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Spicilège

Le champ médiatique comme prisme analytique d’un régime politique

Le cas de l’Égypte de 2000 à 2019
Tourya Guaaybess

Résumés

À la fois organe d’expression et institution, enjeu de pouvoir et d’influence, les médias éclairent la nature des relations entre les acteurs sociaux. Inscrits dans un espace politique et culturel, ils sont un prisme qui permet la compréhension des sociétés dans leurs différentes dimensions (économique, culturelle, politique, anthropologique). Analyser les médias d’un pays donné revient à faire l’analyse d’un autre sujet : en l’occurrence dans cet article, le degré d’ouverture de l’espace public en Égypte. De façon caricaturale, les médias publics et privés sont totalement contrôlés par l’État. Mais, ce qui pourrait s’apparenter à une confiscation de l’espace public n’est autre que l’isolation d’un pouvoir dans un espace monochrome quand les publics et usagers n’expriment rien d’autre qu’une non-adhésion aux discours des médias officiels. Cet article repose sur une enquête de terrain et sur l’analyse de la presse égyptienne de juin 2018 à juillet 2019. L’évolution des médias égyptiens est étudiée à travers une approche relevant de l’économie politique des médias et de la sociologie des acteurs dominants dans le champ médiatique.

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Notes de l’auteur

Ce travail est issu d’une recherche menée pour la partie d’un ouvrage coordonnée par Noami Sakr. Guaaybess, Tourya (à paraître en 2020) “Media ownership in Egypt 2000-2020: Categories and configurations”, in Springborg, Robert (ed) The Routledge Handbook of Contemporary Egypt, Abingdon: Routledge.

Texte intégral

1Le citoyen égyptien contemporain appréhende souvent sa situation à l’aune de celle qui prévalait avant la révolution de 2011. C’est ce qu’illustre, le cas de Karim Hussein, administrateur de la page Facebook « Je suis désolé, Monsieur le président ». Il fut arrêté en juillet 2019, au motif de diffusion de « fausses nouvelles ». Sa page, suivie par près de 3 millions d’abonnés, s’adressait au président déchu Hosni Moubarak. Pourtant, l’Égypte se libéralise et la perte de vitesse des médias publics l’illustre bien. Voyons de plus près ce que revêt cette privatisation des médias. Elle constitue un cas d’école, parmi d’autres dans le monde, qui confirme l’absence de lien mécanique entre l’ouverture des médias au secteur privé et l’ouverture de l’espace public.

2À un niveau international, alors qu’ils dominaient dans la plupart des pays, les médias publics semblent être en perte de vitesse. L’effet de la numérisation technologique, la baisse du prix d’acquisition ou de création des médias, leur portée économique et symbolique sont autant de mobiles qui ont attisé les appétits des hommes d’affaires depuis les années 2000 (Stetka, 2012 ; Reporters Sans Frontières, 2016). Cette tendance globale suscitait deux thèses : la première considère l’arrivée d’investisseurs privés comme une promesse de diversité et de pluralisme (Jakubowicz, 1995). La seconde plus mitigée l’appréhende comme un risque pour le service public, qui a vocation à proposer des contenus de qualité, diversifiés et à tous les publics (Price, 2009, Chakravartty and Roy, 2013). À l’abri de contraintes commerciales, les médias du service public s’adresseraient à des citoyens, plutôt qu’à des parts d’audience à offrir aux annonceurs. Le plus souvent, ils dépendent en effet de fonds publics alimentés par la redevance, et censés les prémunir d’une ingérence du champ économique via des prises de participation dans le capital ou le financement par les recettes publicitaires.

3La controverse est aujourd’hui dépassée pour deux raisons. Premièrement, le service public des médias concerne essentiellement le secteur audiovisuel qui ne représente désormais qu’une partie des supports d’information et de divertissement. L’expansion du numérique et la pénétration d’internet rendent ce débat bien marginal, pour ne pas dire caduc, puisque l’usager, de plus en plus, reçoit toute sorte d’informations et de contenus sur un écran unique. La production des messages diffusés est, elle-même, désormais décentralisée et réticulaire. Par conséquent, les médias ne peuvent techniquement plus être régulés par une instance civile unique, incarnant le service public.

4Deuxièmement, la messe est dite : les médias de service public sont coûteux alors que leurs publics diminuent. Sans être la panacée, ils sont considérés comme un luxe et une protection contre les dérives de la privatisation tous azimuts des médias audiovisuels. Aujourd’hui, ce ne sont donc pas tant les médias privés qui sont jugés inopportuns – ils sont inéluctables dans le contexte de la crise de l’audiovisuel – mais la domination de ces derniers et leur concentration entre les mains d’une poignée d’hommes d’affaires.

5Plus concrètement, « médias de service public » est une expression bien vague dans le sens où la nature du service correspond à celle du régime politique en place. Hallin et Mancini emploient le concept de « parallélisme politique » (political parallelism) pour caractériser l’orientation politique et le degré des relations entre les médias et les acteurs politiques (Hallin et Mancini, p28). Pour rendre compte du degré d’autonomie des médias, nous préférons la notion bourdieusienne d’homologie entre le champ politique et le champ médiatique (Bourdieu, 1991, 1992) : le champ médiatique est d’autant plus indépendant qu’il est autonome du champ politique et les contraintes pèsent d’autant moins sur les journalistes que le champ politique est lui-même un espace pluraliste. Ainsi, si la gestion publique des médias est vertueuse dans un régime démocratique, elle l’est moins dans un régime autoritaire où, invariablement, le champ médiatique est étroitement lié et contrôlé par la sphère politique dont il devient un appendice (ou « an appendage » of government » (Sakr, 2009, p275). Dans ce dernier cas, l’ouverture des médias aux acteurs privés est vécue comme un progrès.

6C’est donc tout naturellement que des observateurs avaient salué favorablement l’arrivée de médias égyptiens privés au début des années 2000. Cet optimisme traduit une vision du rapport entre médias et pouvoir à travers l’analyse de l’organisation et du mode de financement de médias. L’économie politique des médias, théorie née à l’époque des grandes idéologies des années 70, demeure pertinente aujourd’hui. Critique, elle permet de mettre en exergue les jeux de pouvoir entre les différents acteurs, publics et privés, nationaux et extranationaux opérant dans le secteur des médias. Il ne s’agit donc pas ici d’aborder ces industries en déconnexion avec cet héritage marxiste (Cunningham and Flew, 2015).

7Mais, l’analyse en surplomb et réifiée de l’économie politique ne suffit pas à comprendre les ressorts des rapports de domination dans le domaine des médias, ni les stratégies des différents acteurs dans ce champ à l’échelle nationale. Prendre en considération les acteurs - et non seulement des structures - permet de compléter, voire de nuancer, les enseignements apportés par une vision holistique du paysage médiatique. Plusieurs approches théoriques sont parfois nécessaires pour appréhender un objet d’étude. Opérer un va-et-vient – ou une « boucle dialogique » – entre une compréhension générale des champs politiques et économiques égyptiens et une approche par les acteurs répond à la théorie de la complexité défendue par Edgar Morin (Morin, 1980).

8En effet, des hommes d’affaires, des entrepreneurs, des journalistes se distinguent en raison de leur rôle croissant dans le secteur des médias. Leurs positionnements fluctuants permettent de comprendre leur relation avec le régime au pouvoir selon différentes configurations. Nous utilisons ici la notion de configuration au sens de Norbert Elias en ce qu’elle traduit l’interaction dynamique et fluctuante des acteurs et les jeux de pouvoir entre ces derniers (Elias, 1985). Les deux groupes d’acteurs qui nous intéressent ici sont, d’une part, ceux du champ médiatique et, d’autre part, ceux de la sphère politique au pouvoir.

9Les trajectoires et les actions des responsables politiques en poste, des hommes d’affaires, des professionnels des médias, des figures saillantes telles que certains journalistes, voire des blogueurs influents répondent à nos interrogations. Bien sûr, il serait utopique et vain de vouloir rendre compte de l’ensemble des parcours de ces acteurs et de leurs relations. Par ailleurs, les décisions, discussions et tractations au sein des sphères de pouvoir – ouvertement incarnées par les services de renseignement ces dernières années – échappent à l’observateur. Nous proposons d’identifier quelques figures emblématiques de ces deux décennies parmi les hommes d’affaires et les journalistes, et nous appréhenderons leur évolution de façon à mieux comprendre de quoi la privatisation des médias égyptiens est le nom.

10Cet article repose sur la thèse suivante : l’État – incarné par le président Abdel Fattah al-Sissi – est autoritaire mais sa légitimité est ouvertement déficiente. Alors que les médias n’ont jamais été à ce point contrôlés par le régime, les citoyens, quand ils s’expriment, montrent qu’ils ne sont pas dupes des stratégies de séduction et de la rhétorique que l’appareil idéologique d’État déploie pour assoir son pouvoir. Cela apparaît au grand jour lors de moments disruptifs, quand des espaces d’expression échappent à la censure.

  • 1 Il s’agit de deux journalistes d’Al-Ahram, un.e journaliste d’Al-Shourouk, deux journalistes indépe (...)

11Nous allons dans un premier temps revenir sur les années Moubarak, période où l’on a vu poindre des espaces d’expression pluralistes. Quels sont ces médias et quelles sont les conditions de leur émergence ? Au lendemain de la « révolution » de 2011, une multitude de médias ont continué à faire leur apparition. Cette effervescence s’est accompagnée d’une liberté de ton et d’une critique acerbe du gouvernement de Mohamed Morsi. La présidence de Al-Sissi, qui lui succèdera, correspondra à une période de privatisation tous azimuts des médias en même temps qu’un durcissement sans précédent des autorités à l’encontre des médias et des journalistes. Ce travail se base, notamment, sur une enquête réalisée auprès de journalistes en juillet 2019. Sept journalistes et deux experts ont été interviewés au Caire dans le cadre d’une enquête préparée en amont1. Cinq journalistes se sont désistés peu de temps avant le rendez-vous, ce qui n’est pas habituel. Les propos des personnes, quand ils sont cités, le sont de façon anonyme.

12Une revue de la presse égyptienne de juillet 2018 à juillet 2019 a été nécessaire à la préparation de cette étude. Cette lecture sélective des principaux quotidiens visait à déterminer le positionnement des différents journaux par rapport aux politiques mises en œuvre par le gouvernement.

L’ouverture contrôlée des médias sous Moubarak

13En conjuguant une approche régionale (panarabe) et un travail de terrain, Naomi Sakr avait mis en perspective les enjeux de la transnationalisation de l’information qui s’est développée à la fin des années 1990 (Sakr, 2001). La privatisation des médias en Égypte a débuté au début des années 2000. On peut imputer ce processus à plusieurs facteurs qui ont touché, en même temps, différents pays arabes en raison de la nature systémique du paysage audiovisuel régional (Guaaybess 2005, 2012). Nous allons revenir sur cette séquence pour mettre en perspective la situation contemporaine des médias égyptiens.

14Le contexte politique de la fin des années 90 était favorable à une transformation du paysage médiatique national. L’affichage par l’État d’un « processus de démocratisation » répondait aux institutions financières internationales mais ne trompait personne mais – cela mérite d’être souligné – apportait une légitimité aux discours des acteurs de la société civile sur cette question.

15Des médias transnationaux – presse écrite et surtout audiovisuel – avaient émergé dans la région et rencontraient un vif succès auprès des publics égyptiens. Parmi ces derniers, la chaîne satellitaire qatarie Al-Jazeera se démarquait par sa liberté de ton et l’intransigeance de ses journalistes dès son lancement en 1996. Cela agaçait ou fascinait les décideurs et les acteurs politiques de l’opposition égyptienne, et, sans doute encouragés par ce phénomène, les partis de l’opposition, qui ont chacun un organe d’information, exprimèrent leur souhait d’être plus présents dans les médias nationaux. L’ensemble des partis de l’opposition, le parti libéral néo-Wafd en tête, s’étaient insurgés contre l’iniquité de la loi qui consacrait le monopole d’Etat sur les médias et certains souhaitaient profiter de la technologie numérique pour mettre en place leur média. Ils proposèrent un projet de loi pour défendre leur position (Guaaybess, 2003). Finalement, tout en demeurant étroitement pilotés par le ministère de l’information, les médias nationaux s’ouvrirent peu-à-peu à des débats contradictoires. Une zone médiatique franche fut mise en place à la périphérie du Caire qui permettait de concilier le monopole d’Etat sur les médias et l’existence de médias privés.

16Cette stratégie visait à relancer un secteur audiovisuel en perte de vitesse et à soutenir la concurrence des médias des pays du Golfe. De lourds investissements furent consentis pour enrichir le dispositif médiatique national (construction de studios de production de l’Egyptian Media City et lancement du système de satellite de télédiffusion direct Nilesat notamment) qui nécessitait la participation de fonds privés.

17Ces facteurs conjugués – politiques, budgétaires, technologiques – conduisirent à des prémices d’ouverture du champ médiatique. Les candidats au lancement de médias privés étaient assujettis à certaines conditions qui sont autant de moyens de sélection et de contrôle des médias autorisés. Les nouvelles chaînes de télévision devaient être basées dans la zone médiatique franche et louer les infrastructures de l’Egyptian Media City. Par ailleurs, une licence était requise ; elle était délivrée par l’Autorité Générale des Investissements, qui dépendait de l’exécutif. Pour autant, de nouveaux médias proposèrent des formats tout à fait inédits. Parmi les nouvelles chaînes, Dream TV créée en 2002 traitait de questions politiques grâce à ses talk-shows animés par les journalistes appréciés des audiences (Sakr, 2007). Au sein des chaînes publiques, des émissions plus « interactives » avec le public enrichirent la programmation. Dans le secteur de la presse écrite, une brèche se dessinait aussi sur les traces d’hebdomadaires égyptiens indépendants « offshores » – basés et ayant une licence à Chypre – mais importés en Égypte dans le milieu des années 90, Cairo Times et Al-Dustour.

  • 2 Entretien avec Hisham Kassem, le Caire, Novembre 2017.

18En effet, des hommes d’affaires permirent l’émergence de journaux indépendants dont le plus emblématique du début des années 2000 est sans doute Al-Masry al-Youm en raison d’un professionnalisme qui tient à une ligne éditoriale qui accordait une place plus importante à l’enquête qu’aux commentaires, très présents dans la presse d’Etat ou d’opposition. « Notre journal n’était pas un journal d’opposition, c’est un piège dans lequel nous ne voulions pas sombrer. Nous traitions des faits et nous ne publiions rien qui ne soit vérifié. C’est ainsi que nous résistions face aux attaques et tentatives d’intimidation de toutes sortes. S’opposer pour s’opposer ne mène à rien alors que les problématiques sociales et économiques du quotidien - la santé comme la bilharziose ou les maladies cardio-vasculaires, les transports, le logement, l’enseignement, la corruption, etc.- sont des sujets qui intéressaient nos lecteurs, aussi bien dans la capitale que dans les différentes provinces du pays »2, nous disait le très respecté rédacteur en chef du journal Hisham Kassem. Ouvertement offensif à l’égard du président Moubarak et plus sensationnaliste, Al-Dustour était animé par le célèbre journaliste Ibrahim Eissa (Benaziz, 2015). D’autres journaux comme Al Fajr (2005), le journal de la gauche sociale Al Badeel (2007), Sawt al-Umma, Al Youm Al Sabea (2008) Al-Shourouk (2009) virent le jour. Les rédacteurs en chefs de ces journaux – Adel Hamouda, Khaled al-Bashy, Wael Al-Ibrashi – formèrent une nouvelle génération de journalistes. A ces médias d’un nouveau genre, vinrent se joindre les chaînes privées, telle que ONTV lancée en 2008 par Naguib Sawirès et les médias numériques. La catégorie « blogueurs » fit son apparition dans la liste des activistes à défendre des ONG spécialisées dans la défense des journalistes et de la liberté d’expression.

19Grâce aux blogueurs, les faits d’actualité pouvaient difficilement être masqués. Il suffisait qu’un média indépendant reprenne l’information d’un blogueur pour que plusieurs médias lui emboîtent le pas dans une confluence médiatique. À quelques rares reprises, cela donna lieu à l’arrestation de policiers dont les agissements répréhensibles avaient été publicisés par les blogueurs, puis par les autres médias. Ces derniers furent, plus fréquemment, arrêtés, emprisonnés en raison de leurs écrits.

20Une loi sur la régulation d’Internet en 2006 permettait aux autorités de suspendre ou de bloquer les sites qui menaceraient la « sécurité nationale ». Les cybercafés, florissants à l’époque, étaient étroitement contrôlés par le ministère de Télécommunications. Cependant, les jeunes animateurs de la blogosphère, politiquement engagés, étaient alors plus habiles que les autorités (Rasdh, 2008). Ils furent particulièrement actifs lors des législatives de 2005 pour couvrir des manifestations occultées par les médias, à l’instar de celle d’une coalition de mouvements dissidents qui s’opposait à la candidature du fils du président Moubarak à sa succession. Ces élections virent le parti du président perdre des suffrages au profit des Frères musulmans qui occupèrent près de 20 % des sièges en dépit des fraudes électorales. En effet, le journal Al-Masry Al-Youm mit en première page le témoignage de la juge Noha el Zeyni qui fit état de la fraude du parti du président (PND) dans la circonscription qu’elle supervisait. D’autres mouvements sociaux marquèrent cette décennie qui furent largement portés et relayés par les réseaux sociaux et les journaux indépendants. Le mouvement des « Jeunes du 6 avril » en 2008 solidaires des ouvriers de l’industrie textile en grève ou celui en hommage à un jeune blogueur mort sous les coups de la police en 2010 (qui donna lieu à la page Facebook « Nous sommes tous Khaled Saïd ») en sont les plus emblématiques.

21Il est important de rappeler que plusieurs médias, 10 au total, avaient été créés l’année qui a précédé la chute de Moubarak, soit en 2009-2010. Et, si la plupart des médias étaient sous la coupe de l’État, ceux qui étaient le plus suivis, étaient indépendants et jouaient le rôle de « chiens de garde » (Benett et Serin, 2005, 169) ou de journalisme de service pour l’intérêt public (« journalism in the public interest » (Zeliser, 2017). Par exemple, le jeune Al-Masry Al-Youm afficha très vite un lectorat qui dépassait celui du prestigieux et historique journal d’État Al-Ahram.

2000-2014 - Configuration d’une confrontation État/acteurs du champ médiatique inédite

22Ainsi, la révolution de 2011 se situait dans une série d’événements et de mouvements de contestation traduisant une défiance répétée à l’autorité. Après la démission forcée de Hosni Moubarak, 18 jours après le début de la révolution, les médias d’État, notamment les chaînes de l’organisme public de télévision (l’URTE), se mirent à accompagner les révolutionnaires. Les journaux indépendants et certaines chaînes privées, à l’instar de la chaîne privée ONTV avaient d’emblée marqué leur solidarité avec les manifestants (Adib Doss, 2018). Dans la foulée, le régime de transition, le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) mit fin – pour une courte période – au ministère de l’information. Mais l’apparent laisser-faire au lendemain des soulèvements laissa place à un traitement plus répressif des journalistes que ne le fut celui du régime de Moubarak et le ministère de l’information fut d’ailleurs rétabli en juillet 2011. L’état d’urgence ne cessera d’être reconduit : plusieurs journalistes et blogueurs furent traduits devant les tribunaux militaires.

23Pour autant, l’euphorie post-révolutionnaire et le vide juridique laissé par la transition permirent l’émergence de nouveaux médias à l’instar, en 2011, de TahrirTV, du journal Tahrir, du journal Al-Watan, de Misr25 ainsi que de chaînes de télévisions commerciales (CBC). La chaîne de télévision 25TV, portée par une équipe de la génération « Millénium » (Ibrahim, 2017) s’éteindra, comme les autres médias, peu de temps après sa création. Le fondateur de la chaîne, l’entrepreneur Mohamed Gohar, annonça la fin de la chaîne en raison, précisa-t-il, du refus du nouveau gouvernement, de leur accorder une autorisation d’émettre.

24En 2012, un nouveau président, Mohamed Morsi, est en effet élu. Il ne sera pas plus répressif, ni plus souple que le régime de transition mais ne bénéficiera aucunement du soutien des médias. Au contraire, comme un seul homme, l’ensemble des médias – à l’exception de ceux des Frères Musulmans – critiquèrent sa politique, légitimant les mouvements populaires qui conduiront à son renversement en 2013.

  • 3 Entretien avec Mohamed Khadr, ancien directeur de la chaîne Dream TV, le Caire, janvier 2011.

25Avant d’aller plus avant, arrêtons-nous sur les acteurs du champ médiatique qui avaient marqué la décennie 2000. Il s’agit de personnalités, aux fonctions et aux profils variés. Elles ont pu émerger à la faveur d’une demande qui correspond à celle d’une approche pragmatique des médias : à l’image des médias transnationaux qui se déployaient dans l’espace médiatique panarabe et qui – tout en puisant dans les codes culturels locaux et l’usage de la langue vernaculaire – s’inspiraient des networks (BBC, CNN) anglo-américains notamment. Les talk-shows télévisés se multiplièrent. Il s’agit d’un format qui permettait aux chaînes privées d’aborder l’information politique de façon détournée. C’est aussi un dispositif peu coûteux et susceptible de toucher une large audience3. « L’apparition des chaînes privées et le souci croissant de maximisation de l’audience conduit (…), à un profond renouvellement des émissions de débat à la télévision. Il s’agit de privilégier la polémique et l’exacerbation des conflits en faisant évoluer de manière notable les dispositifs. La présence et la participation active du public, la dimension ludique et agonistique des prises de parole ainsi que les nombreux « débordements » caractérisent désormais un genre : le talk-show. » (Leroux et Riutort, 2013, p. 21). Cette citation, tirée d’un ouvrage sur les talk-shows en France, rejoint les analyses appliquées au cas égyptien (Sakr, 2013), révélant le caractère universel qu’imprime la dimension commerciale à ce genre de programme.

26Concurrencée par les talk-shows, les journaux se renouvelaient. Une nouvelle presse écrite prenait ses distances avec le journalisme de commentaire pour traiter de sujets de société et proposait du journalisme d’investigation. On a coutume de distinguer les premières heures du journalisme français de celles du journalisme anglo-saxon : l’un privilégierait le style et le commentaire quand le second favoriserait des données tangibles (facts, facts, facts). (Neveu, 2009). Les nouvelles générations de journalistes égyptiens correspondent à une rupture par rapport à la presse d’opinion normalisée durant la période de Nasser qui avait mis au pas la presse partisane en la nationalisant (De Angelis, 2015).

27Il est éclairant de revenir sur les journalistes et les hommes d’affaires parmi les plus emblématiques car ils ont accompagné, avant la révolution, l’ouverture de l’espace médiatique, et partant de l’espace public. Ces figures étaient visibles avant et lors des soulèvements de 2011. Distinctes du point de vue de leurs parcours et de leurs ambitions politiques, elles illustrent les différents types de rapports au pouvoir dans le secteur des médias des années 2000 à aujourd’hui.

  • 4 Entretien avec un.e journaliste d’Al-Shourouk, juillet 2019.

28Nous avons identifié trois figures idéal-typiques d’acteurs investissant dans le domaine médiatique (Guaaybess, 2015). Cette approche méthodologique weberienne permet de distinguer des « types individualisants » (Coenen-Huther, 2003) et, ainsi, d’opérer des comparaisons. La première catégorie était composée des hommes d’affaires très prospères ayant fait fortune dans un autre secteur que celui les médias. Ils sont à l’origine de la création des télévisions et journaux privés (Della Ratta et al., 2015, El Tarouty, 2015). On pourra énumérer Ahmad Bahgat, Salah Diab, Naguib Sawiris, Sayyid Badawi et Hassan Rabeb parmi les plus importants. La plupart d’entre eux sont des héritiers (Bourdieu et Passeron, 1964), c’est-à-dire qu’ils ont hérité de la fortune de leurs parents et disposaient d’un capital social et culturel qui leur confèrent une place et une aisance sociales non négligeables. Ces acteurs composaient avec le régime de Moubarak et investissaient dans des médias tout en sachant qu’ils n’étaient pas à l’abri de mesures arbitraires. Les hommes d’affaires bénéficiaient cependant d’une relative autonomie qui permettait à leurs médias d’information de franchir certaines lignes rouges. Certains d’entre eux nourrissaient des relations de proximité avec le président et sa famille, qui pourrait expliquer cette apparente indulgence du pouvoir. Le lien de clientélisme, s’il est bien réel, se situait dans une relation de don et de contre-don (Tafani, 2005), l’un offrait l’opportunité d’investir un secteur stratégique, quand l’autre offrait l’assurance de sa loyauté. Parmi ces hommes, rares étaient ceux qui étaient « aux ordres », autrement dit qui prêtaient ouvertement et sans condition allégeance au pouvoir. Dans la catégorie des gros investisseurs, seul l’un d’entre eux (Sayyid Badawi) pouvait être considéré comme tel. Il intervint en 2010 pour acheter le journal Al-Dustour et débaucher le rédacteur en chef remuant (le journaliste Ibrahim Eissa). Ce dernier s’accommodera d’ailleurs très bien du régime d’Al-Sissi. Plus radicalement « loyal », l’homme d’affaire Ahmad Abou Hashima racheta plusieurs médias en 2011. « Cet homme est apparu on ne sait pas d’où, personne ne le connaissait, et il s’est mis à reprendre des médias. Il était évident pour tout le monde qu’il travaillait pour les militaires qui voulaient faire taire les médias »4.

29La seconde catégorie d’acteurs est celle des entrepreneurs dont l’activité principale se situe dans le secteur des médias. Qu’ils exercent dans le journalisme (Emad El-Din Adeeb), la production audiovisuelle (Mohamed Gohar) ou la publicité (Tarek Nour), ils sont propriétaires des entreprises qu’ils ont eux-mêmes fondées. À l’inverse du groupe précédent, ils ne sont pas héritiers et ont souvent bâti eux-mêmes leurs affaires et leur fortune.

  • 5 Entretien avec l’auteur, novembre 2017.

30Enfin, nous avions mis en exergue l’apparition d’une troisième catégorie, assez proche de la précédente, celle de professionnels de médias désireux de monter, sans l’aide de grands mécènes, un média. Ils seront ici taxés de journalistes-éditeurs dans le sens où leur principale ambition est d’apporter des contenus innovants, en accord avec le monde vécu des citoyens ordinaires. La génération des journalistes-éditeurs souhaite mettre en place des médias indépendants, en phase avec les idéaux de la révolution et rompre avec une dépendance aux hommes d’affaires et aux élites dirigeantes, même s’ils sont contraints de composer avec les uns et les autres. Cette dernière catégorie correspond aussi à une troisième génération de journalisme post-1952 : après celle des journaux d’État tels que le journal de référence Al-Ahram, puis celle de Masry Al-Youm. Le journal Al-Badîl ou la plateforme d’information Mada Masr lancée en 2013 par une jeune équipe dirigée par Lina Attalah est emblématique de cette troisième génération. Hisham Kassem est aussi très représentatif de cette catégorie, dans son projet de création d’un nouveau journal5.

31Finalement, comme on peut le voir dans la figure ci-dessous, l’ensemble de ces trois catégories post-2000 réunit les instigateurs d’un nouveau type de journalisme en Égypte. Leurs motivations sont complémentaires, parfois antagonistes, à l’image de l’espace public égyptien qu’ils redéfinissent.

Figure 1 - Les instigateurs d’un nouveau type de journalisme en Égypte (2000-2014)

Figure 1 - Les instigateurs d’un nouveau type de journalisme en Égypte (2000-2014)

Source : l’auteur

2014-2019 : Configuration d’un champ médiatique sous l’emprise de l’État

32Le schéma précédent (Fig. 1) n’illustre pas la période post 2014 qui commence par l’instauration d’une nouvelle Constitution. Nous allons voir que des décisions juridiques (a) et économiques (b) vont être prises par le régime pour renforcer à la fois son emprise sur le champ médiatique et son autorité l’encontre des discours dissidents (c).

Un dispositif légal contraignant

33La Constitution égyptienne de 2014 ne représente en rien une rupture par rapport à celles de 1971 et 2012 (Bernard-Maugiron, 2014). Elle engageait malgré tout une réforme du paysage médiatique à travers la mise en place de trois entités de régulation autonomes : un Conseil suprême pour l’organisation des Médias qui chapeauterait une Autorité Nationale pour la Presse et une Autorité Nationale pour les Médias Audiovisuels et Numériques (articles 211, 212 et 213). L’ancien Premier Ministre ordonna la création d’un comité pour la préparation d’une loi de régulation des médias qui permettrait de mettre fin au ministère de l’information, à l’URTE et au Conseil Suprême de la Presse.

34Trois décrets présidentiels furent publiés en février 2017 pour la création des trois organes de régulation des médias qui furent suivis an plus tard par trois lois de réglementation des médias. Les lois de 2018 définissent les champs d’application des trois organismes. Le Président nomme directement les membres du nouvellement créé Conseil Suprême pour la Régulation des Médias qui a le pouvoir de sanctionner les médias (amende, suspension de publication ou de diffusion), de délivrer ou de révoquer les licences (loi 180/2018). Il a aussi autorité pour nommer les directions et des membres de l’Autorité Nationale des Médias (loi 178/2018) en charge de l’audiovisuel et de l’Autorité Nationale de la Presse (loi 179/2018) pour la presse d’État (imprimée ou en ligne). Ces deux entités sont en charge de la nomination et de la supervision des membres des conseils d’administration et des directions des médias publics (cf. figure ci-après). .

Figure 2 - Instances et médias supervisés par le Conseil Suprême pour la Régulation des Médias

Figure 2 - Instances et médias supervisés par le Conseil Suprême pour la Régulation des Médias

Sources : RSF : Media Ownership Monitor, Reporters sans Frontières, 2019

35Conformément à cette loi, les journaux privés doivent s’acquitter de frais d’enregistrement prohibitif (6 millions de livres pour un quotidien, 50 000 livres pour un site d’information). Les sites web (sites d’information, blogs, etc.) de plus de 5 000 followers sont considérés comme des médias. Ils peuvent être bloqués ou suspendus s’ils publient des « fakes news », incitent à la violence et à la discrimination. Les bloggeurs sont incarcérés pour dissémination de fausses nouvelles, – parfois maltraités – comme ce fut le cas en 2018 d’activistes parmi les plus suivis.

  • 6 Association for Freedom of Thought and Expression, https://afteegypt.org/en/statements/2018/09/06/1 (...)
  • 7 Loi suite à la couverture des attaques dans le Sinaï en juillet 2015

36En août 2018, une loi de “lutte contre la cybercriminalité” permet à l’État de bloquer – par l’intermédiaire d’un juge – des sites d’information qui constitueraient une menace pour la « sécurité nationale » ou « l’économie nationale ». Plus de 500 sites d’informations ou d’ONG, égyptiens ou étrangers, sont actuellement bloqués en Égypte en 2019 (AFTE6). Les créateurs ou administrateurs de sites interdits encourent une amende et deux ans d’emprisonnement. Les usagers ne sont pas épargnés puisque la loi prévoit peines de prison et amendes à ceux qui accèdent – y compris par erreur – à un compte interdit. Cette loi s’ajoute à la loi antiterroriste de 20157 qui oblige les usagers des réseaux sociaux et les journalistes à reprendre la version officielle des attentats sous peine d’amendes lourdes. Pour dire les choses simplement : un journal indépendant, ne disposant pas d’une solide assise financière, ne peut exister.

37Des sites d’informations sont bloqués ou fermés ; la distinction est-elle d’ailleurs importante pour les sites d’information dont le blocage est souvent un préambule à leur fermeture ? La perte de leur audience et l’absence consécutive de revenus conduisent leurs animateurs à fermer le site. C’est ce qui est arrivé au journal Al-Badîl après plusieurs mois de blocage en 2017.

38Ce dispositif légal s’accompagne de mesures tout aussi discrétionnaires à l’encontre des médias existants. Les médias d’informations indépendants sont en effet rachetés par des sociétés appartenant aux services de renseignement. Ainsi Dotmasr, Al-Ayn, Enfrad, Egypt Today et Business Today, et le site d’information le plus visité d’Égypte Youm7 (le septième jour) ont été rachetés par l’Egyptian Media Group (cf. infra).

Le rachat des médias privés par l’administration d’État

39À qui appartiennent les médias privés Égyptiens aujourd’hui ? On pourrait répondre par les services du régime. Cela démontre que les médias privés ne sont pas moins affidés au régime que les médias publics.

40En effet, le président et les services de renseignement contrôlent les médias privés à travers l’Egyptian Media Group, détenu par une société d’investissement, Eagle Capital, également contrôlée par les services de renseignement. Les tableaux ci-dessous permettent de visualiser ces éléments, ainsi que la plupart des médias pilotés par l’EMG.

Figure 3 - EMG et Capital

Figure 3 - EMG et Capital

Source : RSF : Media Ownership Monitor, Reporters sans Frontières, 2019

Vers une uniformisation des contenus dans le champ médiatique

41L’analyse de la presse écrite de l’année 2018-2019 montre que les lignes éditoriales des anciens journaux indépendants s’alignent sur celles des médias d’État. Quelques exemples pêle-mêle : la politique d’austérité et les augmentations de prix des biens courants n’ont pas fait l’objet de critiques mais ont été au contraire annoncées de façon informative et pédagogique dans la presse écrite. Pourtant, la colère et la contestation des mesures économiques par des Égyptiens était palpable dans les réseaux sociaux. « Je pense que les gens vont se soulever et afficher plus massivement leur opposition au régime dont la politique d’austérité devient insupportable même pour les couches aisées » nous confiait un journaliste.

42Autre exemple : le 30 juin 2018, les journaux privés, autrefois indociles (Youm7, Al Watan, Al-Doustour, Al-Masry Al-Youm) célébraient en première page le 5e anniversaire des manifestations qui avaient conduit à la destitution de Mohamed Morsi. À l’inverse, en 2019, le 8e anniversaire de la révolution de 2011 fut bien moins couvert que le Jour de la Police qui coïncide le 25 janvier. Les journaux d’État (Al-Akhbar, Rose al-Youssef, Al-Goumhouria Al-Akhbar, Al-Ahram) firent grand cas de la police alors que les mobilisations du 25 janvier furent évoquées de façon négative (« une conspiration des Frères Musulmans » selon Rose Al-Youssef, « un chaos » selon Al-Akhbar). L’annonce de la mort de Mohamed Morsi fut placée dans les pages intérieures des principaux journaux égyptiens sous la forme de « 42 mots, en page 3 » pour reprendre le titre de MadaMasr. Selon ce site d’information indépendant, les médias auraient reçu leurs consignes via WhatsApp (MadaMasr, 18 juin 2019). Enfin, l’unanimité des titres (al-Watan, al Goumhouria, al Ahhram, Al-Wafd, Al-Youm al Sabea, Al-Akhbar) est apparue de façon étonnante au lendemain de l’augmentation des pensions pour les retraités, les principaux journaux du 22 mars 2019 titraient tous « Al-Sisi apporte la victoire aux retraités ».

  • 8 Entretien avec l’auteur, juillet 2019.

43Un journaliste d’Al-Ahram nous dira « La couverture d’un certain nombre d’événements a mis Sissi hors de lui. Par exemple, en 2016, il n’a pas du tout apprécié qu’on aborde le sujet du transfert des îles Tiran et Sanafir à l’Arabie Saoudite »8.

Une nouvelle sociologie des acteurs du champ médiatique

44Cette régulation des médias par l’élimination des petits médias et le rachat des médias indépendants s’accompagne d’un monopole du spectre médiatique par les autorités, plus ou moins directement puisque les propriétaires des médias sont les services de renseignement (de la sécurité d’État ou de la direction du renseignement militaire) ou les hommes d’affaires « aux ordres ». Ce contrôle absolu des médias (cf. figure ci-dessous) ne trouvera d’équivalent qu’à l’époque de la nationalisation des médias par Nasser qui, d’ailleurs, constitue une référence pour le président Al-Sissi. « Quelle chance avait Nasser avec ses médias ! » aurait-il déclaré.

45Les acteurs du champ médiatique de la décennie précédente ont été à l’origine de médias indépendants d’un genre inédit en Égypte. Qu’en est-il de ces acteurs aujourd’hui ? Si on s’en tient aux éléments diffusés dans la presse égyptienne : nous pouvons noter qu’ils ont été poursuivis pour des faits de corruption, certains ont fait l’objet de campagne de disqualification par les médias.

46La chaîne OnTv, propriété du milliardaire Naguib Sawirès diffusait une émission (Akher Kalam) qui était animée par deux journalistes de premier plan et connus pour leur opposition au gouvernement d’Al-Sissi : Yousri Fouda – qui avait été journaliste à la BBC et animateur vedette sur Al-Jazeera – et Reem Maged. Sawirès a été contraint de vendre OnTV à l’homme d’affaires aux ordres Ahmed Abou Hashima en 2016 et la chaîne est devenue ON E.

  • 9 Entretien avec un cadre du journal Al-Ahram, juillet 2019.

47Lors des législatives de 2015, le parti des Égyptiens Libres fondé par Sawirès remporta 10,9 % des sièges à l’assemblée. Il fut toutefois expulsé du parti en 2017 à la suite de luttes intestines. Le parti est maintenant dirigé par un proche d’Al-Sissi. « Le président pouvait d’une façon ou d’une autre intervenir pour l’empêcher de se présenter. Au lieu de cela, il a fait le choix de le laisser dépenser son argent dans la campagne. Puis quand les choses étaient bien enclenchées, il a commandité un conflit de l’intérieur qui provoqua son exclusion »9.

48Si l’assise sociale et financière du milliardaire Sawirès n’a pas été suffisante à ses ambitions politiques et médiatiques, on peut estimer que les chances pour qu’un investisseur plus modeste puisse faire fortune dans un média indépendant sont maigres. Ce secteur est risqué et non rentable. De jeunes médias ont ainsi dû cesser leurs activités en raison d’un manque d’investisseurs. C’est le cas du journal Aswat Masriya en 2017 lorsque la fondation Thomson Reuters s’est retirée de ce projet après l’avoir pourtant lancé et financé.

49D’autres hommes d’affaires parmi les acteurs de la première catégorie ont eu des démêlés avec la justice. On pourra citer l’exemple de Salah Diab, membre important du parti Wafd qui a été arrêté par le régime à plusieurs reprises et a été détenu en 2015 pour corruption. Il fut alors accusé de recevoir de l’aide américaine pour la création du journal al-Masry al-Youm. Le tableau est tout aussi sombre pour les journalistes télévisés les plus populaires en raison de leur impertinence. Ces journalistes qui ont faire les heures de gloire des talk-shows télévisés ne sont simplement plus présents dans le paysage médiatique national.

  • 10 Entretien avec l’auteur, juillet 2019.

50Le journaliste-blogueur Wael Abbas résume parfaitement les faits : « Actuellement, tout est sous contrôle du gouvernement. Ils possèdent les journaux et les télévisions. Ils interfèrent dans le travail des agences et des médias étrangers. Ils bloquent les sites s’ils n’en apprécient pas le contenu. Voilà les conditions dans lesquelles vivent les journalistes en Égypte »10.

  • 11 Entretien avec un journaliste indépendant, juillet 2019.

51Les animateurs (comme Amer Adeeb) qui ont réussi à composer avec le pouvoir sont complètement discrédités et moqués dans les réseaux sociaux, les autres sont écartés, d’autres encore ont choisi d’aller à l’étranger. « Quel est l’intérêt d’être journaliste aujourd’hui si c’est pour écrire ou lire des communiqués officiels ? Les sujets sociaux et économiques m’intéressent et il y a beaucoup à faire à ce sujet. J’ai écrit pour la presse écrite, ce n’est plus pensable aujourd’hui. Puis j’ai travaillé pour des sites en ligne en Égypte comme Youm7, ils sont maintenant rachetés ou bloqués. J’ai, comme plusieurs de mes collègues, travaillé pour des sites en ligne basés au Liban mais ces sites sont maintenant bloqués en Égypte. Que faire, sinon changer de métier ? »11.

  • 12 Entretien avec Wael Abbas, juillet 2019.

52Un autre journaliste rejoindra ces propos : « Si tu acceptes les règles qu’ils imposent qui sont que tu ne peux critiquer le régime, tu ne peux parler de l’opposition, tu ne peux parler de la corruption, tu as des chances de décrocher un boulot avec eux. Cela va aussi dépendre de la façon dont ils te perçoivent et de ton réseau de connaissances. Tu dois connaître des gens bien placés dans le secteur »12.

53La catégorie des entrepreneurs des médias est un indicateur assez sûr de l’espace de liberté et des opportunités accordés aux individus qui ont forgé eux-mêmes leurs affaires. Ces derniers n’ont que peu d’espace : l’EMG à travers ses sociétés gèrent plusieurs activités (publicité, production, distribution de productions cinématographiques, etc..). Enfin, la catégorie naissante des journalistes éditeurs a émergé au lendemain de la révolution mais n’a pas pu survivre économiquement. Aucun de ces derniers n’a pu conserver un média économiquement pérenne et ceux qui réussissait à trouver un modèle économique ont été bloqués et accusés d’être des agents de l’étranger.

54Le schéma de la décennie précédente et mettant en lumière les acteurs pilotes du champ médiatique égyptien (fig.1) laisse place à un tableau plus sombre où les 3 catégories d’acteurs (les hommes d’affaires autonomes, les entrepreneurs des médias et les journalistes-éditeurs) sont écartés au profit de médias détenus par les acteurs du champ politique.

Figure 4 - Situation du champ médiatique égyptien (2014-2019)

Figure 4 - Situation du champ médiatique égyptien (2014-2019)

Source : l’auteur

55Cette radicalité dans le contrôle des médias par le régime consolide paradoxalement une cohésion dans l’opposition. Lorsque les médias sont plus ou moins libres, on peut voir apparaître une certaine diversité éditoriale, de même qu’une analogie entre les contenus des médias en ligne et les contenus des médias dits traditionnels. En revanche lorsque les espaces médiatiques d’expression sont muselés ou confisqués par le pouvoir en place, il en résulte une forte opposition entre les médias de l’appareil d’État monochrome et les réseaux sociaux, voire une radicalisation de l’opposition en ligne. Nous pourrions modéliser cela de la façon suivante :

Figure 5 - Configurations des médias selon leur degré d’autonomie du champ politique

Figure 5 - Configurations des médias selon leur degré d’autonomie du champ politique

Source : l’auteur

56Plusieurs exemples illustrent ce phénomène. Quand en 2011, le blogger Maikel Nabil Sanad fut emprisonné par le tribunal militaire pour avoir critiqué le SCAF, des milliers activistes se sont mobilisés dans la page facebook “Free Maikel Nabil” (global voice, 201113). Cette contestation numérique se reproduit à chaque fois qu’un leader d’opinion se fait arrêter, jusqu’à aujourd’hui. Un autre exemple : en 2019, les membres du Parlement ont voté en faveur des amendements de la Constitution de 2014 avec une confortable majorité. Entre autres prérogatives, les amendements permettent de prolonger le règne du président. Non seulement son mandat sera prolongé de deux ans jusqu’en 2024 mais il sera aussi reconduit, de sorte qu’il pourra se maintenir au pouvoir jusqu’en 2030. Les médias officiels soutenaient largement les amendements alors que s’organisait une opposition dans les réseaux sociaux à travers notamment une pétition signée par 1000 personnalités (MadaMasr, 9 janvier 2019).

57Un référendum devait conforter la décision du parlement d’amender la constitution. Il fut bien sûr accompagné d’une campagne médiatique en faveur du « oui » alors qu’une campagne en ligne anti référendum avait été lancée en avril 2019. L’animateur Moataz Matar, opposant notoire et animateur d’une chaîne d’opposition en Turquie, avait lancé la campagne « Nul » demandant aux Égyptiens de signer en ligne cette nouvelle pétition de rejet du référendum. Elle comptait 79000 signatures le 10 avril soit 2 jours après son lancement. Pourtant, les fournisseurs d’accès avaient bloqué la pétition obligeant les usagers intéressés à faire usage de VPN pour contourner ces blocages. Les pro Al-Sissi avait également lancé une campagne « Oui aux amendements de la constitution »… mais on ne comptait que quelques centaines de tweets sur la même période. Sans surprise et officiellement, plus de 88 % des votants auraient été en faveur de l’amendement de la constitution qui étend le mandat du président.

Conclusion

58À qui appartiennent les médias en Égypte ? À l’heure où l’accès à internet est généralisé cette question prend un nouveau sens. Les médias traditionnels comme les médias d’information en ligne sont entre les mains du pouvoir qui, de surcroît, surveille la toile égyptienne. Finalement, l’ensemble du spectre médiatique révèle non pas l’expression des citoyens ordinaires mais leur silence dans cet espace. Toutefois, il est des moments où les voix se font entendre, où la dissidence se donne à voir. Elle le fait même avec d’autant plus d’acuité qu’il y a eu l’expérience des mobilisations passées.

59La politologue Sarah ben Nefissa écrivait en 2011 que « cette révolution égyptienne est d’abord et avant tout une révolution civile, une révolution de la société civile de ce pays. L’existence de cette dernière a été pendant longtemps contestée par la recherche scientifique, à cause de la faiblesse de son autonomisation par rapport aux pouvoirs publics ». Optimiste, elle poursuit « Si ce pronostic se confirme, la révolution égyptienne aurait eu un double impact : faire émerger l’élément fondamental de la démocratie représentative, à savoir un véritable corps électoral et, en même temps, un espace public libéré, comme correctif aux limites de la démocratie électorale » (Ben Nefissa, 2011, p. 235). Le verrouillage de ce qu’on pourrait appeler l’espace public officiel et le gel de tout espace d’expression semblent démentir son pronostic. Semble seulement, car il n’en est rien si l’on reste attentif aux rares moments d’expression de la société civile, dont la prise de parole est prudente, à la fois éclairée par l’expérience de mobilisations passées et consciente des risques sociaux d’un soulèvement.

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Notes

1 Il s’agit de deux journalistes d’Al-Ahram, un.e journaliste d’Al-Shourouk, deux journalistes indépendant.e.s, un.e ex journaliste d’Al-Masry al-Youm, un journaliste de l’agence de presse MENA (Middle East News Agency). A ces personnes s’ajoutent un.e professeur.e de la formation en journalisme de l’université du Caire et un.e chercheur.e du centre de recherche public Al-Ahram Center for Political and Strategic Studies. Le bloggeur Wael Abbas, que nous avions rencontré dans le cadre d’un précédent travail, n’était pas disponible. Nous l’avons interrogé à distance en octobre 2019.

2 Entretien avec Hisham Kassem, le Caire, Novembre 2017.

3 Entretien avec Mohamed Khadr, ancien directeur de la chaîne Dream TV, le Caire, janvier 2011.

4 Entretien avec un.e journaliste d’Al-Shourouk, juillet 2019.

5 Entretien avec l’auteur, novembre 2017.

6 Association for Freedom of Thought and Expression, https://afteegypt.org/en/statements/2018/09/06/15766-afteegypt.html

7 Loi suite à la couverture des attaques dans le Sinaï en juillet 2015

8 Entretien avec l’auteur, juillet 2019.

9 Entretien avec un cadre du journal Al-Ahram, juillet 2019.

10 Entretien avec l’auteur, juillet 2019.

11 Entretien avec un journaliste indépendant, juillet 2019.

12 Entretien avec Wael Abbas, juillet 2019.

13 https://globalvoices.org/2011/04/12/egypt-we-are-all-maikel-nabil/

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Table des illustrations

Titre Figure 1 - Les instigateurs d’un nouveau type de journalisme en Égypte (2000-2014)
Crédits Source : l’auteur
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Titre Figure 2 - Instances et médias supervisés par le Conseil Suprême pour la Régulation des Médias
Crédits Sources : RSF : Media Ownership Monitor, Reporters sans Frontières, 2019
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Titre Figure 3 - EMG et Capital
Crédits Source : RSF : Media Ownership Monitor, Reporters sans Frontières, 2019
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Fichier image/png, 112k
Titre Figure 4 - Situation du champ médiatique égyptien (2014-2019)
Crédits Source : l’auteur
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Titre Figure 5 - Configurations des médias selon leur degré d’autonomie du champ politique
Crédits Source : l’auteur
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Pour citer cet article

Référence électronique

Tourya Guaaybess, « Le champ médiatique comme prisme analytique d’un régime politique »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 18 | 2019, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 11 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/8374 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.8374

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Auteur

Tourya Guaaybess

Tourya Guaaybess est maîtresse de conférences HDR au CREM, à l’université de Lorraine. Ses travaux portent sur le journalisme, la communication internationale et les médias arabes. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages dont Penser les médias arabes, des théories du développement contrariées aux politiques de coopération émergentes (Wiley/Iste, 2019), Télévisions arabes sur orbite (CNRS éditions, 2005), Confluences médiatiques et dynamiques sociales (CNRS éditions, 2012). Elle a par ailleurs dirigé plusieurs ouvrages collectifs dont Les Arabes parlent aux Arabes avec Yves Gonzalez-Quijano (Actes Sud, 2009) et National broadcasting and state policy in arab countries (Macmillan, 2013).

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