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Comptes rendus

Bertrand JOLY, Aux origines du populisme. Histoire du boulangisme (1886-1891)

Paris, CNRS éditions, coll. « Nationalismes et guerres mondiales », 2022
Christophe Voilliot
p. 215-216
Référence(s) :

Bertrand JOLY, Aux origines du populisme. Histoire du boulangisme (1886-1891). Paris, CNRS éditions, coll. « Nationalismes et guerres mondiales », 2022, 800 p., 29 euros.

Texte intégral

1Devenu un anathème usuel dans les débats politiques contemporains, mais aussi un concept-écran dans les débats théoriques en sciences sociales, la catégorie de populisme a paradoxalement beaucoup perdu en historicité ces deux dernières décennies. La somme proposée par Bertrand Joly sur l’épisode boulangiste est donc d’autant plus bienvenue. Mais c’est surtout par l’ampleur des sources mobilisées, et la rigueur avec laquelle ces sources sont soumises à un examen critique, en particulier les nombreux récits des acteurs de l’époque, que l’auteur contribue à renouveler le regard que l’on peut porter sur une séquence de la vie politique de la Troisième République qui s’avère effectivement essentielle si l’on souhaite – comme le suggère le titre du livre – appréhender le boulangisme comme une des formes prises originellement par le populisme.

2Pour Bertrand Joly, le boulangisme se situe à l’intersection entre les mécontentements divers qui agitaient alors de nombreux segments de la société française, à un moment où la vie politique tendait à s’autonomiser mais peinait à s’incarner, et l’itinéraire d’un général ambitieux, rapidement devenu populaire, et qui va réussir à se faire passer pour une « victime du système politique » (p. 14). Lourde de malentendus idéologiques, et lestée par la médiocrité de beaucoup de ses protagonistes, cette aventure protestataire ne survivra pas aux palinodies de son personnage principal. L’ouvrage est divisé en quatre parties : la première est un inventaire très complet de l’ensemble des éléments qui peuvent expliquer le boulangisme ; la deuxième est plus strictement chronologique et présente les épisodes qui marquent la naissance du phénomène dans le prolongement de la crise institutionnelle ouverte par le résultat des élections législatives de 1885 ; la troisième est une étude extrêmement riche du point de l’histoire politique des différentes composantes du boulangisme, de sa géographie et de sa sociologie ; la quatrième étudie à nouveau chronologiquement l’ascension du boulangisme – que l’on pourrait qualifier rétrospectivement de « moment Boulanger » – et ses déboires ultérieurs. Comme Jean Garrigues avant lui, Bertrand Joly montre à quel point les imprudences d’une partie de l’entourage du général ont pu être instrumentalisées par les républicains de gouvernement, ce qui leur a permis de « liquider » judiciairement une entreprise politique au demeurant bien mal embarquée. Bertrand Joly excelle d’ailleurs dans son analyse des « échanges de coups » entre les différents protagonistes, montrant ainsi la médiocrité des calculs de beaucoup d’acteurs de cette crise, leurs myopies idéologiques ou bien encore leur propension à vouloir accaparer la manne financière dont bénéficia un temps le général Boulanger. Quant au personnage principal, il ressort de cette étude comme un prince de l’ambiguïté, jamais en peine pour aller dans le sens de ses interlocuteurs successifs, mais rarement capable de s’engager publiquement en dehors de plaisantes généralités : en somme, résume l’auteur, il « demande un chèque en blanc à la France » (p. 291) et cela s’est avéré électoralement payant pendant un temps. C’est d’ailleurs sans doute sur ce point qu’il peut aisément être comparé à des figures contemporaines qui nous sont plus familières !

3On retrouve dans ce livre les qualités des précédents ouvrages de l’auteur, en particulier son Histoire politique de l’Affaire Dreyfus parue en 2014 dans laquelle il reliait avec finesse les méandres de l’affaire d’espionnage et du combat judiciaire autour de Dreyfus à la dynamique de la vie parlementaire. Il est dommage néanmoins qu’il accentue parfois ses appréciations historiographiques – dont bien entendu on ne contestera pas la nécessité dans la construction de l’objet historique – par des considérations plus personnelles sur les auteurs. Quelles que soient les critiques que l’on peut faire au travail de René Rémond sur l’histoire des droites en France faut-il pour autant ajouter qu’il n’est « pas connu comme un adepte des immersions prolongées dans les archives » (p. 18) ? Ladite immersion, par ailleurs, n’est pas toujours une garantie de l’acuité du regard porté sur les sources, comme c’est le cas, en revanche, avec ce livre sur le boulangisme.

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Pour citer cet article

Référence papier

Christophe Voilliot, « Bertrand JOLY, Aux origines du populisme. Histoire du boulangisme (1886-1891) »Revue d'histoire du XIXe siècle, 65 | 2022, 215-216.

Référence électronique

Christophe Voilliot, « Bertrand JOLY, Aux origines du populisme. Histoire du boulangisme (1886-1891) »Revue d'histoire du XIXe siècle [En ligne], 65 | 2022, mis en ligne le 03 février 2023, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rh19/8664 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rh19.8664

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Auteur

Christophe Voilliot

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