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Revue des revues

La revue Interfaces numériques

Entretien avec Nicole Pignier, rédactrice en chef
Bruno Chaudet

Texte intégral

Nicole Pignier, vous êtes rédactrice en chef avec Benoît Drouillat de la revue Interfaces numériques. Quel regard portez-vous sur ses sept années d’existence ?

Nous sommes en fait dans la huitième année d’existence de la revue avec 21 numéros parus et le vingt-deuxième sous presse, de nombreux contributeurs, de nombreux lecteurs. Cette aventure s’avère riche sur le plan scientifique bien entendu mais aussi humain car chaque nouvelle coordination de dossier engage une relation de confiance avec les collègues qui portent la thématique mais également avec les personnes qui portent le travail éditorial. Le Président des Designers Interactifs, Benoît Drouillat, co-dirige la revue avec moi depuis sa naissance et cela aussi s’avère une aventure très constructive car cette coopération ouvre la recherche aux professionnels dans une pleine liberté scientifique. La revue peut ainsi porter sans réserve des questionnements sur le design numérique, ses origines et fondements épistémologiques, ses évolutions, ses usages. C’est cela à mon sens la véritable innovation : non pas répondre à une demande mais susciter des mises à l’épreuve, des interrogations là où l’on peut penser que les choses naturellement évoluent dans le sens d’un progrès technologique fondateur d’un mieux-être, d’un mieux-vivre individuel et collectif.

Quelles sont les conditions qui ont motivé sa création ?

Les conditions sociétales tout d’abord. Les années 2010 ont marqué un tournant dans le paysage des technologies numériques et de leurs enjeux. L’idéal du « village global » grâce au Web a été mis à l’épreuve de la réalité ; la croissance exponentielle du partage d’informations, les mises en relations facilitées, configurées par le design des réseaux sociaux ne suffisent pas à faire advenir un sentiment commun d’exister, au-delà des différences. Elles ne suffisent pas non plus à encourager/envisager des relations plus pacifiées entre les individus, les collectifs. Leur design pourrait même inviter à l’entre-soi et cela pose question. L’idéal de l’immatériel numérique forcément bon pour l’environnement est aussi remis en cause avec les désastres écologiques et sociaux liés à l’exploitation des terres rares pour la fabrication des objets numériques. Du côté des acteurs des technologies numériques, le pouvoir hiérarchique reprend ses droits plus que jamais avec un GAFAM en quête illimitée de puissance. Ce sont les prémisses de l’Internet des objets, du transhumanisme, du posthumanisme. Tout cela invite à considérer le design bien au-delà de questions créatives et/ou esthétiques, fonctionnelles, économiques, au-delà et en-deçà de l’usabilité et de l’ergonomie. C’est la visée éthique du design des technologies numériques, de leurs usages qu’il devient essentiel, primordial de questionner. Sur quelles conceptions du mieux-vivre, du mieux-être individuel et collectif se fonde le design de telle plateforme, de tel objet, de tel dispositif ? Comment ces designs configurent-ils nos expériences informationnelles et communicationnelles ? En quoi les usages ou non-usages de tel objet, tel logiciel, tel dispositif relèvent-ils également d’un dessein pratique mais aussi éthique ? Quels sont les enjeux et les limites du solutionnisme technologique qui se met en place dans toutes les activités de notre quotidien ?

Les conditions de recherche scientifique ensuite. En Sciences de l’Information et de la Communication, les technologies numériques sont devenues la thématique « incontournable » parfois abordée avec des impensés tel le sentiment que naturellement les réseaux sociaux permettent d’être plus sociable, que les pédagogies numériques donnent lieu à une révolution dans l’apprentissage… Il me paraissait essentiel de contribuer, parmi d’autres collègues en SIC, à porter des espaces de publications fondés sur la levée des impensés éthiques et épistémologiques. Aucune revue n’existait en France sur le design numérique. La place était libre…

Les conditions humaines et matérielles enfin. Je pouvais compter sur la coopération des Designers Interactifs pour porter une revue dont les échos nourriraient le monde professionnel, qui, en retour a toujours été invité à participer à chaque dossier sous forme d’interviews ou sous forme d’article lorsqu’il s’agit d’une coopération avec des chercheurs.

Quel est son fonctionnement éditorial ?

La revue Interfaces Numériques se constitue d’un comité scientifique, d’un comité de lecture général et d’un comité de lecture constitué ad hoc pour chaque dossier par les coordinatrices ou coordinateurs du numéro. Ce sont ces derniers qui gèrent le processus de lecture en double aveugle, la relecture, la correction des articles et des entretiens. Ensuite, le dossier est relu par nos soins ainsi que par un correcteur professionnel. Une fois finalisé, il est mis en page par un professionnel. Tous les numéros sont accessibles gratuitement en ligne au bout de 2 ans. En complément, nous parions sur le texte-objet avec des éditions papier de chaque numéro en préparation.

Quelles sont les principales thématiques de recherche que la revue développe ?

La revue développe une diversité de thématiques permettant de lever les impensés du design numérique ou/et de questionner les enjeux de sens éthiques, phénoménologiques liés à la communication ou/et à l’information. Nous avons publié des numéros sur les formes d’attention, formes de présence, sur l’énonciation dans les productions artistiques numériques ou encore sur le corps et ses métamorphoses à l’ère numérique, sur la communication professionnelle via les interfaces numériques, l’histoire des TIC, les objets connectés… Un numéro en préparation interroge le design de l’intelligence artificielle à l’épreuve du vivant…

Comment envisagez-vous l’avenir ?

La revue Interfaces Numériques est reconnue de rang A par l’HCERES pour la 71ème section, ce qui renforce l’attention que la communauté scientifique porte sur les travaux publiés. Le partenariat avec l’association Designers interactifs poursuit son chemin avec l’abonnement des membres de l’association à notre revue. La ligne scientifique de la revue et son ouverture interdisciplinaire, à partir d’un socle en SIC sont d’autant plus prometteuses qu’elle cernent des enjeux de société concernant l’existence de tout un chacun et de chacun avec les autres : les liens entre l’individu et le collectif, la manière dont nous nous relions à notre milieu, aux autres et au vivant, bref, un ensemble d’éléments qui sont en jeu dans la crise écologique que nous vivons aujourd’hui et qui est avant tout une crise existentielle montrant les limites du solutionnisme technologique.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Bruno Chaudet, « La revue Interfaces numériques »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 17 | 2019, mis en ligne le 01 septembre 2019, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/7008 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.7008

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Auteur

Bruno Chaudet

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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