Diego PALACIOS CEREZALES, Oriol LUJÁN (eds.), Popular Agency and Politicisation in Nineteenth-Century Europe. Beyond the Vote
Diego PALACIOS CEREZALES, Oriol LUJÁN (eds.), Popular Agency and Politicisation in Nineteenth-Century Europe. Beyond the Vote, Londres, Palgrave-Macmillan, Series “Palgrave Studies in Political History”, 2023, 291 p., $ 149,99.
Texte intégral
- 1 Christophe Voilliot, « Politisation », Dictionnaire de sociologie, Encyclopædia Universalis, 2014.
- 2 Monique Haicault, « Autour d’agency. Un nouveau paradigme pour les recherches de genre », Rives méd (...)
- 3 François Ploux, Michel Offerlé, Laurent Le Gall (dir.), La Politique sans en avoir l’air. Aspects d (...)
1Cet ouvrage collectif appréhende la construction des formes de la citoyenneté dans l’Europe du xixe siècle à l’aune de deux concepts majeurs. Le premier, la politisation, est d’un usage fréquent dans les travaux en langue française, en particulier en science politique1 ; le second, l’agency, a été plus récemment importé dans l’Hexagone par les études de genre2. L’objectif des auteurs est de dépasser la conception classique de la citoyenneté, celle liée au vote, considérée comme la pierre angulaire d’un récit modernisateur qui s’avère être téléologique, pour étudier des expériences conflictuelles oubliées en les inscrivant dans un autre cadre d’analyse : « The autonomy of political agency » (p. 12). Cette volonté de renouveler l’histoire sociale et culturelle du politique fait écho aux travaux en langue française sur « la politique sans en avoir l’air3 » ; elle s’appuie, pour ce faire, sur une hypothèse centrale : la politique advient à travers un ensemble d’interactions sociales qui entremêlent les dimensions institutionnelles et non institutionnelles. Les différents chapitres du livre explorent plusieurs dimensions de cette politisation élargie.
2Dans un contexte post-révolutionnaire où les autres formes de participation politique étaient limitées, les acclamations de rue étudiées par Theo Jung apparaissent comme une forme de contestation transnationale de la légitimité politique et une modalité centrale de politisation des classes populaires malgré leur caractère parfois éphémère. Emmanuel Fureix inscrit également ses travaux sur l’iconoclasme dans cette perspective, en soulignant que, durant le premier xixe siècle, la croyance dans le pouvoir performatif des images demeurait très forte et que les actes iconoclastes avaient réellement pour objectif d’influencer le cours des événements. À travers deux études de cas, Álvaro París montre que des femmes présentes sur les marchés à Madrid et à Marseille ont pu jouer un rôle actif dans les mobilisations royalistes des années de la Restauration en les inscrivant dans la quotidienneté des conditions de vie des classes populaires en milieu urbain. C’est également aux engagements des femmes espagnoles que s’intéresse Florencia Peyrou. Elle montre que le clivage entre espace public et espace privé ne permet pas de rendre compte de l’importance des formes de citoyenneté non conventionnelles liées à leur activisme politique par le bas. Autre terrain d’enquête, l’administration militaire de la ville de Mayence entre 1790 et 1814, à propos de laquelle Volker Köhler souligne l’impact à moyen terme sur son fonctionnement des symboles politiques véhiculés par l’idéologie républicaine. Il ressort également de l’étude menée par Jordi Roca Vernet que l’engagement militaire a été un vecteur majeur de politisation, en particulier lorsqu’il s’agissait d’une démarche volontaire, dont il est possible d’étudier les interactions avec les luttes sociales menées sur les lieux de travail. Oriol Luján étudie pour sa part les contestations de l’ordre électoral et montre avec pertinence à quel point elles ont contribué à redéfinir les frontières de la citoyenneté politique. Malcolm et Tom Crook soulignent les similitudes entre l’exubérance populaire en période électorale en France et en Angleterre, même si, précisent-ils, la force de la « popular agency » ne doit pas être surestimée, car les élections au suffrage censitaire contribuèrent surtout à conforter la domination des classes dirigeantes. Plus classique, le chapitre rédigé par Maartje Janse illustre la variété des formes de politisation à travers l’étude de plusieurs associations en Irlande, en Angleterre et aux Pays-Bas. Quant à Henry Miller, il montre à quel point la pétition de masse n’était pas un outil réservé aux seuls mouvements radicaux et que, dans le cas britannique, le conservatisme s’est aussi construit à travers cette forme de participation politique. Enfin, l’étude du répertoire d’action catholique par Diego Palacios Cerezales, montre comment se sont organisés à l’échelle transnationale les soutiens à l’action du pape Pie IX en insistant tout particulièrement sur le rôle de la presse.
3Si l’ouvrage renforce l’idée que les contours de la politisation gagnent à être empiriquement étendus, il n’en demeure pas moins que cette extension des frontières de l’informel rend plus complexe le tableau d’ensemble. Autant dire que cette aspiration historiographique à la complexité est loin d’avoir encore donné tous ses fruits en ce qui concerne la construction sociale de la citoyenneté au xixe siècle.
Notes
1 Christophe Voilliot, « Politisation », Dictionnaire de sociologie, Encyclopædia Universalis, 2014.
2 Monique Haicault, « Autour d’agency. Un nouveau paradigme pour les recherches de genre », Rives méditerranéennes, n° 41, 2012/1, p. 11‑24. La traduction québécoise (agentivité) est peu utilisée en France.
3 François Ploux, Michel Offerlé, Laurent Le Gall (dir.), La Politique sans en avoir l’air. Aspects de la politique informelle, xixe‑xxie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
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Référence papier
Christophe Voilliot, « Diego PALACIOS CEREZALES, Oriol LUJÁN (eds.), Popular Agency and Politicisation in Nineteenth-Century Europe. Beyond the Vote », Revue d'histoire du XIXe siècle, 66 | 2023, 201-202.
Référence électronique
Christophe Voilliot, « Diego PALACIOS CEREZALES, Oriol LUJÁN (eds.), Popular Agency and Politicisation in Nineteenth-Century Europe. Beyond the Vote », Revue d'histoire du XIXe siècle [En ligne], 66 | 2023, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 15 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rh19/9139 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rh19.9139
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