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Médias et écritures de l'histoire

Relire la forme et le discours de Route One/USA (Robert Kramer, 1989) à l’aune de ses chutes de montage et de ses spécificités techniques

Rethinking Robert Kramer’s Route One/USA (1989) aesthetics and discourse through the analyses of its outtakes and technical specificities
Simon Daniellou

Résumés

La prise en compte des moyens techniques novateurs à disposition de Robert Kramer et de sa petite équipe au moment du tournage en 1987-1988 du film semi-documentaire Route One/USA (1989) est susceptible de renouveler l’analyse esthétique de cette œuvre phare du cinéaste, mais aussi d’appréhender plus précisément le discours qu’il tient alors sur les États-Unis d’Amérique, pays natal un temps fui et redécouvert en cette fin d’ère Reagan. À partir de la description des spécificités des équipements de la firme française Aaton employés sur le tournage, mais aussi des chutes de montage encore aujourd’hui consultables aux Archives françaises du film, sont ainsi étudiés en détail les choix de découpage du cinéaste effectués sur le vif, par la suite confirmés ou non au moment de la postproduction. En définitive, il s’agit de mettre au jour les différents types de relations tissées entre Kramer et les personnes retrouvées ou rencontrées sur sa route, par l’intermédiaire ou non de Doc, personnage fictionnel élaboré en collaboration avec le comédien Paul McIsaac.

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Texte intégral

  • 1 Pour plus d’informations, nous invitons le lecteur à consulter le carnet de recherche en ligne publ (...)
  • 2 Sur la conception de ce format faisant suite au 16 mm, lire Vanessa Nicolazic, « Contribution à une (...)

1Lancé sur la route numéro un des États-Unis d’Amérique de septembre 1987 à mars 1988 avec sa petite équipe composée du producteur et directeur de la photographie Richard Copans, de l’ingénieur du son Olivier Schwob, du comédien Paul McIsaac et d’un aide de camp (Jordan Stone puis Christine Le Goff), Robert Kramer est venu, tel un médecin de campagne, ausculter son pays natal en cette fin d’ère Reagan agitée par la campagne électorale devant désigner le successeur de l’ancien acteur devenu président. En une petite décennie, la doctrine du néolibéralisme semble avoir brutalement réorganisé l’ordre social tandis que le cinéaste cherchait de l’autre côté de l’Atlantique un nouvel élan, suite au constat d’échec de la gauche radicale nord-américaine dont il avait été le témoin privilégié avec Milestones en 1975, après en avoir d’abord porté les idéaux au sein de l’agence cinématographique alternative Newsreel. Son stéthoscope face à ce corps social malade ? Une caméra Aaton XTR synchronisée avec un enregistreur Nagra via un nouveau système de marquage du temps baptisé « Aaton Code ». Pour l’ingénieur grenoblois Jean-Pierre Beauviala, fondateur en 1971 de l’entreprise Aaton1 à l’origine de cet appareillage, le tournage de Route One/USA s’annonce dès lors comme un essai grandeur nature de ce matériel qui marque l’aboutissement de deux décennies de travaux visant à désolidariser prise de sons et prise d’images en supprimant le câble qui avait toujours été nécessaire à la communication au magnétophone d’un signal d’une fréquence proportionnelle à la vitesse du moteur de la caméra afin d’assurer leur synchronisme. Dorénavant, les opérateurs image et son ne seront plus enchaînés l’un à l’autre, mais leurs rushes – pas moins de quatre-vingts heures d’image en Super 162 et quatre cent quatre-vingts bobines de bande magnétique demi-pouce 6,25 mm pour le son de Route One/USA – demeureront aisément en concordance jusqu’au moment de la postproduction. Car, de montage, il en est bien entendu grandement question pour Kramer qui va devoir composer un patchwork à partir de ces images et de ces sons prélevés durant six mois le long de cette route traversant le territoire états-unien, et ainsi rassembler les morceaux épars de ce pays qu’il redécouvre.

  • 3 Lire à ce sujet Vincent Amiel, Gilles Mouëllic et José Moure (dir.), Le Découpage au cinéma, Rennes (...)
  • 4 Équipement dont nous avons pu davantage appréhender les enjeux grâce à l’exploration du Fonds Aaton (...)
  • 5 Institut Mémoires de l’édition contemporaine, Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, Fonds Robert Kramer : (...)
  • 6 Soit des chutes en positif, accompagnées de leur bande son, de prises effectivement conservées dans (...)
  • 7 Notre consultation d’une partie de ces chutes, permise par Marianne Bauer et Felicidad Guarda que n (...)
  • 8 Grâce à un dépôt de Richard Copans en 2021, le Fonds Robert Kramer de l’IMEC s’est enrichi des 70 b (...)

2Mais avant d’être une œuvre de montage magistrale, mosaïque subtile cartographiant la société nord-américaine telle qu’elle se donne à saisir tout au long de la côte est des États-Unis, Route One/USA est aussi un grand film de découpage – au sens cinématographique du terme, soit une série de mises en cadre du réel sur l’instant du tournage3 –, le choix d’un équipement de prise de vue4 et de son approprié à l’ambition du projet y participant pleinement. C’est en effet ce que donne à comprendre l’étude des notes prises par Kramer en amont du tournage, puis lors du dérushage et du montage du film, consultables à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) qui conserve depuis 2006 les archives du cinéaste sous la forme de 8 boîtes d’imprimés et 215 boîtes d’archives dont un quart audiovisuelles5. Et ce, plus encore si cette étude est menée parallèlement à celle des chutes du métrage6, désormais conservées aux Archives françaises du film à Bois d’Arcy7 parmi les 265 boîtes initialement déposées à La Cinémathèque française en 1992 par la société de production Les Films d’ici, celles-ci contenant des négatifs et des positifs images muets ou accompagnés de leur piste sonore reportée sur bande magnétique 16 mm issus du tournage principal, ainsi que les enregistrements sonores du commentaire off de Kramer et de la musique signée Barre Phillips et Michel Petrucciani8. Ainsi, nous proposons-nous de prendre en compte les moyens techniques alors à disposition du cinéaste et d’en mesurer les effets à partir des traces qui en persistent dans du matériel audiovisuel ayant trait à la genèse du film afin d’alimenter l’analyse esthétique mais aussi discursive de cette œuvre qui, en portant une véritable attention à celles et ceux rencontrés sur cette Route One, a participé à sa façon à l’écriture d’une histoire plus souterraine d’une nation en grande partie aveuglée par les belles promesses des Reaganomics dont la théorie du ruissellement tardait à se concrétiser dans le réel.

Un équipement au service d’un autre rapport au réel

  • 9 Serge Daney, « L’aquarium », Cahiers du cinéma, février 1976, n° 264, p. 56.
  • 10 Érik Bullot, « De proche en proche », dans Vincent Vatrican et Cédric Venail (dir.), Trajets. À tra (...)
  • 11 Thierry Jousse, « Histoire et géographie », Cahiers du cinéma, décembre 1989, n° 426, p. 25-26, p.  (...)
  • 12 Cyril Béghin, « Introduction. Un long voyage », livret Work/vol. 07 du DVD/Blu-ray Robert Kramer – (...)
  • 13 Simon Daniellou, « Prises et reprises sur le tournage de Route One/USA », dans Nathalie Mauffrey, S (...)

3Lorsqu’il s’agit d’appréhender la composition d’ensemble de ce film de plus de quatre heures ayant connu un premier montage deux fois plus long, mais aussi celle que constitue l’œuvre de Kramer dans son entier, étalée sur trois décennies, les métaphores du tissage et du rapiècement sont régulièrement convoquées par les critiques et analystes, de Serge Daney à propos de Milestones en 19769 à Érik Bullot en 200110, en passant par Thierry Jousse en 1989 pour la sortie de Route One/USA11. Et Cyril Béghin d’encore évoquer, à l’occasion de la réédition en Blu-ray de ce dernier en 2022, « les étoilements entrelacés » de cette œuvre, ainsi que la nécessité pour le cinéaste d’« aller voir [et] nouer un lien », face à « la multitude déliée des choses et des causes, des êtres et des temps », pour déboucher sur « l’édifice imaginaire » du film, « vaste équilibre de morceaux, d’îlots, de “bits and pieces” »12. Nous avons nous-même été amené à identifier, dans le cadre d’une étude consacrée à la notion de « prise » au cinéma, le geste de « reprise » – au sens notamment de repriser – chez cet artiste se penchant sur ce pays qu’il retrouve après une longue absence13.

  • 14 Voir Marianne Bauer, Simon Daniellou,« Le fonds film Aaton : entre essais techniques et tranches de (...)
  • 15 Voir Alain Bergala, Jean-Jacques Henry, Suzanne Rosenberg, Serge Toubiana, « La sortie des usines A (...)
  • 16 Propos de Jean-Pierre Beauviala lors d’une rencontre organisée à l’université Rennes 2 le 28 avril (...)
  • 17 Ibid.

4Pour un Robert Kramer partant ici à la rencontre de ses compatriotes, mais aussi d’autres documentaristes comme Jean Rouch, Johan van der Keuken ou Éliane de Latour qui ont eu recours aux caméras Aaton14 et en ont parfois suivi l’élaboration15, il importe d’être « avec la personne que l’on filme », pour citer Jean-Pierre Beauviala16, qui conçoit ses caméras avec ce souci en tête. Fabriquée à partir de 1984-85, la caméra Aaton XTR employée par Kramer reprend en effet la forme de l’Aaton 7 LTR de 1978, célèbre « chat sur l’épaule » dont la silhouette est pensée pour épouser la forme du buste de son porteur au niveau de la clavicule. Beauviala et les ingénieurs d’Aaton apportent alors un soin particulier à l’ergonomie de cette caméra afin d’en faciliter au maximum la manipulation par les preneurs de vue auprès de qui ils récoltent suggestions et commentaires. Surtout, en décalant le viseur sur le côté, il s’agit de dégager le regard du caméraman, aux aguets face à ce que le réel peut lui offrir tandis qu’il offre, en retour, son visage à ceux dont il capte l’image. L’œil qui n’est pas derrière le viseur peut ainsi surveiller ce qui se passe dans son champ visuel et anticiper la suite de tournages sur le vif. Grâce à cette souplesse, Kramer, qui cadre le présent des États-Unis depuis l’unique caméra en marche sur le tournage de Route One/USA, va ainsi produire une véritable analyse visuelle de ce réel qui se présente à lui, que ce soit par les liens qu’il crée entre divers éléments via l’usage du panoramique – favorisé par le portage à l’épaule des caméras Aaton de l’époque, selon Beauviala lui-même17 –, ou les raccords de regard et de geste que l’incite à effectuer la présence de Doc, personnage fictionnel interprété par Paul McIsaac.

  • 18 « En discutant avec Olivier [Schwob], j’ai réalisé que l’utilisation ou non du nouveau marquage du (...)
  • 19 Propos de Robert Kramer dans Bernard Eisenschitz, avec la participation de Roberto Turigliatto, Poi (...)

5Observant ses concitoyens vivre et travailler, ce dernier suscite également leurs prises de parole par l’adresse directe ou la participation aux mêmes activités (préparation des repas dans une soupe populaire, délivrance de soin à des enfants, etc.). Or, la caméra XTR de Kramer comprend également une version améliorée du système de marquage du temps électronique de la pellicule initialement proposé sur la LTR, et ce, afin de prendre en considération la place croissante de la vidéo dans la chaîne de postproduction. Désormais, en plus d’une inscription lisible à l’œil nu sur la pellicule, est ajouté un codage matriciel, baptisé « AatonCode » et lisible par les machines de montage vidéo alors en plein développement en ces années 1980, une horloge mère (l’Aaton Origin C) servant à synchroniser au cours du tournage la caméra avec pratiquement tous les modèles d’enregistreurs sonores utilisés à l’époque. Grâce à ce synchronisme qu’assure dès le tournage le marquage du temps entre la caméra et l’enregistreur sonore qui ne sont plus reliés par un cordon ombilical inféodant soit la prise de son aux choix de cadrage, soit l’inverse, la captation de ces moments partagés entre Doc ou Kramer et leurs concitoyens peut être amorcée par l’un ou l’autre des opérateurs, et ce, sans que l’équipe ait à recourir à un clap, outil de cinéma toujours susceptible d’interrompre les conversations filmées, voire de tuer dans l’œuf une prise de parole ou une action spontanées. Dès lors, ce dispositif souple de tournage, dont Kramer saisit très tôt l’intérêt comme en témoignent ses archives18, lui donne la liberté d’affirmer un regard sur ces États-Unis à mesure qu’il met en scène leur redécouverte : « toute distinction entre documentaire et fiction s’estompe, j’ai autant de contrôle que dans une scène que j’aurais complètement orchestrée19. » Et l’étude des chutes du film permet de constater que cette mise en scène revendiquée par Kramer passe par l’entretien de trois principales formes de relations entre lui et ceux qu’il filme, relations qui se répartissent différemment le long de ce spectre allant du documentaire à la fiction sur lequel cette œuvre hybride ne cesse d’osciller.

Mettre en scène différents types de relation aux autres

  • 20 Colette Mazabrard, « Autoportrait du cinéaste en marcheur », Cahiers du cinéma, n° 426, décembre 19 (...)

6La première forme de relation mise en scène par Kramer se tisse bien entendu entre lui et le personnage de Doc, dont il partage la création avec son interprète Paul McIsaac. Plusieurs chutes sur lesquelles se font entendre les directions de jeu de Kramer invitent ainsi à mesurer la part de mise en scène de ce corps de revenant. McIsaac est en effet précisément dirigé tandis qu’il arpente le bateau approchant de l’île de Manhattan, s’avance vers le Thoreau’s Memorial à Walden Pond, récupère les clés de l’hôtel de ville de Concord dans le Massachusetts ou encore déambule dans un atelier de tatouage [Ill. 1-2]. Les chutes permettent également de comprendre que la relation amoureuse nouée par Doc à la toute fin du film en Floride est précédée d’autres rencontres, notamment avec une femme blonde avec qui il passe la nuit, les deux amants comparant alors leurs « cicatrices », réelles ou affectives. Au bout de trois heures, Doc quitte même le récit, avant de le retrouver plus tard, et ce départ, assez brutal dans le film définitif, était visiblement davantage accompagné dans une première version du montage que permettent de supputer les chutes consultées, notamment par un plan d’adieux laissant le personnage s’éloigner dans la profondeur de champ tandis qu’il remonte une route de Fort Bragg. Son personnage principal absenté, Kramer se met alors à capter davantage l’environnement (la nature, la vie animale), n’ayant plus ce visage familier sur lequel faire des plans de coupe. Or, il sait qu’il aura par la suite besoin de ces derniers afin d’articuler son montage, contrairement à ce qu’affirme Colette Mazabrard20, prévoyant ainsi d’adopter au tournage des angles de vue non orientés sur l’objet principal de l’attention.

Fig. 1 et 2 : Doc répondant visiblement à des directives précises de mise en scène dans Route One/USA

Fig. 1 et 2 : Doc répondant visiblement à des directives précises de mise en scène dans Route One/USA

© Les Films d’ici/La Sept 1989 (Blu-Ray, Re:Voir Vidéo, 2022)

  • 21 Lettre « Dear Ritchie (and Yves) » datée du « 2 August 1987 Washington D.C. », dossier 344KRM/50/1 (...)
  • 22 « Montage Book #1: Aldie », en date du 12/04/88, dossier 344KRM/53/4 du Fonds Robert Kramer, IMEC, (...)
  • 23 Gilles Chamerois, « Aller, revenir, tisser un abri : Route One/USA, de Robert Kramer (1989) », Tran (...)
  • 24 Pour plus de détails sur cette scène, nous nous permettons de renvoyer à nouveau à notre texte « Pr (...)
  • 25 Ibid. Lire également Vanessa Nicolazic, « Techniques et poétique de la relation dans Route One/USA (...)
  • 26 Lettre « Dear Ritchie (and Yves) », op. cit., nous traduisons.
  • 27 Carnet « Route One/USA, The Book of Video K7’s », dossier 344KRM/53/5 du Fonds Robert Kramer, IMEC, (...)

7Ayant renoué l’année précédente avec ce personnage pour Doc’s Kingdom (1987), Kramer fait de Doc une figure charnière au moment de préparer Route One/USA, l’envisageant comme « une paire d’yeux, qui vous considère, comme une conscience, pas comme un cintre auquel suspendre le film, ou un dos pour le porter […]. L’idée centrale est que (comme le réalisateur) tout le film, chacun de ses morceaux, est un reflet de sa conscience, que nous le voyons ou non. Aussi, tout est récit21 ». Et ce récit d’en passer par la forme filmique. La consultation des chutes correspondant à plusieurs des rencontres planifiées entre l’équipe du film et certaines personnes révèle que le cinéaste dirige tout autant son acteur principal que ceux avec qui ils passent un moment, souvent à leur domicile, nouant de cette façon un deuxième type de relations. Kramer n’hésite pas ainsi à demander à ces derniers de reprendre leur texte à l’occasion d’une nouvelle prise (jusqu’à sept d’après les relevés de dérushage consultables à l’IMEC22). C’est par exemple le cas chez le commerçant d’origine portugaise avec qui Doc trinque à plusieurs reprises dans un passage largement écourté dans le montage final, le choc des verres servant sûrement pour Kramer à penser ses raccords dans une configuration en champ-contrechamp étrangère au documentaire inspiré du cinéma direct, comme le remarque Gilles Chamerois23 [Ill. 3-4]. De même chez le sculpteur ou avec le journaliste Pat Reese24, ou encore lors des échanges – visuellement très découpés – avec un homme sans domicile fixe à Bridgeport, les chutes permettant d’affirmer que leur rencontre initiale n’a rien d’impromptue25. C’est également le cas avec Enoch, ce vétéran qui construit sa propre maison et avec qui Kramer passe du temps en l’absence de Doc. À propos de cet homme et de quelques autres que l’équipe avait prévu en amont de retrouver sur leur route, on peut d’ailleurs lire dans une lettre adressée à Richard Copans : « Revérifie s’il te plaît le budget pour voir s’il reste un peu (j’insiste, un peu) d’argent à offrir aux quelques personnes qui travailleront avec nous comme “acteurs”, tels Enoch, Susie (à Washington) et peut-être Lanny. Je dis un peu, pas des ACTEURS !, mais des amis quand même26... » Dans un plan coupé, on peut ainsi entendre Kramer faire semblant d’interpeller Enoch qui a cependant du mal à saisir cette sollicitation pour démarrer spontanément la conversation, s’interrompant avant de demander « on la refait ? », ce à quoi Kramer répond par l’affirmative. Bien que cette entrée en matière ne figure pas dans la version définitive du film, le fait que ces chutes soient visibles sur pellicule positive suggère que le cinéaste a envisagé de la conserver jusque tard dans le processus de montage. Les notes qu’il a prises en postproduction gardent en tout cas la trace de l’intérêt qu’il y porte : « Enoch arrive le matin et je me cache [...] continuer avec l’entrée dans la maison. Ce matériel consiste à apprendre à connaître quelqu’un, [je] dois trouver comment conserver ce développement et avancer [...] chaque conversation a son petit moment27 [...]. »

Fig. 3 et 4 : Champ-contrechamp autour d’un verre dans Route One/USA

Fig. 3 et 4 : Champ-contrechamp autour d’un verre dans Route One/USA

© Les Films d’ici/La Sept 1989 (Blu-Ray, Re:Voir Vidéo, 2022)

  • 28 Lettre « Dear Ritchie (and Yves) », op. cit., nous traduisons.

8S’il est seul face à Enoch, Kramer le connaît suffisamment pour se permettre de le diriger. Cependant, son projet tient aussi beaucoup au respect de la spontanéité des compatriotes dont il fait la connaissance au moment même du tournage. Ses notes préparatoires insistent ainsi sur l’importance pour lui de rester ouvert à l’inédit, tout en apprenant à le maîtriser : « la grande difficulté pour le film c’est […] de trouver le style pour les parties sans Doc, qui sont du “matériel en elles-mêmes”. […] Elles doivent avoir la permission de vivre et respirer, et nous devons les découvrir en même temps que nous les exploitons pour le film, faisons des choix, déterminons une forme28. » Ce troisième type de relations est particulièrement bien illustré par la séquence durant laquelle la petite bande de Kramer observe les activités de l’équipe de campagne du candidat à l’investiture pour l’élection présidentielle américaine de 1988, Pat Robertson, un télé-évangéliste ultraconservateur encore très influent aux États-Unis jusqu’en 2023, année de son décès. S’il est toujours possible de repérer un plan de coupe sur Doc en position d’observateur, on sent déjà dans cette séquence, pourtant située relativement tôt au cours de leur périple sur la Route One, que Kramer peut se passer de son intermédiaire. Au demeurant, en entretien, le cinéaste évoque les raisons faisant que Doc n’est pas ou peu présent dans ce type de séquences se déroulant au sein de milieux trop éloignés de ses convictions politiques :

  • 29 « De retour aux États-Unis. Entretien avec Robert Kramer, cinéaste expatrié, par Roy Lekus », repro (...)

Il les connaît, et il ne voulait rien avoir à faire avec eux. […] Moi, en revanche, je n’avais pas été proche de cette réalité. J’en avais – et en ai toujours – une vision très différente de la sienne. Je suis davantage prêt à en comprendre les racines : comment les gens arrivent là du fait de leur éducation – et je ne parle pas en termes de stricte éducation religieuse, mais en termes d’Americana, des pressions de la société et ses désillusions29.

  • 30 Propos de Jean-François Boucher dans le documentaire Les Mille chemins du temps de Philippe Vandend (...)
  • 31 Propos d’Éliane de Latour dans le documentaire Les Mille chemins du temps, op. cit.

9Kramer n’hésite ainsi pas à entrer en contact avec des individus qui s’adressent directement à lui, telle cette partisane de Pat Robertson qui en vient sans le vouloir à obstruer l’objectif de l’Aaton XTR, « caméra deven[ue] une partie de l’être humain », comme le dit le chef opérateur Jean-François Boucher30, et grâce à laquelle « l’entrée en matière » s’en trouve « facilitée »31 pour reprendre cette fois l’expression de la cinéaste anthropologue Éliane de Latour, elle aussi adepte de cet équipement [Ill. 5-6].

Fig. 5 et 6 : À la caméra, Kramer engage la conversation avec une partisane de Pat Robertson qui obstrue par la suite involontairement l’objectif dans Route One/USA

Fig. 5 et 6 : À la caméra, Kramer engage la conversation avec une partisane de Pat Robertson qui obstrue par la suite involontairement l’objectif dans Route One/USA

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Une attention portée aux gestes signifiants plutôt qu’aux discours formatés

  • 32 « La caméra [...] cherche quelque chose, se raccrochant aux objets, à une façade, à un geste. […] [ (...)
  • 33 Colette Mazabrard, art. cité, p. 31-32.

10Plutôt que de découper ce réel qui s’offre à lui par des changements d’angles de prise de vues judicieusement choisis pour analyser les « forces en présence », Kramer fait reposer sa lecture de la situation sur l’usage de mouvements panoramiques et des changements de mise au point, tantôt pour épouser les déplacements et gestes des individus s’activant devant lui – ici ces petites mains au service de la campagne du politicien – tantôt au contraire pour s’y soustraire afin d’aller voir au-delà des apparences, ou du moins de saisir pour le révéler ce qui sourd de la situation32. Se déploie dès lors cette « technique du corps » qu’évoque Colette Mazabrard dans ses notes sur le tournage basées sur les propos du cinéaste : « La caméra à l’épaule, juste le grand angle, je veux être dans la foule, au milieu des gens. [...] Le film est une tentative pour expérimenter à l’image la découverte du sens de la situation33. » Sûr de son point de vue, au sens propre, face à ce type de situation appréhendée en direct, mais sans idées préconçues sur la signification sociologique ou idéologique à y attribuer, Kramer accueille l’autre dans son film, quel qu’il soit. Par son attention aux nuances du monde durant le tournage puis au montage, le cinéaste trouve ainsi le juste milieu entre un respect, voire une empathie pour toutes les sensibilités qu’il peut croiser sur sa route et la mise en valeur de détails qui « en disent long », tel un fugitif malentendu lors de la poignée de main à laquelle le politicien Robertson invite l’un de ses partisans en ignorant sa femme. Car, si les salutations appuyées, les chansons et les paroles attentionnées témoignent de la solidarité de la communauté, cette sincérité ne parvient pas à dissimuler la fausseté du candidat, qui s’approprie à travers l’évocation de la figure de John Smith l’histoire américaine, histoire elle-même basée sur l’appropriation d’une terre par les Européens [Ill. 7-8].

Fig. 7 et 8 : Échange maladroit entre une partisane et Pat Robertson qui discourt ensuite sur l’histoire américaine dans Route One/USA

Fig. 7 et 8 : Échange maladroit entre une partisane et Pat Robertson qui discourt ensuite sur l’histoire américaine dans Route One/USA

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  • 34 Ibid., p. 32.
  • 35 Ibid., p. 31.

11Bien entendu, le moment du montage permet de décupler ces enjeux de découpage, Kramer expliquant à ce sujet : « Tout comme pendant le tournage Doc faisait les repérages, rencontrait les gens, prenait rendez-vous tandis que [j’arrivais] l’œil vierge, [je n’ai pas regardé] les rushes avant le montage », la phase qui devait, selon lui, servir à « reconstituer le fleuve de récits que fut la route34. » À ce titre, les chutes donnent à comprendre le subtil travail de montage effectué par Kramer, qui morcelle et ré-agence les entretiens intimes pour mieux les intégrer dans une toile d’ensemble, a big picture. Pour ce faire, il a fallu qu’au moment des prises de vues, Kramer tisse déjà des liens invisibles grâce à des mouvements de caméra ou des raccords non inféodés à la parole (d’une autorité religieuse, familiale ou politique notamment) pouvant dominer telle ou telle situation, mais plutôt à l’écoute des discours muets des visages, des gestes et des regards. Il le précise lui-même, « cette manière de tourner a le don de donner une très grande qualité de présence à ce qui est saisi, de déjà monter les plans dans le temps du tournage même »35. Si le fil entre la caméra et le Nagra a disparu, un autre fil invisible, celui tissé par les panoramiques et les raccords regards du chirurgien Kramer, vient ainsi recoudre les chairs de ce patient meurtri, le peuple étatsunien.

  • 36 Pour une analyse détaillée de cette séquence, nous nous permettons de renvoyer encore une fois à no (...)

12Se joue sans doute ici une différence avec l’approche plus formatée des médias que le cinéaste et son équipe côtoient alors sur ce terrain et à propos duquel Route One/USA produit un sous-texte critique. Si cela est toujours clairement perceptible dans le film achevé que nous connaissons, la consultation des chutes rend plus patent encore le rapport méfiant que le cinéaste entretient aux discours « performés » produits par certains des « personnages » qui le peuplent. Alors que sa mise en scène s’adapte à ceux qu’il rencontre en variant les angles de prise de vues, jusqu’au gros plan sur leurs visages, et en panotant pour suivre leurs gestes spontanés et leurs regards, Kramer cadre avec une certaine distance la parole surfaite des individus aux discours plus maîtrisés, souvent bien rodés, qui côtoient parfois les premiers. C’est par exemple le cas durant la séquence en compagnie du guide de l’Independence Hall à Philadelphie, lors des déambulations à travers le ghetto de Bridgeport en compagnie du politicien Cecil Young, ou bien encore avec le chef d’entreprise, puis le procureur de cette même ville, ce dernier se présentant d’abord de manière assez naturelle lors de la visite guidée de sa propriété avant que ses propos ne prennent une tournure plus formatée et laissent transparaître une certaine fatuité. Et lorsque cet homme sûr de lui propose à Kramer d’arrêter la prise une fois sa phrase achevée, ce dernier décline, échappant, et son film avec, au contrôle que son interlocuteur impose à (travers) sa propre parole [Ill. 9-11]. Le cinéaste se montre en revanche beaucoup plus à l’écoute de la guide bénévole de l’African American Civil War Memorial à Boston dont le discours n’est pas préfabriqué, celle-ci n’étant pas « en performance » mais posant des questions sincères et s’intéressant aux personnes qu’elle rencontre, ce qui semble inciter Kramer à faire de même en retour [Ill. 12]. Mais face aux discours formatés, il oppose au contraire une résistance, qui culmine sans doute dans la séquence avec le Colonel Kiernan durant laquelle cet officier de Fort Bragg présente un spot promotionnel de l’armée américaine. Kramer désamorce alors la parole propagandiste en sabotant sa propre mise en scène et en en conservant les scories dans le montage final36.

Fig. 9 à 12 : Kramer face aux notables de Bridgeport « en représentation », mais au côté et à l’écoute de la guide bénévole à Boston dans Route One/USA

Fig. 9 à 12 : Kramer face aux notables de Bridgeport « en représentation », mais au côté et à l’écoute de la guide bénévole à Boston dans Route One/USA

© Les Films d’ici/La Sept 1989 (Blu-Ray, Re:Voir Vidéo, 2022)

13En outre, l’équipe de Route One/USA croise sur son chemin plusieurs équipes de reportages, telle que celle qui suit par exemple Jesse Jackson dans son bus de campagne [Ill. 13], Kramer montrant le pasteur en train de bailler après une interview. On sent alors le plaisir que le cinéaste prend à pouvoir donner à voir ce type de personnalités médiatiques une fois sorties de leurs rôles pensés pour un cadre spécifique et bientôt figés par l’histoire « officielle ». Cette présence médiatique se retrouve lors de la réunion autour de Pat Robertson déjà évoquée, ou encore au cours des préparatifs de Thanksgiving dans une soupe populaire de Bridgeport [Ill. 14-16]. De courtes chutes permettent en effet de constater que, dans ce dernier passage, Kramer suit volontairement de près une équipe de télévision au travail qui devient donc un instant son sujet. S’observe alors la satisfaction du reporter lorsque l’une des personnes interrogées lui fournit une réponse des plus consensuelles sur son rôle au sein de la communauté, c’est-à-dire une réponse « cadrée » sur le plan discursif et « capturée » par son caméraman.

Fig. 13 à 16 : Kramer filme plusieurs équipes de reportage au travail auprès de politiciens en campagne ou au cœur des préparatifs d’une soupe populaire dans Route One/USA

Fig. 13 à 16 : Kramer filme plusieurs équipes de reportage au travail auprès de politiciens en campagne ou au cœur des préparatifs d’une soupe populaire dans Route One/USA

© Les Films d’ici/La Sept 1989 (Blu-Ray, Re:Voir Vidéo, 2022)

14Pour Kramer, se pose ainsi la question de savoir comment continuer à faire du cinéma quand les outils de prises d’images et de sons sont aussi mis au service, par d’autres, de discours formatés. Comment échapper aux clichés, comment faire du cinéma malgré tout ? La réponse du cinéaste semble se loger dans ce jeu – au sens où l’on dit qu’il y a du jeu dans un mécanisme – entre fiction et documentaire, jeu laissé apparent dans le montage final du film mais plus encore révélé par l’étude de ses chutes et notes préparatoires. Route One/USA s’assume dès lors comme un point de vue nécessairement orienté sur le maillage de relations infiniment complexes qui constitue l’étoffe du réel, écrivant à sa façon une histoire alternative du pays, déprise des discours dominants et honnête vis-à-vis des présupposés idéologiques de son propre auteur.

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Notes

1 Pour plus d’informations, nous invitons le lecteur à consulter le carnet de recherche en ligne publié dans le cadre du programme de recherche ANR « Beauviatech » consacré entre 2019 et 2021 à l’étude des fonds de l’entreprise Aaton conservés à La Cinémathèque française et de l’œuvre de l’ingénieur français Jean-Pierre Beauviala (https://beauviatech.hypotheses.org/a-propos/carnet-de-recherche, consulté le 28 février 2024), ainsi que l’article publié par The American Society of Cinematographers en novembre 2018 à l’occasion de la remise d’un prix spécial à cette figure majeure de l’ingénierie cinématographique de la seconde moitié du XXe siècle en France (https://theasc.com/news/jean-pierre-beauviala-honored-by-the-asc, consulté le 14 avril 2024).

2 Sur la conception de ce format faisant suite au 16 mm, lire Vanessa Nicolazic, « Contribution à une histoire du Super 16 : enjeux techniques et économiques d’un format intermédiaire », dans Simon Daniellou, Roxane Hamery et Grégory Wallet (dir.), De l’écran géant à l’espace domestique. Histoires et esthétiques des formats cinématographiques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « PUR-Cinéma », 2023, p. 52-65.

3 Lire à ce sujet Vincent Amiel, Gilles Mouëllic et José Moure (dir.), Le Découpage au cinéma, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Le Spectaculaire », série « Cinéma », 2016.

4 Équipement dont nous avons pu davantage appréhender les enjeux grâce à l’exploration du Fonds Aaton de La Cinémathèque française dans le cadre du programme Beauviatech.

5 Institut Mémoires de l’édition contemporaine, Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, Fonds Robert Kramer : 344KRM/1 - 344KRM/223. Plan de classement consultable sur le portail des collections (https://portail-collections.imec-archives.com/ark:/29414/a011484049336qgwa9s, consulté le 14 avril 2024). Sur le processus de création de Route One/USA, consulter en particulier les dossiers 344KRM/49/13 à 344KRM/58/1.

6 Soit des chutes en positif, accompagnées de leur bande son, de prises effectivement conservées dans le film mais raccourcies, soit des prises alternatives avec lesquelles Kramer a hésité lorsqu’il travaillait au montage final.

7 Notre consultation d’une partie de ces chutes, permise par Marianne Bauer et Felicidad Guarda que nous remercions, s’est en réalité faite à proximité, dans les locaux de La Cinémathèque française au Fort Saint-Cyr, à l’occasion d’activités liées au programme Beauviatech.

8 Grâce à un dépôt de Richard Copans en 2021, le Fonds Robert Kramer de l’IMEC s’est enrichi des 70 bandes 1 pouce C sur lesquelles le cinéaste avait transféré la totalité des rushes pour effectuer le dérushage en vidéo et en tirer un premier montage de son film, le dépôt en parallèle de leur version numérisée devant permettre à l’avenir leur consultation.

9 Serge Daney, « L’aquarium », Cahiers du cinéma, février 1976, n° 264, p. 56.

10 Érik Bullot, « De proche en proche », dans Vincent Vatrican et Cédric Venail (dir.), Trajets. À travers le cinéma de Robert Kramer, Aix en Provence, Institut de l’image, coll. « Polimago », 2001, p. 69.

11 Thierry Jousse, « Histoire et géographie », Cahiers du cinéma, décembre 1989, n° 426, p. 25-26, p. 25.

12 Cyril Béghin, « Introduction. Un long voyage », livret Work/vol. 07 du DVD/Blu-ray Robert Kramer – Route One/USA X-Country, Dear Doc, Paris, Re:Voir Vidéo, 2022, p. 12.

13 Simon Daniellou, « Prises et reprises sur le tournage de Route One/USA », dans Nathalie Mauffrey, Sarah Ohana (dir.), La Prise au départ du cinéma, Sesto San Giovanni, Mimésis, « Formes filmiques », 2021, p. 73-90.

14 Voir Marianne Bauer, Simon Daniellou,« Le fonds film Aaton : entre essais techniques et tranches de vie », Cahier Louis-Lumière, n° 14 « Aaton : le cinéma réinventé » dirigé par Gilles Mouëllic et Giusy Pisano, mai 2021, p. 39-53, ainsi que les billets du carnet de recherche « Beauviatech » qui en sont tirés (https://beauviatech.hypotheses.org/2918, consulté le 14 avril 2024). Concernant Johan van der Keuken, voir le document manuscrit non daté « Direct cinema/Cinéma direct » partiellement reproduit dans le texte de Caroline Zéau, « “Le cinéma que je fais n’est pas du cinéma direct…” », dans Antony Fiant, Gilles Mouëllic et Caroline Zéau (dir.), Johan van der Keuken. Documenter une présence au monde, Crisnée, Yellow Now, coll. « Côté cinéma », p. 48-62, p. 57, même si Caroline Zéau insiste plutôt sur le fait que, pour le cinéaste néerlandais, la caméra Aaton était, par contraste avec la caméra Bolex, un outil « de la contemplation ou de l’observation » (p. 58).

15 Voir Alain Bergala, Jean-Jacques Henry, Suzanne Rosenberg, Serge Toubiana, « La sortie des usines Aaton », Cahiers du cinéma, n° 286, mars 1978, p. 4-15.

16 Propos de Jean-Pierre Beauviala lors d’une rencontre organisée à l’université Rennes 2 le 28 avril 2015, L’aire d’u (https://www.lairedu.fr/media/video/conference/table-ronde-avec-jean-pierre-beauviala-2/, consulté le 9 mars 2024).

17 Ibid.

18 « En discutant avec Olivier [Schwob], j’ai réalisé que l’utilisation ou non du nouveau marquage du temps Aaton n’était pas juste une question de postproduction, mais une mise en application du genre de tournage que nous allons pratiquer : pas de clap, du matériel daté, une autonomie et une flexibilité totales. Je pense que c’est TRÈS important. […] Cela devrait nous aider d’un bout à l’autre de la chaîne ». Lettre « Dear Richard and Yves » datée du « 18/07/87 Washington, D.C. », dossier 344KRM/50/1 du Fonds Robert Kramer, IMEC, n. p., nous traduisons.

19 Propos de Robert Kramer dans Bernard Eisenschitz, avec la participation de Roberto Turigliatto, Points de départ. Entretien avec Robert Kramer, Aix-en-Provence, Institut de l’image, 2001, p. 78.

20 Colette Mazabrard, « Autoportrait du cinéaste en marcheur », Cahiers du cinéma, n° 426, décembre 1989, p. 32. La consultation des chutes du film permet d’ailleurs de constater que Kramer a régulièrement filmé les trajets entre les États et les villes, avec les panneaux qui défilent, souvent au coucher du soleil, grâce à la fixation de la caméra sur le capot de la voiture par un système de ventouses, ces indications spatiales ayant par la suite largement disparu du montage final.

21 Lettre « Dear Ritchie (and Yves) » datée du « 2 August 1987 Washington D.C. », dossier 344KRM/50/1 du Fonds Robert Kramer, IMEC, n. p., nous traduisons.

22 « Montage Book #1: Aldie », en date du 12/04/88, dossier 344KRM/53/4 du Fonds Robert Kramer, IMEC, n. p.

23 Gilles Chamerois, « Aller, revenir, tisser un abri : Route One/USA, de Robert Kramer (1989) », Transatlantica, n° 2, 2012, p. 15, version numérique mise en ligne le 20 juin 2013 (http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transatlantica/6010, consulté le 29 février 2024).

24 Pour plus de détails sur cette scène, nous nous permettons de renvoyer à nouveau à notre texte « Prises et reprises sur le tournage de Route One/USA », art. cité, p. 80-81.

25 Ibid. Lire également Vanessa Nicolazic, « Techniques et poétique de la relation dans Route One/USA de Robert Kramer », dans Antony Fiant, Roxane Hamery, Jean-Baptiste Massuet (dir.), Point de vue et point d’écoute au cinéma. Approches techniques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Le Spectaculaire », série « Cinéma », 2017, p. 233-246, p. 244.

26 Lettre « Dear Ritchie (and Yves) », op. cit., nous traduisons.

27 Carnet « Route One/USA, The Book of Video K7’s », dossier 344KRM/53/5 du Fonds Robert Kramer, IMEC, n. p.

28 Lettre « Dear Ritchie (and Yves) », op. cit., nous traduisons.

29 « De retour aux États-Unis. Entretien avec Robert Kramer, cinéaste expatrié, par Roy Lekus », reproduit dans le livret Work/vol. 07, op. cit., p. 42-47, p. 44.

30 Propos de Jean-François Boucher dans le documentaire Les Mille chemins du temps de Philippe Vandendriessche, © Les Films de la mémoire, 2014.

31 Propos d’Éliane de Latour dans le documentaire Les Mille chemins du temps, op. cit.

32 « La caméra [...] cherche quelque chose, se raccrochant aux objets, à une façade, à un geste. […] [E]lle dérive de la situation filmée […] ou, plus précisément, elle épouse un mouvement qui cherche quelque chose. » Alexandre Costanzo, Daniel Costanzo, « La puissance de la déliaison. Sur le cinéma de Robert Kramer », Vertigo, 2007, n° 32, p. 51.

33 Colette Mazabrard, art. cité, p. 31-32.

34 Ibid., p. 32.

35 Ibid., p. 31.

36 Pour une analyse détaillée de cette séquence, nous nous permettons de renvoyer encore une fois à notre texte « Prises et reprises sur le tournage de Route One/USA », art. cité, p. 86-87.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 et 2 : Doc répondant visiblement à des directives précises de mise en scène dans Route One/USA
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Titre Fig. 3 et 4 : Champ-contrechamp autour d’un verre dans Route One/USA
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Crédits © Les Films d’ici/La Sept 1989 (Blu-Ray, Re:Voir Vidéo, 2022)
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Titre Fig. 5 et 6 : À la caméra, Kramer engage la conversation avec une partisane de Pat Robertson qui obstrue par la suite involontairement l’objectif dans Route One/USA
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Titre Fig. 7 et 8 : Échange maladroit entre une partisane et Pat Robertson qui discourt ensuite sur l’histoire américaine dans Route One/USA
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Titre Fig. 9 à 12 : Kramer face aux notables de Bridgeport « en représentation », mais au côté et à l’écoute de la guide bénévole à Boston dans Route One/USA
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Titre Fig. 13 à 16 : Kramer filme plusieurs équipes de reportage au travail auprès de politiciens en campagne ou au cœur des préparatifs d’une soupe populaire dans Route One/USA
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Pour citer cet article

Référence électronique

Simon Daniellou, « Relire la forme et le discours de Route One/USA (Robert Kramer, 1989) à l’aune de ses chutes de montage et de ses spécificités techniques »Revue d’histoire culturelle [En ligne], 8 | 2024, mis en ligne le 30 mai 2024, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhc/11433 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11yd2

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Auteur

Simon Daniellou

Maître de conférences à l’Université Rennes 2, Simon Daniellou s’intéresse notamment à l’impact de la technique sur les choix de découpage au cinéma. De 2019 à 2021, il a été responsable de l’exploration du fonds films de la société Aaton dans le cadre du programme de recherche « Beauviatech ». Il a notamment co-dirigé l’ouvrage collectif De l’écran géant à l’espace domestique. Histoires et esthétiques des formats cinématographiques (PUR, 2023).

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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