Cette histoire est terriblement sombre et nous tenions à ce que ces figures lumineuses, héroïques, rencontrées pendant mon enquête, portent le récit et ouvrent des perspectives de changement ». Un second article de la même journaliste, sur plus de deux pages, explique pas à pas au lecteur ce qu’il doit voir dans la série : la façon brutale et dénuée d’empathie dont les victimes sont accueillies dans les commissariats, la négligence bureaucratique de la police, l’extrême solitude des victimes mais aussi l’absence d’écoute apportée aux lanceuses d’alerte. La Libre Belgique en appelle à la poursuite d’un combat pour la réforme des institutions : « […] Ainsi assiste-t-on au lent, trop lent, changement de méthodes et de mentalités du côté des forces de l’ordre et de la société. Pour qu’enfin les femmes soient crues et reconnues »50. Dans cette perspective, une série télévisée possède une fonction mobilisatrice. Elle est là « pour montrer qu’un changement est possible, mais qu’il est l’affaire de tous. »
Les Inrocks et les plaisirs de la culture filmique
- 51 Patrick Simon, « Les Inrockuptibles, le purisme rock, la variété culturelle et l’engagement politiq (...)
- 52 David Simon, Show me a Hero, , HBO, 1 saison, 6 épisode, 2015. Diffusé en France en 2015 sur OCS Ci (...)
- 53 Olivier Joyard, « ‘Show me a Hero’, la nouvelle série du créateur de ‘The Wire’« , Les Inrockuptibl (...)
- 54 Olivier Joyard, « Sambre sur France 2. Trente ans de silences racontés dans une série captivante », (...)
36Les Inrockuptibles adoptent, dans l’un de leurs premiers articles sur la série, un point de vue tout différent, centré sur une approche critique des aspects formels de l’œuvre. La publication s’est fait une spécialité de passer les productions de la culture populaire au crible d’analyses socio-politiques exigeantes51. Le seul énoncé de l’objet de Sambre – suivre la traque d’un violeur en série sur près de trente ans – éveille la suspicion du journaliste. Et si cette série se rattachait à un sous-genre méprisé de tous, le film de tueur en série, décrié même dans sa version « True Crime » ? La suspicion règne toujours sur le plaisir pervers que pourrait prendre le spectateur non-éduqué à se délecter de scènes d’horreur et de sexe. Les Inrocks éprouvent donc le besoin, vis-à-vis de leur lecteur imaginé, de dédouaner le réalisateur d’une telle turpitude. Les Inrocks rassurent leur lecteur – leur lectrice ? – potentiellement scandalisé. Il n’y a rien à craindre. Dans Sambre, la figure du violeur n’est aucunement héroïsée. On ne voit qu’un seul viol. Les autres sont racontés par les victimes. Nul besoin alors de bouder son plaisir. L’auteur de l’article propose à ce moment à son lecteur de se plonger avec lui dans une culture cinématographique partagée. Il fait référence à la série Show me a Hero52 de David Simon (2015), qui a fait l’objet d’une excellente critique dans un autre numéro de la publication53. Cette série qui explore les relations d’un jeune maire réformateur avec les habitants de sa ville, est, elle-aussi, explique-t-il, construite à chaque épisode, autour d’un portrait d’homme ou de femme que l’on prend tout le temps d’explorer. C’est donc la virtuosité technique du réalisateur au service d’une éthique du cinéma qu’il est proposé au spectateur des Inrocks d’apprécier dans Sambre54.
Madmoizelle : nommer le patriarcat
- 55 Marion Olité, « Pourquoi et comment Sambre… », art. cité.
- 56 https://forums.madmoizelle.com/sujets/commentaires-sur-pourquoi-sambre-est-une-serie-importante-sur (...)
37La revue en ligne féministe et militante Madmoizelle représente une autre grille de lecture, proposée à des lectrices dont la revue présuppose qu’elles sont sensibles aux combats des femmes. Le titre de l’article de Marion Olité est clair, « Comment et Pourquoi Sambre est une série importante sur les violences sexistes et sexuelles »55. L’intertitre aussi : « Les dysfonctionnements d’une justice patriarcale ». Pas de référence à la culture télévisuelle ici, mais une plongée directe dans l’histoire des revendications des femmes, avec un vocabulaire militant. L’article relève dans le métarécit de Sambre, tout ce que les spécialistes du combat contre le viol connaissent : le déplorable accueil fait aux victimes ; les questions gênantes ; la mauvaise appréciation des faits ; les conséquences sur leur vie et celles de leur famille (peur constante, départ du mari) ; le non-professionnalisme des gendarmes (preuves conservées dans le réfrigérateur de la cantine). Puis l’article se focalise sur les portraits de femmes fortes, notamment celui de la maire de Louvroil, et, in fine, ne craint pas d’utiliser un mot que l’on rencontre très rarement dans les autres médias : le patriarcat. « Les méthodes scientifiques ont évolué, conclut Madmoizelle, mais le patriarcat de la justice assez peu ». Les quelques réactions de lectrices conservées sur le site en mai 2024 indiquent que les lectrices sont en phase avec le cadre de réception proposé : « Mais oui je confirme la série est excellente, faut avoir les nerfs bien solides cela dit parce que, surtout les premiers épisodes, mettent tellement en colère… »56.
Figures d’actrices ou acteurs et anecdotes locales
- 57 « Nos questions à Jean-Xavier de Lestrade, réalisateur de Sambre », Ici-c-Nancy, vidéo mise en lign (...)
38On terminera cette courte revue par des articles au propos très différents qui offrent au lecteur un cadre de réception en apparence assez éloigné des intentions d’Alice Géraud et Jean-Xavier de Lestrade. Toute une série de pages auxquelles on peut remonter à partir du site Internet de France 2 détaille avec gourmandise le curriculum vitae des différents acteurs et précise dans quelles autres séries ou films le spectateur pourrait les avoir admirés. Ce qui est attendu de la série, ici, c’est la rencontre avec des visages familiers, et une appréciation de la qualité de leur jeu, mesuré à la somme d’émotions qu’il peut faire maître. Les actrices elles-mêmes justifient leur participation à l’aventure non par un engagement féministe mais parce qu’il s’agissait d’un beau personnage, qu’elles ont éprouvé beaucoup de plaisir à jouer. Enfin, les médias locaux cherchent parfois un biais totalement étranger au propos de Sambre, qui seul, pensent-ils, retiendra l’attention de leurs lecteurs. Où ont été tournées les scènes ? Comment un ancien lycée de Nancy est-il devenu, à l’écran, un commissariat de police57 ? Ces détails intéressent autant le journaliste de Ici-nancy.fr lorsqu’il interviewe Jean-Xavier de Lestrade que les protestations de ce dernier sur le respect qu’il voue aux victimes.
39Ces modes de réception sont-ils exclusifs les uns des autres ? Sans doute pas. On peut parfaitement les combiner. Jouir de la belle construction narrative du livre et de la série, retrouver une comédienne admirée ou reconnaitre son vieux lycée à l’image. Se sentir reconnue et comprise si l’on s’identifie aux victimes. Mais aussi repérer dans le récit, si l’on est plus familier d’une approche féministe, une claire mise en évidence des phénomènes structurels qui sous-tendent la culture du viol ou, si l’on est plus novice, prendre conscience, enfin, des aspects systémiques de la domination masculine.
Conclusion
40La question que nous nous sommes posée au départ était : comment inscrire une série, décrite comme un phénomène de société, dans une perspective d’histoire culturelle ? Il semble que le livre et la série Sambre illustrent plusieurs aspects de la question.
41D’une part, ces récits ont une fonction de mémoire et peut-être d’histoire. La lente quête d’Alice Géraud dans les archives des commissariats, des gendarmeries et des palais de justice, tout autant que les dizaines d’entretiens qu’elle a réalisés, ont produit un ensemble de documents qui, aujourd’hui, représentent une sorte de fonds d’archives. La journaliste a reconstitué, à travers ces sources, la mémoire des femmes du Val de Sambre au tournant du XXIe siècle. Ces documents représentent aussi un matériau pour l’histoire.
42En second lieu, le livre et la série sont des objets culturels qui s’inscrivent, chacun, dans l’œuvre de leurs auteurs. Le phénomène est particulièrement net pour Jean-Xavier de l’Estrade qui est soucieux de voir ses films, envisagés dans leur totalité, « faire œuvre ». À ce titre, Sambre peut être légitimement l’objet d’une approche centrée sur son esthétique, ses choix narratifs, ainsi que sur l’éthique de l’écriture et de l’image qu’il met en œuvre. L’écriture d’Alice Géraud peut parfaitement être, elle aussi, envisagée du point de vue de l’esthétique du récit, en particulier dans la façon dont l’autrice propose de faire entendre des voix qui ne sont pas la sienne. Dans les deux cas, on peut interroger l’œuvre sous l’angle éthique. Par quels procédés et en respectant quelles règles l’autrice ou le réalisateur ont-ils réussi à s’emparer de récits de vies et les transformer en œuvres sans les trahir ?
43Enfin, si l’on considère la culture comme un ensemble de représentations partagées, Sambre, sous ses deux formes, tant par les conditions de création du livre et de la série que par leur réception, marque un jalon dans la diffusion, par des œuvres culturelles « grand public », de notions venues du militantisme féministe : patriarcat, culture du viol, domination systémique. A cet égard, il n’est pas sans signification que Sambre ait été commandé et programmé par la chaine publique française France 2. Le cahier des charges de cette dernière prescrit, en effet, dans son article 11, consacré à la fiction, le rôle que ces dernières doivent jouer dans la construction d’une culture collective. On y lit « l’effort doit porter sur l’écriture de fictions abordant et éclairant les problématiques et les évolutions de la société contemporaine »58. Dans Sambre, on peut penser que le contrat est rempli.
Notes
1 Sambre est une mini-série de six épisodes, réalisée par Jean-Xavier de Lestrade, diffusée à partir du 9 novembre 2023 sur la Une en Belgique et du 13 novembre 2023 sur France 2 en France. Voir le site de France télévisions : Sambre, série https://www.france.tv/france-2/sambre.
2 Marion Olité, « Pourquoi Sambre est une série importante sur les violences sexistes et sexuelle », Madmoizelle, 16 janvier 2024 https://www.madmoizelle.com/pourquoi-sambre-est-une-serie-feministe-importante-1613917, consulté le 24 mai 2024.
3 Alice Géraud, Sambre, Radioscopie d’un fait divers, Paris, Éditions JC Lattès, rééd. Livre de poche, 2023, 450 p.
4 Voir Susan Brownmiller, Against our Will, Men, Women and Rape, Penguin Books, 1976, 471 p. Georges Vigarello, Histoire du viol, XVe-XXe siècle, Seuil, 1998, 368 p. Véronique Le Goaziou, « Les viols aux assises : regard sur un mouvement de judiciarisation », Archives de politique criminelle, vol. 34, no. 1, 2012, p. 93-101.
5 Georges Vigarello, Histoire du viol, XVe-XXe siècle, Paris, Seuil, 1998.
6 Pauline Delage, « Année zéro. Histoire croisée de la lutte contre le viol en France et aux Etats-Unis », Critique internationale, 70, 2016/1, p. 21-35.
7 Véronique Nahoum-Grappe, « #Metoo : Je, Elle, Nous », Esprit, mai 2018 https://esprit.presse.fr/article/veronique-nahoum-grappe/metoo-je-elle-nous-41429, consulté le 17 mai 2024.
8 Susan Brownmiller, Against our Will: Men, Women and Rape, New York, Simon & Schuster, 1975.
9 Traduction : « Un processus conscient d’intimidation par lequel tous les hommes maintiennent toutes les femmes dans un état de peur ».
10 Pauline Delage, « Après l’année zéro… », art. cité.
11 Nathalie Bajos, Michel Bozon et l’équipe CSF, « Les violences sexuelles en France, quand la parole se libère », Population et Société, 445, mai 2008, p. 1- 4, p. 2. Cet article compare les chiffres de l’enquête Enveff de 2000 et ceux de l’enquête CSF menée en 2006.
12 Véronique Le Goaziou, « Les viols en justice : une (in)justice de classe ? », Nouvelles Questions Féministes, 32, 2013/1, p. 16-28.
13 Tony Gheeraert, « Les contes de fées littéraires classiques, une “culture du viol” ? (1) Marginalité des conteuses et des conteurs », Le siècle des merveilles : Mme d’Aulnoy et Perrault, 23 mai 2023 https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.58079/rduq, consulté le 26 avril 2024.
14 Laura Delcamp, « La culture du viol dans le cinéma aux États-Unis », Institut du genre en géopolitique, 12 octobre 2020 https://igg-geo.org/ ?p =2016, consulté le 24 mai 2024.
15 Anne Martine Parent, « “So many different types of sexual assault”. Violences sexuelles et consentement dans les séries télévisées », Tangence, 128, 2022, p. 163-181 http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tangence/1931, consulté le 24 mai 2024.
16 Patricia Paulson, Rape Culture in Disney Animated Princess Movies, master en Social and Behavioral Sciences dirigé par Carol Glasser, Cornerstone, Minnesota State University, 2018, p. 11 https://cornerstone.lib.mnsu.edu/etds/805/, consulté le 24 mai 2024.
17 Anne Martine Parent, « “So many different types of sexual assault…”. art. cité, paragraphe 3.
18 Hélène Breda, « De la réception engagée à l’engagement militant : l’exemple des “fanarts féministes” de princesses Disney », Genre en séries, 7, juin 2018 https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/640, consulté le 22.05.2024.
19 Pop Modèles est un projet d’éducation aux médias, porté par Média Animation, une association sans but lucratif d’éducation permanente et centre de ressources pour l’enseignement : https://popmodeles.be/
20 Marlène Schiappa, Où sont les violeurs ? Essai sur la culture du viol, Paris, Éditions de l’Aube, 2017. En 2017, l’autrice devient secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les Femmes et les Hommes.
21 Ce nombre représente celui des viols retenus par la Justice. Le nombre réel est certainement plus élevé.
22 Interview de Jean-Xavier de Lestrade par Laure Bedonnet, 20 minutes, 12 novembre 2023.
23 On notera un dispositif semblable dans la série britannique The Long Shadow, consacrée à « l’Éventreur de Leeds », réalisée par Lewis Arnold, écrite par George Kay, diffusée depuis le 25 septembre 2023 sur ITV1.
24 Christine Chevret, « Le traitement du fait divers par la presse comme miroir des mutations de l’espace public : l’exemple du quotidien français Libération », Les Cahiers du Journalisme, n° 17, été 2007, p. 178-193.
25 Alice Géraud, Sambre : radioscopie d’un fait divers, op. cité, p. 16.
26 Ibid., p. 17
27 Ibid., p. 1
28 Ana Vinuela, Jean-Xavier de Lestrade, « Retour sur The Staircase : la caméra peut-elle saisir la vérité ? », Sociétés et Représentations, 35, 2013/1, p. 261-276.
29 Jean-Xavier de Lestrade, La Justice des Hommes, écrit par Thierry-Vincent de Lestrade et Jean-Xavier de Lestrade, France, 2002, 92 minutes.
30 Jean-Xavier de Lestrade, Un coupable idéal/ Murder on a Sunday Morning, France et États-Unis, 2023, 111 minutes..
31 Aline Chassagne, « Jean-Xavier de Lestrade, Soupçons, La dernière chance (The staircase) », Lectures,18 mars 2012 ( http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/10974; https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.10974, consulté le 22 mai 2024.
32 Xavier de Lestrade, Parcours meurtrier d’une mère ordinaire : l’affaire Courjault, France, 2009, 103 minutes.
33 Laëtitia est une mini-série de six épisodes de 45 mn, diffusée en septembre 2020 sur France2.
34 Ivan Jablonka, Laëtitia Ou la Fin des hommes, Paris, Seuil, 2016.
35 Norine Raja, « Laëtitia ou l’art de traiter du fait-divers à la télévision », [entretien avec Jean-Xavier de Lestrade], Vanity Fair, 21 septembre 2020.
36 Ludovic Galtier-Loret, « Audiences. Quel bilan pour Sambre, la mini-série évènement de France 2 … », Pure Média, 28 novembre 2023.
37 Claire Courbet, « Plus de cinq millions de vues pour la plate-forme, nouveau record pour la série "Sambre" », La Voix du Nord, 10 décembre 2023 : « […] Grâce au replay, l’audience consolidée de Sambre à J+8 atteint 4 millions de téléspectateurs pour 19,1 % de part d’audience pour les 3 soirées ». .
38 Benoît Darragon, « Audiences TV », Le Parisien, 23 novembre 2023.
39 Alice Géraud, Sambre, op. cit., p. 7 : « Comment cet homme [Dino Scala] a-t-il pu agresser et violer autant de femmes et de jeunes filles durant d’aussi longues années sur un si petit périmètre sans jamais être inquiété et soupçonné ? C’est par cette question sans réponse que débute mon enquête ».
40 Séverine Liartard, « Comment le viol est devenu un crime », L’Histoire, 470, avril 2020, n.p.
41 Véronique Le Goaziou, « Les viols aux assises : regard sur un mouvement de judiciarisation », Archives de politique criminelle, vol. 34, no. 1, 2012, p. 93-101.
42 « Violences sexuelles. Un nombre encore en hausse en 2023 », Vie publique, 8 mars 2024. La hausse sur l’année est de 6 %. La hausse annuelle sur la période 2016-2021 était de 11 %.
43 Séverine Liatard, « Comment le viol est devenu un crime », L’Histoire, avril 2020.
44 Alice Géraud, Sambre…, op. cit, p. 50.
45 Les responsables de la rubrique « Epistémologie en débats », « Réceptions et publics en histoire culturelle », Revue d’histoire culturelle, 3, 2021, 10 octobre 2021 http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhc/511; https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rhc.511, consulté le 22 mai 2024
46 Voir sur le site de France Télévision : https://www.francetvpro.fr/contenu-de-presse/61156273 consulté le 22 mai 2024.
47 Ibid.
48 Ibid.
49 Karin Tshidimba, « La fiction et le collectif peuvent sauver des vies : la preuve par la série Sambre », La Libre Belgique, 8 novembre 2023.
50 Karin Tshidimba, « Sambre » : récit amer d’un déni collectif qui a permis à un violeur de sévir entre France et Belgique », La Libre, 9 novembre 2023.
51 Patrick Simon, « Les Inrockuptibles, le purisme rock, la variété culturelle et l’engagement politique. Entretien avec Sylvain Bourmeau et Jade Lindgaard », Mouvements, 57, 2009/1, p. 44-56. Voir aussi Véronique Servat, Les Inrockuptible, 1984-2010 : contribution à l’histoire sociale et culturelle des médiations musicales, thèse dirigée par Pascale Goetschel, Université Paris 1, 2022.
52 David Simon, Show me a Hero, , HBO, 1 saison, 6 épisode, 2015. Diffusé en France en 2015 sur OCS City.
53 Olivier Joyard, « ‘Show me a Hero’, la nouvelle série du créateur de ‘The Wire’« , Les Inrockuptibles, 18 août 2015 https://www.lesinrocks.com/series/tempete-en-maire-90047-18-08-2015/, consulté le 22 mai 2024).
54 Olivier Joyard, « Sambre sur France 2. Trente ans de silences racontés dans une série captivante », Les Inrockuptibles, 16 novembre 2023 https://www.lesinrocks.com/series/sambre-sur-france-2-30-ans-de-silence-racontes-dans-une-serie-captivante-600573-16-11-2023/, consulté le 22 mai 2024.
55 Marion Olité, « Pourquoi et comment Sambre… », art. cité.
56 https://forums.madmoizelle.com/sujets/commentaires-sur-pourquoi-sambre-est-une-serie-importante-sur-les-violences-sexistes-et-sexuelles.173503/
57 « Nos questions à Jean-Xavier de Lestrade, réalisateur de Sambre », Ici-c-Nancy, vidéo mise en ligne le 12 novembre 2023 https://www.ici-c-nancy.fr/cinema/15584-video-sambre-la-nouvelle-serie-en-partie-tournee-a-nancy-de-jean-xavier-de-lestrade.html , consulté le 15 mai 2024.
58 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000020788471
Haut de pagePour citer cet article
Référence électronique
Catherine Bertho-Lavenir, « Sambre, question de genre, ou migration des concepts », Revue d’histoire culturelle [En ligne], 8 | 2024, mis en ligne le 31 mai 2024, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhc/9692 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11ycj
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page