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Parutions

Acquaviva Marianne et Marhic Philippe (dir.), Éducation aux médias et à l’information en milieux scolaires

Paris, 2018, L’Harmattan, Coll. Nouvelles pédagogies. 290 p.
Sabine Bosler
Référence(s) :

Acquaviva Marianne et Marhic Philippe (dir.), 2018. Éducation aux médias et à l’information en milieux scolaires. Paris, L’Harmattan. Coll. Nouvelles pédagogies. 290 p.

Texte intégral

  • 1 Centre pour l’éducation aux médias et à l’information, fondé en 1983 suite au rapport de Jacques Go (...)

1L’éducation aux médias peut être définie comme un domaine pédagogique et de recherche se concentrant sur l’analyse, la compréhension et la réflexion critique des messages médiatiques, visant à développer l’esprit critique des apprenants. En France, la création du CLEMI1 a orienté l’éducation aux médias vers une approche citoyenne, visant à développer des « ateliers de démocratie » et à renforcer le pluralisme.

2L’ouvrage collectif dont il est question ici est paru en 2018, sous la direction de Marianne Acquaviva et Philippe Marhic, respectivement coordinatrice et formateur au CLEMI de Paris, s’intéresse à l’éducation aux médias et à l’information (EMI) en milieux scolaires ; le pluriel a son importance, puisqu’il nous emmène dans des collèges et lycées de tous horizons, y compris dans un dispositif scolaire en milieu hospitalier.

3L’ouvrage prend la forme d’un guide de bonnes pratiques, qui s’adresse en priorité aux enseignant·e·s du secondaire, à qui il fournit des descriptions de projets sous la forme de récits d’expérience. Chaque contribution est rédigée à la première personne du singulier par un ou des enseignant·e·s ayant été partie prenante d’un projet en EMI. De deux à dix pages, parfois avec de nombreuses annexes, les contributeurs et contributrices décrivent des cheminements, des idées, des collaborations entre collègues, parfois des obstacles et des déceptions – sans fard et avec leurs propres mots.

4L’ouvrage s’articule en trois parties : les enjeux de l’EMI, les contenus d’EMI, et les acteurs et les outils. Pourtant à la lecture de l’ouvrage cette catégorisation est moins évidente, puisque chaque contribution évoque simultanément ces trois aspects. L’introduction de chaque partie est l’occasion d’apporter des éléments définitoires sur l’EMI, son périmètre et ses missions. Elle vise, d’après les auteurs, à développer trois champs de compétences majeurs : la recherche d’information, son décryptage et sa vérification, et sa production.

5En rendant les élèves acteurs, producteurs d’informations, ceux-ci acquièrent des compétences de recherche et d’analyse. Cela explique pourquoi de nombreux projets, présentés ici, mettent les élèves en situation de production d’information, accompagnés par des journalistes et/ou des enseignants. Les notions de citoyenneté et de développement de l’esprit critique sont centrales dans la plupart des projets décrits, dans un contexte où « désinformation, fake news, cyber-harcèlement, idées racistes, xénophobes et complotistes pullulent » et que « cela menace le cœur de la démocratie elle-même » (p. 23). Cet ouvrage se présente comme un manifeste pour l’éducation aux médias et à l’information, preuves à l’appui.

6La première partie, « les enjeux de l’EMI », recense différents retours d’expérience autour des aspects citoyens de l’éducation aux médias et à l’information. On y trouve un projet d’écriture de nouvelles visant à sensibiliser les élèves au harcèlement sexuel et moral en ligne, « l’acte d’écriture devenant un acte civique orienté vers autrui » (p. 31), dans lequel tous les élèves, même les « moins scolaires », se sont impliqués. Des contributions présentent des associations ou des dispositifs, comme la plateforme mediaeducation.fr, qui informe, met en réseau et facilite la co-construction d’interventions pluridisciplinaires autour de l’EMI.

7L’association Jets d’encre, animée et dirigée par des jeunes de 11 à 25 ans issus de la presse jeune, encourage quant à elle les jeunes à prendre la parole, et rappelle les droits et devoirs inhérents aux journaux lycéens : s’ils peuvent se passer de « l’imprimatur » du chef d’établissement, des règles de déontologie prévalent. Une contribution relate les bienfaits d’une « classe media » à l’hôpital, pour offrir une fenêtre sur l’extérieur et travailler des compétences d’expression écrite différemment. Enfin, des contributrices s’interrogent sur la visibilité dont bénéficient parfois les lycéens et qui peut se retourner contre eux, dans les cas où leurs articles font l’objet de critiques négatives : faut-il les protéger ou les laisser répondre ? Comme on peut le voir, les contributions sont très variées, certaines décrivant des projets, d’autres des dispositifs ou des acteurs spécifiques – on pourra leur reprocher une absence de « fil rouge », dont cette énumération témoigne.

8Dans la deuxième partie, les rencontres entre élèves et journalistes sont particulièrement mises en avant, dans la diversité des formes qu’elles peuvent prendre : ateliers de recherche et de vérification de l’information, pratiques de production de médias (par exemple radio), dispositifs « Classes Média » dans l’Académie de Paris ; ou encore mise en place d’une exposition avec l’association « Cartooning for Peace », qui travaille sur la liberté d’expression. Une contribution assez originale relate un projet interdisciplinaire, « sur les traces de Jankiel Fensterzab », qui consiste à partir sur les traces d’une personne déportée dans le dernier convoi qui a relié Drancy à Auschwitz en 1944. Ce projet consiste à croiser des sources afin de rédiger une biographie historique, puis de monter une pièce de théâtre à partir de celle-ci. Parmi ses nombreuses facettes, le projet comprend un volet d’EMI : une journaliste inscrite à la Réserve Citoyenne a aidé les élèves à préparer l’interview de la fille de Jankiel.

9En troisième partie, « les acteurs et les outils », Marianne Acquaviva, coordinatrice CLEMI dans l’académie de Paris, se demande, non sans humour, si l’adulte est « biodégradable » dans le journal lycéen ; elle explique le besoin d’accompagnement, même lointain, qui peut se faire ressentir, mais qui doit être mis en balance avec l’impératif d’autonomie. Par la suite, le dispositif Globe Reporters, qui permet à des lycéens et collégiens de collaborer avec un·e journaliste correspondant·e dans un pays étranger pour créer un média scolaire, fait l’objet de plusieurs contributions. On trouve de nombreuses illustrations en annexe, des documents à fournir pour l’inscription jusqu’aux journaux finalisés, et des entretiens avec des élèves revenant sur leur expérience, ce qui sera très utile à des enseignant·e·s souhaitant se lancer dans ce type de projet. La dernière contribution s’intéresse au format du « book trailer », une bande-annonce permettant de médiatiser la sortie d’un livre.

10L’ouvrage se clôt sur un court recueil de témoignages, collectés par Philippe Marhic : « J’ai rencontré des profs heureux ». Ce recueil met en lumière des enseignant·e·s témoignant de moments joyeux au cours de leur carrière, quel qu’en soit le stade. Par exemple, une enseignante avec 42 ans d’ancienneté raconte quelques moments de joie qu’elle a pu avoir au cours de son parcours, dans les corons déshérités, puis à l’Université en Albanie, en banlieue parisienne, et enfin dans des centres de FLE avec des réfugiés. Même les enseignant·e·s plus jeunes – l’une est en première année d’enseignement, comme stagiaire – ont des souvenirs joyeux auxquels se rattacher, comme cette enseignante d’espagnol qui a animé l’atelier cinéma chaque mercredi après-midi.

11Cet ouvrage est un patchwork. On pourra trouver qu’il manque de sérieux, de rigueur – surtout en tant qu’universitaire. L’ensemble est parfois un peu bricolé, on peut regretter qu’il n’y ait pas de contribution scientifique, ne serait-ce qu’en introduction. Mais le choix est fait de s’adresser aux praticiens, de pair à pair. Il ne s’agit pas d’un ouvrage académique, mais professionnel, qui recense des bonnes pratiques et qui milite au fil des pages pour leur généralisation. On peut conseiller la lecture de cet ouvrage aux agents de l’Éducation Nationale – des enseignant·e·s aux CPE jusqu’aux chefs d’établissement – ainsi qu’aux étudiant·e·s en master « Métiers de l’Éducation » – principalement les futurs professeurs-documentalistes, qui sont officiellement les « maîtres d’œuvre » de l’EMI depuis 2017, mais pas seulement.

12Cet enseignement est transversal, ce que montre bien la diversité des disciplines dont sont issu·e·s les auteurs et autrices, ainsi que les collaborations interdisciplinaires décrites. On regrettera l’absence de projets réalisés dans le premier degré, qui est pourtant un terrain important de l’EMI, ainsi que de l’enseignement professionnel et agricole, où des pratiques innovantes ont pu se développer ; le titre au pluriel, « EMI en milieux scolaires », laissait attendre davantage de diversité. Malgré cela, toutes les personnes intéressées par l’EMI y trouveront sans doute des informations utiles, des idées et de l’inspiration. Centré sur les aspects pratiques de la réalisation des projets et l’identification des acteurs pertinents, l’ouvrage aurait pu s’appeler « boîte à outils de l’EMI ». Pour conclure, faisons résonner les propos du journaliste Alain Devalpo, auteur de la préface de l’ouvrage : « je souhaite à ce livre de contaminer le plus de pédagogues possibles ! » (p. 16).

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Notes

1 Centre pour l’éducation aux médias et à l’information, fondé en 1983 suite au rapport de Jacques Gonnet et Pierre Vandevoorde sur « l’introduction des moyens d’information dans l’enseignement ». Organe du Ministère de l’Éducation Nationale intégré au réseau Canopé, le CLEMI est en charge de développer l’EMI sur le territoire via une offre de formations pour les enseignants, la production de ressources, l’organisation d’événements dédiés…

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sabine Bosler, « Acquaviva Marianne et Marhic Philippe (dir.), Éducation aux médias et à l’information en milieux scolaires »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 19 | 2020, mis en ligne le 01 mai 2020, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/9094 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.9094

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Auteur

Sabine Bosler

Sabine Bosler est doctorante en Sciences de l’Information et de la Communication au laboratoire CRESAT (Université de Haute-Alsace, Mulhouse) sous la direction d’Olivier Thévenin (Cerlis, Paris 3) et Carsten Wilhelm (CRESAT, UHA). Ses travaux portent sur la culture numérique juvénile et l’éducation aux médias en France et en Allemagne.

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