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Dossier - Cultures olympiques. Appropriations, pratiques, représentations

Évolutions et reconfigurations des cultures olympiques au XXe siècle

Fabien Archambault et Fabien Conord

Texte intégral

1Lorsque nous avons proposé au comité de rédaction de la Revue d’histoire culturelle un dossier intitulé « Olympisme et cultures », le thème fut retenu sans objection. Si le fait peut sembler banal aujourd’hui, il témoigne pourtant de l’élargissement de ce qu’il est convenu d’appeler l’histoire culturelle autant que de l’émergence du sport comme objet d’histoire devenu légitime.

  • 1 Paul Dietschy, Patrick Clastres, Sport, culture et société en France, du XIXe siècle à nos jours, P (...)
  • 2 Alfred Wahl, Les Archives du football, Paris, Gallimard, 1989, puis La Balle au pied : histoire du (...)
  • 3 Il s’agit respectivement des numéros 251 (2013), 268 (2017) et 277 (2020).

2En effet, l’histoire des pratiques sportives est longtemps restée délaissée par le monde universitaire français. Il a fallu attendre 2006 pour qu’un manuel d’enseignement supérieur soit écrit par deux historiens de métier sur cette thématique. Il est significatif d’ailleurs de constater que dans son titre le sport voisinait avec la culture1. En 2019 encore, il a toutefois fallu l’intervention de l’un des coordonnateurs de ce dossier, alors membre du jury de l’agrégation de géographie, pour que la lettre de cadrage de la question mise aux concours (CAPES, agrégations) sur « Cultures, médias, pouvoirs aux États-Unis et en Europe 1945-1991 » intègre deux incises sur le sport (« les sports américains » et la « médiatisation des sports »). Tout au long du XXe siècle, le sport, bien que composante essentielle de la culture de masse, était resté à l’écart des préoccupations scientifiques. Seuls les collègues exerçant dans les nouvelles facultés de STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) s’adonnaient à son étude, quelquefois renforcés par un chercheur reconnu dans d’autres domaines et faisant un pas de côté, de manière buissonnière, pour la documenter2. Il y a là une singularité française, qui tient sans doute pour partie au relatif mépris dans lequel le monde intellectuel a souvent tenu les activités sportives. S’il est naturel pour un universitaire en poste aux États-Unis d’indiquer dans son curriculum vitae ses titres de champion de baseball, de basket-ball ou de football américain, une telle mention paraîtrait incongrue en France… Le temps du dédain semble néanmoins passé, ainsi qu’en témoigne la vitalité de l’histoire du sport et son investissement par de jeunes agrégés d’histoire, même si nombre d’entre eux sont recrutés dans des UFR de STAPS plutôt que des départements d’histoire. Plusieurs Professeurs en poste dans des universités (de province : Arras, Besançon, Clermont-Ferrand) dirigent des thèses consacrées au mouvement sportif. Celui-ci fait l’objet de multiples publications, y compris dans des revues identifiées sur d’autres thématiques : la revue Guerres mondiales et conflits contemporains a ainsi consacré au sport pendant les deux guerres mondiales puis pendant la guerre froide trois dossiers, tous coordonnés par Paul Dietschy3. L’opportunité de l’année olympique explique naturellement une floraison de publications annoncées ou déjà parues en 2024, dans laquelle ce dossier s’inscrit tout en se singularisant.

  • 4 Évelyne Cohen, Pascale Goetschel, « Une revue pour l’histoire culturelle », Revue d’histoire cultur (...)

3Il est en effet placé sous les auspices de l’histoire culturelle, que le sport permet de pratiquer sous ses deux espèces, si l’on autorise cette transposition de la culture chrétienne (qui, on le verra plus loin, n’est pas étrangère au succès de la culture olympique). L’histoire culturelle s’est largement développée en France autour de deux sensibilités, sans doute plus parentes qu’opposées. La première concentre ses travaux sur les pratiques culturelles, tandis que la seconde envisage la culture comme un imaginaire social. La Revue d’histoire culturelle assume pleinement cette double dimension, comme le manifestent ses responsables dans le premier numéro paru en 2020, en exprimant leur volonté « de ne pas rester cantonné.e.s à une seule acception de l’histoire culturelle, restreinte à une histoire de la culture cultivée et à ses productions » et mentionnant « une série d’approches : de l’histoire des institutions culturelles à celles des imaginaires sociaux, de l’histoire des formes artistiques à celle des productions symboliques, de l’histoire des corps à celle des sensibilités… » dans le cadre d’un regard qui « noue ensemble les imaginaires sociaux et les pratiques »4.

  • 5 Alain Corbin (dir.), L’Avènement des loisirs, 1850-1960, Paris, Aubier, 1995, dernière réédition Fl (...)
  • 6 Dominique Kalifa, La Culture de masse, Paris, La Découverte, 2001.
  • 7 Philippe Poirrier (dir.), L’Histoire culturelle, un « tournant mondial » dans l’historiographie ?, (...)
  • 8 Évelyne Cohen, Pascale Goetschel, Laurent Martin, Pascal Ory (dir.), Dix ans d’histoire culturelle  (...)

4Or, les Jeux olympiques et leurs déclinaisons permettent d’appréhender l’histoire culturelle dans ces deux dimensions. Le sport est l’une des composantes principales de ce qu’il est convenu d’appeler la civilisation des loisirs dont le développement s’observe durant la période contemporaine5, avec un décalage selon les classes sociales, et participe pleinement de la culture de masse6. De manière plus surprenante en apparence, l’olympisme permet aussi, à l’instar de l’histoire culturelle en général selon Philippe Poirrier, de « réintégrer au sein du questionnement historien les expressions les plus élaborées de la culture et des savoirs sans pour autant négliger les pratiques du plus grand nombre »7 : les Jeux olympiques ont proposé durant un bon tiers du XXe siècle des épreuves artistiques. L’olympisme moderne constitue également une culture comme représentation du monde et de l’individu. Il prend naissance et se développe dans un milieu bien situé, celui des élites occidentales de la fin du XIXe siècle qui s’efforcent de préserver un imaginaire social et une hiérarchie des valeurs bousculés par les évolutions contemporaines en matière économique, sociale et politique, avec le triomphe de l’industrialisation, l’élargissement de la démocratie et l’émergence du mouvement ouvrier. Il permet aussi une approche transnationale évidente par son objet même, dimension dans laquelle l’histoire culturelle peine parfois à s’affirmer, souvent prisonnière du cadre national des institutions et des politiques conduites autant que des imaginaires, ainsi que le soulignent Laurent Martin, Chloé Maurel et Ludovic Tournès8.

Des cultures olympiques diverses dans le temps et les espaces

5L’épaisseur chronologique des Jeux olympiques de l’ère moderne, dont l’existence est maintenant plus que centenaire, autorise l’appréhension de cet événement par l’étude des cultures – entendues ici on l’aura compris comme autant d’imaginaires sociaux mais se déclinant aussi dans leurs pratiques – en lien avec l’olympisme. Le pluriel est de rigueur tant l’appropriation ou la contestation des Jeux olympiques par leurs acteurs et leurs contempteurs peuvent différer de l’idéal olympique tel qu’il fut défini par Pierre de Coubertin.

  • 9 Alfréd Haiós, de son vrai nom Guttmann, issu d’une famille juive de Hongrie (il est enfermé au ghet (...)
  • 10 Louis Chevaillier, Les Jeux olympiques de littérature, Paris, Grasset, 2024.

6Pour l’écrire vite, celui-ci voyait en l’organisation des olympiades l’occasion de cristalliser autour du sport mais aussi de la culture un profil d’homme moderne pétri de valeurs anciennes ou supposées telles. La dimension culturelle de l’événement olympique est d’abord, dans l’esprit de son fondateur, liée à la référence antique et s’inscrit dans une conception éducative. La culture est pensée par Pierre de Coubertin comme une partie intégrante des Jeux qui comportent, jusqu’en 1948, des épreuves artistiques, auxquelles il ne dédaigne pas de concourir lui-même, remportant (sous pseudonyme) l’une d’elles en 1912. L’un de ses successeurs, Avery Brundage, cumule même une participation en sport (pentathlon athlétique en 1912) et en littérature (1932), sans médaille toutefois, à la différence des deux seuls lauréats ayant réussi à en décrocher en sport et dans une épreuve culturelle : Walter Winans, médaille d’or en tir en 1908 qui réussit en 1912 à obtenir une médaille d’argent en tir et une médaille d’or en sculpture, et Alfréd Haiós, double médaille d’or en natation en 1896 puis médaille d’argent en architecture en 19249. Les épreuves inscrites au programme expriment une forme de classicisme et apparaissent quelque peu réduites à ce que l’on nommait alors les Beaux-Arts (intitulé du ministère ou secrétariat d’État qui en avait la tutelle dans la France de la IIIe République) ; le directeur de l’Académie des Beaux-Arts siège d’ailleurs dans le jury lors des Jeux de Paris en 1924… Sont mises au concours l’architecture, la littérature10, la musique, la peinture, la sculpture, et si la médiocrité de certaines œuvres ne fait guère de doute, les jurys se composent parfois de personnalités indiscutables, lauréats du Prix Nobel de littérature (Selma Lagerlöf ou Maurice Maeterlinck) ou compositeurs fameux (Gabriel Fauré, Igor Stravinsky…). Les cinq épreuves artistiques font le pendant au pentathlon moderne, conçu sur le modèle de l’officier devant être doué en escrime, tir, équitation, natation et course à pied. Le jeune homme accompli selon Coubertin doit en effet être un aussi bon soldat qu’être doté d’une solide culture, sur le modèle des public schools ayant acclimaté le sport au Royaume-Uni.

  • 11 Antonin Andriot, Entre héritage national et influences britanniques : une histoire croisée du libér (...)
  • 12 Fabien Conord (dir.), « Jacques Bardoux, intellectuel et homme politique », Siècles. Revue du Centr (...)
  • 13 Jacques Goddet, L’Équipée belle, Paris, Robert Laffont, 1991.
  • 14 Patrick Clastres, « Inventer une élite : Pierre de Coubertin et la “chevalerie sportive” », Revue f (...)
  • 15 Fabien Archambault, Les Légendes du siècle. Une histoire des Jeux en douze médailles, Paris, Flamma (...)

7Cette admiration pour l’éducation britannique est largement répandue dans les élites françaises, même avant l’Entente cordiale. Elle irrigue le libéralisme11 et se traduit par des expériences repérables chez des intellectuels de profession, tel Jacques Bardoux, rédacteur au Journal des débats et enseignant à l’École libre des sciences politiques (où Coubertin étudia lui-même)12, mais aussi chez de grandes figures du monde sportif comme le journaliste Jacques Goddet, qui couvre toutes les olympiades à partir de la fin des années 1920 même si le grand public l’identifie surtout au Tour de France dont son père a été l’un des fondateurs et qu’il dirige, ainsi que le quotidien L’Équipe, durant l’essentiel du second XXe siècle13. Le culte de l’amateurisme qui va de pair avec l’élitisme du recrutement permet d’envisager cette forme de « chevalerie sportive » à laquelle aspire Pierre de Coubertin14. Cette première culture olympique est progressivement subvertie par les évolutions du siècle. Dans un ouvrage récent, Fabien Archambault propose de séquencer cette dynamique en trois temps : l’américanisation, l’entrée en scène de l’URSS et du bloc de l’Est, la décolonisation et son cortège de nouveaux participants15.

  • 16 Ses articles ont fait l’objet de plusieurs éditions, la plus récente étant la suivante : Charles Ma (...)
  • 17 Barbara Keys, « Spreading Peace, Democracy, and Coca-Cola: Sport and American Cultural Expansion in (...)

8L’hybridation se poursuit avec le monde anglophone lorsque les États-Unis investissent le mouvement olympique. Un observateur par ailleurs bienveillant envers la première édition des Jeux olympiques de l’ère moderne, qui se déroulent à Athènes en 1896, le nationaliste français Charles Maurras, exprime son agacement et son mépris à l’encontre des supporters américains dont les valeurs et l’expression semblent incompatibles avec l’idéal de distinction promu et prôné par Pierre de Coubertin16. C’est pourtant outre-Atlantique que se forge la mondialisation qui fait le succès des Jeux olympiques du XXe siècle, au prix d’un infléchissement très net de la culture qui présidait à leurs débuts. L’historienne états-unienne Barbara Keys a ainsi montré que le mouvement olympique s’intègre, dès l’entre-deux-guerres, dans les stratégies d’expansion globale des industries culturelles américaines. Si Los Angeles 1984 est généralement considéré comme une étape décisive dans ce processus, avec des innovations financières présentées comme nécessaires à l’équilibre du budget et reprises systématiquement depuis – à l’image du paiement par les collectivités locales de sommes importantes pour accueillir le passage de la flamme –, l’insertion dans des dynamiques commerciales est en réalité plus précoce et, si elle se situe bien en Californie, c’est dès 193217. Toutes les initiatives prises alors pour démocratiser les Jeux en les incorporant dans la culture de masse sont couronnées de succès : 1,25 million de spectateurs remplissent les gradins de la métropole californienne, soit presque le double de l’olympiade précédente à Amsterdam. En somme, les Jeux olympiques s’américanisent dans le sens où un événement sportif jusqu’alors relativement marginal et élitiste se transforme à Los Angeles en un spectacle plébiscité par les classes moyennes du lieu et en un divertissement d’ampleur mondiale.

  • 18 Le rapprochement entre les deux organisations remontait à la tenue des Jeux interalliés à Paris, au (...)
  • 19 Steven Overman, The Protestant Ethic and the Spirit of Sport. How Calvinism and Capitalism Shaped A (...)

9Par ailleurs, la mondialisation du mouvement olympique n’est pas seulement commerciale, elle est aussi, plus discrètement, religieuse, et plus spécifiquement protestante. C’est en effet la Young Men’s Christian Association (YMCA), à la manœuvre dans l’entre-deux-guerres, qui permet au mouvement olympique de s’étendre en Amérique latine et en Asie. Le partenariat entre la YMCA et le CIO est scellé en 1920 à Anvers où Elwood S. Brown, le directeur des affaires athlétiques du bureau international de l’organisme missionnaire états-unien, est nommé chargé de mission par le Comité international olympique (CIO)18. L’intérêt de la YMCA pour le sport remontait à la seconde moitié du XIXe siècle lorsqu’un débat théologique sur la question du millénarisme avait divisé les différentes confessions protestantes aux États-Unis. L’association de Brown avait alors adopté une position dite pré-millénariste, qui consistait à préparer du mieux possible l’avènement du royaume de Dieu en Amérique, par la formation d’athlètes du Christ, assez forts pour accueillir ce dernier lorsqu’il redescendrait sur terre y régner pendant mille ans jusqu’à la résurrection générale. Dans ce cadre, les sportifs se retrouvent investis d’une lourde responsabilité, celle, d’une part, de sauver la société contre elle-même et, de l’autre, d’assurer le salut de leur âme par l’engagement dans un effort strictement individuel, ce qui constitue un aspect central de la pratique religieuse d’un protestant19.

  • 20 Voir le chapitre 4, « Les Jeux de 1936 n’ont pas eu lieu » de Fabien Archambault, Les Légendes du s (...)

10Deux points précis, qui éclairent les modalités d’action de la YMCA au XXe siècle, méritent d’être précisés. Le premier a trait à l’essor du professionnalisme dans le monde du sport face auquel il n’est pas question de transiger, tandis que le second concerne précisément le statut revêtu par le sport dans l’entreprise d’évangélisation. Celui-ci n’est jamais conçu comme un moyen pour attirer les pratiquants vers autre chose, que ce soit l’écoute des sermons aux offices ou la lecture de la Bible : il est en soi une démonstration de foi chrétienne et prépare celui qui s’y adonne, sans même qu’il en ait conscience, à prouver qu’il mérite d’être racheté de ses péchés. Cette dimension est essentielle pour expliquer la facilité avec laquelle les formateurs de la YMCA sont acceptés par ceux auxquels ils s’adressent dans des contextes d’adversité religieuse : la conversion au protestantisme n’est jamais recherchée lorsque sont accueillis dans les centres d’entraînement les néo-basketteurs, qu’ils soient catholiques en Amérique latine, hindouistes dans l’Empire des Indes ou shintoïstes au Japon. Par conséquent, si l’Alliance universelle des Unions chrétiennes de jeunes gens, dont le siège est à Genève, à proximité de celui du CIO qui a été transféré à Lausanne en 1915, propose de se mettre au service du projet olympique, c’est parce qu’elle y voit la solution la plus efficace pour parvenir à ses fins. Son objectif n’est pas de diriger le sport mondial, mais d’exercer une influence sur les instances appelées à le faire, grâce justement à son action. Celle-ci, envisagée dans le long terme, se doit de rester discrète et souterraine : les membres de la YMCA n’éprouvent ainsi aucune difficulté à s’effacer derrière ceux qu’ils mettent en avant pour gouverner les nouvelles institutions sportives globales, du moment que sont respectés les principes cardinaux de leur mission, indissociablement religieuse et sportive – puisque le sport est intrinsèquement chrétien20.

  • 21 Antonio Sotomayor, Cesar R. Torres (dir.), Olimpismo: The Olympic Movement in the Making of Latin A (...)
  • 22 Boria Majumbar, Nalin Mehta, Olympics: The India Story, New York, HarperCollins, 2012.
  • 23 Robert Whiting, The Chrysanthemum and the Bat: The Game Japanese Play, Tokyo, Permanent Press, 1977
  • 24 Benoît Gaudin, « Athlétisme et nationalisme dans l’Éthiopie des années 1920-1960 », Sciences social (...)

11La YMCA se met tout de suite au travail après le congrès olympique d’Anvers. En Amérique du Sud, Elwood Brown et le responsable de l’éducation physique pour la région, Jess T. Hopkins, utilisent le réseau des antennes locales de leur association implantées de l’Argentine à Porto Rico, en passant par le Chili, l’Uruguay, le Brésil, le Pérou, le Mexique et Cuba, pour organiser les premiers Latin American Games qui se déroulent à Rio de Janeiro en 1922, à l’occasion du centenaire de l’indépendance du Brésil. La tenue de ces Jeux permet de structurer le mouvement olympique dans la zone en prévision de l’olympiade parisienne de 1924, en suggérant par exemple les noms de personnes de confiance à coopter au sein du CIO – comme l’Argentin Ricardo Aldao ou les Brésiliens Arnaldo Guinle et José Ferreira Santos – ou à nommer à la tête des différents comités olympiques nationaux – le Mexicain Carlos Zetina21. En Inde, la présidence de l’Indian Olympic Association, créée au début des années 1920, est occupée par Dorabji Tata, l’héritier du plus grand groupe industriel du pays, actif dans le textile et la métallurgie, mais c’est l’Américain Arthur G. Noehren, de la YMCA de Madras, qui en assure en réalité la gestion, secondé par son compatriote Harry C. Buck, qui dirige la délégation indienne à Paris en 192422. Au Japon enfin, qui s’est doté d’un comité olympique dès 1911, les missionnaires états-uniens assurent la diffusion des savoir-faire américains, des formateurs enseignant par exemple les techniques de nage états-uniennes à l’équipe nationale nippone au sein de l’antenne féminine de Kyoto – la Young Women’s Christian Association (YWCA) –, avec d’excellents résultats – à Los Angeles, le Japon remporte douze médailles en natation, dont cinq d’or23. Seule l’Afrique manque dans cette offensive mondiale, retard qui sera rattrapé après 1945, principalement dans les territoires anglophones et en Éthiopie24.

12Cette double américanisation, culturelle et religieuse, constitue un exemple parmi d’autres de la plasticité de la culture olympique proposée par Pierre de Coubertin qui est réinterprétée dans un contexte spécifique, sans qu’une telle opération empêche d’autres formes d’appropriations dans d’autres espaces, ni l’évolution des modèles sportifs ainsi créés lorsque les circonstances l’exigent. Pour ce qui concerne l’olympisme dans sa configuration états-unienne, le tournant des années 1980, marqué par le passage au professionnalisme, s’explique en grande partie par des facteurs politiques : le système sportif olympique américain première mouture, fondé sur un strict amateurisme et articulé avec l’univers universitaire, n’était plus capable d’assurer aux États-Unis de bien figurer dans la course froide aux médailles entamée avec l’entrée de l’URSS dans le giron olympique au début des années 1950. Ce sont par conséquent les autorités fédérales qui interviennent pour changer de paradigme et imposer l’arrivée des champions professionnels américains, plus à même de rivaliser avec les Soviétiques.

Présentation du dossier

  • 25 François-René Julliard, « Cette médaille est pour l’Amérique noire ». Les athlètes olympiques noirs (...)
  • 26 Anthony Andurand, Le Mythe grec allemand. Histoire d’une affinité élective, Rennes, Presses univers (...)
  • 27 Michael Lucken, Le Japon grec. Culture et possession, Paris, Gallimard, 2019.

13Les articles du dossier illustrent tous, chacun à leur manière, la diversité de ces cultures olympiques. Une première section les aborde selon une temporalité longue, qui permet d’en apprécier les métamorphoses. Ce sont d’abord celles des rituels olympiques, explorés par Susan Brownell (université du Missouri), qui en détaillent les réappropriations, les adaptations et les détournements, avec pour acteur principal le CIO qui cherche en permanence à en rester maître, notamment face aux contestations qui cherche à les subvertir pour en faire des instruments de contestation. Il en va ainsi de l’utilisation de la force de frappe médiatique des Jeux olympiques par plusieurs athlètes noirs américains en 1968, dont François-René Julliard montre dans sa thèse sur les Africains-Américains et l’olympisme25 qu’elle est mûrement réfléchie et âprement discutée parmi ces acteurs. Otto Schantz (université de Coblence-Landau) étudie quant à lui les différents usages de la référence à l’Antiquité, depuis la rénovation des Jeux jusqu’à l’émergence de la thématique pacifiste avec l’invention de la trêve olympique à la fin du XXe siècle, en passant par l’Allemagne nazie. Il cherche à comprendre ce qu’a pu signifier l’utilisation de la culture classique : marque de distinction sociale et culturelle dans les sociétés occidentales de la fin du XIXe siècle dans une optique élitiste de refus de la démocratisation des pratiques sportives, elle permet ensuite aux dirigeants du IIIe Reich de s’inscrire dans la filiation du Griechenmythos, le mythe des origines grecques développé par les nationalistes allemands quelques décennies plus tôt26. Ces réflexions font écho à ce que Michael Lucken a montré à propos du Japon, où les élites intellectuelles et politiques de l’ère Meiji avaient tenu à affirmer leur légitimité à revendiquer l’héritage de l’Antiquité, aussi surprenant que cela puisse nous paraître27 – ce qui explique l’adhésion précoce du pays asiatique au mouvement olympique, dès 1912. Enfin, Natalia Camps Y Wilant (Comité international Pierre de Coubertin) présente les épreuves olympiques de peinture qui ont été organisées de 1912 à 1948, en montrant comment celles-ci répondaient à un dessein réactionnaire, patiemment mûri par Pierre de Coubertin qui cherchait ainsi à réinstaurer une sorte de patronage des élites sociales sur les activités artistiques.

  • 28 André Gounot, Les Mouvements sportifs ouvriers en Europe (1893-1939), Strasbourg, Presses universit (...)
  • 29 Karen Bretin, « Le mouvement sportif ouvrier international et le modèle olympique dans les années 1 (...)

14La deuxième section s’intéresse aux évolutions de cette culture olympique dans l’entre-deux-guerres, à un moment où celle-ci est en réalité plus fragile que ce qu’une reconstruction a posteriori laisse supposer. Ainsi, Aurélien Chèbre (ENS de Rennes) décrit le relatif échec que constituèrent les Jeux de Paris en 1924, un reporter de L’Auto, le quotidien sportif ancêtre de L’Équipe, n’hésitant pas à proclamer « Vos Jeux sont une rigolade ! ». Didier Francfort (université de Lorraine) développe pour sa part l’exemple du seul morceau de musique primé aux Jeux olympiques ayant échappé à l’oubli – la marche Vers une vie nouvelle, du compositeur tchèque Josef Suk – en s’interrogeant sur les raisons de ce rare succès. Clément Dumas, qui réalise à l’université Clermont Auvergne une thèse sur les olympiades alternatives durant l’entre-deux-guerres, propose quant à lui de lire les pratiques symboliques de ces dernières au miroir des Jeux olympiques. La coloration élitiste, masculine, volontiers autoritariste et réactionnaire, au sens premier du terme, donnée par Pierre de Coubertin aux Jeux explique en effet la naissance de manifestations sportives fondées sur d’autres cultures, dans lesquelles se mêlent – ou non – genre, politique et religion. Le travail de Clément Dumas porte sur les différents courants qui se sont efforcés de mettre en place d’autre manifestations international(ist)es. C’est le cas du mouvement ouvrier, avec ses deux branches concurrentes, les socialistes qui organisent des Olympiades ouvrières et les communistes des Spartakiades (autre référence à l’Antiquité, mais dans une version contestataire puisqu’elles reprennent le nom d’une révolte servile)28. Dans l’esprit des Fronts populaires qui s’étendent sur le continent, socialistes et communistes auraient dû ensuite se retrouver à Barcelone pour une grande Olympiade populaire durant l’été 1936 mais le coup d’État perpétré par les généraux Franco et Mola le 18 juillet en décide autrement… C’est aussi la Fédération sportive féminine internationale qui met sur pied des Jeux olympiques féminins dont le CIO s’ingénie à faire changer le nom et qui deviennent donc des Jeux mondiaux féminins. Enfin, des organisations juives puisent elles aussi dans l’Antiquité une référence pour désigner leurs Jeux, les Maccabiades. Ces trois sensibilités élaborent un protocole cérémoniel largement inspiré des Jeux du CIO mais tentent de s’en distinguer. Deux éléments sont à souligner dans cet effort : l’osmose recherchée entre les participants et la population des villes hôtes par l’organisation de cérémonies « hors les murs » ; la volonté relativement généralisée de réunir les sportifs sous un même drapeau, afin de subsumer leurs différences mais surtout de surmonter les cultures nationales. À rebours apparent de cette volonté de dépasser les facteurs de différenciation, ces olympiades exaltent une culture spécifique, celle de leur sensibilité : le mouvement ouvrier se recueille ainsi au mur des Fédérés lors de la manifestation sportive organisée en 1924 en décalage avec les Jeux de Paris. L’olympiade ouvrière d’Anvers célèbre quant à elle en 1937 les sportifs espagnols engagés dans la guerre civile. Les olympiades alternatives paraissent donc toujours animées d’une tension entre la prégnance du modèle olympique forgé par le CIO et la volonté de s’ériger en contre-modèle, confirmant ce faisant la place des Jeux comme « patron » au sens textile du terme des grandes manifestations sportives internationales29. Elles disparaissent avant ou avec la Seconde Guerre mondiale. En effet, alors que les femmes intègrent de manière croissante, sinon toujours égalitaire, les Jeux, l’Union soviétique s’agrège au mouvement olympique alors même qu’elle entre en guerre froide. Les Maccabiades changent quant à elles de nature à partir de la création de l’État d’Israël, dans lequel elles se déroulent désormais et dont elles participent à l’exaltation. Il en va même d’autres manifestations sportives juives, les Jeux Hapoël. Sport communiste et compétitions juives conservent toutefois des spécificités, qui apparaissent dans les articles de Sylvain Dufraisse et Kfir Teomim Frenkel, dans la section suivante.

  • 30 Sylvain Dufraisse, Les Héros du sport. Une histoire des champions soviétiques (années 1930-années 1 (...)
  • 31 Sylvain Dufraisse, Une histoire sportive de la guerre froide, Paris, Nouveau monde éditions, 2023.
  • 32 Zeev Sternhell, Aux origines d’Israël : entre nationalisme et socialisme, Paris, Gallimard, 2004.
  • 33 Hugo Tible, L’évolution d’une manifestation sportive dans un contexte de guerre froide : le passage (...)

15La troisième section offre des exemples nationaux illustrant les modalités de la construction et de l’enracinement de cultures olympiques singulières. Axel Elías J. (UNAM) retrace tout d’abord la tentative, en partie réussie, des élites mexicaines d’élaborer un olympisme qui fasse toute sa place aux cultures autochtones, dans un contexte d’affirmation du tiers monde. Sylvain Dufraisse (Nantes Université), auteur d’une thèse sur les sportifs soviétiques30 puis d’une récente lecture largement culturaliste de la guerre froide au prisme du phénomène sportif31, illustre, lui la captation de l’olympisme par l’URSS ou du moins le projet des élites soviétiques de redéfinir ce dernier. Après avoir longtemps boudé le CIO et organisé des Jeux différents sinon toujours réellement concurrents – avec les Spartakiades durant l’entre-deux-guerres –, l’Union soviétique finit par essayer d’infléchir de l’intérieur la machine olympique. Comme souvent, l’acculturation est réciproque : en 1980, lors de l’ouverture des Jeux de Moscou, boycottés par une large partie de l’Occident, la cérémonie d’ouverture reprend devant Leonid Brejnev le titre de l’Ode au sport due à Pierre de Coubertin… Sylvain Dufraisse met d’ailleurs au jour les ambiguïtés décelables dans les relations entre le baron fondateur et les dirigeants de la jeune Union soviétique, qui ne présentent pas d’excommunications réciproques ou immédiates. Un terrain d’entente finit par s’établir dans les années 1950, au nom des intérêts bien compris des deux parties, mais dont quelques idéaux communs facilitent la conclusion. Il en va ainsi de l’amateurisme, du pacifisme et de l’universalisme revendiqués aussi bien par les dirigeants olympiques que promus par les théoriciens communistes. Certes, ces derniers cherchent à instiller davantage de démocratie dans un CIO dominé par une caste qu’ils qualifient volontiers de réactionnaires mais les convergences dominent jusque dans les années 1980, facilitant, malgré la concurrence, un processus de « construction circulaire de l’universalisme ». Elles prennent fin seulement avec l’abandon de l’amateurisme par les instances olympiques et l’effondrement du système soviétique. Enfin, Kfir Teomim Frenkel (université de Tel-Aviv) analyse l’évolution des Jeux Hapoël de l’entre-deux-guerres à la fin du XXe siècle. Fondés sous l’égide du mouvement travailliste, leur histoire épouse largement celle d’Israël, État dirigé par ce parti politique de l’indépendance à l’alternance historique de 1977. L’article de Kfir Teomim Frenkel, qui accorde une place centrale à la culture visuelle, grâce à l’analyse de huit affiches, montre que la nature et l’écho des Jeux Hapoël changent avec les mutations de la gauche israélienne et plus globalement d’une société qui se droitise. Son travail fait écho à l’interprétation proposée par Zeev Sternhell du rapport entre la gauche et la nation32, mais illustre également la part croissante du libéralisme et plus directement des valeurs du capitalisme dans le mouvement sportif. Cette progression atteint son acmé dans les années 1980, chronologie qui coïncide avec la marchandisation observable aux Jeux de Los Angeles en 1984 et dans la part décisive prise par l’économie et le système médiatique que révèlent les Goodwill Games. Ces derniers sont organisés en 1986 pour faire se rencontrer à nouveau athlètes américains et soviétiques après les boycottages successifs et croisés de Moscou (1980) et Los Angeles (1984) et ils témoignent de la puissance acquise par les médias, l’initiative étant due à Ted Turner avec le groupe TBS (Turner Broadcasting System) dont la chaîne phare est CNN. La seconde édition, qui se déroule en 1990, voit d’ailleurs l’aspect économique et commercial prendre nettement le pas sur le discours de rapprochement entre les États-Unis et l’Union soviétique, au moment où leur rapport est bouleversé par la chute du mur de Berlin et la dislocation du bloc de l’Est33.

16Cette dimension économique est au cœur de l’adjonction aux Jeux olympiques classiques de jeux vidéo, comme en témoigne l’article de Flavie Falais, doctorante à l’université de Limoges, où elle étudie la fabrique des représentations, des imaginaires et des discours autour de la sexualité dans le jeu vidéo. Elle expose la naissance au cours des années 1970 de plusieurs jeux vidéo à thématique olympique. C’est de manière non fortuite à Los Angeles que se noue un partenariat entre les sociétés qui les créent et le CIO. Se structure alors une interaction complexe, entre vidéoludification des Jeux olympiques et olympisation du jeu vidéo, dont elle montre qu’elle sert successivement les deux acteurs. La vitrine et l’ancrage historique des Jeux légitiment un secteur en émergence qui permet en retour au CIO d’atteindre un public plus jeune. Là encore, les enjeux économiques autour du développement de l’esport sont essentiels à la compréhension du phénomène. C’est que le mouvement olympique a conscience qu’il n’est pas éternel. L’article de Jilly Traganou (Parsons School of Design, New York), qui conclut cette quatrième et dernière section, retrace ainsi les contestations qui vont grandissant dans les villes hôtes des Jeux : en s’appuyant notamment sur l’exemple de Tokyo 2020, elle montre les efforts du CIO pour tenter de s’adapter et de prévenir une remise en cause du bien-fondé de l’organisation même de Jeux olympiques. C’est à ce prix que ce dernier parviendra – ou non – à assurer la pérennité de son produit culturel.

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Notes

1 Paul Dietschy, Patrick Clastres, Sport, culture et société en France, du XIXe siècle à nos jours, Paris, Hachette, 2006.

2 Alfred Wahl, Les Archives du football, Paris, Gallimard, 1989, puis La Balle au pied : histoire du football, Paris, Gallimard, 1990 ou, avec Pierre Lanfranchi, Les Footballeurs professionnels, des années trente à nos jours, Paris, Hachette, 1995. Un autre historien, plus marginal institutionnellement bien que devenu agrégé d’histoire et chercheur au CNRS, Philippe Robrieux, ancien joueur lui-même et neveu d’un dirigeant du Racing, avait publié un ouvrage sur Les grands goals de l’histoire, Paris, Ramsay, 1979.

3 Il s’agit respectivement des numéros 251 (2013), 268 (2017) et 277 (2020).

4 Évelyne Cohen, Pascale Goetschel, « Une revue pour l’histoire culturelle », Revue d’histoire culturelle XVIIIe-XXIe siècles, 1, 2020, en ligne : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhc/485

5 Alain Corbin (dir.), L’Avènement des loisirs, 1850-1960, Paris, Aubier, 1995, dernière réédition Flammarion, 2020.

6 Dominique Kalifa, La Culture de masse, Paris, La Découverte, 2001.

7 Philippe Poirrier (dir.), L’Histoire culturelle, un « tournant mondial » dans l’historiographie ?, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2008.

8 Évelyne Cohen, Pascale Goetschel, Laurent Martin, Pascal Ory (dir.), Dix ans d’histoire culturelle : état de l’art, Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, 2011.

9 Alfréd Haiós, de son vrai nom Guttmann, issu d’une famille juive de Hongrie (il est enfermé au ghetto de Budapest pendant la Seconde Guerre mondiale), a choisi ce pseudonyme qui signifie « marin » lorsqu’il apprit à nager après la mort de son père par noyade. Il fut aussi joueur puis sélectionneur de l’équipe de football de Hongrie au début du XXe siècle.

10 Louis Chevaillier, Les Jeux olympiques de littérature, Paris, Grasset, 2024.

11 Antonin Andriot, Entre héritage national et influences britanniques : une histoire croisée du libéralisme et des libéraux français entre 1859 et 1929, thèse d’histoire contemporaine réalisée sous la direction de Mathias Bernard, Université Clermont Auvergne, 2022.

12 Fabien Conord (dir.), « Jacques Bardoux, intellectuel et homme politique », Siècles. Revue du Centre d’Histoire « Espaces et Cultures », 5, 2023, en ligne : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/siecles

13 Jacques Goddet, L’Équipée belle, Paris, Robert Laffont, 1991.

14 Patrick Clastres, « Inventer une élite : Pierre de Coubertin et la “chevalerie sportive” », Revue française d’histoire des idées politiques, 22-2, 2005, p. 51-71.

15 Fabien Archambault, Les Légendes du siècle. Une histoire des Jeux en douze médailles, Paris, Flammarion, 2024, p. 8-10.

16 Ses articles ont fait l’objet de plusieurs éditions, la plus récente étant la suivante : Charles Maurras, Lettres des Jeux olympiques. La ville moderne, présentation, notes, dossier, chronologie, bibliographie par Axel Tisserand, Paris, Flammarion, 2004.

17 Barbara Keys, « Spreading Peace, Democracy, and Coca-Cola: Sport and American Cultural Expansion in the 1930s », Diplomatic History, 2, 2004, p. 165-196.

18 Le rapprochement entre les deux organisations remontait à la tenue des Jeux interalliés à Paris, au bois de Vincennes, l’année précédente. Forte de l’expérience acquise dans les Foyers du soldat à l’arrière du front où elle encadrait les activités sportives, la YMCA avait proposé dès le mois d’octobre 1918 au général John Pershing, le chef du corps expéditionnaire américain en Europe, que se tiennent une fois la paix revenue ce que tout le monde appelle rapidement des « Jeux olympiques militaires ». En janvier 1919, Coubertin écrit à Brown pour protester contre cette initiative qu’il perçoit comme rivale de ses propres compétitions. Ce dernier le rassure promptement et engage au contraire avec le baron un dialogue suivi qui débouche sur l’officialisation d’un accord de collaboration au congrès olympique de 1920. Elwood Brown y déclare qu’il s’agit là d’une « occasion extraordinaire de développer l’éducation physique dans le monde entier » et « d’étendre l’influence du CIO ».

19 Steven Overman, The Protestant Ethic and the Spirit of Sport. How Calvinism and Capitalism Shaped America’s Game, Macon (Géorgie), Mercer University Press, 2011.

20 Voir le chapitre 4, « Les Jeux de 1936 n’ont pas eu lieu » de Fabien Archambault, Les Légendes du siècle…, op. cit., p. 63-100.

21 Antonio Sotomayor, Cesar R. Torres (dir.), Olimpismo: The Olympic Movement in the Making of Latin America and the Caribbean, Fayetteville, University of Arkansas Press, 2020.

22 Boria Majumbar, Nalin Mehta, Olympics: The India Story, New York, HarperCollins, 2012.

23 Robert Whiting, The Chrysanthemum and the Bat: The Game Japanese Play, Tokyo, Permanent Press, 1977.

24 Benoît Gaudin, « Athlétisme et nationalisme dans l’Éthiopie des années 1920-1960 », Sciences sociales et sport, 1, 2008, p. 49-78.

25 François-René Julliard, « Cette médaille est pour l’Amérique noire ». Les athlètes olympiques noirs américains, entre excellence sportive et lutte pour l’égalité (1896-1984), thèse réalisée sous la direction de Fabien Conord et Caroline Rolland-Diamond, Université Clermont Auvergne, 2022.

26 Anthony Andurand, Le Mythe grec allemand. Histoire d’une affinité élective, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.

27 Michael Lucken, Le Japon grec. Culture et possession, Paris, Gallimard, 2019.

28 André Gounot, Les Mouvements sportifs ouvriers en Europe (1893-1939), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2016 ; Arnd Krüger, James Riordan (dir.), The Story of Worker Sport, Champaign, Human Kinetics, 1996.

29 Karen Bretin, « Le mouvement sportif ouvrier international et le modèle olympique dans les années 1920 », dans Thierry Terret, Les Paris des Jeux olympiques de 1924, Biarritz, Atlantica, 2008, p. 299-320.

30 Sylvain Dufraisse, Les Héros du sport. Une histoire des champions soviétiques (années 1930-années 1980), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2019.

31 Sylvain Dufraisse, Une histoire sportive de la guerre froide, Paris, Nouveau monde éditions, 2023.

32 Zeev Sternhell, Aux origines d’Israël : entre nationalisme et socialisme, Paris, Gallimard, 2004.

33 Hugo Tible, L’évolution d’une manifestation sportive dans un contexte de guerre froide : le passage d’un paradigme diplomatique à un paradigme économique, le cas des Goodwill Games de 1986 et 1990, mémoire d’IEP réalisé sous la direction de Nicolas Badalassi et Fabien Conord, IEP d’Aix-en-Provence, 2021.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Fabien Archambault et Fabien Conord, « Évolutions et reconfigurations des cultures olympiques au XXe siècle »Revue d’histoire culturelle [En ligne], 8 | 2024, mis en ligne le 31 mai 2024, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhc/11612 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11ydi

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Auteurs

Fabien Archambault

Fabien Archambault, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a récemment publié Les Légendes du siècle. Une histoire des Jeux en douze médailles, Paris, Flammarion, 2024.

Articles du même auteur

Fabien Conord

Fabien Conord, professeur d’histoire contemporaine à l’université Clermont Auvergne, est notamment l’auteur, en histoire du sport, de l’ouvrage Le Tour de France à l’heure nationale (1930-1968), Paris, Puf, 2014.

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