Myriam Juan, Les Années folles
Myriam Juan, Les Années folles, Paris, Puf, collection « Que sais-je », 2021, 128 p.
Texte intégral
- 1 Voir notamment Dominique Kalifa (dir.), Les Noms d’époque. De « Restauration » à « années de plomb (...)
- 2 Comme Jean-Yves Le Naour par exemple dans une synthèse récente : 1922-1929, Les Années folles, Pari (...)
1Myriam Juan est maîtresse de conférences en études cinématographiques à l’Université de Caen Normandie. Spécialiste des années 1920 et de l’histoire culturelle, plus particulièrement de l’histoire du cinéma, son nom était tout indiqué pour rédiger cette synthèse sur les « années folles ». La collection « Que sais-je » des Presses universitaires de France, au format synthétique et à l’attention d’un public large, oblige l’historien à faire certains choix : une période telle que les années 1920 peut difficilement être traitée dans sa globalité en une centaine de pages. Myriam Juan fait donc le pari de l’approcher par le biais de l’histoire culturelle. Elle s’inscrit également dans un champ de recherche récent initié par Dominique Kalifa, celui des chrononymes1. À propos d’une période souvent désignée comme les « années folles », l’historienne choisit, à la différence de plusieurs de ses confrères2, d’utiliser cet imaginaire comme outil et voie d’accès au réel des années 1920 plutôt que de le rejeter d’emblée. Le livre est donc pensé comme un parcours au sein des réalités qui ont nourri cet imaginaire.
2Cette idée de cheminement est renforcée par la structure de l’ouvrage, qui débute et s’achève par un retour au chrononyme. Cinq chapitres sont ainsi proposés, recouvrant chacun un des aspects de la vie culturelle des années 1920. L’historienne semble partir des images les plus spontanées associées à cette période (le jazz, la mode, l’Art-déco) pour finir avec les difficultés éprouvées par les minorités et donc achever ce parcours des représentations à la réalité (bien que le propos soit nuancé).
3Utilisant l’histoire des représentations à deux niveaux, la mémoire de la période (chapitre 1) mais aussi les représentations qu’en avaient les contemporains (chapitre 2), elle montre que les évolutions relatives aux années 1920 (mode, musique, art) étaient d’ores et déjà commentées au sein d’une époque caractérisée par une nouvelle perception du temps historique : la « modernité ». Malgré la puissance des médias de masse qui ont contribué à créer une certaine « convergence des sensibilités », Myriam Juan interroge également la notion d’avant-gardes (chapitre 3) en s’arrêtant sur l’anticonformisme des artistes, tant dans leur mode de vie que dans leurs œuvres. Toutefois, malgré leur importance dans les représentations associées aux années 1920, leur audience reste assez restreinte : les divertissements de masse priment (chapitre 4). En interrogeant cette quête de distraction, l’historienne mobilise ses recherches en histoire du cinéma tout en élargissant son propos à d’autres pratiques telles que le music-hall ou le sport. L’ouvrage s’achève par le constat inévitable d’années qui n’ont pas été folles pour tous, en s’attardant sur les difficultés éprouvées par les femmes, les minorités sexuelles comme raciales et les aspirations toujours marquées au triomphe de l’ordre social. Elle nuance ainsi cet imaginaire doré et achève son parcours par une plongée dans une réalité contrastée.
4La vie culturelle des années 1920 est ainsi dépeinte, permettant de déconstruire l’imaginaire des « années folles » qui lui est couramment associé. Bien écrit, bien mené, l’ouvrage répond à son objectif en offrant un panorama complet et accessible du thème choisi. Le réel effort d’ouverture transnationale est particulièrement appréciable : bien qu’elle se concentre sur l’Occident, Myriam Juan fait des excursions en Russie, en Chine ou encore au Japon, qui attisent la curiosité du lecteur. L’histoire des représentations en tant qu’outil de l’analyse est également bien mobilisée avec des retours récurrents à l’imaginaire. Le premier chapitre est à ce titre exemplaire : en mêlant étude des pratiques à l’étude des images, elle parvient à nous offrir un riche tableau de l’identité visuelle et sonore des années 1920. La synthèse est donc efficace et originale grâce à l’angle choisi, qui fonctionne particulièrement bien pour cette période à l’origine d’un imaginaire puissant et durable.
Notes
1 Voir notamment Dominique Kalifa (dir.), Les Noms d’époque. De « Restauration » à « années de plomb », Paris, Gallimard, 2020.
2 Comme Jean-Yves Le Naour par exemple dans une synthèse récente : 1922-1929, Les Années folles, Paris, Perrin, 2022, 414 p.
Haut de pagePour citer cet article
Référence électronique
Eva Muller, « Myriam Juan, Les Années folles », Revue d’histoire culturelle [En ligne], 8 | 2024, mis en ligne le 15 avril 2024, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhc/8462 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11ydb
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page