Daniel O’Connell : un Irlandais au cœur du discours républicain pendant la Monarchie de Juillet
Résumés
La campagne pour l'émancipation des catholiques du Royaume-Uni propulse Daniel O'Connell (1775-1847) sur le devant de la scène internationale. Après 1829, en fonction des enjeux de politique intérieure, chaque famille politique française s'est nourrie de la référence à O'Connell. Pressenti pour participer à la défense des insurgés d'avril 1834, il est désigné, à partir du milieu des années 1830, comme un prestigieux symbole européen de l'idéal républicain. Pourtant, en 1843, Ledru-Rollin et les républicains français prennent conscience du décalage qui existe entre leurs représentations idéalisées du personnage et les convictions antirépublicaines que l'Irlandais professe en public. Dès lors, en quelques mois, la figure exemplaire se mue en repoussoir, le héros démocrate construit par les républicains devient un conservateur démagogue dont on stigmatise la conduite.
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- 1 Honoré de BALZAC, Œuvres complètes de M. de Balzac. Lettres à Madame Hanska, vol. 2, 1841-5 juin 18 (...)
1Entre les dernières années de la Restauration et le début du Second Empire, les Français ont souvent débattu et abondamment écrit au sujet de Daniel O’Connell, célèbre nationaliste irlandais aujourd’hui oublié. Dans un courrier adressé à sa compagne en 1844, Balzac révèle son admiration pour le héros de l’île verte : « En somme, voici le jeu que je joue, quatre hommes auront eu une vie immense : Napoléon, Cuvier, O’Connell, et je veux être le quatrième. Le premier a vécu de la vie de l’Europe ; il s’est inoculé des armes ! Le second a épousé le globe. Le troisième s’est incarné un peuple, moi, j’aurai porté une société toute entière dans ma tête »1. Si l’on s’en tient aux déclarations de l’auteur de La Comedie humaine peu d’individus ont marqué l’histoire de la première moitié du xixe siècle avec autant d’éclat que Daniel O’Connell.
- 2 Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une thèse de doctorat en cours de rédaction sur Daniel O’Conne (...)
2La richesse de la production imprimée le concernant — articles de presse, récits de voyage, traductions, biographies... — illustre à la fois l’indéniable notoriété du chef irlandais dans notre pays et la diversité de la réception française à son égard. Peu ou prou, l’ensemble des courants politiques français l’ont revendiqué et ont cherché à se l’approprier2. Les différentes représentations dont O’Connell a fait l’objet témoignent de l’intérêt singulier qui lui est porté sous le règne de Louis-Philippe. Souvent contradictoires, construites en fonction de préoccupations de politique intérieure des acteurs du débat public, elles prétendent toutes refléter réalité. S’attacher à les restituer et à les confronter donne l’occasion d’aborder un domaine de recherche encore peu exploré par les historiens français, celui de l’usage instrumental de modèles et de symboles étrangers dans l’élaboration et la structuration des identités politiques françaises au cours de la première moitié du xixe siècle.
3Dans cet article, je souhaiterais exposer et analyser plus précisément les différentes étapes qui ont conduit à intégrer la figure d’O’Connell dans le système de référence des républicains français de la Monarchie de Juillet. Mais avant de détailler l’évolution des représentations du tribun irlandais dans le camp républicain, il me semble nécessaire de revenir sur sa carrière et sur ses idées, puisque la renommée internationale de « l’agitateur », quelles qu’aient été les formes qu’elle a ensuite revêtues, est née des événements qui ont secoué l’Irlande à partir de l’époque de la campagne pour l’émancipation des catholiques.
L’action de Daniel O’Connell
- 3 Les travaux d’historiens anglophones consacrés à O’Connell (1775-1847) sont nombreux. Je n’en citer (...)
43Lorsqu’O’Connell intervient publiquement pour la première fois en 1800, l’Irlande catholique — soit près de quatre-vingt pour cent de la population insulaire — vit sous la domination économique, politique et administrative de l’Angleterre et des protestants installés dans l’île depuis la conquête des xvie et xviie siècles. Dans ses premiers discours, le jeune avocat dénonce la législation antipapiste en vigueur et remet en cause la légitimité de la toute récente union législative entre la Grande-Bretagne et l’Irlande. Dès cette époque, il organise son action autour des deux revendications qui marqueront la suite de sa longue carrière : le droit pour les Irlandais d’élire des représentants catholiques au sein des assemblées politiques et la restauration du parlement local, symbole de l’autonomie irlandaise, qui siégeait à Dublin avant la proclamation de l’Union en 1800.
- 4 Roy FOSTER, Modern Ireland, Londres, Penguin Books, 1989, 688 p., pp. 308-309.
5À la suite d’une longue campagne conduite par O’Connell, l’égalité des droits politiques entre catholiques et protestants est acquise en 1829 par le vote de l’émancipation des catholiques du royaume. O’Connell remporte ainsi sa plus éclatante victoire et atteint son premier objectif. Le second, l’abrogation de l’acte d’Union et le rétablissement d’une assemblée irlandaise élue, ne sera jamais réalisé. Entre 1830 et 1847, désormais chef de file d’un groupe comprenant une trentaine de députés à la Chambre des communes, O’Connell portera régulièrement la question du repeal à la tribune, sans jamais remettre en cause le vieil adage : « un Roi, deux législatures »4. En effet, s’il est autonomiste, l’Irlandais n’est point séparatiste ; il juge nécessaire de conserver un lien entre les deux îles et revendique hautement son loyalisme à la Couronne. Attaché aux valeurs libérales de la famille et de la propriété, comme le sont d’ailleurs la plupart de ses pairs à Westminster, il entretient de bons rapports avec les radicaux et les whigs britanniques, avec lesquels il fait alliance entre 1835 et 1840, puis en 1846. Ainsi, O’Connell est apparu à ses contemporains, et depuis aux historiens, comme un personnage complexe et ambigu, tantôt agitant les foules en brandissant l’emblème du repeal, tantôt acceptant d’ajourner la revendication suprême pour s’aligner, en échange de nouvelles réformes favorables à l’Irlande, sur la politique des libéraux anglais. Avec O’Connell, le pragmatisme est érigé en véritable doctrine politique.
- 5 Pour une intéressante discussion sur les meetings, et particulièrement sur l’évaluation du nombre d (...)
6Entre deux sessions parlementaires, aux marges de la légalité, l’Irlandais redevient, sur l’île d’émeraude, le fer de lance d’une agitation constante et non violente qui contribue, bien plus que ses prestations londoniennes, à forger sa réputation au-delà des îles Britanniques. Aux yeux d’O’Connell, l’efficacité du mouvement irlandais dépend du nombre, de la « force morale » et non de la force physique ; une insurrection armée contre la trop puissante Angleterre ne pouvant se solder que par un échec sanglant. En 1823, au moment de lancer la campagne pour l’émancipation, il crée l'Association catholique. Conformément aux volontés de son leader, l’organisation devient rapidement un mouvement de masse très structuré, encadré dans les villages par quelques fidèles agents, aux premiers rangs desquels se distinguent les membres du clergé paroissial. Par l’intermédiaire de l’association, à laquelle ils peuvent adhérer pour la faible somme d’un penny par mois, des milliers d’irlandais souscrivent au projet politique d’O’Connell. La canalisation et l’utilisation de la pression des foules lui permettent d’entretenir en permanence le rapport de force avec la puissance britannique. Les monster meetings, organisés par l’association pour le repeal dans les années 1840 réunissent autour de leur chef plusieurs dizaines, parfois plusieurs centaines de milliers de personnes5. Dans l’esprit de paysans vivant relativement isolés, dans les collines du Kerry ou sur la lande du Connemara, de tels rassemblements sont manifestement ressentis comme des événements considérables. Pour ces populations rurales très majoritairement exclues du vote, ils constituent une étape majeure dans le développement de la conscience politique nationale.
- 6 Olivier MACDONAGH, The Life of Daniel O’Connell, ouv. cit., p. 272.
7Célébré en Irlande et sur le continent comme le Libérateur de son pays, O’Connell a surtout œuvré pour la reconquête du pouvoir politique par la communauté catholique et, ce faisant, a largement participé à la sectarisation croissante de la société irlandaise. Le mouvement dont il est l’initiateur et le chef, est fondateur de la nation et du nationalisme catholiques irlandais. Sous la houlette de cet orateur de génie, les Irlandais ont appris qu’ils partageaient le même sentiment d’injustice et la même aspiration à la dignité, qu’ils appartenaient à un groupe homogène transcendant le cercle de sociabilité habituel. O’Connell fut avant tout un chef nationaliste, guidé par le principe de la suprématie de l’intérêt national sur tout autre chose. Ainsi, il voyait d’un mauvais œil l’émergence d’associations politiques et sociales —au premier rang desquelles il plaçait le chartisme — susceptibles de compromettre l’unité sacrée de la nation irlandaise au nom d’une solidarité sociale qui lui était étrangère. Comme le souligne son plus récent biographe, O’Connell a accompli une révolution politique, tout en évitant d’y inclure un véritable volet social6.
8De son vivant, la notoriété internationale du Libérateur atteint des proportions étonnantes. En France, dès la campagne pour l’émancipation, il est intégré dans les débats politiques nationaux, notamment comme symbole et modèle en action pour les catholiques libéraux, groupés autour de Lamennais, Lacordaire et Montalembert. À leurs yeux, l’Association catholique représente le premier exemple achevé d’un mouvement de masse qui combine la fidélité à Rome et aux idées libérales. A partir du milieu des années 1830, O’Connell devient en France une figure protéiforme et une référence incontournable, dans la presse et l'abondante littérature consacrée à l'île romantique. L'appartement dublinois du 30 Merrion-Square ou la résidence familiale de Derrynane constituent des étapes obligées pour les écrivains-voyageurs qui découvrent l’Irlande. Ses écrits et ses discours sont traduits, et plusieurs biographies sont publiées en France dans les années qui précèdent et qui suivent sa disparition.
« L’orateur de la démocratie »
- 7 Le National, 22 juin 1835.
97Dans les mois qui suivent la chute de Charles X, dénonçant le caractère inachevé d’une révolution finalement confisquée par la bourgeoisie capacitaire, les républicains français s’engagent sur la voie d’une opposition frontale avec le nouveau régime. Ils entretiennent une forte animosité à l’égard de la politique européenne de Louis-Philippe et de ses ministres. Entre 1830 et 1834, la passivité du gouvernement dans les questions belges ou polonaises est violemment dénoncée par les chefs républicains — G. Cavaignac, Raspail, Trélat ou Marrast — dans les pages de La Tribune des départements comme dans les publications émanant de la Société des amis du peuple et, plus tard, de la Société des droits de l’homme et du citoyen.
- 8 Le nom d’O’Connell n’est par exemple mentionné à aucun moment dans les brochures républicaines et l (...)
- 9 À partir de 1831, O’Connell multiplie, en privé comme en public, les déclarations cinglantes pour d (...)
- 10 Le National, 16 décembre 1835, éditorial d’Armand Carrel.
10Hormis quelques références, notamment dans La Tribune, au valeureux patriotisme des Irlandais, l’île verte, « apaisée » depuis 1829, éclipsée par la brûlante actualité belge, polonaise ou italienne, n’est guère présente dans le discours républicain des toutes premières années de la monarchie de Juillet8. C’est seulement à partir de 1835 que la figure d’O’Connell commence d’occuper une place de choix dans les écrits républicains. Paradoxalement, alors que l’Irlandais vient d’opter pour une politique d’alliance avec le gouvernement libéral de Lord Melbourne, Le National le présente régulièrement dans ses colonnes comme un rebelle patriote et démocrate, l’homme qui a fait plier le lion britannique en 1829 et qui rejette la Monarchie de Juillet9. Aux yeux d’Armand Carrel, O’Connell poursuit une « croisade [...] presque républicaine » contre l’Angleterre aristocratique10.
- 11 Le Globe, 15 juin 1831.
11Dès lors, les critiques énoncées en 1831 par les réformateurs sociaux du Globe, au sujet des dérives démagogiques et manipulatrices du tribun ou des limites de sa réflexion économique et sociale, apparaissent marginales comparées au nouvel engouement manifesté par les hommes du National11. Plutôt soucieux de définir une stratégie efficace afin de prendre en main les masses désorganisées, de les amener, sous leur égide, à l’émancipation politique, ces derniers se tournent désormais vers O’Connell avec un tout autre regard.
- 12 Jules Michelet, cité par L’Univers, nº 148, 1834 et par Le Magasin pittoresque, 6eannée, p. 333.
12Comment parler au peuple au nom duquel on agit, comment le convaincre et l’organiser ? Pour les élites républicaines, qui aspirent à devenir les représentants de la masse exclue du vote, acquérir une indispensable reconnaissance populaire passe par la résolution de ces questions. Outre-Manche, un homme paraît avoir résolu l’énigme. O’Connell possède un fabuleux pouvoir de persuasion qu’il doit d’abord à son éloquence. « Je ne crois pas, écrit par exemple Michelet, que depuis Mirabeau aucune assemblée ait entendu rien de comparable »12.
- 13 TIMON [pseudo, de Louis-Marie de CORMENIN], Études sur les orateurs parlementaires, Paris, Pagnerre (...)
- 14 Idem, vol. 1, pp. 14-15. C’est moi qui souligne.
13Dans ses fameuses Etudes sur les orateurs parlementaires Louis de Cormenin consacre O’Connell comme « le plus grand, le seul orateur peut-être des temps modernes ! »13 Avant de brosser la galerie de portraits des parlementaires français, le célèbre Timon expose, sous la forme d’un traité théorique, ce qu’il considère comme les grands préceptes de l’art oratoire. Constatant que dans la France assoupie de la Monarchie de Juillet on ne sait plus s’adresser au peuple, il estime urgent de renouer avec une pratique qui fit la grandeur des révolutions passées, et dont Daniel O’Connell est aujourd’hui le plus efficace représentant. Pour lui, l’Irlandais développe un modèle de communication adapté, un mélange d’exaltation romantique et de slogans récurrents, la patrie, la justice, la liberté. En fonction des enjeux, il sait se montrer doux ou violent, enjoué, courroucé, grave ou pathétique. « Quel colosse ! [...] Comme sa voix tournante domine et gouverne les vagues de la multitude ![...] [Ses discours] ne ressemblent pas à notre rhétorique tourmentée par la périphrase »14. En exposant ainsi à ses lecteurs la magie de la construction discursive d’O’Connell, Cormenin, lui-même réputé pour être un piètre orateur, entend enseigner comment doit s’articuler un discours destiné à capter l’attention et à gagner la confiance d’un auditoire populaire.
- 15 Pierre-Joseph PROUDHON, Correspondance, éditée par J.-A. Langlois, Genève, Slatkine, 1971 (réimpr. (...)
- 16 La Ruche populaire, novembre 1840, article « Réforme électorale ».
14Meneur d’âmes, O’Connell l’est aussi hors des cercles strictement républicains. Le 16 décembre 1839, Proudhon écrit par exemple à propos du potentiel révolutionnaire des ouvriers tailleurs parisiens : « Il leur manque un O’Connell » pour marcher au combat15. « Ce n’est pas en abandonnant le champ de bataille qu’on remporte la victoire. Agitons ! Agitons ! Comme dit l’impétueux Irlandais », s’exclame (quant à lui l’ouvrier compositeur J.-B. Coûtant dans La Ruche populaire16.
- 17 Flora TRISTAN, Promenades dans Londres ou l’Aristocratie et les Prolétaires anglais, Paris, Maspéro (...)
- 18 Idem.
15Si susciter l’adhésion populaire est une tâche difficile, la canaliser et l’organiser en un mouvement de masse structuré et cohérent s’avère tout aussi ardu. Là encore, O’Connell constitue un repère, un phare, notamment au moment de la recrudescence de l’agitation politique et sociale dans les années 1838-1840. Pour Flora Tristan, qui esquisse dans ses dans Londres le projet de transformation de la société par l’association, « O’Connell apporte la notion de l’organisation »17 Elle s’inspire largement de l’expérience irlandaise pour démontrer que l’union ouvrière est un préalable nécessaire à l’émancipation des classes laborieuses dans la société industrielle : « Ce que l’Association irlandaise a réalisé, à l’initiative du "roi des mendiants", en bâtissant une organisation puissante et ramifiée, c’est ce que le mouvement ouvrier doit faire à son tour. Qu’est-ce que l’Association irlandaise ? Un organisme qui dispose de sections dans chaque ville et chaque village, lève ses cotisations, publie des brochures et des journaux pour sa propagande, envoie ses représentants siéger au Parlement ; bref, un gigantesque groupe de pression, un instrument de contrôle du pouvoir [...]. A eux [les ouvriers français] donc de prendre en main leur destinée. De s’unir et de s’organiser en imitant les Irlandais et leur chef, constitué en défenseur du peuple »18.
- 19 Idem., p. 87.
16Ce constat étant fait, Flora Tristan s’étonne de voir O’Connell s’élever contre toute fraternisation avec le mouvement chartiste, qui défend pourtant, à l’échelle du royaume, la cause du suffrage universel masculin. Troublée, elle met ce différend sur le compte des effets néfastes de la concurrence sur le terrain entre les deux organisations. Toutef ois, on sent poindre chez elle des doutes sur la validité des sentiments démocratiques qu’elle attribue à O’Connell19, même si la structure de l’association irlandaise reste pour la Française un modèle inégalé.
17La campagne menée par O’Connell contre le chartisme à partir de 1839 a commencé d’entamer le prestige du chef irlandais. Les hésitations de Flora Tristan sont symptomatiques d’une timide et difficile prise de conscience — elle se généralisera à partir de 1843 — du fossé qui sépare O’Connell de l’idéologie républicaine française. Pour l’heure, dans les années 1830, le combat mené en Irlande par le tribun populaire et sa puissante organisation est assimilé par les républicains à celui qu’eux-mêmes livrent en France, comme en témoigne l’épisode du procès des accusés d’avril 1834.
Un allié recherché : O’Connell et le procès d’avril
18À Lyon et à Paris, au lendemain des insurrections du mois d’avril 1834, conformément aux ordres de Thiers, la police procède à l’interpellation d’environ 2 000 personnes, parmi lesquelles se trouvent la plupart des chefs politiques de la famille républicaine. Cent soixante quatre prévenus passeront finalement en jugement, dans le cadre d’un procès fleuve qui a retenu l’attention de la presse et du public pendant plusieurs mois. Organisé par un gouvernement soucieux d’affirmer puissamment son autorité et sa fermeté à l’égard des ennemis du régime, le « procès-monstre » se tient devant une juridiction exceptionnelle, la chambre des Pairs, constituée pour l’occasion en Haute cour de justice, susceptible de juger un crime exceptionnel, le complot contre la monarchie. Le procès se déroule en deux temps, du 5 mai au 17 août 1835 pour les accusés lyonnais et du 16 novembre 1835 au 23 janvier 1836 pour les insurgés parisiens. La spectaculaire évasion de Cavaignac, Marrast et quelques autres, dans la nuit du 13 juillet, l’attentat manqué du républicain Fieschi contre le roi, le 28 juillet, au moment des premières délibérations, ont contribué à renforcer « l’exemplarité » des peines finalement retenues contre les accusés.
- 20 Archives nationales, série Procès politiques de la Cour des Pairs (PP), affaire d’avril 1834, dossi (...)
- 21 Discours de Beaumont, dans Procès des accusés d’avril devant la Cour des Pairs, publié de concert a (...)
- 22 Lettre de l’abbé Favre, datée du 4 mai 1835, citée en annexe de la lettre 2432, 28 avril 1835, dans (...)
- 23 La Revue indépendante, 25 juillet 1843. L’article ne dit pas pourquoi la proposition n’a pas eu de (...)
19Le 22 janvier 1836, Arthur-Jacques Beaumont, l’un des prévenus parisiens, est condamné à la déportation20. Quelques jours plus tôt, le 11 janvier, au cours d’une déclaration devant les juges, il avait fait référence aux conseils de son avocat, « M. O’Connell »21. Est-ce à dire que l’Irlandais a participé à la défense des républicains français ? Une telle réalité révélerait l’existence de liens étonnants entre le politicien irlandais et le mouvement républicain français. Plusieurs documents attestent que Daniel O’Connell a été pour le moins pressenti par les détenus pour venir plaider leur cause à Paris. Dans un courrier du 4 mai 1835, la veille de l’ouverture du procès, l’abbé P. Favre écrit qu’« on avait parlé de faire venir M. O’Connell »22. Huit ans plus tard, un journaliste de La Revue indépendante se souvient : « Pendant le procès des radicaux français, en avril 1834, il fut question un moment d’inviter M. O’Connell à venir, avec d’autres personnages étrangers, prendre devant la Chambre des pairs la défense des accusés. La proposition en fut faite, elle n’eut pas de suite »23.
- 24 Les éléments de biographie concernant Beaumont proviennent des documents suivants : Archives nation (...)
20Des questions subsistent sur la relation, partiellement restituée par les documents déjà évoqués, entre Daniel O’Connell et les accusés républicains. Le cas particulier d’Arthur-Jacques Beaumont l’éclaire d’un nouveau jour. Cet américain, né à New-York de parents britanniques vers 1797, s’est installé comme médecin à Paris après la révolution de 1830. Militant républicain, il est membre et animateur de la Société des amis du peuple puis, dès sa création, il adhère à la Société des droits de l’homme, dont il devient membre du comité directeur en novembre 1833. Après plusieurs interpellations mineures liées à ses activités politiques, il est compromis lors de l’insurrection d’avril 1834, arrêté le 12 avril, inculpé de complot puis incarcéré à Saint-Pélagie avec ses coaccusés parisiens. Au cours de sa détention, il conteste énergiquement, au nom de la citoyenneté britannique, la validité de son internement et de son jugement par un tribunal d’exception en France. Entre septembre 1835 et la grâce obtenue en mai 1837, son frère Augustus, soutenu par la presse londonienne et l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris, multiplie en vain les interventions officielles pour obtenir sa libération24.
- 25 N’ayant pas retrouvé le texte original de ce courrier — il ne figure pas dans la correspondance d’O (...)
21Dans les mois qui précèdent son audition et son jugement, Beaumont sollicite personnellement l’aide de l’Irlandais et sa présence lors du procès, dans le cas où les requêtes sur l’invalidité de son jugement devant la Haute cour de justice s’avéreraient insuffisantes pour obtenir sa mise en liberté. De la correspondance entre Beaumont et O’Connell, on ne possède que le texte d’une lettre de ce dernier, rédigée le 8 décembre 1835, en réponse à un courrier de Beaumont daté du 8 novembre25. Ce document met en lumière l’ampleur des confusions républicaines au sujet de Daniel O’Connell.
- 26 Arme de l’absolutisme des premiers Stuart, la « Chambre étoilée » constituait, jusqu’à la révolutio (...)
22Dès les premières lignes du courrier, l’Irlandais se dit fier d’avoir été contacté dans une affaire aussi importante, mais il décline aussitôt l’offre de Beaumont, prétextant son incapacité à mener correctement une plaidoirie en français, alors qu’il était pourtant réputé pour sa grande maîtrise de cette langue. Il ajoute que sans ce handicap, il eût été très honoré de s’acquitter de la défense d’un accusé placé devant un tribunal d’exception dont il réprouve les pratiques injustes et cruelles et qu’il va jusqu’à comparer à la tristement célèbre Star Chamber du xviie siècle anglais26.
23Vient ensuite le moment où, à mon sens, O’Connell révèle la véritable raison de son refus de venir plaider en France. Dans les derniers paragraphes de la lettre, il écrit qu’il ne souhaite pas être associé à la cause des héritiers des horreurs de la Révolution, même s’il constate que les républicains d’aujourd’hui sont différents de ceux d’hier : « Je compatis à vos souffrances [...] mais je souhaite que vous ne vous mépreniez pas sur mon compte, comme ce serait le cas si vous m’imaginiez en accord avec vos opinions politiques républicaines ». En ajoutant que la République ne constituerait pas un bon remède aux problèmes des Français, il trouve l’occasion de réaffirmer son attachement au système monarchique et sa fidélité à la couronne britannique, à une époque où, député à Westminster, il doit répondre aux attaques de certains de ses ennemis qui l’accusent de vouloir transformer l’Irlande en une république indépendante.
- 27 Interrogatoire d’Arthur-Jacques Beaumont, dans Procès des accusés d’avril devant la Cour des Pairs, (...)
- 28 Le Journal des débats, 17 décembre 1835 ; Le National, 18 décembre 1835, article d’Armand Carrel.
24O’Connell n’a donc jamais participé au procès d’avril. Cependant, la déclaration de Beaumont à la Cour : « Mon avocat, M. O’Connell, [...] m’engage à repousser votre compétence et à refuser les débats »27, contient une part de vérité. L’Irlandais a refusé de devenir l’avocat de Beaumont, mais, par écrit, il lui a bien prodigué ces quelques conseils. Au fond, comme il le rappelle en conclusion, il a renvoyé dos à dos le régime de Juillet et la République : « De même que je ne consens à aucun compromis vis-à-vis des fautes ou des crimes commis par les monarques et les souverains, je ne flatte ni n’encourage jamais les erreurs du peuple ». Dans la presse engagée de l’époque, le courrier du célèbre orateur n’est pas passé inaperçu. Les tirades les plus hostiles à l’égard du parti adverse ont particulièrement retenu l’attention des journaux. Ainsi, Le Journal des débats insistait le 17 décembre sur le fait que l’Irlandais était bien hostile aux républicains, alors que Le National, soulignant la véhémence des déclarations du Libérateur contre Louis-Philippe et la cour des Pairs, refusait, dans son édition du lendemain, de considérer O’Connell comme un monarchiste orthodoxe28.
« Ce colossal révolutionnaire »
- 29 Louis LE GUILLOU [éd.], Correspondance générale de Lamennais, ouv. cit., vol. 6, p. 495, lettre 246 (...)
- 30 Frances TROLLOPE, Paris and the Parisians in 1835, A. & W. Galignani, 1836, 2 volumes, vol. 1, p. 9 (...)
2529Le rendez-vous manqué avec O’Connell est révélateur du décalage qui existe entre les convictions réelles de l’Irlandais et celles qui lui sont attribuées par les républicains français des années 1830. Construit, imaginé selon leur système de référence, O’Connell le tribun-organisateur est aussi le prestigieux et authentique compagnon de la révolution en Europe. Contemporaine du procès d’avril, une vague « d’o’connellisme » traverse pendant quelques années le mouvement républicain, comme le fait remarquer l’aristocrate anglaise Frances Trollope dans son tableau de la vie parisienne en 1835. Redoutant d’être prise à partie si une insurrection populaire teintée d’anglophobie venait à éclater dans la capitale, elle raconte s’être renseignée auprès d’un militant républicain, qui lui aurait finalement conseillé : « Si j’étais vous, Madame Trollope, je me donnerais pour le moment le nom d’O’Connell [...], un nom révéré » par les républicains parisiens qui partagent « ses vœux généreux pour une république irlandaise »30.
- 31 Discours de M. O'Connell, traductions extraites du National : 1- « À Manchester », extrait du 19 se (...)
- 32 Je reprends ici une expression utilisée par le journal dans un article vantant les mérites de l’Ass (...)
- 33 Discours de M. O’Connell, ouv. cit.
26En septembre 1835, Le National traduit dans ses colonnes l’intégralité du texte de deux discours prononcés par O’Connell, l’un à Manchester, l’autre à Edimbourg. Quelques jours plus tard, le journal prend la peine de les réunir dans une brochure de 32 pages31. Le commentaire enthousiaste qui accompagne les traductions est révélateur des aspirations d’Armand Marrast et des républicains libéraux du National, qui prônent alors la communion des classes moyennes et des classes les plus pauvres autour de l’idée républicaine. Pour eux, O’Connell cristallise cette association nécessaire, cette fraternisation révolutionnaire des « plébéiens »32 et des bourgeois pour combattre leurs ennemis communs, la « Haute Église » et l’aristocratie : « En comparant les discours adressés par M. O’Connell aux ouvriers et aux bourgeois de Manchester, on verra qu’ils se ressemblent et par le fond et par la forme : et s’il y avait quelque différence dans les conditions sociales et dans les habitudes de ces deux auditoires, leurs sentiments, leurs affections et leurs répugnances politiques étaient les mêmes. [...] Il n’y a point de distinction entre les diverses classes du peuple ; elles marchent toutes d’un même pas dans cette dernière croisade contre l’aristocratie »33.
- 34 Louis LE GUILLOU [éd.], Correspondance générale de Lamennais, ouv. cit., vol. 6, p. 495, lettre 246 (...)
27Autre grande figure du temps, converti à la démocratie après sa rupture avec l'orthodoxie catholique en 1832, Lamennais a conservé une admiration sincère et une confiance très grande pour Daniel O’Connell. Dans L'Avenir, de concert avec Montalembert, il en appelait à l’union des catholiques libéraux pour accroître leur poids politique, et prenait en exemple l’Association catholique d’Irlande. En 1835, alors que Lamennais a pris rang parmi les défenseurs des accusés d’avril, la correspondance entre les deux hommes témoigne à la fois du fossé qui désormais les sépare et des représentations contradictoires d’O’Connell qui ont pu se développer en France. Au cours de cet échange, les compagnons d’hier n’ont pas de meilleur argument pour justifier leurs engagements respectifs actuels que de faire référence au chef irlandais. Montalembert voit toujours en lui le défenseur du catholicisme et de la liberté, tandis qu’à l’aune de sa propre expérience, Lamennais interprète désormais l’action du tribun comme une lutte pour la démocratie politique, un combat mené au nom de Dieu et des hommes : « Je préfère néanmoins à toutes les rêveries les mâles travaux de cet O’Connel (sic) dont la puissance semble avoir frappé ton imagination, de cet O’Connel qui pousse, de son bras vigoureux, le vieux monde dans l’abîme, et proclame le règne d’un nouveau droit, du droit des peuples, de l’égalité et de la liberté ; et je m’étonne qu’admirant ce colossal révolutionnaire tu viennes déclamer contre les défenseurs de la même cause de notre pays, les flétrissant, sans les connaître, du nom d’anarchistes, quoiqu’assurément bien plus modérés que le tribun irlandais ; mais c’est de la justice de ce temps-ci »34.
- 35 Idem, vol. 6, p. 499, lettre 2473, à Daniel O’Connell, 18 octobre 1835.
- 36 Idem, vol. 7, p. 649, appendice 1223, de Daniel O’Connell, 20 mars 1838.
28Ce dialogue animé entre les deux hommes intervient pendant le procès des accusés d’avril qui n’ont, selon Lamennais, pas eu d’autre choix pour exprimer leurs aspirations démocratiques que de se révolter les armes à la main. Après la spectaculaire évasion du 13 juillet, Lamennais se fait le porte-parole, auprès d’O’Connell, des fuyards réfugiés en Angleterre. C’est en effet à l’Irlandais qu’il s’adresse personnellement en octobre pour solliciter sa bienveillance à l’égard de trois d’entre eux, Landolphe, Vignerte et Pichonnier : « La cause que vous défendez avec un si rare talent et une persévérance non moins rare, n’est pas la cause d’une seule nation, mais celle de l’humanité, et quiconque souffre pour cette sainte cause a droit, dès lors, à votre intérêt. [...] Ce sont des frères que je vous présente, avec la confiance certaine qu’ils en trouveront un autre en vous »35. Pour toute réponse, O’Connell conseillera quelques années plus tard au prêtre révolté de réintégrer la famille catholique, à laquelle son génie manque si cruellement...36
Années 1840 : la désillusion républicaine.
- 37 Le National, 16, 23 et 25 juillet 1843.
- 38 La Réforme, 22 mai 1847.
29Le 14 juillet 1843, au cours d’un banquet présidé par Arago, Ledru-Rollin est invité par ses pairs à se rendre en Irlande pour porter à O’Connell les témoignages de solidarité des républicains et le prévenir que « si l’aristocratie anglaise tire l’épée », un bataillon de démocrates français est prêt à venir croiser le fer à ses côtés. Résolu à dissiper les ambiguïtés quant à son loyalisme à la Couronne, O’Connell dément toute collusion avec les partisans de la République et conseille à Ledru-Rollin d’annuler son déplacement37. Le député du Mans a vraisemblablement vécu le refus d’O’Connell comme un affront personnel. Dès lors, et jusqu’en 1850, il se distinguera comme le plus violent et le plus constant détracteur républicain de l’Irlandais. En mai 1847, commentant dans La Réforme la mort d’O’Connell, il lance : « le cadavre d’un ennemi sent toujours bon »38.
- 39 Idem, 4 septembre 1843. Dans un article du 25 mai 1847, La Revue indépendante déplore l’isolement d (...)
30Au-delà de la querelle de personne, 1’« incident diplomatique » de juillet 1843 s’ajoute aux premiers doutes sérieux qui avaient suivi l’alliance avec les libéraux britanniques et le rejet catégorique du chartisme. Jusqu’alors, O’Connell avait été présenté comme le symbole de la lutte contre la puissance libérale britannique détestée par l’extrême-gauche française. À partir de la fin des années 1830, l’enthousiasme républicain pour le Libérateur tend à s’émousser, malgré la constance de ses prises de position en faveur du suffrage universel masculin et de l’abolition de l’esclavage. Son hostilité déclarée à la République semble avoir définitivement ruiné les illusions des radicaux français. L’affaire Ledru-Rollin agit comme un révélateur auprès de la presse radicale. Dorénavant, celle-ci n’aura de cesse de jeter l’opprobre sur celui qui, à l’heure de la nécessaire union des peuples pour la démocratie, refuse d’adhérer à la « sainte alliance des opprimés »39.
- 40 Le National, 1er décembre 1844.
- 41 La Revue indépendante, 10 septembre 1844.
31Bientôt, les républicains ne voient plus dans le programme du repeal le premier pas vers une république irlandaise indépendante, mais plutôt une vaine chimère entretenue par le prétendu tribun du peuple, qui n’agit en fait que pour défendre l’intérêt de la bourgeoisie : « Il nous semble qu’il y aurait eu pour un homme d’un si grand talent, s’il eut plus d’entrailles, un autre rôle à jouer que celui d’un avocat bourgeois » constate Le National, avant d’ajouter que le temps est venu, pour des hommes prêts à se sacrifier à la cause du peuple, d’évincer le vieux chef des rênes du mouvement national40. La Revue indépendante, plus doctrinale, désavoue elle aussi le Libérateur. Malgré l’énergie de ses harangues, O’Connell est un homme du passé, un conservateur démagogue qui opère au détriment du peuple au nom duquel il prétend s’exprimer : « Il faut en convenir, la plus grande majorité de la presse démocratique a traité O’Connell avec une générosité exagérée. [...] Jamais homme, investi de la confiance d’un peuple, ne se sera montré plus déplorablement inférieur aux espérances qu’il avait fait concevoir. [...] On ne peut s’empêcher, nous le répétons, d’y remarquer un parti pris de renfermer l’agitation dans une sphère où les principes essentiels de l’ordre politique et social existant ne soient pas compromis. [...] Il ne montre point à ce peuple la source réelle des maux sous lesquels il gémit. Sa voix lui parle d’indépendance, jamais de liberté ; si bien que ses projets venant un jour à se réaliser, Irlande et Irlandais n’auraient fait que passer d’une domination à une autre »41.
- 42 Société du journal La Réforme, Programme du journal et acte de société, Paris, au siège de la socié (...)
- 43 Elias REGNAULT, article « Irlande », dans Dictionnaire politique, encyclopédie du langage et de la (...)
32Entre 1840 et 1843, le « modèle » irlandais d’une agitation de masse rejetant la violence au profit de méthodes pacifiques de conquête avait séduit les radicaux, désireux de proposer une alternative politique aux incertaines insurrections populaires qui avaient, à leurs yeux, contribué à éloigner les classes moyennes du mouvement républicain au cours de la décennie précédente. Dans un prospectus paru en 1841, deux ans avant le lancement effectif du quotidien, les rédacteurs de La Réforme se disaient « convaincu[s] que les protestations violentes ne font que nuire à la cause sacrée du peuple » et entendaient mettre en œuvre d’autres moyens de pression contre le régime42 L’article « Irlande » du Dictionnaire républicain, publié l’année suivante chez Pagnerre, faisait pour sa part l’éloge de la stratégie engagée par O’Connell : « [Il] a su diriger ses compatriotes dans une voie nouvelle de conquêtes, en ne s’écartant jamais de la légalité, en ôtant tout prétexte à ses nombreux ennemis. Échauffés par son impulsion, gouvernés par son intelligence, les Irlandais n’ont jamais cessé depuis qu’il les dirige d’avancer vers des améliorations successives »43.
- 44 La Réforme, 6 août 1846.
33Quatre ans plus tard, les journaux républicains se sont pourtant détournés de la résistance pacifique prônée par O’Connell, et la Réforme plébiscite désormais la Jeune Irlande, nouveau protagoniste de la question nationale, issu d’une scission au sein de l’association pour le repeal. D’inspiration républicaine et révolutionnaire, la Jeune Irlande en appelle au coup de force contre le pouvoir britannique : « Le règne d’O’Connell est fini. [...] La cause de l’Irlande ne triomphera que par les armes. [...] La phraséologie du grand agitateur n’aura plus la force d’émouvoir si vainement les populations irlandaises. [...] La Jeune Irlande a déjà osé regarder en face l’idole vermoulue, et prélude à le renverser »44.
- 45 Le National, 24 mai 1847.
34Dans un long article publié au lendemain de la disparition d’O’Connell, Le National prend lui aussi le contre-pied de l’analyse proposée dans le Dictionnaire politique : « C’est dans la légalité qu’il [O’Connell] mit son espoir, c’est la légalité qui fut son seul drapeau : ce fut la cause de sa faiblesse, et en dernier lieu de son impuissance »45.
- 46 À mon sens, outre l’expression du rejet d’O’Connell, l’évolution de l’analyse républicaine entre 18 (...)
35Annoncé en 1846-1847 par les feuilles républicaines, l’échec d’une solution pacifique à la question irlandaise est mis sur le compte des renoncements et des tergiversations d’O’Connell. En appelant désormais les Irlandais à s’en remettre aux partisans du soulèvement armé contre l’Angleterre, la presse républicaine choisit de prendre parti pour un groupuscule politique qui se revendique républicain et qui remet en cause la parole du nouvel ennemi de la République46.
- 47 Gustave de BEAUMONT, « État de la question d’Irlande en 1844 », préface à la 6e éd. (1845) de L’Irl (...)
- 48 Cf par exemple l’intervention de Guizot à la Chambre des Pairs le 18 juin 1843 (reproduite dans Le (...)
- 49 Lire à ce sujet Charles de MONTALEMBERT, Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d (...)
- 50 Père Henri-Dominique LACORDAIRE, Éloge funèbre de Daniel O’Connell, prononcé le 10 février 1848, Pa (...)
- 51 Victor HUGO, Œuvres complètes. Choses vues, vol. 1, Paris, Ollendorff, 1913, p. 207.
36Depuis l’époque de l’émancipation, la notoriété du chef irlandais n’a fait que croître en France, et l’intérêt porté à Daniel O’Connell au cours des années 1840 dépasse largement le cadre restreint du courant républicain. En 1845, Gustave de Beaumont rend par exemple hommage à la grande œuvre d’O’Connell, qui aura été de parvenir à agiter et à réformer la société dans le respect des valeurs libérales, sans débordements violents, et ce pendant plus de trente ans47. À la manière de Beaumont, la presse d’opposition dynastique — notamment Le Commerce, Le Constitutionnel et Le Siècle — s’est souvent référée à O’Connell pour promouvoir la réforme électorale et critiquer l’immobilisme gouvernemental. A l’inverse, agacés par la publicité faite autour d’un homme qui, à leurs yeux, menace l’équilibre européen et incarne le réformisme déstabilisateur contre lequel ils luttent, les conservateurs au pouvoir se désolidarisent de l’homme des rêves insensés48. Quant à Montalembert, chef de file des catholiques engagés dans la bataille pour la liberté de l’enseignement secondaire, il n’aura de cesse, dans sa tentative de créer en France un parti catholique libéral de masse, de s’inspirer du modèle irlandais de l’engagement politique des fidèles49. À la mort d’O’Connell, il incombera au Père Lacordaire de faire, dans l’enceinte de Notre-Dame de Paris, l’éloge funèbre de celui qu’il présente comme le héros européen du catholicisme régénéré : « O’Connell a été, dans notre âge de division, le premier médiateur entre l’Église et la société moderne ; ce qui revient à dire qu’il a été, dans ce même âge, le premier médiateur entre l’Église et l’humanité. Il faut le suivre, Messieurs, si nous voulons servir Dieu et les hommes »50. Commentant, en 1847, la carrière du tribun irlandais, Hugo insiste pour sa part sur la dimension populaire du personnage et souligne sa formidable éloquence « faite pour la foule et pour l’Irlande »51.
O’Connell l’imposteur (1848-51)
- 52 Le Peuple constituant, 3 avril 1848 et 6 juin 1848.
- 53 Idem, 6 juin 1848.
- 54 Alexandre LEDRU-ROLLIN, De la décadence de l'Angleterre, Paris, Escudier frères, 1850, vol. 1, pp. (...)
- 55 Plaidoirie de Me Jacques Joly au procès du Bonhomme Manceau, 18 décembre 1849, reproduite dans l’Al (...)
37La révolution de 1848 et l’instauration de la Deuxième République ne firent qu’ajouter au ressentiment des républicains français à l’égard de l’Irlandais. Lamennais, si longtemps admiratif, prend soin, dans deux longs éditoriaux publiés dans son nouveau journal Le Peuple constituant, de préciser son opinion sur O’Connell, un an après le décès de celui-ci52. Il lui reproche désormais d’avoir cédé, dans les dernières années de sa vie, à la gloire et au confort, d’avoir ainsi abandonné la lutte et plongé le peuple dans l’apathie : « Il faut le dire, O’Connell les a trop habitués à mettre leurs espérances dans ce qui n’offre aucune espérance »53. En dépit des indéniables vertus du chef patriote, Lamennais ne se reconnaît plus dans O’Connell, mais dans le mouvement révolutionnaire qu’il a impulsé sans jamais le laisser se développer, et qui l’a finalement dépassé. De héros du peuple, O’Connell est devenu le symbole d’un temps révolu et honni, un frein à la « délivrance » des masses opprimées, à la lutte pour l’égalité des droits, à la réforme de la propriété et à l’indépendance de l’Irlande, dut-elle se réaliser dans le sang et la douleur. Pour Ledru-Rollin, exilé en Angleterre après juin 1849, « un jour viendra où l’Irlande affranchie par sa démocratie révolutionnaire rejettera, maudira sa mémoire »54. Au cours d’une plaidoirie à la fin de l’année 1849, l’avocat républicain « rouge » Jacques Joly confirme que la figure d’O’Connell, si elle est toujours présente dans les esprits, s’est transformée en repoussoir : « O’Connell ! à mes yeux il ne fut qu’un grand imposteur [...]. [Il] n’a su que parler et jamais agir [...]. [Il] a fait de l’agitation et lorsque les masses se levaient à sa voix dans l’Irlande, lorsqu’elles allaient à lui et le proclamaient leur libérateur, il s’en tirait par des discours toujours répétés et des actions toujours déniées »55.
38Longtemps considéré comme porteur d’un idéal de société similaire au leur, le très charismatique Daniel O’Connell bénéficie d’une notoriété considérable auprès des républicains français des années 1834-1839, comme en témoigne l’épisode du procès d’avril, par ailleurs très révélateur pour l’historien du fossé qui sépare l’Irlandais de ses contemporains français. Jusqu’au début des années 1840, les représentations dont O’Connell fait l’objet fonctionnent comme autant d’éléments structurants d’une culture politique républicaine aux contours encore très imprécis, elle-même fille d’une société dans laquelle les idées foisonnent et s’entrechoquent.
- 56 Le National, 24 mai 1847
39En juillet 1843, alertées par les déclarations peu avenantes du tribun irlandais, les feuilles radicales montrent les premiers signes d’une désaffection qui s’est généralisée en quelques années, au nom des mêmes valeurs qui avaient fait d’O’Connell un exemple. Comme l’analyse lucidement un journaliste du National en 1847 : « Ce que nous aurions voulu de lui, il ne le voulait pas »56. À partir de l’été 1843, la figure exemplaire se mue en repoussoir. Dès lors, Ledru-Rollin et les républicains n’ont eu de cesse de forcer les différences entre « lui », conservateur démagogue qui trompe le peuple, et « eux », véritables défenseurs de la souveraineté populaire.
40La figure de l’Irlandais n’a finalement de sens dans le débat français que dans la mesure où elle est construite et instrumentalisée en fonction des questions de politique intérieure. Chaque texte dit décrire la réalité d’O’Connell, chaque texte construit en fait un O’Connell singulier, une personnalité à prescrire ou à proscrire selon les circonstances.
Notes
1 Honoré de BALZAC, Œuvres complètes de M. de Balzac. Lettres à Madame Hanska, vol. 2, 1841-5 juin 1845, Paris, éd. du Delta, 1968, lettre 217, p. 374.
2 Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une thèse de doctorat en cours de rédaction sur Daniel O’Connell et la France, dont la problématique s’articule autour de la réception et des représentations de l’action et des idées de l’Irlandais en France entre 1825 et 1851.
3 Les travaux d’historiens anglophones consacrés à O’Connell (1775-1847) sont nombreux. Je n’en citerai que deux parmi les plus récents : Fergus O’FERRALL, Daniel O'Connell, Dublin, Gill & Macmillan, 1981 (rééd. 1998), 151 p. et Olivier MACDONAGH, The Life of Daniel O’Connell, 1775-1847, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1991, 693 p. À ma connaissance, aucune biographie de l’Irlandais n’a été publiée en France depuis la fin du xixe siècle.
4 Roy FOSTER, Modern Ireland, Londres, Penguin Books, 1989, 688 p., pp. 308-309.
5 Pour une intéressante discussion sur les meetings, et particulièrement sur l’évaluation du nombre de participants, cf Gary OWENS, « Constructing the Repeal Spectacle : Monster Meetings and People Power in Pre-Famine Ireland », dans Maurice O’CONNELL [éd.], People Power. Proceedings of the Third Annual Daniel O’Connell Workshop, Dublin, DOCAL, 1993, pp. 80-93.
6 Olivier MACDONAGH, The Life of Daniel O’Connell, ouv. cit., p. 272.
7 Le National, 22 juin 1835.
8 Le nom d’O’Connell n’est par exemple mentionné à aucun moment dans les brochures républicaines et les comptes-rendus de procès reproduits dans les douze volumes de la collection : Les révolutions au xixe siècle (1830- 1834), Paris, EDHIS, 1974.
9 À partir de 1831, O’Connell multiplie, en privé comme en public, les déclarations cinglantes pour dénoncer le tyran Louis-Philippe et les « prétendus libéraux » français qui bafouent les principes énoncés par la Charte et « sont les ennemis de la religion plutôt que les amis de la liberté ». Maurice O’CONNELL [éd.],The Correspondence of Daniel O’Connell, Shannon, Irish University Press, 1972-1980, 8 volumes, vol. 5, lettre 2369 b (1837).
10 Le National, 16 décembre 1835, éditorial d’Armand Carrel.
11 Le Globe, 15 juin 1831.
12 Jules Michelet, cité par L’Univers, nº 148, 1834 et par Le Magasin pittoresque, 6eannée, p. 333.
13 TIMON [pseudo, de Louis-Marie de CORMENIN], Études sur les orateurs parlementaires, Paris, Pagnerre, 1839, 7e éd. revue et augmentée (1ère éd. 1836), 2 volumes, vol. 1, p. 14.
14 Idem, vol. 1, pp. 14-15. C’est moi qui souligne.
15 Pierre-Joseph PROUDHON, Correspondance, éditée par J.-A. Langlois, Genève, Slatkine, 1971 (réimpr. De l’éd. de Paris, 1875), 7 volumes, vol. 1, p. 170, lettre de Proudhon à M. Pérennès, 16 décembre 1839.
16 La Ruche populaire, novembre 1840, article « Réforme électorale ».
17 Flora TRISTAN, Promenades dans Londres ou l’Aristocratie et les Prolétaires anglais, Paris, Maspéro, 1978, éd. établie et commentée par François Bédarida, à partir de l’éd. populaire de 1842 (1ère éd. 1840), 358 p., p. 41.
18 Idem.
19 Idem., p. 87.
20 Archives nationales, série Procès politiques de la Cour des Pairs (PP), affaire d’avril 1834, dossier Arthur- Jacques Beaumont, CC 590, d1, nº 50.
21 Discours de Beaumont, dans Procès des accusés d’avril devant la Cour des Pairs, publié de concert avec les accusés, Paris, Pagnerre, 1835, 4 volumes, vol. 4, p. 279.
22 Lettre de l’abbé Favre, datée du 4 mai 1835, citée en annexe de la lettre 2432, 28 avril 1835, dans Louis LE GUILLOU [éd.], Correspondance générale de Lamennais, Paris, A. Colin, 9 volumes, vol. 6, 1977, 973 p., p. 453.
23 La Revue indépendante, 25 juillet 1843. L’article ne dit pas pourquoi la proposition n’a pas eu de suite. D’autre part, selon l’article « Chilmann », dans Claude PENNETIER, Jean RISACHER, Michel CORDILLOT [dir.], Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Paris, éd. de l’Atelier, 1997, l’Irlandais aurait été l’un des destinataires d’une circulaire rédigée par les détenus de Saint-Pélagie et envoyée, avant le début du procès, à des personnalités politiques, françaises et étrangères, pour leur demander d’assister la défense.
24 Les éléments de biographie concernant Beaumont proviennent des documents suivants : Archives nationales [PP, CC 590, d1, nº 50] ; Archives du ministère des Affaires étrangères [série Affaires diverses politiques, 1825-1856, vol. 2, Angleterre, carton nº 5, dossier Beaumont] ; Le National (23 novembre, 2 décembre 1835 et 12 janvier 1836) et Le Journal des débats (23 et 24 novembre 1835) ; Procès des accusés d’avril devant la Cour des Pairs, publié de concert avec les accusés, ouv. cit.
25 N’ayant pas retrouvé le texte original de ce courrier — il ne figure pas dans la correspondance d’O’Connell récemment publiée en huit volumes —j’ai finalement utilisé des documents de seconde main qui se recoupent entre eux. L’intégralité de la lettre d’O’Connell a ainsi été reproduite dans William FAGAN, The Life and Times of Daniel O’Connell, Cork, John O’Brien, 1847, 2 volumes, vol. 2, pp. 480-485. Il existe par ailleurs des traductions partielles de cette missive dans Le Journal des débats, 17 décembre 1835 et dans Le National, 18 décembre 1835.
26 Arme de l’absolutisme des premiers Stuart, la « Chambre étoilée » constituait, jusqu’à la révolution de 1640, un tribunal d’exception qui permettait au roi d’Angleterre de faire condamner arbitrairement les opposants les plus gênants, ainsi que les juges dont les décisions ne lui paraissaient pas acceptables.
27 Interrogatoire d’Arthur-Jacques Beaumont, dans Procès des accusés d’avril devant la Cour des Pairs, ouv. cit.
28 Le Journal des débats, 17 décembre 1835 ; Le National, 18 décembre 1835, article d’Armand Carrel.
29 Louis LE GUILLOU [éd.], Correspondance générale de Lamennais, ouv. cit., vol. 6, p. 495, lettre 2468, à Montalembert, 6 octobre 1835.
30 Frances TROLLOPE, Paris and the Parisians in 1835, A. & W. Galignani, 1836, 2 volumes, vol. 1, p. 93. À plusieurs reprises dans son récit, F. Trollope entretient le lecteur de son mépris pour l’Irlandais papiste et révolutionnaire, qui est célébré en France par les républicains et par le clergé catholique (vol. 1, p. 52, pp. 270-271, p. 279, p. 284).
31 Discours de M. O'Connell, traductions extraites du National : 1- « À Manchester », extrait du 19 septembre 1835, 16 p. 2- « À Edimbourg », extraits des 24 et 25 septembre 1835, 16 p.
32 Je reprends ici une expression utilisée par le journal dans un article vantant les mérites de l’Association catholique. Il y est notamment dit que l’association réunit en son sein le peuple irlandais tout entier, des plébéiens aux bourgeois propriétaires. Le National, 20 mars 1835, p. 1.
33 Discours de M. O’Connell, ouv. cit.
34 Louis LE GUILLOU [éd.], Correspondance générale de Lamennais, ouv. cit., vol. 6, p. 495, lettre 2468, à Montalembert, 6 octobre 1835.
35 Idem, vol. 6, p. 499, lettre 2473, à Daniel O’Connell, 18 octobre 1835.
36 Idem, vol. 7, p. 649, appendice 1223, de Daniel O’Connell, 20 mars 1838.
37 Le National, 16, 23 et 25 juillet 1843.
38 La Réforme, 22 mai 1847.
39 Idem, 4 septembre 1843. Dans un article du 25 mai 1847, La Revue indépendante déplore l’isolement dans lequel l’Irlande s’est confinée en refusant de s’allier aux chartistes anglais et aux républicains français.
40 Le National, 1er décembre 1844.
41 La Revue indépendante, 10 septembre 1844.
42 Société du journal La Réforme, Programme du journal et acte de société, Paris, au siège de la société, 1841, p. 2.
43 Elias REGNAULT, article « Irlande », dans Dictionnaire politique, encyclopédie du langage et de la science politique, Paris, Pagnerre, 1842, 944 p.
44 La Réforme, 6 août 1846.
45 Le National, 24 mai 1847.
46 À mon sens, outre l’expression du rejet d’O’Connell, l’évolution de l’analyse républicaine entre 1840 et 1847 reflète aussi les hésitations du discours républicain dans le débat sur la meilleure stratégie à suivre pour aboutir au triomphe de la République. En effet, si la perspective d’obtenir la démocratie politique par les voies de la réforme a prédominé au cours de ces années, la référence historique au droit du peuple de se soulever contre un ordre légal oppresseur n’a jamais été totalement rejetée.
47 Gustave de BEAUMONT, « État de la question d’Irlande en 1844 », préface à la 6e éd. (1845) de L’Irlande sociale, politique et religieuse, Paris, C. Gossellin, 1ère éd. 1839, 2 volumes.
48 Cf par exemple l’intervention de Guizot à la Chambre des Pairs le 18 juin 1843 (reproduite dans Le Moniteur universel, 19 juin 1843), la correspondance entre Guizot et le consul de France à Dublin (archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance politique des consuls, Angleterre, volumes 13 et 14), ainsi que les nombreux articles de John Lemoinne consacrés à l’Irlande dans Le Journal des Débats entre 1843 et 1847.
49 Lire à ce sujet Charles de MONTALEMBERT, Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d’enseignement, Paris, au bureau de L’Univers, 1843, 77 p. ; « Adresse des catholiques français à Daniel O’Connell, membre du Parlement britannique et Libérateur de l’Irlande », rédigée par Charles de Montalembert, publiée dans L’Univers du 13 juin 1844 ; Charles de MONTALEMBERT, Du devoir des catholiques dans les élections, Paris, Lecoffre, 1846, 95 p.
50 Père Henri-Dominique LACORDAIRE, Éloge funèbre de Daniel O’Connell, prononcé le 10 février 1848, Paris, Dagnier et Bray, 1848, 35 p.
51 Victor HUGO, Œuvres complètes. Choses vues, vol. 1, Paris, Ollendorff, 1913, p. 207.
52 Le Peuple constituant, 3 avril 1848 et 6 juin 1848.
53 Idem, 6 juin 1848.
54 Alexandre LEDRU-ROLLIN, De la décadence de l'Angleterre, Paris, Escudier frères, 1850, vol. 1, pp. 111-114.
55 Plaidoirie de Me Jacques Joly au procès du Bonhomme Manceau, 18 décembre 1849, reproduite dans l’Almanach du Bonhomme Manceau, 2e éd., Le Mans, 1850, pp. 140-141.
56 Le National, 24 mai 1847
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Référence papier
Laurent Colantonio, « Daniel O’Connell : un Irlandais au cœur du discours républicain pendant la Monarchie de Juillet », Revue d'histoire du XIXe siècle, 20/21 | 2000, 39-53.
Référence électronique
Laurent Colantonio, « Daniel O’Connell : un Irlandais au cœur du discours républicain pendant la Monarchie de Juillet », Revue d'histoire du XIXe siècle [En ligne], 20/21 | 2000, mis en ligne le 02 décembre 2016, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rh19/208 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rh19.208
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