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Émergences : le genre dans la communication et les médias

Les mères ne sont pas des parents comme les autres

Genre et parentalité dans les séries télévisées françaises
Sarah Lécossais

Résumés

Cet article se propose d’analyser les représentations de la parentalité dans les séries télévisées françaises. Ces fictions mettent en avant le caractère genré de l’être-parent : héros et héroïnes ont des pratiques parentales divergentes. La paternité est analysée en tant que performance, tant l’être-père relève, dans notre corpus, d’une adéquation entre masculinité, hétérosexualité et autorité. Les mères de famille, pour leur part, sont caractérisées par une forme de réflexivité, lisible dans le retour qu’elles effectuent sur leurs pratiques parentales. Cette injonction à la réflexivité va de pair avec une forte culpabilisation des mères, révélatrice du poids de la maternité pour les femmes. La fiction sérielle, envisagée comme médiaculture, permet ainsi de saisir les discours contemporains autour de la parentalité, et de montrer qu’à la télévision aussi, les mères ne peuvent être des parents comme les autres.

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Texte intégral

  • 1 François de Singly, Comment aider l’enfant à devenir lui-même ?, Paris, Pluriel, 2010, p. 126.
  • 2 Nous proposons les expressions « être-père », « être-mère » et « être-parent » afin d’insister sur (...)
  • 3 Pour ne citer ici que les plus connues, ce sont des séries comme Une Famille formidable (TF1, depui (...)
  • 4 Marlène Coulomb-Gully, « Féminin/Masculin : question(s) pour les SIC », Questions de Communication, (...)

1Selon François de Singly, « les termes de père et mère font partie d’une appellation historiquement datée et, à terme, peuvent se fondre dans celui de parent »1. Dans cette perspective, l’être-mère et l’être-père tendraient à fusionner, au profit d’un être-parent2 totalement déconnecté des questions de genre. Or, il nous semble au contraire que le caractère genré de la parentalité a encore de beaux jours devant lui. Nous proposons d’interroger la proposition de ce sociologue en analysant la manière dont les séries télévisées rendent compte de la parentalité, en les étudiant au prisme du genre. Nous nous appuierons pour ce faire sur un corpus composé de séries familiales françaises diffusées en access prime time ou en prime time sur les chaînes hertziennes entre 1992 et 2012. Ces séries sont centrées sur au moins une famille ou sur une ou plusieurs héroïnes mères de famille, et dont l’intrigue se préoccupe davantage de la vie privée que de la vie professionnelle. Ce corpus présente l’originalité d’être composé d’une vingtaine de séries aux formats et genres variés (90 minutes, 52 minutes, formats courts, séries humoristiques, comiques ou « sociétales », à visée réaliste ou clairement comique)3. Notre premier constat est que les séries promeuvent une vision de l’être-parent définie par le genre. La parentalité semble ainsi opérer comme un marqueur de genre révélant à quel point les couples maternel/féminin et paternel/masculin demeurent socialement et historiquement construits et reproduits dans les imaginaires collectifs d’aujourd’hui. À la suite de Marlène Coulomb-Gully qui rappelle la nécessité de ne pas analyser les représentations des femmes sans prendre en compte celles des hommes, et de toujours penser en relation le féminin et le masculin, nous considèrerons donc, tout au long de cette étude, le binôme maternel/paternel ou mère/père. Nous tenterons dès lors de faire du genre « une véritable grille d’analyse »4. Nous aimerions ici tenter de déconstruire ce que, dans les représentations sérielles, le genre fait à la parentalité et la manière dont l’être-parent peut être lu et interprété à l’aune de la différence des sexes. Qu’est-ce que le genre fait à la parentalité ? Dans quelle mesure la parentalité reconduit-elle le genre et participe-t-elle de sa reproduction ?

  • 5 Éric Macé, La société et son double. Une journée ordinaire de télévision, Paris, Armand Colin, 2006 (...)
  • 6 Sabine Chalvon-Demersay, « Le deuxième souffle des adaptations », L’Homme, n° 175-176, 2005, p. 77- (...)
  • 7 Éric Macé, op. cit. p. 10.

2À la suite d’Éric Macé, nous proposons d’envisager les représentations qui circulent dans les séries, en tant que médiacultures, c’est-à-dire comme « le produit et le précipité objectivé de rapports sociaux et de conflits de définitions qui y sont pliés et qui, à chaque usage, redéploient les contours du monde dans lequel ils sont inscrits »5. Ces objets culturels apparaissent comme un lieu privilégié pour analyser les rapports sociaux de genre, mis en scène dans les médias sous une forme fictionnelle. Les séries sont peuplées de personnages dont les préoccupations renvoient aux préoccupations de leurs téléspectateurs comme de leurs auteurs, et elles participent, au même titre que l’information, au débat public. Proposant une sociologie des représentations médiatiques, nous analysons les personnages comme s’ils étaient de « véritables acteurs sociaux »6, évoluant au sein de mondes fictionnels qui seraient des « doubles » du monde social7. La fiction n’est pas ici envisagée comme un « miroir » du monde social, mais bien comme un lieu de configurations et de reconfigurations normatives nous informant sur ce que serait être un parent aujourd’hui.

  • 8 Judith Butler, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l'identité, traduit par Cynt (...)
  • 9 Marie-Joseph Bertini, « Langage et pouvoir : la femme dans les médias (1995-2002) », Communication (...)

3Nous proposons de saisir d’abord l’articulation entre genre et parentalité à partir de deux éléments-clés de la parentalité : le partage des tâches parentales et domestiques et la gestion de l’autorité au sein du couple parental. Nous en viendrons alors à concevoir la parentalité en termes de performance de genre, telle que conceptualisée par Judith Butler8. Nous nous consacrerons par la suite aux spécificités émergeant des représentations de la maternité afin d’identifier les effets de genre qu’elles révèlent. Nous interrogerons les propositions de Marie-Joseph Bertini selon laquelle les médias, envisagés comme des « technologies du pouvoir » au sens foucaldien, exercent sur les femmes, par le biais de leur représentation, un véritable « pouvoir disciplinaire ». Selon elle, « les médias nous décrivent moins le monde qu’ils ne nous le prescrivent et leur mise en forme (in-formation) est d’abord et avant tout une mise en ordre, une ordonnance du réel »9. Nous discuterons dès lors de cette proposition, en insistant non pas tant sur le caractère prescripteur de ces fictions que sur la manière dont elles ordonnent ce réel et sur la mise en valeur des configurations qu’elles proposent. Les représentations de l’être-parent véhiculées par les séries sont le lieu de rapports de pouvoir, reconduisant et légitimant les résistances à l’émergence d’une parentalité affranchie des identités de genre – particulièrement d’actualité avec les débats récents sur le mariage pour tous.

Temps familial et pratiques parentales clivés par le genre

  • 10 Notamment depuis le remplacement de la « puissance paternelle » par l’autorité parentale depuis la (...)
  • 11 Geneviève Cresson, « De l’idéal égalitaire aux pratiques inégalitaires, quelles “renégociations” », (...)

4Si le principe de l’égalité entre père et mère est affirmé légalement10 et, de surcroît, accepté par les parents, Geneviève Cresson montre bien qu’au-delà des discours, dans les pratiques, le partage égalitaire des tâches domestiques et parentales n’est guère réalisé. La sociologue rappelle ainsi le double constat d’une « surproduction domestique et éducative des femmes et de l’invisibilisation de cette surproduction »11. Qu’en est-il dans les représentations fictionnelles ? Les séries télévisées renvoient ici davantage aux pratiques effectives qu’aux principes énoncés dans les textes de loi, dans la mesure où les héroïnes mères de famille sont en charge de la majorité des tâches domestiques et parentales.

  • 12 Cf. Rapport de l’INSEE « Femmes et hommes - Regards sur la parité » - édition 2012. Consultable sur (...)
  • 13 On peut considérer, à la suite d’Éric Macé, que ces fictions mettent en scène un « conservatisme co (...)
  • 14 Dans l’épisode « La quiche » (Que du bonheur !, TF1, 2008) Jean-François fait une quiche avec des y (...)
  • 15 Fais pas ci, fais pas ça, saison 2, épisode 2 « S.O.S, mères en détresse », France 2, 2009.
  • 16 Une Famille formidable, « Dure dure la rentrée », TF1, 1993.
  • 17 Anne-Marie Devreux, « Des hommes dans la famille. Catégories de pensée et pratiques réelles », Actu (...)
  • 18 Que du bonheur !, « Y a des matins comme ça », TF1, 2008.

5On le sait, l’inégalité du partage des tâches domestiques augmente avec la parentalité12. Ainsi, dans les fictions, ce sont essentiellement les mères qui sont en charge de ces tâches. Tout en parlant à leurs conjoints ou enfants, les mères agissent : cuisine, repassage, couture, rangement sont des activités récurrentes, épisodes après épisodes. L’inégalité entre pères et mères est soulignée par le caractère exceptionnel de la prise en charge des enfants ou de la maison par les pères13. Lorsqu’ils cuisinent, c’est parce que leur femme est absente (Jean-François dans Que du bonheur ! sur TF1 ou Renaud dans Fais pas ci, fais pas ça, sur F2), pour la reconquérir (Jean-Paul dans Clem sur TF1) ou encore parce que c’est leur métier (Jacques, dans Une Famille formidable est critique gastronomique puis cuisinier). De plus, ces prises en charge de la fabrication du repas familial par les pères sont rarement couronnées de succès14. Du côté des tâches parentales, l’aide aux devoirs, l’accompagnement des enfants à l’école ou à leurs différentes activités extra-scolaires sont également des pratiques majoritairement maternelles. Ainsi Renaud se plaint vigoureusement du fait de devoir aller chercher, exceptionnellement, le petit dernier à la crèche : « J’ai autre chose à foutre que d’aller garder le petit, moi ! »15, dit-il à sa femme. Le travail des hommes prime souvent sur celui des femmes, au sens où les premiers y consacrent davantage de temps, au détriment du temps familial, contrairement aux femmes dont le temps est davantage consacré au foyer. Catherine reproche ses absences à son mari, ce à quoi celui-ci répond : « Je bosse, Catherine, je [ne] pars pas à la pêche ». Elle lui rétorque : « Et moi qu’est-ce que je fais ? Je [ne] bosse pas peut-être ? Seulement je trouve un petit peu de temps quand même pour m’occuper de nos enfants, et je vais te dire, tu serais là, j’aurais aussi un peu de temps pour m’occuper de toi »16. Ainsi, comme l’écrit Anne-Marie Devreux, « la parentalité masculine s’organise-t-elle dans des contraintes de temps bien différentes de la parentalité féminine »17. La parentalité, selon qu’elle est féminine ou masculine, renvoie donc à des pratiques et gestion du temps différentes. Certaines séries, de nature comique, se permettent de dénoncer, par des répliques parfois cinglantes, la profonde inégalité des pratiques parentales. Par exemple, dans Que du bonheur !, lorsque Jean-François propose d’accompagner leur fille à l’école, Valérie lui répond gentiment mais non moins ironiquement : « J’ai pas le temps de t’expliquer le chemin de l’école mon cœur »18, insistant dès lors sur le fait qu’elle est habituellement la seule à s’en charger.

  • 19 Jeu de dames, épisode 1 « Où elles touchèrent le fond », F3, 2012.
  • 20 Nos enfants chéris, saison 1, épisode 5 « Fumier », Canal +, 2007.
  • 21 Nos enfants chéris, saison 1, épisode 11 « Accouche ! », Canal +, 2007.
  • 22 Nos enfants chéris, saison 1, épisode 5 « Fumier », Canal +, 2007.

6Si ces tâches sont dévolues aux mères, elles sont aussi codées socialement comme féminines voire maternelles et entraînent parfois en retour une féminisation/dévirilisation des hommes qui les exécutent. Dans Jeu de dames, Léa dit de son mari, qui s’occupe de leurs enfants, qu’il est « mère au foyer »19. Dans Nos Enfants chéris, le genre et la sexualité du personnage de Martin sont remis en cause par son exercice de la parentalité. Celui-ci s’occupe de ses enfants, aime cuisiner et faire le ménage. Très vite, Patrick dit à son propos : « Regarde moi ce mec, il met la table, il fait la bouffe, il récure les chiottes. Ça me paraît carrément louche moi »20. Plus encore, dans le onzième épisode, Martin propose à Patrick de passer un moment avec lui, lui disant « Tu sais, je me sens tellement seul », réplique à laquelle Patrick répond immédiatement : « Écoute Martin, c’est pas mon truc »21. Le quiproquo relève ainsi d’une conception très particulière à la fois de la masculinité et de l’homosexualité. Patrick trouve Martin « louche » parce qu’il s’occupe des tâches domestiques – ce qui sous-entend qu’elles ne feraient pas partie des rôles masculins et paternels à ses yeux – et parce que Martin, dans la mesure où il gère des tâches qui devraient être féminines, ne serait pas complètement un « vrai » homme, voire serait homosexuel, et lui ferait une proposition. Ce que la réaction de Patrick illustre, c’est que si un homme fait le ménage et avoue se sentir seul, c’est qu’il n’est pas un « véritable homme », et qu’il serait plutôt de genre féminin que masculin. Et s’il perd sa virilité, il ne peut être hétérosexuel. Cette intrication entre paternité, masculinité/féminité et homosexualité est également lisible dans une réflexion du personnage de Rachid : « Je [ne] suis pas une tapette moi, comme ton frère qui fait la bonniche dans toute la maison »22 dit-il. Le père qui s’occupe de son foyer et de ses enfants est dépouillé des attributs d’une masculinité hégémonique et de l’hétérosexualité qui lui est associée. L’intrication entre ces éléments témoigne dès lors des résistances masculines à une prise en charge égalitaire des tâches éducatives et domestiques, et de la construction d’un masculin/paternel détaché de ces préoccupations pratiques.

Performances de genre et de paternité

  • 23 Les « nouveaux pères » émergent dans les années 1980, autour d’un mouvement de valorisation du rôle (...)
  • 24 Pour cette citation et la suivante : Fais pas ci, fais pas ça, saison 3, épisode 4, « Le miracle de (...)
  • 25 Ce manque de reconnaissance est caractéristique du travail des femmes au foyer, longtemps non consi (...)
  • 26 Fais pas ci, fais pas ça, saison 1, épisode 12 « Ce n’est qu’un au revoir », F2, 2007.
  • 27 Hughes Everett C., « Dilemmes et contradictions de statut », dans Hughes Everett C., Le regard soci (...)
  • 28 Judith Butler, op. cit. p. 96.
  • 29 Christine Castelain-Meunier, « Tensions et contradictions dans la répartition des places et des rôl (...)
  • 30 Catherine Achin et Elsa Dorlin, « Nicolas Sarkozy ou la masculinité mascarade du Président », Raiso (...)

7Martin semblerait correspondre au modèle des « nouveaux pères »23 qui prennent soin de leurs enfants et assument volontiers leur paternité. C’est d’ailleurs lui qui a la garde de sa fille, Cerise. Ainsi, la fiction prend en charge les reconfigurations de la parentalité – et plus précisément de la paternité –, mais aussi les évolutions de la masculinité. L’exemple de Denis, un des héros de Fais pas ci, fais pas ça, nous semble à cet égard tout à fait éclairant. Denis est présenté comme un homme mou, sans ambition, brimé par son épouse castratrice, Valérie, caractérisée comme une femme forte, active, et autoritaire. Elle rappelle d’ailleurs régulièrement à Denis l’importance de la figure du père, comme lorsqu’elle lui dit : « Tiphaine a 16 ans, à 16 ans une gamine a besoin d’un père qui incarne une certaine forme d’autorité »24. Denis est « homme au foyer », mais, très vite, il refuse cette identité. Il se plaint du manque de reconnaissance pour le travail qu’il effectue à la maison25 et finit par craquer en criant : « Je ne veux plus être un homme au foyer ! Je veux être un homme normal, macho, réac, je veux rien glander de la journée ! ». En étant un père au foyer, Denis n’est plus un « vrai » homme, il perd sa masculinité. Denis va alors chercher à reconquérir sa virilité perdue via l’exercice de son autorité, en performant son rôle de père. À la demande de Valérie, il va tancer Tiphaine et la rappeler à l’ordre, obtenant, par cette crise d’autorité, la docilité de l’adolescente. Denis dit alors, face caméra : « Je pense que Tiphaine est devenue une femme, et comme beaucoup de femmes, surtout comme sa mère, elle a besoin de sentir qu’il y a un homme à la maison, quoi, un vrai »26. L’affirmation d’une autorité, dans le cadre de son rôle de père, renvoie à une affirmation de la virilité du personnage. Pour autant, le ton humoristique encourage ici une lecture ironique et décalée, permettant d’aller au-delà de l’affirmation de la puissance paternelle. En faisant preuve d’autorité, Denis exécute une performance tout à la fois de paternité et de virilité, même si celle-ci est placée sous le signe du ridicule et du comique. Ainsi Denis parodierait presque une paternité traditionnelle, très éloignée de ses pratiques parentales habituelles, ou du moins mettrait en pratique les « caractéristiques accessoires attendues »27 de la paternité. Nous pouvons ici mobiliser le concept de performance de genre tel que le propose Judith Butler : « Le genre se révèle performatif, écrit-elle – c’est-à-dire qu’il constitue l’identité qu’il est censé être. Ainsi, le genre est toujours un faire, mais non le fait d’un sujet qui précéderait ce faire »28. La performance de Denis évoque la paternité traditionnelle et la volonté de s’y conformer, tout en témoignant de la difficulté de s’inscrire totalement dans des pratiques n’étant plus en phase avec les attentes contemporaines. Ainsi l’évolution de l’exercice de la paternité renvoie-t-elle aussi à une reconfiguration de la masculinité. Comme l’écrit Christine Castelain-Meunier, « aujourd’hui, la question des changements de comportements paternels va de pair avec celle des transformations des modes d’affirmation de la virilité »29. La paternité serait davantage affaire de relationnel que d’autorité. L’humour rend l’exercice d’une paternité déconnectée d’une relation d’écoute et de complicité entre le père et son enfant caduque et dépassé. Plus encore, le personnage de Denis nous renvoie l’image d’une paternité/masculinité mascarade, performée et mettant en lumière, si l’on reprend les mots de Catherine Achin et Elsa Dorlin, « le dispositif normatif dominant de genre, de sexualité, de couleur et de classe »30, ce à quoi nous aimerions ici ajouter : de parentalité. L’humour rend lisible et dicible le décalage entre une paternité virile et l’archaïsme de sa performance.

  • 31 Nous distinguons ici en fait deux registres d’énonciation, qui parfois s’emboîtent : d’un côté des (...)
  • 32 La fiction reproduit ici les pratiques effectives des Français. Voir par exemple Carole Brugeilles (...)
  • 33 Clash, épisode 3 « Hugo », F2, 2012.
  • 34 Voir Myriam David, Le placement familial. De la pratique à la théorie, 5e édition, Paris, Dunod, 20 (...)

8Cette négociation humoristique de l’articulation entre paternité et masculinité est cependant assez marginale dans notre corpus et relèverait davantage de représentations contre-hégémoniques. En effet, les séries à vocation réaliste31 tendent à prendre pour « allant-de-soi » la répartition genrée des tâches parentales. Les représentations hégémoniques reconduisent les inégalités au sein du couple parental32, associant l’autorité au masculin et au paternel, la consolation et la tendresse au féminin et au maternel. Ainsi, dans ces séries, bien souvent, ce sont les pères qui punissent les enfants tandis que les mères, de leur côté, jouent les consolatrices. Dans Clash par exemple, Abel tance Hugo suite à ses mauvais résultats scolaires, tout en reprochant à Bérénice de couver leur fils. Voici ce qu’il leur dit : (à Bérénice) « Notre fils est un délinquant et toi tu le réconfortes. Mais tu [ne] vois pas qu’il t’embobine ? (à Hugo) Tu veux savoir ? Oui tu m’as déçu, j’avais confiance en toi et tu as trahi cette confiance. Toute ma vie je me suis battu pour la justice et le droit, c’est pas pour avoir un fils fumiste qui s’amuse à contourner les règles pour usurper sa place ! »33. Bérénice plaide pour une plus grande attention à leur fils : « Je m’inquiète pour Hugo », « Il veut qu’on s’occupe de lui, qu’on soit présents », dit-elle à son mari. Elle part du principe que leur enfant est bon, et que son comportement est dû à un problème dont elle et son mari, en tant que parents, seraient responsables34. Elle propose alors une réorganisation de leurs emplois du temps de façon à ce qu’ils puissent s’occuper davantage de leur fils. Hugo a donc d’un côté un père très exigeant auprès de qui il doit faire ses preuves, et de l’autre une mère douce et attentive qui est à l’écoute et prône une meilleure communication au sein de la famille. L’attitude de Bérénice, plus généralement, s’inscrit dans une forme de consensus émergeant des séries autour de la maternité.

La maternité ou l’injonction à la réflexivité

  • 35 Voir Sabine Chalvon-Demersay, Mille scénarios. Une enquête sur l'imagination en temps de crise, Par (...)
  • 36 Nous mobilisons l’idéal-type de Weber, en ce qu’il ne correspond pas au type moyen, mais en ce qu'i (...)
  • 37 Une famille formidable, épisode 8, « L’amour en vacances », TF1, 1996.
  • 38 Hard, épisode 1, Canal +, 2008.
  • 39 Hard, épisode 2, Canal +, 2008. D’autres personnages de mères sont construits sur ce même principe  (...)
  • 40 François de Singly, Fortune et infortune de la femme mariée. Sociologie des effets de la vie conjug (...)
  • 41 François de Singly, Libres ensemble. L’individualisme dans la vie commune, Paris, Nathan, 2000, p.  (...)
  • 42 François de Singly, Le Soi, le couple et la famille. La famille, un lien essentiel de reconnaissanc (...)

9Au-delà de l’inégale répartition des tâches parentales, c’est aussi la figure consensuelle de la mère de famille dans notre corpus qui révèle le caractère genré de la parentalité. En effet, certaines caractéristiques sont toujours associées aux personnages de mères, et jamais aux personnages de pères. Sabine Chalvon-Demersay a bien montré les mécanismes par lesquels les scénaristes s’inquiètent de l’acceptabilité morale de leurs personnages et récits, allant jusqu’à construire « un monde en commun »35. Ici les fictions font émerger un idéal-type36 de mère, un modèle commun concentrant des qualités toutes « féminines ». Le premier de ces éléments est la récurrence de l’idée de « sacrifice maternel ». Nombre d’héroïnes de séries disent avoir sacrifié une partie de leur vie et de leurs désirs pour élever leurs enfants. Catherine s’explique : « C’est vrai que je voulais être pédiatre. Et puis je me suis mariée, j’ai eu un enfant, il a fallu que je travaille tout de suite, j’ai pas eu le temps »37. Sophie, une fois veuve, fait un tel constat : « mon mari m’a menti pendant seize ans. Moi j’ai tout arrêté pour lui et pour les enfants, je me suis consacrée à eux et uniquement à eux »38. Elle dit d’ailleurs à ses enfants : « J’ai renoncé à être avocate pour vous élever »39. Ces mères ont renoncé à leur activité professionnelle pour s’occuper de leur famille. Nous n’avons rencontré dans la fiction aucun père ayant fait le sacrifice de sa vie professionnelle – il n’est même pas question de carrière – pour sa famille. François de Singly considère que « la vie familiale présente pour la femme un dilemme, soit elle se sacrifie, soit elle sacrifie »40. Le sacrifice et l’oubli de soi semblent donc faire partie d’une trajectoire biographique satisfaisante pour les scénaristes au moment de la composition des personnages maternels et de l’invention de leur passé tout autant qu’une ressource narrative riche. Pour autant, la réaction des personnages et leur désir de remédier à ce sacrifice en prenant leur vie en main (une fois les enfants grands, bien sûr), permettent de rendre ce sacrifice visible et d’en questionner la légitimité. Ces personnages décident par exemple de reprendre une vie professionnelle ou se révèlent dans une nouvelle aventure amoureuse, témoignages de leur désir d’échapper à la réduction identitaire telle qu’évoquée par François de Singly. L’individu, dans la deuxième modernité, refuse en effet l’enfermement et la définition unique de son identité. Ce refus engendre des « crises du soi » : « le refus d’une identité à dominante statuaire au sein du couple officiel, l’impression d’être réduit à un rôle, aussi gratifiant soit-il, engendre le sentiment de ne plus être soi-même »41. Ainsi, les mères, bien que leur rôle soit valorisé, revendiquent leur besoin d’être définies également par d’autres rôles et de mettre en œuvre une mobilité identitaire à l’image de celle de leurs équivalents parentaux masculins. Cet ajustement n’est guère visible chez les pères, ce qui témoigne bien de la profonde inégalité dont la parentalité, telle qu’elle est construite et envisagée, est porteuse. Toujours selon François de Singly, « le “soi familial” de l’homme est, à la différence du “soi familial” de la femme, un soi qui est autorisé à être en même temps un “soi personnel”. C’est sans doute le plus grand clivage des genres, du point de vue de la construction de leur identité »42. Ce qui est en jeu ici, c’est véritablement le « soi parental » et les clivages que le genre y imprime.

  • 43 La Smala s’en mêle, épisode 3 « Je vous salue maman », F2, 2013.
  • 44 Clash, épisode 1 « Robin : la maladie d’amour, F2, 2012.
  • 45 Fais pas ci, fais pas ça, saison 1, épisode 9 « Pas d’inquiétude », F2, 2007.
  • 46 Voir l’idée de « police des mères » chez Marcela Iacub dans L'empire du ventre. Pour une autre hist (...)
  • 47 Dominique Mehl, La bonne parole. Quand les psys plaident dans les médias, Paris, Éditions de la Mar (...)
  • 48 Patricia Von Münchow, Lorsque l'enfant paraît... Le discours des guides parentaux en France et en A (...)
  • 49 Que du bonheur !, épisode 173 « Souris ni ni », TF1, 2008.

10L’idéal-type mis en avant dans notre corpus renvoie également à un investissement très fort des héroïnes dans la maternité qui a pour conséquence une crainte de mal faire engendrant une forte culpabilité. Les héroïnes mères se sentent responsables des moindres maux de leur enfant et pensent avoir mal agi ou n’avoir pas su mettre en œuvre les pratiques parentales adéquates. Des expressions telles que « c’est de ma faute » ou « je suis nulle » sont légion. Ainsi, Isabelle s’en veut : « Ma grande famille se déchire. Personne n’est heureux. J’ai tout raté »43 tandis qu’Adèle se remet elle aussi en question : « Je suis la pire des mères […]. Je suis nulle »44. Valérie, dans Fais pas ci, fais pas ça, va encore plus loin dans le processus : « Moi je suis comme toutes les mères d’enfants prématurés qui se reprochent d’avoir pas pu garder leur petit en elle plus longtemps. Même aujourd’hui, je me dis, si j’avais arrêté de travailler, si je m’étais posée… »45. Cette culpabilisation des mères est révélatrice des fortes injonctions qui pèsent sur elles, et ce, dès la grossesse46. Les femmes sont encouragées à respecter les normes biomédicales, mais aussi à mettre en pratique les discours des professionnels : puéricultrices, professionnels de l’aide à l’enfance ou encore psychologues. Ces discours, qui ont envahi la sphère publique et sont lisibles aussi bien dans les talk shows47 que dans les guides parentaux48, sont également mobilisés par la fiction, en tant que ressources dans la composition des personnages de mères comme dans la narration. Cette caractérisation des personnages montre à quel point le rôle de mère doit être pensé et évalué à l’aune de discours savants. Dans les séries en effet, les mères sont souvent férues de psychologie, consultant des psychologues ou leur envoyant leurs enfants, lisant des ouvrages ou magazines de vulgarisation psychologique. Elles tentent en retour d’appliquer les précieux conseils qu’elles ont glanés à leurs relations familiales. Ainsi, dans Fais pas ci, fais pas ça, Valérie cite Françoise Dolto, a lu Laurence Pernoud et son vocabulaire même est empreint de la culture psy : elle affirme la nécessité de « restaurer la confiance » ou craint un « déficit d’autonomie affective ». Dans Que du bonheur ! Valérie reproche à son mari sa façon de parler à leur fille de huit ans, Zoé : « Il [ne] faut pas infantiliser ton discours comme ça avec les enfants. Sinon t’en fais des adultes trop sensibles, trop fragiles »49. Ce sont toujours des mères qui mobilisent ces « discours psy », ce qui, selon nous, est révélateur d’une injonction très forte à la réflexivité pour ces dernières – et pour ces dernières uniquement.

  • 50 Voir Ulrich Beck, Anthony Giddens et Scott Lash, Reflexive Modernization. Politics, Tradition and A (...)
  • 51 Jean-Hughes Dechaux, « La famille à l’heure de l’individualisme », Projet, n° 322, 2011, p. 24-32, (...)
  • 52 Benoît Bastard, « Une nouvelle police de la parentalité ? », Enfances, Familles, Générations, n° 5, (...)

11La culpabilité des mères, en effet, est révélatrice de l’attention qu’elles portent à leur rôle de mère. Elles effectuent constamment des retours réflexifs sur leurs pratiques parentales. Ces personnages sembleraient donc s’inscrire dans la seconde modernité50, au sens où leur identité ne serait plus uniquement héritée, mais bien construite, réfléchie, travaillée librement, et ils témoigneraient du processus d’individualisation des sociétés contemporaines. De plus, le fait que la maternité soit de plus en plus choisie, combinée à l’importance toujours réaffirmée du droit de l’enfant, entraîne un réinvestissement des mères dans ce rôle. La réflexivité qu’elles mettent en œuvre est pourtant loin d’être source d’épanouissement ou de fluidité identitaire. Au contraire, nos personnages peinent à faire passer d’autres statuts avant celui de mère et la multiplication identitaire est le fruit d’une lutte constante. Ainsi, cette réflexivité semblerait être davantage la marque des très fortes injonctions pesant sur les femmes, celles-ci devant tout faire pour être de « bonnes » mères avant tout. Ces héroïnes de séries télévisées nous aident à saisir la normalisation douce de la vie familiale telle que la souligne Jean-Hugues Dechaux. Selon ce sociologue, elle est « douce, parce que le contrôle est implicite et bienveillant. Il prend la forme de conseils pratiques, de recommandations, de services, mais a pour effet de façonner les aspirations »51. Les mères de notre corpus luttent avec ces normes diffuses qu’elles tentent d’appliquer ou de négocier, et qui leur assignent un rôle directement lié à leur genre. Les personnages de fiction reproduisent donc une vision très genrée de la parentalité, reconduisant l’opposition maternel/féminin et paternel/masculin via des injonctions servant ce que Benoît Bastard qualifie de « nouvelle police de la parentalité »52. Or, si cette nouvelle normativité s’impose aux parents en général, nous avons bien vu que, dans les représentations, l’être-parent dérive du genre et varie en fonction de ce dernier. Ces personnages nous révèlent que le processus d’individualisation, au sein de la famille contemporaine, ne peut être complet, tant les rôles parentaux, mais surtout celui de mère, sont marqués par des devoirs et des normes auxquels il est difficile d’échapper.

Conclusion

  • 53 Éric Macé, op. cit. p. 12.
  • 54 Teresa de Lauretis, Théorie queer et cultures populaires. De Foucault à Cronenberg, traduit par Mar (...)
  • 55 Backlash au sens où, alors que les femmes ont acquis la liberté d’enfanter, celles faisant le choix (...)
  • 56 Carol Gilligan, Une voix différente. Pour une éthique du care, Paris, Flammarion, 2008 (1982), p. 3 (...)

12Les séries télévisées constituent un observatoire pertinent des enjeux et « de la réalité contemporaine des rapports sociaux et des conflits de définition propres aux sociétés contemporaines »53. Par la construction de leurs personnages, les choix de trajectoires que les scénaristes leurs inventent et les pratiques parentales qui sont mises en scène et égrainées dans les discours et dialogues, les séries nous disent des choses sur le genre et sur la manière dont il configure la parentalité aujourd’hui. Elles rendent compte des tensions liées à la reconfiguration de la parentalité et de la masculinité – du balancement entre père autoritaire et père relationnel –, et des contradictions soulevées par la difficile articulation entre processus d’individualisation et normes de parentalité au féminin. Les séries peuvent ainsi être entendues comme des « technologies de genre », en suivant la proposition de Teresa de Lauretis. Selon elle, « le genre est une représentation », « la représentation du genre est sa construction » et cette construction se poursuit dans les médias ou encore la famille54. La parentalité, telle qu’elle est représentée dans les séries, révèle, construit et reconduit la dualité des rapports de genre et les inégalités dont ces rapports sociaux sont porteurs au sein de la famille. Les fortes injonctions pesant plus spécifiquement sur la maternité et l’investissement des femmes dans ce rôle invitent à le penser, dans sa version contemporaine, en terme de backlash55 tant la police de la parentalité réassigne les mères à leur sexe et à leur genre, loin de la fluidité identitaire des pères, même « nouveaux ». L’impératif de réflexivité n’est pas garant d’une libération mais bien au contraire d’une pression supplémentaire, touchant à l’identité même des mères. Celles-ci, selon Carol Gilligan « se définissent non seulement dans un contexte de relations humaines mais se jugent aussi en fonction de leur capacité à prendre soin d’autrui [care] »56. Le rôle de parent prend donc une forme différente, en fonction du sexe, mais a aussi un poids moral plus fort pour les mères que pour les pères tant il participe de la construction même des identités des individus. Les représentations de la parentalité dans la fiction sérielle ainsi que l’être-parent, dans la société contemporaine comme dans ses imaginaires, ne peuvent se concevoir qu’à l’aune du genre. Les femmes n’ont donc guère le loisir d’être des parents comme les autres.

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Bibliographie

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Notes

1 François de Singly, Comment aider l’enfant à devenir lui-même ?, Paris, Pluriel, 2010, p. 126.

2 Nous proposons les expressions « être-père », « être-mère » et « être-parent » afin d’insister sur le caractère genré de la parentalité et sur les attentes normatives qui en découlent.

3 Pour ne citer ici que les plus connues, ce sont des séries comme Une Famille formidable (TF1, depuis 1992), Fais pas ci, fais pas ça (F2, depuis 2007) ou encore Famille d’accueil (F3, depuis 2001). Ces fictions mettent en scène des couples hétérosexuels, le plus souvent mariés. Le choix de débuter notre corpus à l’année 1992 est lié à la fois à l’arrivée d’Une Famille formidable, mais aussi à un tournant dans la production sérielle française qui, suite à l’imposition de quotas de production en 1990, connaît une croissance importante.

4 Marlène Coulomb-Gully, « Féminin/Masculin : question(s) pour les SIC », Questions de Communication, n° 17, 2010, p. 169-194, p. 188.

5 Éric Macé, La société et son double. Une journée ordinaire de télévision, Paris, Armand Colin, 2006, p. 11.

6 Sabine Chalvon-Demersay, « Le deuxième souffle des adaptations », L’Homme, n° 175-176, 2005, p. 77-111, p. 81

7 Éric Macé, op. cit. p. 10.

8 Judith Butler, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l'identité, traduit par Cynthia Kraus, Paris, La Découverte, 2006 (1990).

9 Marie-Joseph Bertini, « Langage et pouvoir : la femme dans les médias (1995-2002) », Communication et langages, n° 152, 2007, p. 3-22, p. 7.

10 Notamment depuis le remplacement de la « puissance paternelle » par l’autorité parentale depuis la loi de 1970.

11 Geneviève Cresson, « De l’idéal égalitaire aux pratiques inégalitaires, quelles “renégociations” », dans Y. Knibiehler et G. Neyrand, Maternité et parentalité, Rennes, Éditions ENSP, 2004, p. 117-125, p. 120.

12 Cf. Rapport de l’INSEE « Femmes et hommes - Regards sur la parité » - édition 2012. Consultable sur le site de l’INSEE : http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/sommaire.asp?id=609&nivgeo=0 [consulté le 08/12/2013].

13 On peut considérer, à la suite d’Éric Macé, que ces fictions mettent en scène un « conservatisme contrarié » : elles prennent acte des revendications égalitaires et des efforts des hommes tout en rendant visibles – voire en légitimant – leurs résistances. Voir Éric Macé, op. cit.

14 Dans l’épisode « La quiche » (Que du bonheur !, TF1, 2008) Jean-François fait une quiche avec des yaourts à la vanille et une pâte brisée sucrée (après avoir téléphoné à sa mère).

15 Fais pas ci, fais pas ça, saison 2, épisode 2 « S.O.S, mères en détresse », France 2, 2009.

16 Une Famille formidable, « Dure dure la rentrée », TF1, 1993.

17 Anne-Marie Devreux, « Des hommes dans la famille. Catégories de pensée et pratiques réelles », Actuel Marx, PUF, n° 37, 2005, p. 55-69, p. 61.

18 Que du bonheur !, « Y a des matins comme ça », TF1, 2008.

19 Jeu de dames, épisode 1 « Où elles touchèrent le fond », F3, 2012.

20 Nos enfants chéris, saison 1, épisode 5 « Fumier », Canal +, 2007.

21 Nos enfants chéris, saison 1, épisode 11 « Accouche ! », Canal +, 2007.

22 Nos enfants chéris, saison 1, épisode 5 « Fumier », Canal +, 2007.

23 Les « nouveaux pères » émergent dans les années 1980, autour d’un mouvement de valorisation du rôle de père par des hommes revendiquant par exemple le droit à la garde de leurs enfants en cas de divorce. Anne-Marie Devreux, dans l’article cité précédemment rappelle que le premier colloque sur les nouveaux pères a eu lieu en France en 1981.

24 Pour cette citation et la suivante : Fais pas ci, fais pas ça, saison 3, épisode 4, « Le miracle de la vie », F2, 2010.

25 Ce manque de reconnaissance est caractéristique du travail des femmes au foyer, longtemps non considéré comme un travail. Voir, par exemple : Christine Delphy, L’Ennemi principal. Tome 1 : Économie politique du patriarcat, Paris, Syllepse, 2009 (2001).

26 Fais pas ci, fais pas ça, saison 1, épisode 12 « Ce n’est qu’un au revoir », F2, 2007.

27 Hughes Everett C., « Dilemmes et contradictions de statut », dans Hughes Everett C., Le regard sociologique. Essais choisis, textes rassemblés et présentés par Jean-Michel Chapoulie, Éditions de l’EHESS, Paris, 1996, p. 188. Hughes applique ces caractéristiques aux professions, mais il nous semble que ce principe d’attentes vis-à-vis de l’exercice de la parentalité relève du même processus.

28 Judith Butler, op. cit. p. 96.

29 Christine Castelain-Meunier, « Tensions et contradictions dans la répartition des places et des rôles autour de l’enfant », Dialogue, n° 165, 2004/3, p. 33-44, p. 39.

30 Catherine Achin et Elsa Dorlin, « Nicolas Sarkozy ou la masculinité mascarade du Président », Raisons politiques, vol. 3, n° 31, 2008, p. 19-45, p. 39.

31 Nous distinguons ici en fait deux registres d’énonciation, qui parfois s’emboîtent : d’un côté des séries à « vocation réaliste » (Famille d’accueil ou Clash – F3 et F2) et des séries ouvertement humoristiques ou comiques comme Que du bonheur ! ou Fais pas ci, fais pas ça. Pour autant, le ton peut parfois être comique dans les premières et plus sérieux dans les secondes, témoignant de la porosité des frontières et de l’hybridation des genres au sein de la fiction sérielle contemporaine.

32 La fiction reproduit ici les pratiques effectives des Français. Voir par exemple Carole Brugeilles et Pascal Sebille, « Le partage des tâches parentales : les pères, acteurs secondaires », Informations sociales, n° 176, 2013/2, p. 24-30.

33 Clash, épisode 3 « Hugo », F2, 2012.

34 Voir Myriam David, Le placement familial. De la pratique à la théorie, 5e édition, Paris, Dunod, 2004. Elle évoque le fait que « la conviction que l’enfant est naturellement “bon” entretient l'illusion que de bons soins suffisent à bien le développer » (p. 93). Ce qui est sous-jacent ici, c’est l’idée que le mal-être de l’enfant est automatiquement dû à de mauvaises pratiques parentales. À noter également que cette interprétation est celle de la mère, non du père.

35 Voir Sabine Chalvon-Demersay, Mille scénarios. Une enquête sur l'imagination en temps de crise, Paris, Métailié, 1994 et Sabine Chalvon-Demersay, 2005, op. cit.

36 Nous mobilisons l’idéal-type de Weber, en ce qu’il ne correspond pas au type moyen, mais en ce qu'il représente davantage un cas idéal, limite. Cet outil nous permet de mettre en avant les caractéristiques réunies par une majorité de personnages de mères, et donc de définir l'idéal auquel tendent la plupart des mères de séries.

37 Une famille formidable, épisode 8, « L’amour en vacances », TF1, 1996.

38 Hard, épisode 1, Canal +, 2008.

39 Hard, épisode 2, Canal +, 2008. D’autres personnages de mères sont construits sur ce même principe : Caro, dans Clem (TF1, 2010) ou encore Odile dans Fête de famille (F2, 2005).

40 François de Singly, Fortune et infortune de la femme mariée. Sociologie des effets de la vie conjugale, Paris, PUF, 2004, p. 37.

41 François de Singly, Libres ensemble. L’individualisme dans la vie commune, Paris, Nathan, 2000, p. 213.

42 François de Singly, Le Soi, le couple et la famille. La famille, un lien essentiel de reconnaissance et de valorisation de l’identité personnelle, Paris, Nathan, 1996, p. 177.

43 La Smala s’en mêle, épisode 3 « Je vous salue maman », F2, 2013.

44 Clash, épisode 1 « Robin : la maladie d’amour, F2, 2012.

45 Fais pas ci, fais pas ça, saison 1, épisode 9 « Pas d’inquiétude », F2, 2007.

46 Voir l’idée de « police des mères » chez Marcela Iacub dans L'empire du ventre. Pour une autre histoire de la maternité, Paris, Fayard, 2004, et l’ouvrage de Sandrine Garcia, Mères sous influence. De la cause des femmes à la cause des enfants, Paris, La Découverte, 2011.

47 Dominique Mehl, La bonne parole. Quand les psys plaident dans les médias, Paris, Éditions de la Martinière, 2003.

48 Patricia Von Münchow, Lorsque l'enfant paraît... Le discours des guides parentaux en France et en Allemagne, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2011.

49 Que du bonheur !, épisode 173 « Souris ni ni », TF1, 2008.

50 Voir Ulrich Beck, Anthony Giddens et Scott Lash, Reflexive Modernization. Politics, Tradition and Aesthetics in the Modern Social Order, Cambridge, Polity Press, 1994.

51 Jean-Hughes Dechaux, « La famille à l’heure de l’individualisme », Projet, n° 322, 2011, p. 24-32, p. 28. Il ajoute que « cette normativité s’appuie sur la caution des sciences psychologiques », ce qui montre bien que les discours psy mobilisés par la fiction ont un rôle dans la configuration des identités parentales, valorisant certaines pratiques tout en en stigmatisant d’autres.

52 Benoît Bastard, « Une nouvelle police de la parentalité ? », Enfances, Familles, Générations, n° 5, automne 2006, p. 1-9.

53 Éric Macé, op. cit. p. 12.

54 Teresa de Lauretis, Théorie queer et cultures populaires. De Foucault à Cronenberg, traduit par Marie-Hélène Bourcier, Paris, La Dispute, 2007, p. 41-42.

55 Backlash au sens où, alors que les femmes ont acquis la liberté d’enfanter, celles faisant le choix de devenir mères subiraient, sous forme d’un « retour de bâton », des injonctions qui les réassignent à leur genre et à leur rôle de mère, rôle qui éclipserait tous les autres. Voir Susan Faludi, Backlash. La guerre froide contre les femmes, traduit par Lise-Éliane Pommier, Évelyne Chatelain, Thérèse Réveillé, Paris, Éditions des femmes, 1993 (1991) ou Angela McRobbie, The Aftermath of Feminism. Gender, Culture and Social Change, London, Sage, 2009.

56 Carol Gilligan, Une voix différente. Pour une éthique du care, Paris, Flammarion, 2008 (1982), p. 37.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sarah Lécossais, « Les mères ne sont pas des parents comme les autres »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 4 | 2014, mis en ligne le 15 janvier 2014, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/706 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.706

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Auteur

Sarah Lécossais

Sarah Lécossais est doctorante en sciences de l’information et de la communication au sein du Communication Information Médias et ATER à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Sa thèse, qui a bénéficié d’une allocation de recherche de l’Institut Emilie du Châtelet et de la Région Île-de-France, porte sur les représentations de la maternité dans les séries télévisées françaises.

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