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Émergences : le genre dans la communication et les médias

La réception du roman sentimental dans la presse et les ouvrages de critique littéraire

Amélie Legrand

Résumés

Les discours critiques sur la littérature véhiculent une représentation différenciée de l’écriture des hommes et des femmes, reposant sur les stéréotypes de genre. Ainsi, le roman – et en particulier le roman sentimental – est considéré comme un domaine spécifiquement dédié aux femmes surtout à partir de la fin du XVIIIe siècle. En effet, à cette époque, les femmes sont de plus en plus nombreuses à accéder à la lecture et l’écriture et à investir la scène publique qui était jusqu’alors majoritairement réservée aux hommes. Sous la Restauration en particulier, le nombre des romancières et celui de leurs œuvres s’accroissent. Pourtant, la postérité ne retient que peu de noms parmi ces femmes qui ont connu un grand succès en leur temps. Elle associe leur production à un roman de grande diffusion et de faible qualité, moins digne d’intérêt que le roman réaliste qui émerge vers 1830 sous la plume de romanciers tels que Balzac ou Stendhal. Cet article se propose d’interroger cette réception du roman sentimental dans les discours diffusés par la presse et les ouvrages de critique littéraire. Il s’agit, à cette fin, de confronter la représentation actuelle à celle du XIXe siècle et à la réalité du champ littéraire de cette époque de manière à reconsidérer la contribution des femmes et des hommes à l’évolution du roman et à mesurer, au sein de l’histoire littéraire, l’influence des rapports de genre.

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Texte intégral

  • 1 Recension de « Vanina d’Ornano, par Mme *** », anonyme, Journal des débats politiques et littéraire (...)
  • 2 Marie Baudry, Lectrices de romans, lectrices romanesques. Différence des sexes, pratique et théorie (...)
  • 3 S’inscrivant dans le courant des cultural studies, Janice Radway a étudié les pratiques de lecture (...)

1« On dit que l’amour, simple épisode de l’existence des hommes, était l’existence toute entière des femmes. Le roman doit être dès lors pour elles, ce que l’histoire est pour nous ; elles doivent avoir des lady Radcliffe, des la Fayette, comme nous avons des Tite-Live et des Gibbon. Cette branche de la littérature leur appartient ; elle n’existe que par elles et pour elles »1. Ce discours, issu de la recension de Vanina d’Ornano, un roman de Mme Lattimore-Clarke, par un critique du Journal des Débats en 1825 exprime un lieu commun ancré dans l’histoire littéraire. Le roman serait un genre particulièrement adapté aux femmes en raison de la sentimentalité qu’il explore à travers la thématique amoureuse qui lui y est centrale : elles excelleraient à analyser les petits faits du quotidien, les subtiles nuances des mouvements du cœur. Les hommes au contraire seraient appelés à la conception d’ouvrages historiques et philosophiques, permettant une analyse de la société, exigeant une vision globale propre aux forces de leur sexe et en lien avec leurs activités professionnelles. Cette bipartition sexuée entre les valeurs du cœur et de l’esprit n’est pas propre à la représentation de l’écriture littéraire au XIXe siècle. Elle est aussi présente dans l’idée reçue que la lecture romanesque est majoritairement féminine2. Également observable en amont de cette période, elle perdure après. Elle se précise enfin au sein de la critique du roman en particulier. En effet, c’est plus précisément le roman sentimental qu’on considère destiné aux femmes3, ce roman « à l’eau de rose », voire ce « roman de gare » souvent assimilé au « mauvais » roman populaire, qui s’oppose à un roman sérieux et de qualité, apte à rendre compte des réalités sociales, économiques et politiques, visant un public cultivé capable de recul critique et plutôt composé d’hommes.

  • 4 Nous empruntons cette terminologie aux gender studies qui étudient les « rapports sociaux de sexe » (...)
  • 5 Elle souligne que les stratégies discursives à l’œuvre dans les médias correspondent à des « straté (...)
  • 6 Dominique Pasquier met au jour la mise en avant du critère du féminin dans l’argumentaire des garço (...)
  • 7 Voir aussi la mise en évidence de la sous-représentation des femmes dans l’art et la littérature, É (...)
  • 8 Audrey Lasserre, « Y a-t-il une histoire littéraire des femmes ? », LHT, n° 7, Dossier publié le 01 (...)
  • 9 Voir notre recherche bibliographique : Amélie Legrand, Les Romancières sous la Restauration : récep (...)

2Le genre4 apparaît ainsi en tant que paramètre déterminant dans la réception de la littérature, comme il l’est dans d’autres domaines d’inscription des représentations, tel que l’a notamment analysé Marie-Joseph Bertini à propos des discours médiatiques5. L’étude de la réception des séries télévisées contemporaines montre par exemple une même association entre féminité et sentimentalité6. Cette représentation genrée de la culture se transforme fréquemment en une hiérarchisation défavorable aux femmes7. C’est le cas dans l’histoire du roman où elle entraîne souvent le dénigrement voire l’exclusion de la production féminine au profit d’une médiatisation et d’une valorisation de la production masculine8 (que l’on retrouve dans les programmes d’enseignement de la littérature). Qui se souvient en effet aujourd’hui de Claire de Duras, Isabelle de Montolieu, Marie Barthélémy-Hadot, Sophie Gay, Adélaïde de Souza, Hortense Allart ou encore Désirée Castéra ? La postérité retient peu de noms de femmes, particulièrement pour cette période d’émergence du roman sentimental. Elles sont pourtant cinquante-cinq à publier des romans entre 1814 et 1830 et très nombreuses à connaître un large succès si l’on en croit le nombre de rééditions de leurs œuvres9.

  • 10 Nous nous inscrivons ici dans la lignée des réflexions d’Éric Maigret et d’Éric Macé sur la nécessi (...)
  • 11 Ruth Amossy, Anne Herschberg-Pierrot, Stéréotypes et clichés, Paris, Nathan, « 128 », 1997.
  • 12 C’est ce qu’explique Franco Moretti dans son ouvrage : Atlas of the European Novel, 1800-1900, Lond (...)
  • 13 Margaret Cohen, The Sentimental Education of the Novel, Princeton, New Jersey, Princeton University (...)
  • 14 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, « Libr (...)
  • 15 Nous empruntons cette formule à Christine Planté, La Petite sœur de Balzac, Paris, Seuil, « Libre à (...)

3Cette représentation d’un roman sentimental féminin dont l’infériorité justifierait l’exclusion de l’histoire littéraire mérite d’être interrogée. Notre objet sera donc ici de l’étudier dans les discours véhiculés par la presse et les ouvrages de critique littéraire10. Notre analyse de ces discours reposera sur une attention aux découpages chronologiques et thématiques à travers lesquels sont présentées les œuvres, au lexique choisi pour les décrire, aux relations établies entre genre et écriture dans les systèmes argumentatifs. Nous les confronterons au contexte sociohistorique du premier tiers du xixe siècle. Nous chercherons tout d’abord à comprendre les mécanismes de la représentation actuelle en la replaçant dans une analyse des modalités d’inscription des femmes et des hommes au sein de l’histoire littéraire : notre corpus d’analyse sera composé de quatre manuels d’histoire littéraire publiés entre 1953 et 2006. Nous nous intéresserons ensuite aux origines des stéréotypes11 qui structurent cette représentation : celles-ci se situent au début du xixe siècle, en particulier de la Restauration où s’élaborent et se définissent les caractéristiques de la catégorie littéraire du roman sentimental. Nous étudierons donc la réception immédiate des œuvres littéraires dans des articles de presse et des notices introductrices publiées dans le premier tiers du xixe siècle. Ceci nous permettra de reconstruire le champ littéraire de l’époque, auquel les manuels ne nous offrent qu’un accès partiel12. À cette fin, nous croiserons, comme y invite Margaret Cohen13, les méthodologies des études féminines et féministes avec l’approche sociologique notamment celle de Pierre Bourdieu14. Cette contextualisation permettra d’une part de comprendre l’influence du genre dans l’élaboration des projets esthétiques – c’est-à-dire ce que signifie « écrire comme un homme ou écrire comme une femme »15 pendant le premier tiers du xixe siècle – et de déconstruire l’idée d’une essence de l’écriture féminine ou masculine. Elle conduira de l’autre à reconsidérer le roman sentimental et à analyser les mécanismes de la consécration littéraire. Nous souhaitons ainsi montrer l’intérêt, pour aborder la culture littéraire, de la méthodologie interdisciplinaire propre aux SIC : associant perspective diachronique, analyse du discours, prise en compte du genre et du contexte sociohistorique, notre étude vise à démonter les mécanismes sexistes à l’œuvre dans la réception.

La littérature du xixe siècle vue par les anthologies actuelles

  • 16 Myriam Maître, Les Précieuses. Naissance de la femme de lettres en France au XVIIe siècle, Paris, C (...)
  • 17 Les œuvres des femmes ont été abordées en lien avec une conception essentialiste de l’« identité fé (...)
  • 18 Geneviève Fraisse et Michèle Perrot, Le XIXe siècle, dans Georges Duby et Michèle Perrot, Histoire (...)

4L’analyse des manuels actuels d’histoire littéraire sous l’angle du genre amène deux constats. Tout d’abord, les femmes sont en nette infériorité numérique par rapport aux hommes, au motif que leur production serait moindre soit en quantité soit en qualité. Ensuite, lorsqu’elles sont évoquées, les femmes sont souvent rassemblées indistinctement sous la bannière d’une « écriture féminine » qui met en avant des caractéristiques thématiques et stylistiques communes, à l’inverse des œuvres masculines, très souvent associées à leur auteur pris individuellement. En effet, l’écriture des femmes a été catégorisée comme une lignée à part dans l’histoire littéraire, et ce depuis le Moyen-Âge, mais surtout depuis le xviie siècle. On voit à cette époque naître la « femme de lettres », celle-ci marquant l’émergence du premier mouvement collectif féminin sous la houlette de Mme de La Fayette16. Cette évocation des femmes en littérature et cette catégorisation ont paradoxalement été accentuées depuis les années 7017, lorsqu’a été entrepris de préciser le rôle des femmes dans une histoire dont elles étaient massivement absentes18. Ces études ont rattaché l’écriture des femmes à leur émancipation, ce qui a souvent abouti au rajout, dans les manuels, de paragraphes sur les femmes en général, sans que cela ne modifie fondamentalement la façon d’envisager ni d’enseigner l’histoire littéraire.

  • 19 André Lagarde et Laurent Michard, XIXe siècle. Les Grands auteurs français. Anthologie et histoire (...)
  • 20 Daniel Bergez, Précis de littérature française, Paris, Nathan université, 1995.
  • 21 Philippe Berthier et Michel Jarrety, Histoire de la France littéraire, Paris, PUF, 2006.
  • 22 Dominique Rincé et Bernard Lecherbonnier, Littérature, textes et documents, XIXe siècle, Paris, Nat (...)
  • 23 Cela rejoint la démonstration de Marie-Joseph Bertini qui explique que les femmes sont systématique (...)
  • 24 On a noté plus haut que Mme de Staël était présentée comme composante du « cercle » Chateaubriand d (...)

5Observons cette représentation dans quatre manuels consacrés à la littérature du XIXe siècle. Par exemple, Le Lagarde Michard ne retient que trois noms de femmes : Mme de Staël et George Sand, ainsi que Marceline Desborde-Valmore qu’il classe dans le chapitre sur « Les romantiques mineurs », soulignant par cet adjectif la place relative qu’il accorde à ces auteures19. L’anthologie de Daniel Bergez ne présente quant à elle que deux textes de George Sand20. Christophe Pavie évoque seulement Mme de Staël, aux côtés de Chateaubriand, Constant et Stendhal au début du volume Modernités21. L’anthologie Mitterand de Nathan en 1994 recense de plus nombreuses femmes – dix – mais illustre le regard traditionnellement porté sur leurs écrits22. Lui aussi n’intègre que deux femmes, deux romancières, au panthéon des auteur-e-s du siècle : Mme de Staël dans le paragraphe sur « Chateaubriand et les romanciers du moi » et George Sand dans celui sur « le roman sentimental ». Mais il ajoute un chapitre intitulé « Voix de femmes » : les œuvres des femmes écrivant entre 1800 et 1880, tous genres littéraires confondus, sont regroupées dans ce seul chapitre, alors que les productions littéraires de cent dix-sept hommes sont présentées de manière chronologique en dix-neuf chapitres – dont un est consacré à Balzac, un autre à Stendhal. Cette représentation marginale contredit la logique chronologique du reste du manuel puisque les femmes qui écrivent jusqu’en 1880 sont adjointes à la partie sur le « demi-siècle romantique ». Pas un seul nom féminin n’apparaît ensuite dans la deuxième moitié dédiée au « demi-siècle réaliste et symboliste ». Enfin, il est à souligner que ce chapitre est le dixième et dernier de cette première moitié du volume. Il est composé de quatre parties thématiques. La première partie, intitulée « Les romancières de l’Empire », évoque seulement les romans de Mme de Krüdener et ceux de Mme de Staël dont est également cité un autre texte, extrait de De la Littérature et traitant du « destin des femmes ». La deuxième partie passe ensuite directement de ce début du xixe siècle au tournant de 1830 en étudiant le « Romantisme des femmes » à travers les parcours de Marceline Desbordes-Valmore, Louise Colet, Delphine de Girardin, George Sand, Marie d’Agoult et la Comtesse de Ségur. La troisième partie, qui s’intéresse aux écrits de Flora Tristan et de Louise Michel, s’intitule « Féminisme et action politique ». Quant à la quatrième partie, elle revient à Alfred de Vigny, Victor Hugo, Charles Baudelaire, Jules Michelet, Eugène Labiche, Gustave Flaubert pour étudier la façon dont ils traitent des mythes féminins23. Ce parti pris est révélateur : il montre que l’histoire littéraire se construit à partir du point de vue masculin. Il n’est pas rare d’ailleurs que les auteures aient été mieux connues pour leurs relations avec des écrivains que pour leur production littéraire24. L’écriture des femmes apparaît en effet ici comme un épiphénomène dans l’histoire littéraire. Les titres qui indiquent les axes d’étude autour desquels sont regroupées les œuvres de femmes en dessinent une représentation stéréotypée : les caractéristiques de l’écriture sont le mythe féminin, la lutte féministe, le romantisme et surtout la prédilection pour le genre romanesque – celui-ci étant plus représenté ici que la poésie, la littérature de jeunesse et les écrits théoriques (féministes).

  • 25 Pour cette période, le manuel de chez Nathan par exemple retient certains romanciers : Constant, No (...)
  • 26 Brigitte Louichon, Romancières Sentimentales, 1789-1825, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vin (...)
  • 27 Marguerite Ikanayan qualifie aussi cette production d’« ennuyeuse ». Cf. Marguerite Ikanayan, The I (...)
  • 28 Cette opposition a notamment été théorisée par Albert Thibaudet dans « Le Liseur de romans », Essai (...)

6Si les femmes sont associées au roman, en particulier au roman sentimental, ce n’est pas pour autant qu’elles sont connues via ce dernier. Au contraire, leur absence est encore plus nette pour la période de la Restauration où fleurit, entre autres, cette forme littéraire25. L’oubli dans lequel elles ont sombré peut s’expliquer par la désaffection relative dont souffre la littérature entre 1789 et 1830 : bornée par deux révolutions, prise entre Lumières et Romantisme, entre les deux grandes figures de Mme de Staël et de George Sand, cette période est souvent considérée comme une transition, assez pauvre au plan social et esthétique26. Elle est en effet associée au roman sentimental, présenté comme l’avatar tardif de la littérature courtoise, composé d’histoires amoureuses et sentimentales destinées aux dames, sous-genre romanesque de grande diffusion, regorgeant de clichés, considéré, selon Marguerite Ikanayan comme « monotone » et « illisible »27 par les générations postérieures de lecteurs. L’histoire littéraire considère a posteriori que ce dernier est supplanté vers 1830 par le réalisme, cette autre branche du roman, héritée de la chanson de geste et du roman d’aventures, destinés à l’origine à un public de pèlerins28, branche qui fit gagner au genre romanesque ses lettres de noblesse. Pour comprendre cette représentation actuelle, il convient de la relier à la réception dont le roman a bénéficié au xixe siècle.

La littérature du xixe siècle vue par ses contemporains

  • 29 Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (sous la dir. de), Presse et Plumes, Journalisme et Littératur (...)
  • 30 Cette bipartition s’observe également dans le développement d’une presse féminine à cette époque. V (...)
  • 31 Rachel Sauvé analyse en effet comment l’éloge apparent de qualités féminines dans les œuvres de fem (...)
  • 32 Recension de « Vanina d’Ornano, par Mme *** [Lattimore-Clarke] », op. cit.
  • 33 Louis-Simon Auger, Notice, dans Marie-Madeleine de Lafayette, Claudine de Tencin et Marie de Fontai (...)

7Au début du xixe siècle se déploie un abondant discours sur la littérature dans la presse29 (à travers les recensions de romans qui paraissent notamment), les ouvrages de critique littéraire, les préfaces allographes et les notices sur la vie et l’œuvre des auteur-e-s, qui accompagnent les romans dans les éditions. Ce discours est fortement marqué par la bipartition sexuée des qualités et des domaines de l’écriture30. Les considérations sur le sexe des auteur-e-s interviennent dans la hiérarchisation des genres littéraires et des sous-genres romanesques31. Ainsi, dans la recension précédemment citée de Vanina d’Ornano notamment, l’écriture de l’Histoire ou la réflexion philosophique sont présentées comme destinées aux hommes et le roman aux femmes en raison de l’inégalité entre leurs capacités intellectuelles respectives. Et le journaliste d’expliquer que le genre romanesque comporte « plus de facilité dans l’ordonnance du sujet ou dans les formes du récit ». Moins digne d’intérêt que les autres genres, le roman serait « borné de toutes parts » puisqu’il « n’y a rien de nouveau dans le cœur des Hommes ». C’est également, selon le critique, un genre médiocre et sur le déclin, parce qu’il est à la fois le champ « le plus stérile » et « le plus parcouru »32. Cette dépréciation se retrouve chez d’autres critiques du temps, comme par exemple chez Louis-Simon Auger qui écrit une notice introductive aux œuvres complètes de Mmes de Lafayette, Tencin et Fontaines en 1820. D’après ce dernier, le genre romanesque est adapté aux capacités féminines en tant qu’il réclame une attention aux « petits » détails de la vie privée et qu’il n’impose pas de contraintes formelles à l’écrivain : le romancier « dispose des temps et des lieux », « tout lui est permis ». En revanche, la composition du drame réclamerait des qualités spécifiquement masculines en tant qu’elle nécessiterait une hauteur de vue, une capacité à saisir « les grands traits » des personnages et qu’elle serait beaucoup plus périlleuse : « le dramatiste n’a qu’un moment, et, s’il a mal choisi, tout est perdu ». Cette nécessaire « réunion des convenances dramatiques avec les mouvements du cœur » ainsi que « l’art de resserrer dans l’espace d’un moment les grands effets des caractères et des passions » demanderait « une force de conception réfléchie et de travail suivi », qui semble à Auger au-dessus du sexe féminin, dont l’imagination n’est, selon lui, « si vive qu’aux dépens de la réflexion »33.

  • 34 Voir l’étude de Jean Sgard, « Collections pour dames », dans Catherine Mariette-Clot et Damien Zano (...)
  • 35 Charles-Augustin Sainte-Beuve, « De la Littérature industrielle », Revue des Deux Mondes, 1er septe (...)
  • 36 Geneviève Sellier et Éliane Viennot montrent que la fracture entre culture d’élite et culture de ma (...)

8Si, l’essai – masculin – est donc considéré comme plus noble que la fiction – féminine – et, qu’au sein de la fiction, la tragédie – masculine – se voit gratifiée de plus d’intérêt que le roman – féminin, lorsqu’il est cette fois question du seul roman, la spécificité féminine se précise encore et se circonscrit à la branche sentimentale de l’écriture romanesque. En effet, affirmer que le roman est un genre féminin reviendrait à prétendre que seules des femmes ont écrit des romans ou que le roman ne peut être défini que par la sentimentalité. Il n’est cependant pas question, pour la critique, de condamner l’ensemble du genre romanesque dans lequel nombre d’hommes se sont illustrés. D’où la multiplication des subdivisions et la restriction du champ du féminin à mesure que le discours littéraire se spécialise. En ce qui concerne le roman sentimental du début du xixe siècle, il est assimilé au « roman de femmes » qui désigne tour à tour et parfois regroupe les romans écrits par les femmes, les romans lus par les femmes, les romans traitant de sujets propres à la sphère intime34. On le voit, selon l’une ou l’autre acception, cette catégorie peut regrouper les romans traitant d’autres sujets que la sentimentalité, les romans écrits par les femmes comme par les hommes et les romans lus par un public féminin ou masculin – en définitive tous les romans. Ainsi noyé dans ce raisonnement en cascade et dans cette dilution définitionnelle, l’usage du critère du sexe des auteur-e-s pour analyser la littérature se révèle manquer nettement de cohérence. Les catégories du masculin et du féminin apparaissent en définitive mouvantes et peu enclines à renseigner sur la nature de l’écriture. Il est donc frappant d’observer la résistance des stéréotypes sexués comme critère de discrimination dans le discours littéraire : c’est que l’enjeu est d’un autre ordre qu’esthétique. On note que le féminin y fonctionne comme un critère d’infériorisation quel que soit le couple d’opposition entre les différents types d’œuvres. Cette bipartition sexuée de la littérature romanesque se superpose en effet à une distinction entre le roman légitimé par la critique et le roman populaire. L’association est établie dès 1830 par Sainte-Beuve qui déplore la montée de la « littérature industrielle »35, dont les femmes sont tenues en grande partie pour responsables en particulier dans le genre romanesque36.

  • 37 L’étude de l’usage des pseudonymes, permettant aux auteur-e-s un jeu sur les identités sexuées, est (...)
  • 38 Au XIXe siècle, le mythe de l’écrivain romantique se construit sur cette représentation d’une créat (...)
  • 39 Jules Barbey d’Aurevilly, Les Bas-bleus, Genève, Slatkine Reprints, 1968.
  • 40 Christine Planté, La Petite sœur de Balzac, op. cit.

9Le champ littéraire du xixe siècle apparaît ainsi comme un espace traversé de discours qui articulent fortement la littérature (dans sa production comme dans son analyse) à des stéréotypes de genre que les uns et les autres s’approprient pour mieux se faire une place sur la scène littéraire37. On observe cette dimension agressive portée à son comble dans un ouvrage critique que Barbey d’Aurevilly publie en 1872 qui nous éclaire sur les mentalités de l’époque et la conception des rôles sociaux de sexe. Après avoir distingué quelques « femmes auteures supérieures » et prétendu louer dans leurs œuvres des qualités proprement féminines, il les replace in fine dans un rapport hiérarchique favorable aux hommes. Pour justifier cette condamnation d’ensemble, il avance les arguments traditionnels de nature et de société, selon lesquels les femmes seraient destinées à une maternité physique alors que les hommes seraient naturellement enclins à assumer la « paternité » d’ouvrages littéraires38. Intitulant son œuvre Les Bas-bleus39, Barbey d’Aurevilly caricature par cette dénomination péjorative les prétentions injustifiées des femmes à une activité rétribuée qui doit être réservée selon lui aux hommes, sous peine d’un délitement des structures qui fondent la stabilité sociale. Son ouvrage témoigne parfaitement des réactions violentes de la société au bouleversement qu’occasionne l’émergence de la « femme auteur » ainsi que des peurs projetées sur cette figure jugée monstrueuse. Le choix du lexique transcrit le décalage que représente l’écriture au féminin par rapport à une norme masculine au xixe siècle. Dans La petite sœur de Balzac ou la femme auteur40, Christine Planté explique que la marginalité dans laquelle les discours critiques relèguent les femmes est soulignée par le problème de leur dénomination – problème qui soulève d’ailleurs encore des polémiques passionnées dans les études littéraires. « Femme auteur », « auteure », « autrice », « bas bleu » : face au terme masculin d’« auteur », la multiplicité de ceux qui désignent la femme qui écrit traduit bien le malaise de la critique. Toutes ces formes discursives sont donc surtout le signe que c’est l’activité littéraire au féminin qui dérange parce qu’elle empiète sur un domaine masculin dont la critique souhaiterait préserver la cohérence, l’imperméabilité et la prétendue supériorité.

  • 41 Quatrième de couverture, Dominique Rincé et Bernard Lecherbonnier, Littérature, textes et documents (...)

10En conclusion, l’incohérence des systèmes d’argumentation à l’œuvre dans les discours critiques de la Restauration témoigne de ce que la représentation bipartite de l’écriture est une construction culturelle. Si celle-ci structure fortement le champ littéraire de l’époque, en attribuant à chacun des sexes un domaine de la littérature et une place hiérarchique au sein de celle-ci à partir des stéréotypes de genre, elle perdure également dans les discours critiques actuels. C’est que, liée à la question de l’évaluation des œuvres, elle intervient dans la construction du canon : l’histoire littéraire opère des sélections, des regroupements, des associations, des choix terminologiques qui expriment un positionnement idéologique et qui doivent être interrogés. En effet, ces discours véhiculent une – si ce n’est la – représentation de la culture qui établit une infériorité de la production féminine. Les rédacteurs du manuel de chez Nathan, que l’on a étudié en détail, revendiquent cette position dogmatique en quatrième de couverture : « Toute la littérature française du xixe siècle ? » interrogent-t-ils en commentant le contenu de leur ouvrage. Non. Mais au moins tout ce qu’il faut avoir lu et étudié pour se dire cultivé… et d’abord pour réussir son baccalauréat »41. Ainsi sûrs de leur légitimité sociale et politique, ils affirment offrir au lecteur « un regard renouvelé sur l’évolution littéraire et artistique, une connaissance équilibrée des époques, des auteurs, des formes et de leur environnement social et historique, une méthode rigoureuse pour l’étude approfondie des voies de la création ». C’est cette approche – représentative de l’histoire littéraire traditionnelle et directement héritée de celle du xixe siècle – dont nous avons souhaité remettre en question la validité à travers l’exemple de la réception du roman sentimental par la critique littéraire.

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Bibliographie

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Recension de « Vanina d’Ornano, par Mme *** [Lattimore-Clarke] », anonyme, Journal des débats politiques et littéraires, 27 septembre 1825.

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Notes

1 Recension de « Vanina d’Ornano, par Mme *** », anonyme, Journal des débats politiques et littéraires, 27 septembre 1825.

2 Marie Baudry, Lectrices de romans, lectrices romanesques. Différence des sexes, pratique et théorie de la lecture dans le roman (XIXe-XXe siècles), thèse de doctorat soutenue à Paris III, sous la direction de Daniel-Henri Pageaux, 2007, p. 388-473.

3 S’inscrivant dans le courant des cultural studies, Janice Radway a étudié les pratiques de lecture du roman sentimental par les femmes aux États-Unis dans Reading the romance : Women, Patriarchy and Popular Litterature, North Carolina, University of North Carolina Press, 1991.

4 Nous empruntons cette terminologie aux gender studies qui étudient les « rapports sociaux de sexe ». Le « genre » est une traduction de l’anglais gender qui désigne la construction sociale de la hiérarchie entre les sexes alors que le terme sex réfère à la naturalité de cette différence. Pour les définitions, voir Nicole-Claude Mathieu, « Sexe et genre », dans Héléna Hirata, Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, 2000 ; Marie-Claude Hurtig, Sexe et Genre, Paris, CNRS Éditions, 2002 ; Dominique Fougeyrollas-Schwebel, Le genre comme catégorie d’analyse. Sociologie, histoire, littérature, Paris, L’Harmattan, 2003.

5 Elle souligne que les stratégies discursives à l’œuvre dans les médias correspondent à des « stratégies de contention à travers lesquelles les discours se constituent en technologies du pouvoir » visant à « maintenir le contrôle des clivages primordiaux entre […] féminin et masculin ». Marie-Joseph Bertini, Ni d’Ève ni d’Adam, Défaire la différence des sexes, Paris, Max Milo éditions, « L’inconnu », 2009, p. 63.

6 Dominique Pasquier met au jour la mise en avant du critère du féminin dans l’argumentaire des garçons interrogés pour dénigrer les séries sentimentales. Cf. Dominique Pasquier, « Performances collectives : la réception des séries sentimentales par les jeunes téléspectateurs », Protée, vol. 30, n° 1, 2002, p. 67-78.

7 Voir aussi la mise en évidence de la sous-représentation des femmes dans l’art et la littérature, Émilie Notéris, Gender Surprise, TINA, n° 8, Ère, 2011.

8 Audrey Lasserre, « Y a-t-il une histoire littéraire des femmes ? », LHT, n° 7, Dossier publié le 01 janvier 2011 [En ligne], URL : http://www.fabula.org/lht/7/index.php?id=209. Voir aussi Delphine Naudier, « Les écrivaines et leurs arrangements avec les assignations sexuées », Sociétés contemporaines, n° 78, Presses de Science Po, 2010, p. 39-63.

9 Voir notre recherche bibliographique : Amélie Legrand, Les Romancières sous la Restauration : réception, genre, histoire du roman, thèse soutenue le 3 décembre 2010 à l’Université de Paris IV – Paris-Sorbonne, sous la direction de Pierre Glaudes, à paraître aux éditions Classiques Garnier.

10 Nous nous inscrivons ici dans la lignée des réflexions d’Éric Maigret et d’Éric Macé sur la nécessité de « décloisonner études des médias, de la culture et des représentations » et de penser « les cultures comme des supports des démarches identitaires de publics divers qui se façonnent au contact des médias de masse ». Éric Macé, Éric Maigret, Penser les médiacultures, nouvelles approches de la représentation du monde, Paris, Armand Colin, « Médiacultures », 2005.

11 Ruth Amossy, Anne Herschberg-Pierrot, Stéréotypes et clichés, Paris, Nathan, « 128 », 1997.

12 C’est ce qu’explique Franco Moretti dans son ouvrage : Atlas of the European Novel, 1800-1900, Londres, Verso, 1998.

13 Margaret Cohen, The Sentimental Education of the Novel, Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1999.

14 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, « Libre examen », 1992.

15 Nous empruntons cette formule à Christine Planté, La Petite sœur de Balzac, Paris, Seuil, « Libre à elles », 1989.

16 Myriam Maître, Les Précieuses. Naissance de la femme de lettres en France au XVIIe siècle, Paris, Champion, « Lumière classique », 1999.

17 Les œuvres des femmes ont été abordées en lien avec une conception essentialiste de l’« identité féminine », par exemple dans les travaux d’Hélène Cixous ou de Béatrice Didier. Certaines de ces études ont également cherché à constituer une tradition de l’« écriture féminine » et en particulier du « roman de femmes ». Voir Sandra Gilbert et Susan Gubar, The Mad Woman in the Attic, New-Haven, Yale University Press, 1979.

18 Geneviève Fraisse et Michèle Perrot, Le XIXe siècle, dans Georges Duby et Michèle Perrot, Histoire des Femmes en Occident, Paris, Plon, 1991.

19 André Lagarde et Laurent Michard, XIXe siècle. Les Grands auteurs français. Anthologie et histoire littéraire, Paris, Bordas, 1953.

20 Daniel Bergez, Précis de littérature française, Paris, Nathan université, 1995.

21 Philippe Berthier et Michel Jarrety, Histoire de la France littéraire, Paris, PUF, 2006.

22 Dominique Rincé et Bernard Lecherbonnier, Littérature, textes et documents, XIXe siècle, Paris, Nathan, « Henri Mitterand », 1994.

23 Cela rejoint la démonstration de Marie-Joseph Bertini qui explique que les femmes sont systématiquement discréditées par le recours à cinq figures auxquelles le discours médiatique les ramène : la muse, la madone, la mère, l’égérie et la pasionaria. Marie-Joseph Bertini, Femmes : le pouvoir impossible, Paris, Pauvert / Fayard, « Essai », 2002.

24 On a noté plus haut que Mme de Staël était présentée comme composante du « cercle » Chateaubriand dans ce manuel. C’est aussi le cas de Claire de Duras ou d’Hortense Allart dont le souvenir a été conservé dans la critique à travers leurs relations avec le romancier.

25 Pour cette période, le manuel de chez Nathan par exemple retient certains romanciers : Constant, Nodier, Chateaubriand, Vigny ou encore Stendhal, pour la publication d’Armance qui n’est édité qu’une seule fois en 1827. Ourika et Édouard, deux romans de Claire de Duras – qui n’est quant à elle pas évoquée –, connaissent en revanche plus de dix rééditions selon le catalogue de la BNF.

26 Brigitte Louichon, Romancières Sentimentales, 1789-1825, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2009, p. 7.

27 Marguerite Ikanayan qualifie aussi cette production d’« ennuyeuse ». Cf. Marguerite Ikanayan, The Idea of the Novel in France: the Critical Reaction 1815-1848, Genève, Droz, 1961, p. 52-53.

28 Cette opposition a notamment été théorisée par Albert Thibaudet dans « Le Liseur de romans », Essais sur le roman, Paris, Gallimard, 1938, p. 243.

29 Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (sous la dir. de), Presse et Plumes, Journalisme et Littérature au XIXe siècle siècle, Paris, Nouveau monde éditions, 2004. L’ouvrage met en évidence la révolution médiatique que connaît le XIXe siècle avec l’invention de la presse moderne.

30 Cette bipartition s’observe également dans le développement d’une presse féminine à cette époque. Voir Évelyne Sullerot, La Presse féminine, Paris, Armand Colin, 1964 et Jeanne Brunereau, Presse féminine et critique littéraire de 1800 à 1830. Leurs rapports avec l’histoire des femmes, Paris, Ève, « Les Cahiers d’Ève », 2000.

31 Rachel Sauvé analyse en effet comment l’éloge apparent de qualités féminines dans les œuvres de femmes se retourne en une infériorisation de ces œuvres dans le discours critique. Cf. Rachel Sauvé De l’Éloge à l’exclusion : les femmes auteurs et leurs préfaciers au XIXe siècle, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, « Culture et société », 2000. Voir aussi notre étude du discours critique sous la Restauration : Amélie Legrand, « La représentation de l’écriture féminine », op. cit.

32 Recension de « Vanina d’Ornano, par Mme *** [Lattimore-Clarke] », op. cit.

33 Louis-Simon Auger, Notice, dans Marie-Madeleine de Lafayette, Claudine de Tencin et Marie de Fontaines, Œuvres Complètes, Paris, Mme Veuve Lepetit, vol. 1, p. 24-25.

34 Voir l’étude de Jean Sgard, « Collections pour dames », dans Catherine Mariette-Clot et Damien Zanone (sous la direction de), La Tradition des romans de femmes, XVIIIe-XIXe siècles, Paris, Champion, « Littérature et genre », 2012.

35 Charles-Augustin Sainte-Beuve, « De la Littérature industrielle », Revue des Deux Mondes, 1er septembre 1839. Le critique déplore la perte de la tradition des « belles œuvres » faites d’« idées de libéralité et de désintéressement » au profit d’une littérature dégradée tant par la multiplication d’écrivains professionnels que par l’extension du lectorat aux classes populaires.

36 Geneviève Sellier et Éliane Viennot montrent que la fracture entre culture d’élite et culture de masse s’est intensifiée d’une association entre culture de masse et féminin d’une part et culture d’élite et masculin d’autre part surtout à partir de la seconde moitié du XIXe siècle dans de nombreux domaines (comme la littérature, le théâtre, le cinéma et la presse). Cf. Geneviève Sellier et Éliane Viennot, Culture d’élite, culture de masse et différence des sexes, Paris, L’Harmattan, « Bibliothèque du féminisme », 2004.

37 L’étude de l’usage des pseudonymes, permettant aux auteur-e-s un jeu sur les identités sexuées, est à ce titre très révélateur. Voir notre analyse des « stratégies de légitimation des romancières », Amélie Legrand, op. cit.

38 Au XIXe siècle, le mythe de l’écrivain romantique se construit sur cette représentation d’une création artistique exclusivement masculine. Voir Michelle Coquillat, La Poétique du mâle, Paris, Gallimard, 1982.

39 Jules Barbey d’Aurevilly, Les Bas-bleus, Genève, Slatkine Reprints, 1968.

40 Christine Planté, La Petite sœur de Balzac, op. cit.

41 Quatrième de couverture, Dominique Rincé et Bernard Lecherbonnier, Littérature, textes et documents, XIXe siècle, op. cit.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Amélie Legrand, « La réception du roman sentimental dans la presse et les ouvrages de critique littéraire »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 4 | 2014, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/794 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.794

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Auteur

Amélie Legrand

Amélie Legrand enseigne la communication à l’IUT de Blagnac. Elle est membre du laboratoire PLH (Patrimoine Littérature et Histoire - Université de Toulouse-2-Le Mirail).

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