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Spicilège

Bonheur par laudation : mesures personnelles du succès dans l’industrie télévisuelle

Benjamin W. L. Derhy Kurtz

Résumés

L’industrie télévisuelle, au-delà de ce qu’elle produit, est composée d’individus. Les discours du succès des personnels de l’industrie télévisuelle n’ayant été que peu étudiés, j’ai souhaité le faire à travers ma recherche doctorale et différentes publications par la suite. J’étudie, d’une part, les discours relevant d’une définition industrielle du succès, et d’autre part ,ceux relevant d’une définition personnelle du succès, portant sur les mesures individuelles de succès des professionnels de l’industrie, en demandant à mes 16 participants quelle était leur définition du succès. En effet, les membres de cette industrie créative disposent de leurs propres aspirations et mesures du succès, à titre personnel, pouvant ou non coïncider avec les mesures industrielles, mais qui sont presque toujours liés à leur travail au sein de leurs discours. Il existe un élément principal en matière de réussite personnelle dans les discours des personnes interrogées de l’industrie de la télévision : la fierté, divisée entre d’une part, des facteurs, ou récompenses que je nomme « internes », étudiés dans une précédente publication, et d’autres que je désigne comme « externes », cet article se concentrant sur ces derniers. Ce travail fera valoir qu’il existe deux manières pour les professionnels de concevoir le phénomène de réception en ce qui concerne les objectifs individuels de réussite : d’une part, la réception par le public au sens large – la valeur venant de la popularité générale du programme – et, d’autre part, la reconnaissance par certain.e.s personnes ou organismes en particulier. Enfin, je démontrerai que, même si la majorité des objectifs de réussite et des définitions des participants sont liés à une fierté relevant du travail, ils convergent tous vers une chose : le bonheur.

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Notes de la rédaction

Faisant suite à l’article « L'amour du travail bien fait : mesures personnelles du succès dans l'industrie télévisuelle », RFSIC, Vol. 17

Texte intégral

Introduction

1L’industrie télévisuelle, au-delà de ce qu’elle produit, est bien évidemment composée d’individus. Au cours de ma recherche doctorale, effectuée au sein de l’université d’East Anglia (au Royaume-Uni, et terminée avant le Brexit), j’avais étudié les discours des personnels de l’industrie télévisuelle anglophone transatlantique, spécifiquement liés à la réussite, ou le succès, au travers de 16 entretiens qualitatifs. J’avais souhaité étudier, d’une part, les discours relevant d’une définition industrielle du succès, concernant les objectifs et les mesures de réussites au sein des différentes entités de l’industrie télévisuelle (chaînes commerciales gratuites, chaînes commerciales privées, chaînes premiums, chaînes publiques, studios de télévision), et d’autre part les discours relevant d’une définition personnelle du succès, portant sur les mesures personnelles de succès des professionnels de l’industrie. Les discours des personnels de l’industrie télévisuelle n’ayant jamais véritablement été étudiés à l’époque, je désirais ainsi participer à faire avancer la connaissance académique sur les motivations et critères individuels de réussite des personnes travaillant au cœur de cette industrie, en leur demandant, au terme d’un entretien revenant sur divers aspects industriels, quelle était leur définition du succès. ». En effet, les membres de cette industrie créative/culturelle, avec leurs aspirations propres, ainsi que leurs valeurs, disposent de leurs propres mesures du succès, à titre personnel, pouvant coïncider ou non avec les mesures industrielles, mais qui sont presque toujours liés à leur travail au sein de leurs discours.

2Cet article fait suite à un article publié dans le numéro 17 de la RFSIC, intitulé « L’amour du travail bien fait : mesures personnelles du succès dans l’industrie télévisuelle » (Derhy Kurtz, 2019), dans lequel j’explique qu’il y a d’une part, des formes de récompenses (provoquant la sensation de réussite) que l’on pourrait décrire comme des récompenses internes, provenant de facteurs tels que l’actualisation de soi ou la réalisation de soi/son propre potentiel et, d’autre part, des récompenses que j’appellerais externes, découlant de facteurs externes comme l’estime des autres. Il existe ainsi un élément principal, en ce qui concerne la notion de réussite personnelle dans les discours des professionnels de l’industrie de la télévision interrogés : la fierté, elle-même divisée entre facteurs dits internes et externes, la présente publication se focalisant cette sur les facteurs externes. J’avais choisi le terme « interne » car les éléments sont liés au contrôle de l’individu, puisqu’ils dépendent de sa propre opinion : qu’il ou elle considère avoir fait du bon travail/soit satisfait.e du résultat final. J’ai choisi le terme « externe » pour les réponses présentées ici car cette satisfaction ne peut venir de la personne elle-même, mais dépend des autres et de leurs opinions, d’où l’externalité inhérente à ce facteur. Enfin, l’autre différence primordiale entre ces deux formes de récompenses/satisfaction se trouve dans le niveau d’ambition et d’autonomie, cette dernière étant inversement proportionnelle à l’ambition. Autrement dit, plus la personne recherchera de la reconnaissance et des récompenses, plus elle montrera un niveau d’ambition élevé par rapport à celle visera simplement à faire « du bon travail » à ses propres yeux ; à l’inverse, plus une personne basera ses propres mesures de réussite personnelle sur l’opinion des autres, moins elle montrera d’autonomie lorsque comparée à quelqu’un se satisfaisant de sa propre opinion.

  • 1 Ibid.
  • 2 La typologie utilisée étant présentée dans la section suivante.

3La première partie, traduite et présentée dans l’article susmentionné, abordait les objectifs de réussite liés aux récompenses internes et montrait que les indicateurs de réussite personnelle des cadres, à l’instar de ceux du personnel créatif primaire et secondaire, étaient principalement liés à ce type de récompense. Cela montrait à la fois une inadéquation entre les discours de succès personnel des dirigeants et les discours industriels, et une congruence entre leurs propres mesures de succès et celles des travailleurs dit créatifs, affichant ainsi une image bien différente de celle des cadres détachés et avides d’argent données par d’autres professionnels.1 Bien entendu, les critères dits personnels sont aussi façonnés par les représentations dans lequel baignent les professionnels interrogés, par les cultures de métier qui peuvent orienter leurs discours. Il fut néanmoins montré que les facteurs liés aux récompenses internes – bien que majoritairement liés au cadre industriel – n’étaient pas partagés par la profession dans son ensemble, tel un système de croyance « généralisé » de la profession, mais qu’il existait, au contraire, un lien entre le rôle des professionnels au sein de l’industrie/les tâches spécifiques menées et leurs objectifs de réussite personnels ; des exemples clairs furent ainsi mis en avant, notamment entre les réponses des membres de ce que j’appelle le personnel créatif primaire et de ceux du personnel créatif secondaire.2 Cet article démontrera qu’il en est de même avec les récompenses externes, des différences se faisant ainsi ressentir entre les discours des producteurs dits non créatifs et les producteurs dits créatifs, présentés dans la section suivante comme faisant partie du personnel super créatif. Aussi, le fait qu’un certain nombre des participants ayant mis en avant des récompenses internes aient également abordé des récompenses externes dans leurs définitions du succès (analysées dans ce présent article) démontre que les récompenses internes et externes ne s’excluent pas mutuellement dans l’esprit des professionnels. Enfin, je démontrerai que, même si la majorité des objectifs de réussite et des définitions des professionnels participants à cette recherche sont liés à la satisfaction au travail, ils convergent tous vers une chose : le bonheur.

Entretiens et Participants

  • 3 Ce n’est pas ici nécessairement la nationalité des personnes qui est représenté, mais l’industrie g (...)
  • 4 Souvent appelés showrunners en anglais.
  • 5 Parfois appelés contrôleurs (controllers) au Royaume-Uni.
  • 6 Ainsi que James Hedges, puisqu’il était vice-président de ABC Television & ABC Studios.

4Je proposais dans ma thèse une nouvelle typographie des personnels de l’industrie, divisée en 7 groupes, et avais sélectionné deux participants pour chacune des catégories (à l’exception du dernier, en comptant quatre) l’un travaillant pour l’industrie télévisuelle britannique et l’autre pour l’industrie américaine, pour un total de 16 participants. Ces catégories sont les suivantes : le personnel créatif primaire, contrôlant les aspects artistiques du programme (ici, Peter Blake, scénariste, E-U et Ashley Way, réalisateur, R-U), le personnel créatif secondaire, exerçant une influence artistique évidente, sans être aussi fondamentale que celle du personnel créatif primaire : (ici, Velton Ray Bunch, compositeur, E-U et Deborah Everton, costumière, R-U), les interprètes, qui, comme la catégorie précédente, ont une contribution artistique, bien qu’ils soient abordés et présentés de manière très diffèrente (ici, James Callis, acteur, E-U et Sara Pascoe, actrice, R-U),3 les artisans techniques, chargés des tâches techniques : (ici Michael Goto, conseiller technique, E-U et Stephan Pehrsson, directeur de photographie, R-U) (ces quatre groupes faisant partie de la catégorie plus large des personnels non-managériaux) ; les personnels super créatifs,4 étant à la fois les scénaristes qui ont créé le programme et les producteurs éxécutifs de ce programme, un poste leur donnant le contrôle ou l’accès à presque toutes les étapes de la chaîne de production (ici, Donald P. Bellisario, E-U et Michael Hirst, R-U), les producteurs (non créatifs), servant d’intermédiaires entre le personnel créatif primaire et les cadres décideurs (ici, Vince Gerardis, E-U et John Bartlett, R-U) (constituant la catégorie des personnels managériaux), et enfin, les cadres décideurs,5 travaillant soit dans les studios de production, soit dans les chaînes de télévision, et en qui réside le pouvoir de commander, maintenir ou arrêter les programmes (subdivisés en deux pour les besoins de la thèse, en raison des mesures différentes du succès : les directeurs et cadres décideurs de chaîne (ici, David Howe, pour les États-Unis6 et Nicholas Brown, pour le Royaume-Uni) et ceux de studios (ici, James Hedges, E-U et Kevin Lygo, R-U).

  • 7 Réalisés en anglais : questions et réponses seront donc traduites en français pour cette publicatio (...)
  • 8 Se référer à Derhy Kurtz (2019) pour des informations précises concernant la sélection et la compos (...)
  • 9 Dans les rares cas où les participants demandèrent plus de précision, je répondais qu’il leur appar (...)

5Les entretiens,7,8 qui comprenaient une douzaine de questions semi-ouvertes, portaient sur différents aspects de l’industrie TV, à l’exception de la dernière : les discours étudiés dans cette publication et la précédente ont été collectées en réponse à cette dernière question : « Enfin, quelle serait votre définition du succès ? ». Cette question était délibérément ouverte9 parce que je ne voulais ni supposer ni suggérer de liens spécifiques (entre critères personnels et critères industriels, par exemple), afin de voir de quelle manière les participants comprendraient la question et s’ils lieraient leur réponse aux normes industrielles de réussite pour les programmes télévisés ou bien au succès qu’ils peuvent éprouver dans leur vie personnelle. À l’inverse de Hesmondhalgh et Baker (2011 : 182), examinèrent les « satisfactions » de faire de bons produits culturels et demandèrent spécifiquement à leurs participants de parler du travail dont ils étaient fiers, je n’ai pas abordé de telles questions lors des conversations avec les professionnels interrogés. En évoquant le sujet pour répondre à ma question, mes participants ont donc spontanément parlé de leur travail et des éléments dont ils étaient fiers, et décidèrent d’eux-mêmes de les lier à leurs mesures personnelles du succès. Tout au long de l’analyse présentée ci-dessous, cet article démontrera que ce choix de lier notions individuelles du succès (par conséquent, de réussite personnelle) à leur vie professionnelle peut se rencontrer sur l’ensemble de l’industrie.

Satisfaction au travail et accomplissement de soi

6Notons dès-à-présent que des éléments n’apparaissent ni dans l’article évoqué ci-dessus, ni dans celui-ci, tels que l’argent, l’évolution hiérarchique ou les responsabilités. Bien que ces absences puissent paraître surprenantes, les éléments présents, eux, découlent des théories actuelles portant sur la satisfaction au travail (voir Robbins S.P. & Judge T.A., 2014), tel que le score potentiel de motivation (Motivating Potential Score) de Piers (2012 : 49) ou le Modèle de caractéristiques du travail (Job Characteristics Model) de Hackman et Oldham (1980). Ce que ces chercheurs expliquent, en substance, est que les éléments liés à la tâche elle-même, tels que son identité ou son importance, jouent un rôle clef dans la motivation, la performance et la satisfaction. Or, les réponses des participants, liées aux notions de récompenses internes et externes, coïncident rigoureusement avec les trois facteurs les plus importants de satisfaction au travail cités par Herzberg (2003) : à savoir la réussite, la reconnaissance et le travail lui-même.

  • 10 Par opposition à « travail bien fait », qui serait dit « job well done » en anglais, plutôt que « g (...)

7Le concept de réalisation de soi (« self-realisation »), abordé par Hesmondhalgh et Baker en lien avec du « bon travail » (« good work »)10 (2011 : 819), est défini par Oxford Dictionaries comme la réalisation de son propre potentiel (2019). Ceci à lier à l’« accomplissement de soi » au sommet de sa pyramides des besoins de Maslow (1954), étant seulement accessible une fois les besoins plus fondamentaux satisfaits. Pour Hesmondhalgh et Baker (2011 : 34), ce concept de réalisation de soi joue un rôle primordial dans les mesures du succès personnel (Derhy Kurtz, 2019), alors que Murphy considère cette réalisation de soi comme un élément clef du concept aristotélicien de « prospérité humaine » (1993 : 225). En se concentrant sur les professionnels de l’industrie télévisuelle, Proposant une vision assez distincte, Ursell déclare que la volonté des personnes de travailler dans cette industrie s’explique d’un côté par les possibilités alléchantes « tantalizing possibilities » qui s’offrent à ces personnes pour obtenir une reconnaissance et des éloges sociaux – l’affirmation de soi et l’estime publique – et de l’autre, par les possibilités offertes au niveau de la réalisation de soi et de la créativité (qu’elle soit esthétique ou commercialement entrepreneuriale : « be it aesthetic or commercially entrepreneurial ») (2000 : 819). Autrement dit, les motivations citées sont liées aux récompenses internes et externes.

8Hesmondhalgh et Baker (2011 : 186) affirment que la notion de travail satisfaisant, agréable, enrichissant et utile – du bon travail – (« good work ») impliquant la création de « bons produits » est liée à l’importance de la communication avec un public. Cette publication, qui vise à compléter et à nuancer cette réflexion, fera valoir qu’il existe deux manières différentes pour les professionnels de concevoir le phénomène de réception par le public en ce qui concerne les objectifs individuels de réussite : d’une part, la réception par le public au sens large – où le sens de valeur provient principalement de la popularité générale du programme – qui sera abordée dans la première partie de l’article, et, d’autre part, la reconnaissance par certaines personnes ou certains organismes en particulier, abordée dans la seconde. Les deux, bien sûr, sont des formes de reconnaissance, cette dernière figurant en deuxième place dans la liste des facteurs de satisfaction au travail de Herzberg (2003), mais accordent de l’importance à différentes voix, ou groupes de référence.

Popularité du Programme

9Selon Hesmondhalgh et Baker (2011 : 215), le nombre de personnes qui regardent un programme télévisé est un aspect important de la valeur que les travailleurs créatifs trouvent en leur travail. Les données fournies par les données obtenues au cours des entretiens suggèrent toutefois qu’il en est autrement. En effet, non seulement un certain nombre de ces « travailleurs créatifs » (« creative workers ») ont déjà évoqué des objectifs de réussite personnelle qui étaient principalement liés à des récompenses internes, provenant de leur propre travail plutôt que ceux liés à la réception (Derhy Kurtz, 2019), mais tous ceux qui ont bel et bien fixé des objectifs liés au public faisaient tous partie d’une catégorie de travail spécifique : celle des personnels managériaux (et non desdits « personnels créatifs »). Cet article présentera et analysera donc les discours des producteurs britanniques et américains John Bartlett, Michael Hirst et Donald P. Bellisario. John Bartlett, par exemple, donne un compte-rendu long et détaillé (abrégé, ici) de ce qu’il considère comme un « succès » :

Je pense qu’en raison du secteur dans lequel j’opère, il faut que ce soit… que ce soit très bien reçu par un grand nombre de personnes, parmi le public, je veux dire, je ne parle pas de critique, là. Si vous regardez mon parcours… […] [ces programmes télévisés] n’ont jamais été acclamés par les critiques […]. Ca ne me dérangeait pas ! Je veux dire, je préférerais avoir huit millions de téléspectateurs plutôt que quatre bons auteurs [entendu ici : des critiques]. […] Cela signifie beaucoup plus pour moi […] d’entendre un vrai téléspectateur dire cela, que d’avoir un auteur… un critique de télévision. Parce que c’est ce que nous visons, c’est [ce que nous considérons être] la réponse parfaite à My Family […] qu’ils l’apprécient vraiment, qu’ils [l’]attendent avec impatience et… « Oh, wow, c’est de retour, ouais, super ». Je veux dire, ça… c’est ça le succès pour moi.

  • 11 La raison est différente, cependant : alors que dans le cas des chaînes commerciales gratuites, le (...)
  • 12 Ibid.

10Le producteur, qui mentionnera plus tard des récompenses (awards), se concentre beaucoup sur l’audimat, ici, justifiant sa décision par « le domaine dans lequel » il opère. Après avoir discuté du manque assumé de séries reconnues par la critique dans son bilan, Bartlett oppose quelques critiques positives à des millions de téléspectateurs, avant de choisir manifestement ces derniers en faisant un parallèle entre « un vrai téléspectateur » et « un auteur », dans le sens ici du « glossateur » de Jean-Pierre Esquenazi (2003 : 10), faisant de « l’interprétation auctoriale » (autrement dit, d’un journaliste/critique de télévision). En donnant le même poids numérique à chacun, cette fois, dans un geste apparemment démagogique (notamment si une telle présentation venait à être une caractéristique récurrente de son discours face à de multiples interlocuteurs). Dans la suite de sa réponse, néanmoins, le producteur entremêle chiffres d’audience et appréciation du public, allant même jusqu’à faire parler le public. On comprend dès lors que les figures d’audimat relatives aux objectifs de réussite personnelle dans l’industrie télévisuelle ne constituent pas simplement une statistique froide liée aux revenus de la chaîne (encore moins ici, dans le cas d’un programme de BBC1, une chaine publique), mais aussi une représentation de l’appréciation du public envers le programme. Cette préférence pour l’audimat au détriment de la réception critique peut, néanmoins, être également liée au modèle commercial de la chaîne. En effet, BBC1 par exemple, contrairement aux chaînes plus spécialisées de la British Broadcasting Corporation, et bien qu’elle soit publique, a en grande partie le même objectif que les chaînes commerciales gratuites telles que les 5 networks américains (ABC, CBS, NBC, FOX et CW), ou des chaînes telles que TF1 ou M6 en France, en ce sens qu’elle souhaite qu’un grand nombre de téléspectateurs regardent ses programmes.11 Enfin, bien entendu, certains genres ou types de programmes sont plus susceptibles que d’autres d’obtenir des récompenses, ou des critiques positives, que d’autres. En ce qui concerne la comédie, des cas de sitcoms complexes sur le plan esthétique et narratif (Knox & Derhy Kurtz, 2017 : 49), par exemple, ou bien de celles utilisant une seule caméra feraient partie des modèles nouvellement légitimés de comédie télévisée « chic » (classy) (Newman & Levine, 2012 : 74). La majorité des sitcoms (entre autres types de programmes, telles que les émissions de téléréalité) se trouvent néanmoins dans une position culturellement délégitimée,12 ce qui explique pourquoi Bartlett disait que dans son expérience professionnelle, « parcours », comme producteur de ces sitcoms, ces dernières n’avaient « jamais été acclamé[e]s par les critiques ».

11Le créateur et producteur exécutif Michael Hirst, en plus d’un objectif de réussite lié à l’appréciation critique d’une personne du secteur en particulier (évoquée plus tard dans l’article), offre une réponse très similaire à celle de Bartlett, à l’exception des perspectives chiffrées :

  • 13 En version originale, pour la dernière phrase : « I just.. that it’s populist, that it’s popular, t (...)

Et deuxièmement, je pense que parce que des gens ordinaires – « ordinaires » entre guillemets – me parlent des Tudors, comme un chauffeur de taxi ou… juste des gens de tous les horizons, que… Je considère, j’en suis venu à considérer cela beaucoup plus que… des éloges de critiques ou des récompenses, ou… quoi que ce soit. Je [veux]… juste, que ce soit populiste, que ce soit populaire, que… les gens adorent ça.13

12Hirst, comme son homologue non créatif, oppose l’approbation de la critique à l’appréciation du public, et opte également pour cette dernière. En corrigeant sa phrase, de « Je considère » à « j’en suis venu à considérer », le scénariste et producteur ne semble pas avoir initialement apprécié l’opinion des « gens ordinaires » par rapport à celle des critiques, et suggère que ses objectifs personnels de réussite ont évolué à travers le temps. La présence du terme « populiste », avant que ne lui soit adjoint le terme « populaire », montre à quel point Hirst souhaite toucher un grand nombre la population et lui faire apprécier ses programmes, mais non sans laisser transparaitre un certain calcul dans la manière de toucher ladite population. En utilisant des expressions telles que « les gens ordinaires » et en expliquant à quel point il est important qu’ils « adorent » son programme, le showrunner se présente comme un homme du peuple, une rhétorique couramment utilisée à cette fin par d’autres personnes travaillant du côté dit créatif. Ce souhait partagé avec Bartlett, que ses séries TV soient regardées (et « appréci[ées] », et même « ador[ées] » par des millions de personnes, illustre bien la différence en termes d’ambition avec les objectifs de récompenses internes, liés au ressenti de la personne elle-même, et non des autres. Être satisfait de leur propre travail ou du résultat final ne suffit pas : les deux professionnels de l’industrie veulent aussi que des millions de personnes l’adorent. Cela indique, à l’inverse, moins d’indépendance que ceux qui citent des objectifs liés aux récompenses internes, car leurs opinions ne suffisent plus et ils doivent ainsi compter sur celles des autres.

13Un discours, cependant fournit l’exemple le plus proche de la conception du travail comme « contribution publique » (public contribution), discutée notamment par Bellah et al. (1985 : 89) et Gardner, Csikszentmihalyi et Damon (2001). Ce récit est fourni par le créateur et producteur exécutif Donald P. Bellisario, qui va au-delà de la simple appréciation du public comme objectif personnel de succès, déclarant qu’il est intéressé par le fait de le toucher : « Ma définition du succès… je suppose… créer un spectacle que… j’aime, qui émeuve les gens… qui m’émeuve moi… Ca, pour moi, ce serait un succès. » Tout en concentrant à l’origine sa réponse sur son apport et sa propre réaction à celui-ci (ce qui, à première vue, suggérerait de classer cette mesure du succès parmi les récompenses internes), le showrunner à la retraite passe immédiatement à un long exemple : la mère d’un patient atteint du cancer qui lui a écrit pour la première fois après avoir regardé – avec d’autres parents et des enfants malades – un épisode de la série Magnum (dont il fut le créateur et le producteur exécutif), où la morale était de « ne jamais abandonner » et dans lequel le personnage principal réussit à survivre. Le producteur exécutif continue ensuite :

Et elle a dit : « quand nous avions fini, nous étions tous en train de nous prendre les uns les autres dans les bras, et nous nous sommes juré de ne jamais abandonner ». Et elle continuait de m’écrire chaque année pour me dire que sa fille était toujours en vie […] « Nous n’abandonnons toujours pas »… Je me souviens de ça, tout le temps. Et cela me mettait les larmes aux yeux lorsque je lisais cette lettre. Et… émouvoir et toucher des gens comme ça, ça fait pour moi une série télé réussie. Peu importe… si c’est un succès pour un public, bien que Magnum l’était… Mais, ce qui compte, c’est : est-ce que ça émeut les gens ? Est-ce que ça change leur vie ? Est-ce que ça leur apporte quelque chose qu’ils n’avaient pas ? Est-ce que… ça les inspire ? Est-ce que ça élève leur vie, la rend plus agréable ? C’est ça un succès pour moi.

  • 14 Les intonations étant montrées à travers l’italisation des mots accentués.

14À la fin de cette anecdote racontée, Bellisario va encore plus loin que Bartlett et Hirst, affirmant qu’être visionné par un grand nombre de personnes lui importait peu, mais que c’était « émouvoir et toucher » ceux qui le regardaient qui comptait pour lui. Ainsi, laissant entrevoir un discours renvoyant aussi à la réussite du scénario, le showrunner va jusqu’à utiliser un champ lexical lié au changement de la vie de personnes en ce qui concerne les modifications qu’il dit vouloir apporter aux téléspectateurs, et en insistant verbalement14 sur ces mots dans chacune de ses questions rhétoriques successives : « Est-ce que ça change leur vie ? », « les inspire ? », « élève leur vie ? » En ce qui concerne les problèmes de performance et d’impression souhaitée dans la représentation de soi abordés par Goffman (1959), si l’on pouvait entendre dans la voix de Bellisario qu’il était touché durant ce récit, on peut également se demander dans quelle mesure ce plaidoyer sur la valeur sociale de la télévision n’a pas été quelque peu « travaillé », et cette volonté de changer la vie des gens avec un programme, quelque peu, exagérée. Quoi qu’il en soit, la mesure dans laquelle le créateur de séries télé déclare vouloir avoir un impact sur la vie de ceux qui regardent les programmes qu’il a écrit et produit illustre une ambition encore plus grande que celle de ses pairs précités, tels que Michael Hirst, lui aussi personnel super créatif, et donc ici scénariste, créateur et producteur, et pour qui des facteurs tels que la qualité de son travail scénaristique, ou pour ainsi dire la puissance de l’histoire qu’il est en train de raconter pourraient également avoir une importance. Mais c’est un impact évident sur certains membres de l’audience, plutôt que le nombre total de personnes qui regardent, qui est présenté comme important pour Bellisario, qui, contrairement à Hirst, ne mentionnera pas la reconnaissance des pairs comme mesure du succès.

15Hesmondhalgh et Baker (2011 : 219) affirment que l’environnement « marketisé » (marketised) des médias rend les professionnels des médias plus conscients que jamais du public et qu’il est nécessaire de lui plaire et de l’attirer, arguant que le public est le moyen par lequel les travailleurs créatifs espèrent résoudre leurs inquiétudes quant à la qualité de leur travail. Néanmoins, un seul travailleur créatif a exprimé le souhait de toucher beaucoup de monde : le showrunner Hirst (Bellisario mentionnant l’audimat uniquement pour faire état d’un manque d’intérêt vis-à-vis de la majorité par rapport au fait de toucher quelques-uns). En tant que tel, avec le producteur (non créatif) Bartlett, qui partageait le même souhait que Hirst et Bellisaro pour que ses programmes soient appréciés par un large public, Hirst appartient à la catégorie des producteurs (et donc pas simplement à celle des créatifs à travers son travail de scénariste/créateur de séries). Il existe donc peu d’indices, d’après les données fournies par cette recherche, que les « travailleurs créatifs » recherchent en général des évaluations pour se rassurer sur leurs capacités. Au contraire, la quasi-totalité du personnel créatif principal et secondaire, ainsi que des personnels techniques, avaient listé des récompenses internes de fierté et de réussite en tant que mesures personnelles du succès, alors que l’audimat fut uniquement désigné que par les personnels appartenant à la catégorie des personnels managériaux. Par conséquent, je suggèrerais de recontextualiser la situation et de déplacer la revendication de Hesmondhalgh et Baker (2011) afin de la lier à la catégorie des travailleurs susmentionnée. En effet, puisque les personnels managériaux, qui servent tous d’intermédiaires culturels entre les personnels créatifs et les cadres décideurs (voir Miège, 1978) sont ceux à qui les résultats sont demandés par les cadres décideurs, ce sont surtout eux qui sont intéressés par la réception du public ; l’appréciation de ces derniers (et, dans un cas, l’impact sur eux) servant à renforcer leur confiance en leur propre capacité à fournir ce que l’on attend professionnellement d’eux dans l’industrie de la télévision : l’audimat. Un tel attrait pour la popularité du programme/des récompenses externes démontre enfin un impact beaucoup plus important des pratiques industrielles sur les objectifs de réussite personnelle. L’audimat n’était, cependant, pas le seul élément lié aux récompenses externes cité comme une mesure de réussite personnelle par les professionnels participant à ma recherche, l’autre facteur mettant en fait l’accent sur l’opinion et l’appréciation de personnes spécifiques.

Reconnaissance par certaines personnes en particulier

16Il s’agit ici de notions d’instances d’expertises ; ne seront cependant pas mis en avant dans les discours présentés ci-dessous des membres engagés du public, ou « fans », ayant une connaissance pointue du sujet (voir Esquenazi, 2010 : 120 et Jenkins, 1992), mais par des professionnels de l’industrie ; souvent assorties de « récompenses », ou awards. La différence principale entre la réception positive d’un public – souvent large – et la reconnaissance d’individus ou de groupes d’individus spécifiques, dont l’opinion « compte » pour une raison ou une autre, réside dans le fait qu’un certain niveau de statut ou de réputation découle de cette dernière, puisque le fait de recevoir des critiques positives ou tout type de récompense, que ce soit un prix, un award, une médaille, etc., apporte du prestige. Le dictionnaire Merriam Webster (2015) définit un « award » comme quelque chose (tel un prix) attribuée à une personne ou un élément pour le fait d’être excellent ou d’avoir fait quelque chose qui est admiré. En conséquence, et comme expliqué dans la section précédente, même si c’est classé ici comme étant du côté de la « réception » (ce qui est une récompense externe plutôt qu’interne), la reconnaissance critique, telle qu’à travers des awards est toujours très liées à la réussite et par conséquent, un effet secondaire, pour ainsi dire, du travail bien fait et des accomplissements abordés comme mesures du succès en lien avec les récompenses internes (cf. Derhy Kurtz, 2019). Comme le montre cette publication, en raison de la publicisation fréquente d’une telle reconnaissance par le biais de critiques (favorables) publiées dans la presse ou de l’attribution de récompenses (sauf dans les cas où le référent est une personne dont l’opinion compte à titre personnel pour le participant), de tels objectifs liés à la reconnaissance révèlent un seuil – ou niveau – plus élevé utilisé par les professionnels interrogés pour définir leurs objectifs de réussite que ceux évoqués ci-dessus. De plus, ces aspirations, du fait de leur association fréquente avec des acteurs de l’industrie (récompenses, critiques, etc.), sont aussi étroitement liées aux pratiques de l’industrie. Enfin, ces objectifs, spécifiquement relatifs aux opinions de personnes particulières, renvoient au concept de distinction culturelle et critique de Bourdieu (1979), selon lequel une élite sociale se différencierait des masses par un goût prétendument accru pour la qualité ou l’innovation. Cette partie présentera les récits de cinq professionnels ayant des postes divers au sein de l’industrie de la télévision – tous ayant néanmoins un passé de scénaristes, à l’exception de Bartlett ; il s’agit du producteur John Bartlett, du scénariste Peter Blake, du showrunner Michael Hirst, du producteur Vince Gerardis et de l’actrice Sara Pascoe. J’analyserai le degré d’importance des différentes formes de reconnaissance pour un certain nombre de professionnels et montrerai qu’elles sont, pour la plupart, complémentaires d’autres mesures de réussite, principalement internes.

17John Bartlett, qui commençant sa réponse en mentionnant l’importance de l’appréciation du public, poursuit en soulignant celle des récompenses – awards – en échange du « dur travail » (hard work) fournit :

Mais c’est… il y a beaucoup de dur travail qui est fourni, alors c’est merveilleux quand ça obtient… [l’appréciation] du public… Et c’est pourquoi, d’une certaine manière, les TV Quick Awards, les deux TV Quick Awards que nous avons gagné, sont si précieux, parce qu’ils ont été votés par le public. Il n’y avait pas de comité, dans une pièce sombre, quelque part… Je veux dire, oui, je ne nie pas que ça serait merveilleux d’obtenir un BAFTA, et ça serait certainement un gage de succès, mais ce n’est pas la moitié d’une mesure de succès telle… qu’avoir cette audience, si grande depuis si longtemps… c’est génial.

18Là encore, cependant, Bartlett se concentre sur l’appréciation du public et oppose les TV Quick Awards, « votés par le public » et présentés comme « très appréciés », aux BAFTAs, (et les récompenses similaires) décrits comme attribués par un « comité, dans une pièce sombre, quelque part ». La série My Family a en réalité reçu d’autres prix, comme une rose d’or au Rose d’Or Light Entertainement Festival (au Canada), un National Television Award et a même été nominée pour un BAFTA en 2003 (IMDb, 2019a), même si le producteur a choisi de se concentrer sur les TV Quick Awards en particulier. Bartlett poursuit ainsi son récit centré sur le « vrai téléspectateur » et semble utiliser une stratégie discursive similaire à celle de « l’homme du peuple » employée par Hirst, où la voix du public (et le vote) sont (re)présentés comme plus important que celui des critiques. En utilisant la première personne du pluriel « nous », le producteur attribue collectivement les récompenses « nous avons gagné » ; s’incluant lui-même dans cette victoire, mais sans prendre le crédit pour lui-seul. Puis, d’une manière rappelant les écrits de Goffman (1959 : 40-44) portant sur les personnes interrogées cherchant à se promouvoir ainsi que les activités auxquelles elles participent, Bartlett conclut une nouvelle fois en affirmant que cette reconnaissance critique a très peu de signification pour lui et pour ses collègues susmentionnés (« nous ») : « ce n’est pas la moitié d’une mesure de succès » par rapport aux chiffres de l’audience, « si grande depuis si longtemps » qu’ils ont eu. Ainsi, le producteur introduit à la fin de sa réponse une dimension temporelle du succès, les saisons 10 et 11 de My Family étant alors en cours de tournage à l’époque. Enfin, en liant ces mesures de succès aux signes de reconnaissance industrielle (récompenses de la télévision, audimat), le discours de Bartlett – rappelant la rhétorique « populiste » de Hirst – montre davantage encore à quel point sa définition personnelle du succès est ancrée dans le cadre des pratiques industrielles, où l’audimat demeure un élément fondamental du succès, que ce soit pour des chaînes commerciales, des chaînes premium à abonnements, ou même des chaînes publiques.

19D’autres genres, bien sûr, tels que les drames, ont une probabilité beaucoup plus grande d’être considérés comme faisant partie de la « télévision de qualité » et d’être perçus comme plus originaux, plus complexes, plus esthétiques ou plus pertinents sur le plan social que la plupart des contenus proposées à la télévision (voir Nelson, 1997 ; Newman et Levine, 2012 ; Ouellette, 2016). En étant plus susceptibles d’être considérées comme de la quality television et de participer à la légitimation des discours autour de la télévision (voir Newman & Levine, 2012 : 153-54), de tels programmes ont également plus de chances d’obtenir des récompenses. Contrairement à John Bartlett, qui produit des programmes qui ne sont généralement pas encensés par la critique (comme expliqué précédemment, cf. Knox & Derhy Kurtz, 2017 : 49 ; Newman & Levine, 2012 : 74, sur le type de comédies qui le sont), le scénariste (et producteur exécutif) Peter Blake, travaillait déjà depuis plusieurs années sur la série dramatique House IMDb, 2019b), récompensée par deux Golden Globes, et offrait une opinion bien différente, lors de notre entretien. Bien qu’il se soit concentré sur la fierté ressentie vis-à-vis du résultat final, que le public voudrait regarder (Derhy Kurtz, 2019), Blake mentionna également une autre liste d’objectifs, liés au succès personnel, cette fois. En effet, au cours d’un aparté de notre conversation (avant que la question « quelle serait votre définition du succès » ne soit posée), le participant partageait ce que l’on pourrait appeler un « rêve éveillé ». Discutant de ce serait bien agréable d’obtenir dans le cas où il créerait son propre programme, Blake aborda alors directement les objectifs de réussite personnels :

si je créais une série, j’aimerais qu’elle reçoive de bonnes critiques, j’aimerais qu’elle dure quelques saisons, ce serait bien si les gens intelligents l’appréciaient… et ce serait génial si elle remportait des awards, vous savez, si elle était nominée pour un Emmy. Mais c’est… c’est beaucoup ! Non pas que je m’attendrais à tout ça… ce serait beaucoup à… ce serait formidable si quelque chose comme cela pouvait se produire.

20Discutant de ce que seraient ses aspirations s’il créait réellement une série plutôt que d’écrire pour un programme existant, Blake semble beaucoup plus préoccupé par les opinions des autres – et notamment par l’instance de consécration que sont les pairs – que dans la réponse analysée dans l’article précédent, et fournit un discours ancré dans le contexte et les valeurs industriels. Bien que mentionnant de nombreux éléments, y compris le nombre de saisons, Blake explique qu’il souhaiterait être salué par la critique : « reçoive de bonnes critiques », parmi les meilleures récompenses télévisées : « un Emmy », ainsi que l’appréciation des membres du public, mais pas de tous en général, juste certains en particulier : « les gens intelligents ». Cette expression, cependant, est plutôt vague et il est difficile de savoir si elle fait référence à des critiques (pourtant déjà évoquées), à des jurys/comités de récompenses (les récompenses et plus particulièrement aux Emmys étant également cités juste après), à des pairs ou à une frange spécifique du public. Ce qui semble transparaitre, dans la somme de cet exemple, est la quête d’une certaine forme de légitimité comme mesure d’accomplissement personnel. De plus, en tout état de cause, cet intérêt pour les « gens intelligents » rejoint davantage les discours de « légitimation culturelle » de la télévision et d’intellectualisation de la forme (voir Frith, 2000 ; Newman et Levine, 2012) ; les personnes en question étant très certainement ce que Bourdieu (1979) appelle « l’élite sociale », se différenciant des masses par le phénomène de la « distinction » culturelle et de mesures de capital culturel élevé par leur goût supposément meilleur ou plus raffiné portant sur certains éléments tels que la qualité . Cela contraste donc beaucoup avec les opinions et objectifs de réussite personnelle exprimés par Bartlett, ou par ceux de l’auto-déclaré « populiste », Hirst. Comme le remarque Debenedetti (2009 : 3), il existe « en théorie », une opposition fondamentale entre le critique, qui « ne travaille pas pour ceux qu’il critique » et « l’homme de marketing [qui] est contractuellement lié à celui qu’il est chargé de promouvoir ». Mais l’auteur va jusqu’à citer Pierre Bourdieu et Yvette Delsaut (1975) qui expliquent que publicité et critique ne se distinguent alors guère que par leur effort de dissimulation de cette fonction promotionnelle commune, précisément. Ainsi, la critique peut « faire » ou « défaire » l’œuvre et l’artiste, selon ce qui en est dit, aux yeux du public, mais également institutionnellement, en terme de « légitimation artistique » (Debenedetti, 2009 : 6-9), ce qui permet d’expliquer – ou, tout du moins, de mieux contextualiser – l’importance d’un tel élément parmi leurs mesures externes de récompense.

  • 15 Ibid.
  • 16 Ibid.
  • 17 Ibid.

21Après avoir discuté des objectifs de réussite centrés sur les critiques et les récompenses, cette partie de l’article abordera le discours et les objectifs personnels de succès liés à l’opinion d’une personne en particulier. Hesmondhalgh et Baker (2011 : 183), par exemple, présentent les paroles de Simon, un caméraman qu’ils ont interviewé. Le professionnel y dit qu’une des choses qui l’ont rendu satisfait ou fier à un moment en particulier (lorsqu’il filmait, pour le citer en le traduisant, « ces choses étonnantes appelées vortex » sur le tarmac de l’aéroport JFK, à New York) était que « même les contrôleurs aériens ont dit de ses prises qu’elles étaient vraiment incroyables ».15 Tandis que les auteurs associent ces agents du trafic aérien à d’éventuels représentants du public susceptible d’aller voir le film,16 je crois que le propos de Simon était que « même les contrôleurs du trafic aérien », qui sont habitués à voir de tels vortex, ont trouvé que ses prises de vue « étaient vraiment incroyables ». En d’autres termes, Simon n’était pas heureux que quelqu’un, quel qu’il soit, trouve ces prises de vue étonnantes, comme le grand public le pourrait, mais que ce soit ces personnes en particulier qui le pensent. Il existe, bien sûr, plusieurs formes, voire instances d’expertise, que celles-ci soient officiellement constituées ou non : l’expertise critique du « glossateur » (Esquenazi, 2003 : 10), l’expertise de connaissance sur le long-terme des « fans » de l’œuvre (Jenkins, 1992 : 85), « l’expertise sociale du milieu », l’expertise « technicienne des scénariste » (Alexandre, 2015 : 17 ; 199). L’expertise qui semble intéresser Simon, ici, se trouve être celle de professionnels, ayant bien l’habitude du milieu ; entre l’expertise technique et l’expertise sociale d’Olivier Alexandre).17 Michael Hirst propose un exemple comparable à celui de Simon. Le showrunner, qui avait déjà été cité plus tôt comme disant que l’appréciation du public, « que ce soit populiste, que ce spot populaire », était beaucoup plus important pour lui « que… des éloges de critiques ou des récompense », avait tout d’abord énuméré l’opinion du professionnel qui l’a « fait entrer dans l’industrie » comme mesure de « réussite personnelle » :

J’étais… très heureux que… le type qui m’a fait entrer dans l’industrie et que j’admire par-dessus tout les autres cinéastes, était un type du nom de Nicolas Roeg […]. Donc, je [le] connais depuis très longtemps, il m’a lancé dans ce business et… il… a adoré Elizabeth et il adore Les Tudors, et pour moi, c’est… extrêmement important et significatif, donc c’est ma mesure de… réussite personnelle… Parce que c’est un critique et un penseur très exigeant.

  • 18 Ou du moins, l’était à l’époque, un film qu’il avait réalisé était sortit la même année que la prem (...)

22Cet intérêt pour une personne en particulier rappelle les discours de Hirst et Blake, qui attachent une importance particulière à l’opinion de certaines personnes en particulier, qu’il s’agisse de mentors de l’industrie (Roeg), de critiques (positives) ou de jurys de récompenses/awards à la télévision (Emmys), et donc est lié au cas de Simon (cf. Hesmondhalgh & Baker, 2011 : 183), par opposition aux explications de Bartlett et Bellisario, dont les intérêts déclarés sont liés au public. La différence avec le récit de Simon réside toutefois dans le fait que Roeg, contrairement aux contrôleurs aériens, est un membre de l’industrie télévisuelle18 ; plus encore, il est la personne qui a amené Hirst à y travailler. De ce fait, même si le référent de ce dernier n’est ni un critique à proprement parler ni un même du jury visant à décerner une récompense, les objectifs personnels de succès du personnel super créatif restent nettement influencés par les pratiques de l’industrie.

23Enfin, dans le dernier récit analysé dans cette partie, le producteur Vince Gerardis fait l’éloge de deux programmes et affirme sa fierté d’être associé à eux :

  • 19 Ou du moins, l’était à l’époque, un film qu’il avait réalisé était sortit la même année que la prem (...)

Pour moi, un concept prenant,19 comme FlashForward, ou une narration très prenante, comme Game of Thrones, est génial et je suis fier d’être associé à ces programmes. FlashForward, par exemple, a été l’occasion de permettre aux téléspectateurs de penser et de parler de la vie d’une manière différente. Game of Thrones permet aux scénaristes de prendre plus de risques. (…) Et, parce que ces programmes sont uniques, je les considère comme un succès. En fait, [parce qu’ils sont] uniques et bien reçus, je les considère comme un succès.

24Le producteur non créatif, qui se contente de dire qu’il est « associé » à ces programmes, n’exhibe aucun sentiment de propriété ni de responsabilité à l’égard des séries. Une fois de plus en ce qui concerne les objectifs basés sur les récompenses externes, le discours du professionnel s’inscrit dans un contexte industriel ; des notions telles que la liberté scénaristique ou la réception des programmes se retrouvant au cœur de sa réponse. Gerardis aborde ici plusieurs occasions différentes, telles que « l’occasion » pour le scénariste de « de permettre aux téléspectateurs de penser » différemment – un discours qui promeut à nouveau la valeur sociale de la télévision, à l’instar de ses collègues personnels managériaux Hirst et Bellisario – ou des programmes permettant « aux scénaristes de prendre plus de risques ». C’est la conclusion du récit de Gerardis, cependant, qui a rendu son inclusion dans cette section pertinente. En effet, en se corrigeant « En fait, uniques et bien reçus », le producteur montre clairement que la réception critique positive des programmes lui importe (pour FlashForward, par exemple, il n’a bénéficié d’une réception du public importante ni dans les chiffres de l’audimat, ni dans la durée, la série ayant annulée après une saison en raison de mauvaises audiences), et implique que, sans elle, il pourrait ne pas – ou ne voudrait pas – les considérer comme un succès. Comme ce fut le cas pour Blake et Hirst, enfin, le fait de mettre l’accent sur l’aspect unique et la réception positive des programmes démontre à nouveau le rôle de la notion de distinction de Bourdieu (1979) – fondée sur la « qualité » ou la rareté et l’opinion de l’élite sociale – dans les propres mesures du succès de la personne interrogée.

25Comme illustré tout au long de cette partie, le niveau d’ambition dans les objectifs de réussite varie d’une personne interrogée à l’autre. La plus haute ambition présentée par les participants au cours de cette recherche – allant plus loin encore que le caractère unique et l’accueil positif de Gerardis et celui de la durée, des critiques et des récompenses de Blake – fut donnée par l’actrice Sara Pascoe, dans la première partie de sa réponse (l’autre partie étant liée à la fierté des efforts déployés et de l’amélioration de soi, cf. Derhy Kurtz, 2019) :

Je suis une personne créative, donc la mienne [de définition] serait (…) comme quelque chose que j’ai dit plus tôt (…) si vous faites partie de quelque chose qui… définit ou dure comme si, vous pourriez regarder ça dans 20 ans et toujours trouver ça drôle, (…) Je serais très fière d’être impliquée dans quelque chose comme ça.

26Ici, Pascoe, qui se définit à nouveau comme quelqu’un de créatif, va jusqu’à vouloir laisser une marque dans l’histoire de la télévision, ou de la comédie, du moins. Il est important, à ce stade, de préciser que Pascoe avait mentionné au cours de notre entretien qu’elle écrivait également. Par conséquent, en discutant de ces objectifs et en se définissant comme une « personne créative », Pascoe peut parler non seulement en tant qu’interprète, mais également en lien avec son travail d’écriture et donc selon ses ambitions fondamentales en matière de personnel créatif. En outre, la catégorisation de ce récit est un défi de taille, car l’objectif de reconnaissance du programme comme quelque chose qui définisse le genre/la télévision est un concept d’une magnitude telle qu’il conviendrait mieux à la notion de reconnaissance, c’est-à-dire de la reconnaissance critique, alors que celui de durabilité pourrait être plus facilement liée à l’audience en général, qui continuerait à le regarder après toutes ces années. Mais à cela peut s’ajouter, justement, un effet de légitimation dans le temps vis-à-vis de la place du programme dans la culture télévisuelle du spectateur, de style « séries cultes », relevant d’une reconnaissance par les instances dites « légitimes », telles que les critiques, en complément de l’engouement des publics sériephiles. Enfin, même s’il est peut-être le moins lié aux standards industriels classique, ce discours met l’accent sur la création de programmes impactants, et montre à quel point certains objectifs de réussite peuvent être ambitieux.

  • 20 Ibid.

27Les discours de réussite personnelle des professionnels présentés ici, qui avaient trait à des récompenses externes, liées à la réception d’un programme plutôt qu’au programme lui-même, semblent appartenir à deux catégories différentes. D’une part, il y avait les discours des personnes concernées par les audiences, qui étaient uniquement les personnels managériaux ; de l’autre, ceux qui étaient principalement intéressés par les critiques ou les récompenses, qui étaient pour la plupart des professionnels ayant une expérience de scénariste – qu’ils fussent personnel créatif primaire ou personnel super créatif – et qui avaient besoin de retours sur leurs créations. Les récompenses ou la reconnaissance de certaines personnes ne semblent pas vraiment constituer un objectif en soi, car, mis à part Gerardis, tous les participants mentionnant ceux-ci avaient également abordé des objectifs liés facteurs internes,20 souvent cités comme mesures principales du succès.

Conclusion

28Cet article a examiné l’élément humain de l’industrie télévisuelle et analysé les éléments qui les motivent. J’ai divisé ces motivations en deux parties principales, toutes deux tournées autour de l’orgueil, mais en faisant la distinction entre ce que j’appelle les récompenses internes, liées au travail (la contribution elle-même, ou le résultat de celle-ci), et les récompenses externes, basées sur une opinion externe et s’appuyant ainsi sur la réception (que ce soit celle du grand public ou bien celle de personnes ou de groupes de personnes spécifiques). Alors que j’examinais dans un précédent article une première partie du système de mesures personnelles du succès des professionnels au sein de l’industrie de la télévision, liée aux facteurs internes, ce présent article illustre la seconde partie, liée aux facteurs externes.

29La présente publication porte donc sur l’appréciation du grand public et les critiques élogieuses de certaines personnes en particulier. Il offre une alternative claire à la théorie de Hesmondhalgh et Baker sur la pertinence réputée essentielle de la popularité d’un programme pour les travailleurs créatifs (2011 : 219), suggérant un recentrage du personnel non-managérial vers le personnel managérial, professionnellement responsables des notations attribuées aux cadres décideurs. Un certain nombre de discours ont également fait ressortir un intérêt pour la reconnaissance du programme par des personnes spécifiques, mais principalement en tant qu’objectif secondaire. Le contenu et les analyses de cette publication sont également liées aux questions de qualité et de valeur, notamment développées par Frith (2000) et Newman et Levine (2012), démontrant l’importance du concept de « qualité » (du résultat final) de chacun.e, mais aussi le souhait de certains de renforcer la légitimité culturelle ou l’appréciation critique. Il a enfin révélé – particulièrement en conjonction avec l’autre article mentionné (Derhy Kurtz, 2019) – que les récompenses internes et externes ne s’excluent pas mutuellement dans l’esprit des professionnels.

30J’ai également argumenté l’existence d’un lien entre la préférence pour les récompenses internes ou externes et le degré d’ambition des personnes interrogées (autrement dit, à quel point on lève la barre) ; allant de la satisfaction de leur propre travail au besoin d’être fier du résultat final, jusqu’au souhait de laisser une trace dans l’histoire de la télévision. Qu’ils s’orientent vers les récompenses internes ou en externes, tous les discours sur le succès personnel présentés ici et dans l’article précédent étaient liés à l’industrie et correspondraient donc aux personnes qui donneraient la priorité aux mesures de succès relatives au travail plutôt qu’aux relations (cf. Hazan & Shaver, 2003 : 362-3). Ces discours et objectifs témoignent donc de ce que McRobbie explique, à savoir, que le travail dans les industries créatives signifie beaucoup plus que de gagner sa vie et de prendre le contrôle de la vie quotidienne (2002 : 99). Hesmondhalgh et Baker (2011 : 6) vont jusqu’à parler d’« auto-exploitation » dans les industries culturelles, où les travailleurs aimeraient tellement leur travail qu’ils se pousseraient jusqu’aux limites de leur endurance physique et émotionnelle ; les résultats présentés ici ne semblent pas, pour autant, aller jusqu’à accréditer une telle thèse. En effet, bien que l’intérêt et l’implication étaient clairement visibles, aucun élément lié au fait d’atteindre les limites de l’endurance physique ou émotionnelle n’était perceptible dans les discours de mes participants. Ce qui était également intéressant, en outre, est ce qui n’a pas été dit : comme le révèlent les citations, aucune personne interrogée n’a mentionné l’argent, le rang (hiérarchique) ou les responsabilités, par exemple.

31Au contraire, ce sont justement les éléments spécifiques cités par Herzberg (2003) comme étant les trois facteurs les plus importants pour la satisfaction au travail correspondent parfaitement aux données fournies par ces entretiens : ils sont la réussite, la reconnaissance et le travail lui-même (qui constituent, en somme, malgré un ordre différent, les subdivisions présentes dans ce travail ainsi qu’un précédent article ; Derhy Kurtz, 2019). La distinction entre cette recherche et celle de Herzberg (2003) et d’autres repose toutefois sur le fait que ces derniers recherchaient notamment des éléments de satisfaction professionnelle, ce qui n’était pas le cas ici.

32L’objectif de succès le plus éloigné des normes quantitatives de l’industrie présentées par les personnes interrogées (et ne correspondait donc à aucune des catégories présentées ici) était lié au bonheur et au bien-être, plutôt qu’à la fierté, abordés tout au long de cet article. Le récit de l’acteur James Callis diffère ainsi de tous les autres en raison de son objectif particulier : cibler le bonheur en général et ignorer totalement les notions liées au travail (appartenant ainsi à l’autre catégorie de personnes – priorisant les relations au travail comme mesure de réussite personnelle – évoquée par Hazan & Shaver, 2003 : 362-3). Bien qu’il ne soit impossible que toutes les personnes interrogées sauf une considèrent le succès dans la vie comme étant étroitement lié à son travail, il est également très plausible que, en raison de la nature « ouverte » de la question, le professionnel l’ait interprétée comme faisant référence au succès dans la vie en général, alors que tous les autres l’auraient comprise comme étant orientée vers la réussite professionnelle, en raison de la focalisation industrielle du reste des entretiens. Ce qui distingue principalement ce discours centré sur la notion de bonheur, en l’occurrence, est la source à partir de laquelle le participant tire ce plaisir ou ce bonheur ; à savoir, de l’autosatisfaction et des relations sociales : « être heureux, [être] un avec soi-même et avec les autres ». Cette distinction, en plus de donner un aperçu de la conception du bonheur chez Callis, révèle également son rapport à l’industrie au sein de ce type de discours sur la réussite personnelle. L’interprète n’apporte aucun élément lié à l’industrie dans sa réponse et donne ainsi l’impression que sa définition du succès personnel et ses mesures sont plutôt indépendantes de l’industrie de la télévision. Une fois mis en perspective avec l’analyse fournie dans l’article précédent, qui concluait que le succès des professionnels était d’être heureux au travail (Derhy Kurtz, 2019), ce récit ne diffère pas tellement des autres, Callis se concentrant également sur la satisfaction/le fait d’être heureux, mais sans aborder le travail. Ceci complète donc l’analyse et le raisonnement de ces articles : selon cette recherche, alors que pour la majorité des professionnels interrogés, le succès est le fait d’être heureux au travail, pour tous, le succès est le fait d’être heureux, point ; peu importe d’où peut venir ce bonheur.

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Notes

1 Ibid.

2 La typologie utilisée étant présentée dans la section suivante.

3 Ce n’est pas ici nécessairement la nationalité des personnes qui est représenté, mais l’industrie géographique dans laquelle elles travaillent.

4 Souvent appelés showrunners en anglais.

5 Parfois appelés contrôleurs (controllers) au Royaume-Uni.

6 Ainsi que James Hedges, puisqu’il était vice-président de ABC Television & ABC Studios.

7 Réalisés en anglais : questions et réponses seront donc traduites en français pour cette publication.

8 Se référer à Derhy Kurtz (2019) pour des informations précises concernant la sélection et la composition de l’échantillon des participants.

9 Dans les rares cas où les participants demandèrent plus de précision, je répondais qu’il leur appartenait d’interpréter la question.

10 Par opposition à « travail bien fait », qui serait dit « job well done » en anglais, plutôt que « good work ».

11 La raison est différente, cependant : alors que dans le cas des chaînes commerciales gratuites, le taux d’audience est désiré car, plus de personnes seront devant leur écran, plus les annonceurs paieront cher pour le créneau publicitaire, dans le cas des chaînes publiques, dont le financement ne dépend pas de la publicité mais au contraire de la redevance télévisuelle, licence fee en anglais, le but est d’offrir du contenu au plus grand nombre des personnes payant cette redevance (soit une grande partie de la population).

12 Ibid.

13 En version originale, pour la dernière phrase : « I just.. that it’s populist, that it’s popular, that... people love it. »

14 Les intonations étant montrées à travers l’italisation des mots accentués.

15 Ibid.

16 Ibid.

17 Ibid.

18 Ou du moins, l’était à l’époque, un film qu’il avait réalisé était sortit la même année que la première saison des Tudors. Il nous a quitté en fin 2018.

19 Ou du moins, l’était à l’époque, un film qu’il avait réalisé était sortit la même année que la première saison des Tudors. Il nous a quitté en fin 2018.

20 Ibid.

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Benjamin W. L. Derhy Kurtz, « Bonheur par laudation : mesures personnelles du succès dans l’industrie télévisuelle »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 20 | 2020, mis en ligne le 01 septembre 2020, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/9568 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.9568

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Auteur

Benjamin W. L. Derhy Kurtz

Benjamin W. L. Derhy Kurtz est docteur en sociologie de la télévision et des médias et A.T.E.R. en S.I.C. à Avignon Université. Il est chercheur au Laboratoire Culture et Communication (LCC) et au Centre Norbert Elias (CNE) de l’université d’Avignon, ainsi qu’à l’Institut de Recherche Médias, Cultures, Communication et Numérique (IRMECCEN) de l’université Sorbonne Nouvelle (Paris 3). Ses axes d’enseignement et de recherches s’articulent autour de l’histoire de la communication, de la médiation culturelle, de la sociologie des industries créatives et du transmédia. Courriel : benjamin.derhy-kurtz@univ-avignon.fr

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