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L’art africain, des vitrines des musées aux vitrines des galeries

L’Apam 1936- 1940 et l’art pour tous
African Art, from museum showcases to gallery windowsApam 1936-1940 and art for all
Danielle Maurice

Résumés

Cet article porte sur l’association populaire des amis des musées (Apam) et sa revue, Le Musée vivant. Cette association, au sein de laquelle œuvra Madeleine Rousseau, fit beaucoup, entre les deux guerres mondiales, pour promouvoir l’art africain, en particulier au sein du musée de l’Homme. La revue reflète ce paradoxe colonial qui traverse le monde scientifique, les intellectuels et les organisations de gauche. Le musée a un discours et un projet humanistes, mais reste colonialiste et au nom de la science sauvegarde les archives de l’humanité dans le temps et dans l’espace en s’appropriant le patrimoine matériel et immatériel du reste du monde.

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Texte intégral

  • 1 L’Association populaire des amis des musées, désormais Apam ou l’Association.
  • 2 « L’exposition des loisirs des travailleurs du bois », Le Musée Vivant, janv.-fév., n° 1, 1939, p.  (...)
  • 3 Le Musée Vivant paraît à partir de 1937, il est bimestriel. En raison de ce rythme, il est souvent (...)

1L’Association populaire des amis des musées1 annonce une visite de « la collection de sculptures nègres de Pierre Vérité »2 pour les travailleurs du bois en janvier 1939. Cette association, axée sur les musées, développe, lors de ses premières années d’existence, deux thématiques principales dans sa revue Le Musée Vivant3  : l’art contemporain en lien avec l’Exposition internationale de 1937 – thème que nous n’aborderons pas ici – et les arts dits extra-européens liés à l’ouverture du musée de l’Homme en 1937 également. Ce dernier matérialise la modernité institutionnelle et scientifique ainsi qu’un nouveau regard sur des cultures considérées comme primitives. Née dans l’effervescence politique et intellectuelle du Front populaire, qui voit les questions culturelles faire irruption dans le champ politique, l’Apam, portée par des professionnels des musées, doit être un vecteur de la démocratisation de la culture recherchée depuis la Révolution française. Elle s’inscrit dans la politique de démocratisation culturelle menée par le gouvernement de Léon Blum, incarnée par Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale, et Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État à l’organisation des Loisirs et aux Sports.

  • 4 Voir Carole Christen, Laurent Besse (dir.), Histoire de l’éducation populaire 1815-1945. Perspectiv (...)
  • 5 Sur la politique culturelle et le Front populaire, voir Pascal Ory, La Belle Illusion. Culture et p (...)

2L’éducation populaire sous-tend un projet démopédique, mais connaît une pluralité de définitions qui partagent l’idée d’un temps hors scolarité. Au XIXe siècle éduquer le peuple est le terrain d’une compétition âpre entre les Églises catholique et protestante et leurs patronages cherchant à le rechristianiser, la bourgeoisie souhaitant l’instruire et assurer la paix sociale, et les organisations ouvrières ayant pour objectif son émancipation. Après la Première Guerre mondiale, l’éducation populaire s’adapte aux nouvelles réalités de la société avec des mouvements de jeunes, des associations sportives ou culturelles4. Le Front populaire en ouvre une nouvelle époque, elle est dorénavant soutenue par l’administration. Cette orientation rejoint les aspirations de responsables culturels qui œuvraient avec un esprit moderniste et démocratique5.

  • 6 Julie Verlaine, « Réanimer le musée : l’Association populaire des amis des musées (APAM), 1936-1960 (...)
  • 7 Né après le 6 février 1934, l’hebdomadaire Vendredi est créé par le Comité de vigilance des intelle (...)
  • 8 Pascal Ory, La Belle Illusion…, op. cit., p. 258-259.
  • 9 Marion Fontaine, « Travail et loisirs », dans Jean-Jacques Becker, Gilles Candar, Histoire des gauc (...)

3L’Apam en est un archétype. Elle naît de l’appel intitulé Musées vivants, lancé par Jacques Soustelle (1912-1990) dans l’hebdomadaire Vendredi, le 26 juin 1936, au nom de conservateurs, d’enseignants, d’animateurs associatifs et de syndicalistes pour qui les musées ont une fonction d’instruments d’éducation populaire. Ils leur insufflent une nouvelle définition qui dépasse la fonction de conservation pour celles de médiation et d’éducation6. Les trois fondateurs, Paul Rivet (1876-1958), directeur du musée de l’Homme, Jacques Soustelle, américaniste présenté comme son dauphin, et Georges Henri Rivière (1897-1985), responsable du fonds français, sont tout à la fois des scientifiques de formation et des citoyens engagés dans le combat démocratique, antifasciste7. Ses membres énoncent clairement le rôle social de l’institution, c’est un « musée éducateur ». Ce positionnement idéologique est assumé ; c’est l’héritage de la Révolution française. Ils sont des outils d’émancipation, confisqués par la bourgeoisie qui les a laissés péricliter. L’Apam s’engage dans cette voie, car elle adhère à l’idéologie du gouvernement Blum – populariser la culture et les musées8. Permettre aux masses d’accéder au patrimoine et à la « culture savante » demeure un moyen de les intégrer socialement et de désamorcer la lutte des classes. En effet, le gouvernement et la majorité des associations utilisent le terme de « populaire ». L’emploi de cet adjectif met en scène l’alliance des classes populaires et de la bourgeoisie progressiste. Le monde de l’éducation populaire de 1936 est pluriel, mais avec l’institutionnalisation des loisirs populaires – sportifs, touristiques et culturels – c’est une approche humaniste et républicaine qui s’impose9.

  • 10 La liste du corps des conférenciers spécialisés, constituée par l’Apam, est publiée dans Le Musée V (...)
  • 11 Madeleine Rousseau, « L’APAM et l’éducation ouvrière », Esprit, novembre 1938, p. 260.
  • 12 Jacques Rancière, Le Maître ignorant. Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Paris, Fayard, (...)

4L’Apam se positionne comme une association intermédiaire ; son rôle est de mettre en contact le monde des musées et le peuple. Elle s’adresse à des particuliers et à des collectivités avec le souci de ne pas se substituer à celles-ci pour le choix et l’organisation des visites. L’Apam fournit les conférenciers ; ce sont des spécialistes de la question, des conservateurs ou des attaché.es des Musées nationaux10. Les activités couvrent l’ensemble des musées d’art, d’ethnographie, de technique et d’histoire, mais aussi le zoo, un quartier de Paris, des usines, mettant en pratique ce que Madeleine Rousseau (1895-1980), attachée des Musées Nationaux et secrétaire générale adjointe de l’Association, explicite en 1938 : « Est musée tout ce qui permet l’observation directe de la réalité11. » Les pages de la revue dévoilent aussi la volonté de la participation active de ces nouveaux publics. C’est la mise en œuvre des méthodes d’éducation populaire qui préconise des échanges, de la coopération afin de remplacer les traditionnels rapports hiérarchiques entre « sachant et ignorant »12.

  • 13 Elle connait un réel succès et survit à la chute des gouvernements de Front populaire : 965 visites (...)
  • 14 Pascal Ory, La Belle Illusion…, op. cit., p. 263-264.

5Dans le domaine des arts plastiques, un grand nombre de structures associatives émergent et organisent, elles aussi, des visites d’ateliers, d’expositions et conférences, mais l’Apam occupe la première place13. Sa particularité est d’être la création de professionnels des musées militants14 qui la nourrissent de leur engagement pour une muséographie modernisée et de nouveaux champs que sont l’art contemporain et les arts dits extra-européens présentés au musée de l’Homme. Cependant, Madeleine Rousseau considère que la mise en valeur de la statuaire africaine doit se faire avec la visite de la galerie Vérité, hors du champ muséal (ethnographique).

  • 15 Le Musée vivant est publié de 1937 à 1940, disparaît avec la guerre et réapparaît de 1946 à 1969.
  • 16 Fonds Madeleine Rousseau conservé au Musée des Civilisations de Saint-Just Saint-Rambert (Loire) : (...)

6Dans cette étude, nous nous interrogerons sur l’introduction des arts dits extra-européens, l’art africain en particulier, dans les réflexions et les pratiques de l’Association. Après avoir présenté l’ethnographie militante de l’équipe du musée de l’Homme, nous aborderons la présentation des objets du monde puis la question des artefacts africains comme savoir-faire et/ou incarnation de la beauté. Nous nous appuierons sur la revue Le Musée Vivant, publiée entre 1937 et 194015 et les archives de l’Apam16 afin d’éclairer cette démarche d’éducation populaire.

L’ethnographie militante, une ouverture sur le monde

7L’Apam n’est liée à aucun musée, contrairement aux associations des amis de musée, toutefois le musée de l’Homme devient son point d’ancrage. Plusieurs raisons expliquent cette réalité : d’une part, la composition de son bureau, Paul Rivet, président, Jacques Soustelle, vice-président et Georges Henri Rivière, secrétaire général, c’est-à-dire l’équipe dirigeante du musée, d’autre part, sa réalisation et son rôle comme lieu de rencontre des scientifiques, des artistes et des galeristes.

  • 17 Nélia Dias, Le Musée d’ethnographie du Trocadéro (1877-1908). Anthropologie et Muséologie en France(...)
  • 18 Le musée de l’Homme est inauguré en 1937 au Palais du Trocadéro ; il ouvre ses portes au public le (...)
  • 19 Michel Leiris, « Le musée de l’Homme », Le Musée Vivant, août-sept. 1937, n7-8, p. 3.
  • 20 Claude Liauzu, Histoire de l’anticolonialisme en France du XVIe siècle à nos jours, Paris, Armand C (...)
  • 21 Vendredi, 17 juin 1938.
  • 22 Benoît de L’Estoile, Le goût des Autres. De l’exposition coloniale aux arts premiers, Paris, Flamma (...)

8Certes, le musée d’Ethnographie du Trocadéro17, dirigé par Paul Rivet et Georges Henri Rivière, organisait déjà des expositions importantes en lien avec les milieux intellectuels. Mais la nouvelle institution18 incarne la modernité muséale au service des choix scientifiques qui s’articulent autour de l’étude et de la présentation de l’humanité dans toutes ses dimensions, de la « réhabilitation des cultures opprimées » ; il se veut un musée ouvert au plus grand nombre. L’Apam se charge en partie de cette mission avec les visites et les articles publiés dans sa revue. Dès les premiers numéros, Michel Leiris le présente en mettant en évidence cette orientation scientifique. Il décrit les salles d’exposition comme «  une vaste galerie de l’homme », qui permet de restituer l’histoire de l’humanité avec les collections de préhistoire, de paléontologie, puis celles des groupes culturels dans lesquelles les objets sont accompagnés de «  documents fondamentaux  », et une salle consacrée aux arts techniques. Le musée est également un lieu de recherche et d’enseignement avec les outils les plus performants19. Des articles sur les différentes aires géoculturelles (Afrique, Amérique, Asie) sont également publiés par d’autres membres de l’équipe muséale. Une ligne directrice apparaît, l’objet est pris comme objet de connaissance, il se définit par la société qui le produit ; c’est le triomphe de la démarche fonctionnelle. Le musée de l’Homme, notamment par l’action scientifique et politique de P. Rivet et G. H. Rivière, est un point d’appui pour la réhabilitation des civilisations méprisées jusque-là par les Européens. Or, ce n’est pas le rejet du colonialisme, Paul Rivet le qualifie de « musée colonial » lors de son inauguration officielle. Le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes préconise une « émancipation progressive » dans sa brochure La France en face du problème colonial (1936) et dénonce les colonialismes allemand et italien alors qu’il s’accommode d’une colonisation guidant « les peuples sujets » vers le progrès pour l’empire français. Quant au gouvernement Blum, il n’envisage guère de réformes et peu seront réalisées dans les colonies françaises, en raison de multiples oppositions en métropole, dans les territoires dominés, mais également entre les diverses tendances de la gauche20. Pour P. Rivet, l’institution est un musée populaire, car il a été « conçu pour le peuple. Il sera ouvert après le dîner et il sera par conséquent accessible aux travailleurs21  ». L’Apam est ainsi l’outil nécessaire afin d’ouvrir la culture au monde ouvrier, y compris à ce nouvel humanisme visant à réhabiliter les cultures opprimées22.

  • 23 Maureen Murphy, De l’imaginaire au musée. Les arts d’Afrique à Paris et à New York (1931-2006), Par (...)

9Les pages de la revue reflètent cette ouverture avec les articles, les comptes rendus d’exposition et les annonces des conférences, celles de Paul-Émile Victor, « Une vie merveilleuse : celle des Esquimaux », et de Marcel Griaule, « Voyage en Afrique », organisées en 1938. D’autres institutions, tournées vers les mondes dits extra-européens, sont par ailleurs intégrées dans les activités : le musée Guimet, le musée Cernuschi ou encore une visite de la Mosquée de Paris. Néanmoins, le musée de l’Homme occupe une place charnière, car il est un lieu de rencontre de scientifiques, d’artistes et de galeristes parrainant l’Association, en particulier les surréalistes23.

  • 24 Le Musée Vivant, juillet-août 1938, n° 4.
  • 25 Madeleine Rousseau, « L’APAM et l’éducation…  », art. cit., p. 259.
  • 26 Christian Coiffier (dir.), Le Voyage de la Korrigane dans les mers du sud, Paris, Éditions Hazan, M (...)
  • 27 Pascal Blanchard, Éric Deroo, Gilles Manceron, Le Paris noir, Paris, Éditions Hazan, 2001, p. 66-10 (...)
  • 28 Pascal Blanchard, Éric Deroo, « Contrôler : Paris, capitale coloniale », dans Pascal Blanchard, San (...)

10La fête donnée au musée de l’Homme le 1er juillet 1938 symbolise les liens entre cette institution et l’Apam. Madeleine Rousseau l’organise et en fait la présentation dans le bulletin de l’été24. Alors que l’inauguration officielle du musée a eu lieu dix jours auparavant par le Président de la République, la fête de l’Apam incarne, quant à elle, l’inauguration populaire. En effet, elle a tous les ingrédients d’une manifestation populaire. Aux côtés de l’inauguration de la salle de cinéma, de la visite des salles et du buffet – activités habituelles lors d’un vernissage –, une soirée dansante, regroupant plus de deux mille participants, se déroule dans le hall avec une grande tombola dotée par des artistes liés à l’Association (Gromaire, Matisse, Goerg, Lhote, Lipchitz), des scientifiques, des collectionneurs (Charles Ratton, Tristan Tzara), mais aussi par des syndicats – 420 lots ont été distribués. Le point d’orgue de cette fête est une farandole autour du globe terrestre situé dans le hall d’entrée du musée : c’est l’image d’une seule humanité. Cette fête « consacr[e] la prise de possession des musées par le public nouveau que nous y avons amené »25. Le musée répond au dessein d’être à la fois scientifique et populaire. Les écrits du Musée Vivant illustrent cette volonté en apportant un regard nouveau sur les peuples colonisés et sur les couches populaires. Cette unicité de l’humanité mise en scène – la farandole – est évoquée par le peuple de Paris dans sa diversité, ouvriers, vendeuses, intellectuels et artistes, mais les peuples colonisés ne sont pas conviés. À l’inauguration officielle du musée qui est accompagnée de l’exposition Le voyage de la Korrigane en Océanie, le tout-Paris assiste selon la presse26 : nous pouvons supposer la présence d’artistes ou sportifs noirs américains, comme l’ont été Al Brown et Joséphine Baker en lien avec la mission Dakar-Djibouti en 1931-193327. Quant aux immigrés issus des colonies, plus nombreux malgré un contexte social et politique tendu, ils n’apparaissent ni dans les propos ni dans les activités28. Ainsi cette danse incarnant l’humanité traduit une autre réalité, celle de la colonisation, et le musée de l’Homme est partie prenante en mettant en valeur les objets issus du domaine colonial.

Objets du monde – savoir-faire du monde

  • 29 Chaque aire est présentée en une page sans photographie, les numéros du Musée Vivant ont de 10 à 12 (...)
  • 30 Georgette Soustelle, « L’Amérique au Musée de l’Homme  », Le Musée Vivant, janv.-fév. 1938, p. 5-6.
  • 31 Marcelle Bouteiller, « L’Asie au Musée de l’Homme », Le Musée Vivant, mars-avril 1938, p. 3.
  • 32 Michel Leiris, « Au Musée de l’Homme : la Galerie d’Afrique Noire », Le Musée Vivant, mai-juin 1938 (...)
  • 33 Alice L. Conklin, « 1878-1945 : le paradoxe colonial du musée de l’Homme », dans Claude Blanckaert (...)
  • 34 Michel Leiris, « Au Musée de l’Homme… », art. cit.
  • 35 Marcelle Bouteiller, « L’Amérique au Musée de l’Homme…  », art. cit.
  • 36 Notamment l’affiche de Victor Jean Desmeures, « Exposition coloniale internationale. Paris 1931, le (...)
  • 37 Alice L. Conklin, « 1878-1945 : le paradoxe colonial du musée… », art. cit., p. 35-42.
  • 38 Conquête de 1892-1894. Les vingt-six pièces du trésor royal ont été restituées par la France au Bén (...)

11Les pages du Musée Vivant montrent les différentes aires géoculturelles dévoilées au musée de l’Homme29. Dans la salle consacrée à l’Amérique, Georgette Soustelle met en évidence la nouveauté de son agencement, aux côtés des « merveilles archéologiques » et des « œuvres d’art » témoignant de civilisations anciennes  ; le grand public peut alors découvrir des objets « des Indiens modernes », des armes, des vêtements, des totems. Cette salle est devenue une salle d’ethnographie ancienne et moderne30. Marcelle Bouteiller décrit celle consacrée à l’Asie dans le numéro suivant. Son aménagement privilégie une présentation régionale, Asie centrale, Extrême-Orient et Indochine. Les objets de la vie quotidienne dominent, mais adaptés aux environnements socio-économiques et religieux. L’auteure cite également le travail du jade et les peintures chinoises et japonaises31. Michel Leiris présente quant à lui la « galerie d’Afrique noire », en cours d’installation, avec les vitrines par ethnie où sont présentés des objets accompagnés d’une documentation et celles illustrant certaines institutions (initiation, sociétés secrètes, royauté, etc.)32. Les auteurs ne parlent pas d’art, mais d’objets témoins de la culture matérielle des différents peuples. Cependant, M. Leiris fait référence à des objets remarquables, dont certains sont antérieurs à la colonisation tels que les oliphants du royaume de Bénin (Edo, Nigéria actuel). Les annonces des visites ne dérogent pas à cette approche. Aucune analyse ou description d’objet, ce qui prime c’est le savoir-faire, l’ingéniosité de civilisations différentes qu’il faut conserver, car vouées à disparaître. Ces articles doivent sensibiliser le public aux nouvelles approches scientifiques : abandon du terme anthropologique pour celui d’ethnologique, car trop lié à la classification des races, terreau du racisme si présent aux frontières de la France33. Certes, il y a le souci de la dignité des peuples, Michel Leiris termine en effet son article en justifiant les choix de présentation de « pièces bien caractéristiques, dont chacune représentera un document positif sur la vie et la mentalité indigènes34  ». Marcelle Bouteiller conclut par cette phrase : « au point extrême de ce voyage imaginaire, que nous aurons, j’espère l’occasion de refaire ensemble plus vivant, et en regardant ces objets dont j’ai parlé… et bien d’autres35  », phrase qui renvoie à la propagande de l’Exposition coloniale de 193136. Ces écrits illustrent la fonction d’enseignement et de découverte du musée ainsi que le volet de divertissement sans interroger les réalités coloniales. Paul Rivet et ses collaborateurs ont une attitude humaniste et utilitariste de l’empire colonial37. Ce dernier aspect se lit dans les collectes d’objets impulsées par le musée avec la mission Dakar-Djibouti (1931-1932), dirigée par Marcel Griaule, où des milliers de pièces ont rejoint les réserves et les quelques vitrines. Les articles du Musée Vivant font référence aux missions scientifiques qui sont à l’origine de l’enrichissement des collections. Bouteiller souligne que la plupart des pièces d’Asie sont entrées dans les années 1930, celles d’Afrique subsaharienne proviennent de dons, de missions et de la conquête du Dahomey (actuel Bénin) – les statues royales38. La revue reflète ce paradoxe colonial qui traverse le monde scientifique, les intellectuels et les organisations de gauche. Le musée a un discours et un projet humanistes, mais reste colonialiste et au nom de la science sauvegarde les archives de l’humanité dans le temps et dans l’espace en s’appropriant le patrimoine matériel et immatériel du reste du monde.

Les arts d’Afrique. Objets ethnographiques et/ou objets d’art ?

  • 39 Frans Masereel (1889-1972), artiste engagé, membre de l’Apam et professeur de dessin pour les ouvri (...)
  • 40 « L’Exposition des Loisirs des Travailleurs du Bois », Le Musée Vivant, janv.-fév., n° 1, 1939, p.  (...)

12L’entrée des artefacts africains dans le programme de l’Association se fait à l’occasion d’une activité type d’éducation populaire. Madeleine Rousseau fait un bref compte rendu de l’« Exposition des Loisirs des Travailleurs du Bois  », qu’elle a visitée, accompagnée du peintre et graveur Frans Masereel39. Elle loue leurs efforts de création et leur écoute quant aux conseils prodigués, et précise qu’ils ont demandé spontanément une visite au musée des Monuments français afin d’observer la sculpture du Moyen Âge. Ils souhaitent même « connaître ces merveilleux sculpteurs sur bois que sont les noirs d’Afrique »40. Elle programme alors une visite de la collection de « sculptures nègres » de Pierre Vérité.

  • 41 Situé à Paris à la Porte Dorée, le musée fut inauguré le 6 mai 1931, en même temps que l’Exposition (...)
  • 42 Voir Danielle Maurice, «  L’art et l’éducation populaire : Madeleine Rousseau, une figure singulièr (...)

13Ces aspirations illustrent la volonté d’aller vers une culture pour tous. Des travailleurs accédant à la sculpture du Moyen Âge est une démonstration d’une culture dite savante se déployant au-delà de ses publics avertis. En outre, il est attesté que Madeleine Rousseau est à l’origine de la collection Vérité. En effet, alors que les objets africains étaient visibles, au même titre que ceux des autres aires géoculturelles, dans le cadre des expositions présentées au musée de l’Homme ou au musée de la France d’Outre-mer41, elle les amène dans les problématiques de l’Apam au titre d’une statuaire. L’introduction de l’« art nègre  » dans les activités de l’association est liée autant à la place qu’elle y occupe qu’à sa personnalité42.

  • 43 Voir Marie-Jo Bonnet, Les Femmes artistes dans les avant-gardes, Paris, Odile Jacob, 2006, p. 7-68.
  • 44 Dossier « Vie avant 1940 », archives du musée des Civilisations, Saint-Just Saint-Rambert.
  • 45 Elle présente, en 1935, une thèse sur l’œuvre de P-A Jeanron, directeur des Musées Nationaux sous l (...)

14Elle est artiste peintre dans le Paris des années vingt. La situation des jeunes artistes devient difficile avec la crise économique, particulièrement pour les femmes. Elles sont de fait dénuées de tout statut social autonome, adhèrent aux structures artistiques dirigées par les hommes et ont souvent comme seul recours pour survivre celui d’investir les arts dits mineurs, à savoir les arts décoratifs, la photographie et la tapisserie43. Mais Madeleine Rousseau vit de façon libre et n’entend pas devenir une épouse, un statut qui la mettrait en position de dépendance et qu’elle rejette44. Toutefois, consciente qu’il lui est difficile de vivre de sa peinture, elle opte pour une voie qui lui permet de rester dans le monde de l’art en s’inscrivant à l’École du Louvre en 1931. Elle s’engage pleinement dans ces études en choisissant une spécialisation en muséographie45. Elle intègre donc le monde des musées et rencontre, en 1936, Léo Lagrange qui la met en relation avec les fondateurs de l’Apam. Elle s’implique totalement dans cette association, en devient progressivement l’animatrice et assure les articles sur l’art contemporain.

  • 46 Mai 36, collectif né en juin 1936, se présentant comme un « mouvement populaire d’art et de culture (...)
  • 47 Archives privées, s. n., mai 1962, au moment de la vente de sa collection à l’Hôtel Drouot.

15Elle s’immerge aussi dans le bouillonnement de cette période Front populaire, durant laquelle les artistes, les intellectuels, les militants se rencontrent, passent d’une réunion à une autre. Un soir de 1938, elle se rend à une réunion de Mai 3646, qui se tient à la galerie Carrefour, ouverte par Pierre Vérité au cœur de Montparnasse. Des caisses viennent d’arriver d’Afrique ; elle éprouve un véritable coup de foudre pour un masque baoulé (Côte d’Ivoire)47. Elle qui collectionnait l’art moderne s’intéresse désormais à l’art africain.

  • 48 William Rubin, Le Primitivisme dans l’art du XXe siècle, Paris, Flammarion, 1991. Laurick Zerbini, (...)
  • 49 Laurick Zerbini, « Sur les traces des arts africains…  », art. cit., p. 82-84 ; Yaëlle Biro, Fabriq (...)
  • 50 Philippe Peltier, « L’art océanien entre les deux guerres : expositions et vision occidentale  », J (...)
  • 51 Robert Goldwater, Le primitivisme dans l’art moderne, Paris, PUF, 1988, p. 28 (1ère édition 1938). (...)
  • 52 Ces deux galeristes cherchent à développer le marché de l’« art primitif  » aux États-Unis et prête (...)

16Sa passion pour l’art africain est d’ordre esthétique, à l’exemple de nombreux artistes et amateurs d’art au début du XXe siècle qui ont joué un rôle déterminant dans la découverte des arts africains et océaniens48. Mais son approche est marquée par le contexte dans lequel elle le découvre et son initiation prend racine dans cette constellation autour du musée de l’Homme, avec les galeristes et les artistes qu’elle côtoie pour son travail et ses activités associatives. En effet, depuis le début des années 1930, les expositions et les galeries présentant des arts d’Afrique et d’Océanie sont plus nombreuses. Une nouvelle attention est portée aux valeurs artistiques des objets africains49. D’objets modèles dans les ateliers d’artistes et/ou objets ethnographiques de musée, ils deviennent aussi objets de marché50. L’année 1938, date de sa rencontre avec l’art africain, est marquée par la parution de l’ouvrage de Robert Goldwater, Primitivism in Modern Art, qui fait ressortir le rôle des artistes et collectionneurs privés51, mais aussi que c’est un art de l’émotion, une conception qui persistera particulièrement dans le monde des collectionneurs. Les œuvres et les idées circulent d’un continent à l’autre entre un nombre restreint d’amateurs et de galeristes. Ainsi, Goldwater entretient des relations avec des marchands d’«  art primitif  » parisiens reconnus tels que Charles Ratton et Louis Carré par l’intermédiaire de Pierre Matisse, qui expose ces arts dans sa galerie new-yorkaise52.

  • 53 Madeleine Rousseau, « La tradition française dans l’art du XXe siècle », Le Musée Vivant, janv.-fév (...)
  • 54 Madeleine Rousseau, « L’exposition des loisirs…  », art. cit. p. 19.
  • 55 Laurick Zerbini, « Sur les traces des arts africains…  », art. cit., p. 71-81.

17Les écrits de Madeleine Rousseau reflètent son engouement. Dans l’article intitulé « La tradition française dans l’art du XXe siècle »53, elle ne reprend pas seulement les propos de l’architecte Auguste Perret (1874-1954), pour qui la France est un pays de «  sculpture de pierre, l’Égypte taille le granit, la Grèce le marbre  » ; elle les enrichit en soulignant que «  l’Afrique noire et l’Océanie ont sculpté le bois  ». Elle réitère son admiration en qualifiant les Africains de « merveilleux sculpteurs sur bois que sont les noirs d’Afrique »54. Elle situe la statuaire africaine sur le même plan que « la belle sculpture sur pierre du Moyen Âge ». Dans les pages du Musée Vivant, elle est magnifiée, confrontée à celles d’Égypte, de la Grèce et du Moyen Âge européen. Ces termes sont forts et témoignent du regard de l’artiste et de la critique d’art qu’est Madeleine Rousseau. Leur valeur esthétique est reconnue et définie à l’aune de la création artistique occidentale, mais d’un passé lointain, en cela elle s’inscrit dans l’appréciation dominante de l’art africain durant l’Entre-deux-guerres55.

  • 56 Madeleine Rousseau a mis en œuvre l’exposition Les maîtres populaires de la réalité, rue Royale, en (...)

18Dans ce même article, elle énonce l’idée que la vitalité de l’art contemporain est due aux différentes avant-gardes picturales qui se sont succédé ; elles-mêmes se sont nourries du langage formel des arts dits extra-européens, des apports de la science, sans oublier les artistes qui ne sont pas issus du système des Beaux-arts et qui furent longtemps ignorés, les Naïfs56. Maintenant, écrit-elle,

  • 57 Madeleine Rousseau, « La tradition française…  », art. cit.

des foyers plus purs ont rajeuni notre vision : l’art nègre, océanien ou précolombien, l’art populaire du Douanier Rousseau, ont ajouté leur fraîche nouveauté à ce que nous apprenaient la science des couleurs, les recherches d’Einstein, les curiosités du freudisme57.

  • 58 Dès l’été 1937, Madeleine Rousseau développe dans plusieurs numéros du Musée Vivant ses positions s (...)
  • 59 Madeleine Rousseau, « La tradition française…  », art. cit. Cet article est le résumé d’une confére (...)
  • 60 Dossier « Conférences », archives du musée des Civilisations (Saint-Just Saint-Rambert), en 1938 et (...)

19Elle constate et affirme même que le renouvellement esthétique résulte des progrès des sciences et de l’apport des autres mondes. Des autres mondes qui sont l’Ailleurs, à savoir l’Afrique, l’Océanie et l’Amérique amérindienne, avec leurs artefacts symbolisant la modernité : une réflexion classique depuis les avant-gardes historiques. Elle illustre, par ces simples rappels, l’appropriation de l’esthétique de l’Ailleurs dans la création plastique occidentale. Cependant, dans ces autres mondes, elle intègre, en la personne du Douanier Rousseau, les créateurs issus des groupes populaires. Cette mention est à mettre au crédit de son engagement dans l’éducation populaire et de sa proximité avec les équipes du musée de l’Homme. En effet, G. H. Rivière crée le musée national des Arts et Traditions populaires dans l’aile de Paris du palais de Chaillot en 1937. Ainsi, cette double création indique que le populaire et le « primitif » sont pensés par les musées selon les mêmes modalités : sauvegarder des cultures qui disparaissent. De son côté, elle établit une corrélation entre les groupes populaires et les peuples colonisés dans le domaine culturel. Tous deux ont apporté leur originalité dans la production artistique occidentale qui étouffait, et leur domination se traduit selon un même schème, leur manque de culture. Pour les premiers, ils ont été évincés de l’art entré dans les résidences privées des puissants58 depuis la Renaissance. Quant aux seconds, la raison se justifie par leur supposé « retard », voire leur absence de civilisation. C’est l’idée de la régénération de l’art de la vieille Europe par celui des groupes dominés. Une réflexion qu’elle ne développe pas dans ces lignes, mais peut-être le fait-elle lors des conférences qu’elle donne59 ou lors des causeries sur les origines de l’art contemporain pour Radio Paris60  ?

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20Cependant, ses premières réflexions sur les arts dits extra-européens ne constituent pas l’ossature des articles cités. Elle ne fait aucunement référence aux débats qui agitent les milieux spécialisés tant dans les études ethno-esthétiques que dans les analyses politiques du régime colonial61. Dans ses archives, sous forme de correspondances ou de notes préparatoires de conférences, il n’y a pas d’écrits sur ces arts. Néanmoins, elle emploie le vocable « art nègre » pour la collection Vérité, terme couramment adopté par les collectionneurs et galeristes dans l’Entre-deux-guerres62. Pas d’écrit mais un geste : elle choisit de mettre en lumière le travail des sculpteurs africains, et pour éprouver l’émotion ressentie devant ces œuvres, elle préconise la galerie d’un marchand-collectionneur plutôt que le musée de l’Homme qui a davantage une fonction d’éducateur. Le grand public était auparavant au contact des arts dits extra-européens lors des expositions universelles ou internationales63 ; avec le musée de l’Homme, il découvre des civilisations dans un cadre scientifique et antiraciste. Madeleine Rousseau choisit de dépasser le cadre de ce musée : pour ressentir la beauté des sculptures africaines, ce sera une galerie. Elle ouvre une nouvelle voie : amener un public populaire dans le monde des galeries, lieu privilégié de la bourgeoisie et des artistes afin de dévoiler et finalement populariser un art devenu élitaire.

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21Démocratiser la culture est un parcours difficile, les forces progressistes aspirent à sa réalisation depuis la période révolutionnaire. Le Front populaire entame un chapitre nouveau de l’éducation populaire dans lequel l’Apam des années 1930 met en œuvre le programme, la culture pour tous. Ses membres n’hésitent pas à dépasser les habitudes culturelles et se portent vers les arts d’Afrique et d’Océanie. Cependant, cette velléité révèle les ambiguïtés de la plupart des intellectuels et militants de la gauche culturelle qui ne rejettent pas l’empire colonial, mais en condamnent les excès. Quant aux artefacts dans les musées ou dans les collections privées, ils sont conservés, voire sauvés au nom de la science, de l’exotisme et du beau. L’intérêt de Madeleine Rousseau pour l’art africain n’est pas une simple fantaisie. Ainsi, après la Seconde Guerre mondiale, devenue le pivot de l’Apam, elle l’entraîne sur ce terrain comme l’illustre la couverture du premier numéro du Musée Vivant avec une statuette warega (Lega, RDC) annonçant l’exposition « L’art magique des Noirs d’Afrique »64 et qui préfigure un numéro spécial, en 1948, pour la commémoration du centenaire de l’abolition de l’esclavage65.

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Notes

1 L’Association populaire des amis des musées, désormais Apam ou l’Association.

2 « L’exposition des loisirs des travailleurs du bois », Le Musée Vivant, janv.-fév., n° 1, 1939, p. 18-19. Pierre Vérité (1900-1993) ouvre la galerie Carrefour, consacrée à l’art primitif et aux tableaux modernes, à Montparnasse en 1937.

3 Le Musée Vivant paraît à partir de 1937, il est bimestriel. En raison de ce rythme, il est souvent relayé par d’autres journaux tels que Le Populaire, L’Humanité, Regards, Le Voltigeur, La lumière, Juin 36, Beaux-Arts, La vie ouvrière, pour annoncer le programme d’activités.

4 Voir Carole Christen, Laurent Besse (dir.), Histoire de l’éducation populaire 1815-1945. Perspectives françaises et internationales, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017.

5 Sur la politique culturelle et le Front populaire, voir Pascal Ory, La Belle Illusion. Culture et politique sous le signe du Front populaire, 1935-1938, Paris, Plon, 1994.

6 Julie Verlaine, « Réanimer le musée : l’Association populaire des amis des musées (APAM), 1936-1960 », in Jean-Charles Buttier et al. (éd.), Éducation populaire : engagement, médiation, transmission (XIXe-XXIe siècles), Pierrefitte-sur-Seine, Publications des Archives nationales, 2022, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ books.pan.4688.

7 Né après le 6 février 1934, l’hebdomadaire Vendredi est créé par le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA). Paul Rivet en est le président, il est secondé par le physicien Paul Langevin, membre d’honneur de l’Apam, et le philosophe Alain.

8 Pascal Ory, La Belle Illusion…, op. cit., p. 258-259.

9 Marion Fontaine, « Travail et loisirs », dans Jean-Jacques Becker, Gilles Candar, Histoire des gauches en France, Paris, La Découverte, vol. 2, 2005, p. 711.

10 La liste du corps des conférenciers spécialisés, constituée par l’Apam, est publiée dans Le Musée Vivant, mars-avril, n° 2, 1938, p. 9.

11 Madeleine Rousseau, « L’APAM et l’éducation ouvrière », Esprit, novembre 1938, p. 260.

12 Jacques Rancière, Le Maître ignorant. Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Paris, Fayard, 1987.

13 Elle connait un réel succès et survit à la chute des gouvernements de Front populaire : 965 visites collectives ont eu lieu depuis 1936, chiffres annoncés dans Le Musée Vivant, janv. 1940, n1.

14 Pascal Ory, La Belle Illusion…, op. cit., p. 263-264.

15 Le Musée vivant est publié de 1937 à 1940, disparaît avec la guerre et réapparaît de 1946 à 1969.

16 Fonds Madeleine Rousseau conservé au Musée des Civilisations de Saint-Just Saint-Rambert (Loire) : archives de l’Apam et de la correspondance de Madeleine Rousseau. Les arts dits extra-européens occupent une part importante de la correspondance après la guerre.

17 Nélia Dias, Le Musée d’ethnographie du Trocadéro (1877-1908). Anthropologie et Muséologie en France, Paris, CNRS, 1991.

18 Le musée de l’Homme est inauguré en 1937 au Palais du Trocadéro ; il ouvre ses portes au public le 21 juin 1938.

19 Michel Leiris, « Le musée de l’Homme », Le Musée Vivant, août-sept. 1937, n7-8, p. 3.

20 Claude Liauzu, Histoire de l’anticolonialisme en France du XVIe siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 2007, p. 176-189.

21 Vendredi, 17 juin 1938.

22 Benoît de L’Estoile, Le goût des Autres. De l’exposition coloniale aux arts premiers, Paris, Flammarion, 2007, p. 73-101.

23 Maureen Murphy, De l’imaginaire au musée. Les arts d’Afrique à Paris et à New York (1931-2006), Paris, Les presses du Réel, 2009, p. 34-42. Sophie Leclercq, La rançon du colonialisme. Les surréalistes face aux mythes de la France coloniale (1919-1962), Paris, Les presses du Réel, 2010, p. 151-167.

24 Le Musée Vivant, juillet-août 1938, n° 4.

25 Madeleine Rousseau, « L’APAM et l’éducation…  », art. cit., p. 259.

26 Christian Coiffier (dir.), Le Voyage de la Korrigane dans les mers du sud, Paris, Éditions Hazan, Muséum national d’Histoire naturelle, 2001, p. 44-47. Cette expédition, menée par cinq personnes de 1934 à 1936, a la caution scientifique de Paul Rivet ; une partie des objets seront déposés au musée de l’Homme.

27 Pascal Blanchard, Éric Deroo, Gilles Manceron, Le Paris noir, Paris, Éditions Hazan, 2001, p. 66-107. Al Brown participa à un gala de boxe pour compléter le financement de la mission Dakar-Djibouti.

28 Pascal Blanchard, Éric Deroo, « Contrôler : Paris, capitale coloniale », dans Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire (dir.) Culture impériale, 1931-1961, Paris, Autrement, 2004, p. 107-121.

29 Chaque aire est présentée en une page sans photographie, les numéros du Musée Vivant ont de 10 à 12 pages en 1938.

30 Georgette Soustelle, « L’Amérique au Musée de l’Homme  », Le Musée Vivant, janv.-fév. 1938, p. 5-6.

31 Marcelle Bouteiller, « L’Asie au Musée de l’Homme », Le Musée Vivant, mars-avril 1938, p. 3.

32 Michel Leiris, « Au Musée de l’Homme : la Galerie d’Afrique Noire », Le Musée Vivant, mai-juin 1938, p. 11.

33 Alice L. Conklin, « 1878-1945 : le paradoxe colonial du musée de l’Homme », dans Claude Blanckaert (dir.), Le Musée de l’Homme. Histoire d’un musée laboratoire, Paris, Muséum national d’Histoire naturelle, Éditions Artlys, 2015, p. 31-33.

34 Michel Leiris, « Au Musée de l’Homme… », art. cit.

35 Marcelle Bouteiller, « L’Amérique au Musée de l’Homme…  », art. cit.

36 Notamment l’affiche de Victor Jean Desmeures, « Exposition coloniale internationale. Paris 1931, le tour du monde en un jour ».

37 Alice L. Conklin, « 1878-1945 : le paradoxe colonial du musée… », art. cit., p. 35-42.

38 Conquête de 1892-1894. Les vingt-six pièces du trésor royal ont été restituées par la France au Bénin en octobre 2021. Voir, « À Paris, une cérémonie pour acter la restitution au Bénin de 26 œuvres des trésors royaux d’Abomey  », Le Monde, 27 oct. 2021. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/10/27/a-paris-une-ceremonie-pour-acter-la-restitution-au-benin-de-26-uvres-des-tresors-royaux-d-abomey_6100091_3212.html

39 Frans Masereel (1889-1972), artiste engagé, membre de l’Apam et professeur de dessin pour les ouvriers du Cercle de Peinture de l’Union des Syndicats de la Région Parisienne, une académie populaire des arts. Voir Pascal Ory, La Belle Illusion…, op. cit., p. 250-252.

40 « L’Exposition des Loisirs des Travailleurs du Bois », Le Musée Vivant, janv.-fév., n° 1, 1939, p. 18-19.

41 Situé à Paris à la Porte Dorée, le musée fut inauguré le 6 mai 1931, en même temps que l’Exposition coloniale internationale ; il prend le nom de musée de la France d’Outre-mer de 1935 à 1960.

42 Voir Danielle Maurice, «  L’art et l’éducation populaire : Madeleine Rousseau, une figure singulière des années 1940-1960 », Histoire de l’art, n° 63, 2008, p. 111-121. https://www.persee.fr/doc/hista_0992-2059_2008_num_63_1_3248

43 Voir Marie-Jo Bonnet, Les Femmes artistes dans les avant-gardes, Paris, Odile Jacob, 2006, p. 7-68.

44 Dossier « Vie avant 1940 », archives du musée des Civilisations, Saint-Just Saint-Rambert.

45 Elle présente, en 1935, une thèse sur l’œuvre de P-A Jeanron, directeur des Musées Nationaux sous la Seconde République (1848-1852), publiée à titre posthume par Marie-Martine Dubreuil, La vie et l’œuvre de Philippe Auguste Jeanron. Peintre, écrivain, directeur des musées nationaux par Madeleine Rousseau, Paris, Réunion des Musées Nationaux, 2000.

46 Mai 36, collectif né en juin 1936, se présentant comme un « mouvement populaire d’art et de culture  », proche de la SFIO, comptant un grand nombre de femmes et organisé en sections, situé à la gauche du front culturel. Voir Pascal Ory, La Belle Illusion…, op. cit., p. 115-118.

47 Archives privées, s. n., mai 1962, au moment de la vente de sa collection à l’Hôtel Drouot.

48 William Rubin, Le Primitivisme dans l’art du XXe siècle, Paris, Flammarion, 1991. Laurick Zerbini, « Sur les traces des arts africains…  », dans Ossila Saaidia, L. Zerbini, La Construction du discours colonial. L’empire français aux XIXe et XXe siècles, Paris, Karthala, 2009, p. 63-88.

49 Laurick Zerbini, « Sur les traces des arts africains…  », art. cit., p. 82-84 ; Yaëlle Biro, Fabriquer le regard. Marchands, réseaux et objets d’art africain à l’aube du XXe siècle, Paris, Les presses du réel, 2018.

50 Philippe Peltier, « L’art océanien entre les deux guerres : expositions et vision occidentale  », Journal de la Société des océanistes, n° 65, Tome 35, 1979, p. 274.

51 Robert Goldwater, Le primitivisme dans l’art moderne, Paris, PUF, 1988, p. 28 (1ère édition 1938). Philippe Dagen, Primitivisme II. Une guerre moderne, Paris Gallimard, 2021.

52 Ces deux galeristes cherchent à développer le marché de l’« art primitif  » aux États-Unis et prêtent aussi des objets aux musées new-yorkais comme le MoMA, voir M. Murphy, De l’imaginaire au musée…, op. cit., p. 161-191.

53 Madeleine Rousseau, « La tradition française dans l’art du XXe siècle », Le Musée Vivant, janv.-fév., n° 1, 1939.

54 Madeleine Rousseau, « L’exposition des loisirs…  », art. cit. p. 19.

55 Laurick Zerbini, « Sur les traces des arts africains…  », art. cit., p. 71-81.

56 Madeleine Rousseau a mis en œuvre l’exposition Les maîtres populaires de la réalité, rue Royale, en 1937, organisée par le musée de Grenoble. Voir la thèse de 3e cycle d’Hélène Vincent, Un musée précurseur, le musée de Grenoble de 1920 à 1950, Université Lyon 2, 1980.

57 Madeleine Rousseau, « La tradition française…  », art. cit.

58 Dès l’été 1937, Madeleine Rousseau développe dans plusieurs numéros du Musée Vivant ses positions sur l’art à l’occasion de l’exposition « Les chefs-d’œuvre de l’art français  » au Palais national des Arts Paris.

59 Madeleine Rousseau, « La tradition française…  », art. cit. Cet article est le résumé d’une conférence donnée à l’atelier Montparnasse le 10 décembre 1938.

60 Dossier « Conférences », archives du musée des Civilisations (Saint-Just Saint-Rambert), en 1938 et 1939, plusieurs courriers du ministère des postes, télégraphes et téléphones, service de la radiodiffusion.

61 Sophie Leclercq, La Rançon du colonialisme. Les surréalistes face aux mythes de la France coloniale (1919-1962), Paris, Les presses du Réel, 2010.

62 Jean-Louis Paudrat, « Afrique », dans Le Primitivisme dans l’art du XXe siècle, Paris, Flammarion, 1991, p. 125-175.

63 L’Exposition coloniale internationale de Paris qui se déroule du 6 mai au 15 novembre 1931, à la porte Dorée et au bois de Vincennes.

64 Le Musée Vivant, no 1, janvier 1946 ; statuette warega, Congo-Kinshasa, collection Charles Ratton. L’exposition se tient au musée de l’Homme.

65 Le Musée vivant, nos 36-37, novembre 1948, « 1848 Abolition de l’esclavage – 1948 Évidence de la culture nègre ».

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Pour citer cet article

Référence électronique

Danielle Maurice, « L’art africain, des vitrines des musées aux vitrines des galeries »Revue d’histoire culturelle [En ligne], 8 | 2024, mis en ligne le 30 mai 2024, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhc/9602 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11yci

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Auteur

Danielle Maurice

IHRIM – Université de Lyon

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