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Spicilège

Du semi-métier aux activités bas de gamme : l’écriture en relations publiques peut-elle être créative ?

Ivan Ivanov

Résumés

L’objectif de cet article est d’appréhender la créativité à travers l’écriture – et vice versa – et propose d’explorer des pistes théoriques et pratiques pour mieux comprendre l’écriture journalistique en RP comme un des leviers fondamentaux de la créativité en organisation. Il soutient que l’écriture en RP peut contribuer aux processus et aux produits créatifs si les relationnistes acquièrent des compétences issues des techniques d’écriture journalistiques qui combinent l’écriture technique et littéraire.

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Texte intégral

Introduction

1Alors que le travail du technicien en relations publiques (RP) est toujours considéré comme « down and dirty » (McGoon, 1993) et comme un semi-métier (Dozier, 1992 ; Etzioni, 1969, Evetts, 2006), les attentes envers les relationnistes en termes de créativité ne cessent d’augmenter. Du papier au numérique, du traditionnel à l’innovant, de la forme pure au support hybride : être original, atypique, inventif sont parmi les nombreuses qualités requises par les employeurs pour travailler dans les RP. Au-delà des aspects artistiques et du design, l’art d’écrire en RP (Cernicova, Dragomir & Palea, 2011) est un des leviers de référence de la créativité en organisation. La maîtrise de cette « douce alchimie de créativité, d’expérience et d’inspiration » (Bowie, 1976, 26) donne aux relationnistes audacieux et intrépides des ressources nécessaires pour créer des contenus et des supports communicationnels innovants ; et ceci dans un cadre professionnel contraignant qui est celui de l’organisation. Orientations stratégiques, politiques institutionnelles, injonctions hiérarchiques, censure et autocensure, filtres managériaux (Ivanov 2013) : toute une multitude de mesures et de dispositifs enraye la liberté rédactionnelle. Nous sommes donc guidés ici par l’idée que les relationnistes ont besoin d’une zone de latitude – entre l’exigence d’être créatif et l’obligation d’écrire suivant des cadres hiérarchiques préétablis –, qui peut être élargie et maintenue grâce à une écriture créative qui constituerait une des activités fondamentales en RP.

  • 1 Cf. « La professionnalisation des communicateurs. Dynamiques, tensions et vecteurs », Cahiers du Re (...)

2Pourtant, les compétences en écriture se font rares dans les directions de RP d’autant plus que le processus de professionnalisation des relationnistes ainsi que la reconnaissance de leur semi-métier au rang de profession (Parsons, 1968) ne sont pas achevés1. Plutôt liée à la formation journalistique, l’écriture n’est pas systématiquement enseignée dans les universités et est fréquemment apprise par la pratique sur le terrain (Kim et Johnson, 2011). Le manque de compétences rédactionnelles et de maîtrise des techniques d’écriture en RP jugule les processus que les produits créatifs, en transformant les textes rédigés en simples « fiches techniques » dépourvus de lisibilité et d’intelligibilité (Ivanov, 2013).

3Cette communication questionne la créativité à travers l’écriture – et vice versa – et propose d’explorer des pistes théoriques et pratiques pour mieux comprendre l’écriture en RP comme un des leviers fondamentaux de la créativité en organisation. Elle soutient que l’écriture contribue aux processus et aux produits créatifs si les relationnistes acquièrent des compétences issues des techniques d’écriture journalistiques qui combinent l’écriture dite technique et littéraire (Edens, 1980). Nous arguons également que ce développement devrait s’accompagner d’une augmentation des formations universitaires initiales et continues en RP des deux côtés de l’Atlantique portant sur l’écriture journalistique, mais aussi par l’acceptation d’un débat plus large soutenu par les associations professionnelles de communication et de RP portant sur des formes professionnelles hybrides et controversées. Finalement, nous nous attachons à montrer que valoriser l’écriture au rang de compétence clé des relationnistes contribue au processus de professionnalisation et à la reconnaissance de leur métier (Dubar, Tripier & Boussard, 2015).

La créativité en RP à travers l’art d’écrire en organisation

4Bien qu’il n’existe pas à ce jour un consensus sur la définition de la créativité dans les organisations (Wallace, 1986 ; Sternberg, 1985), plusieurs études interdisciplinaires permettent d’aborder l’écriture en RP à travers la créativité. Pour ce faire, l’écriture est vue ici comme : 1) une activité, à la fois, individuelle et collective (Jain & Jain, 2017) ; 2) un processus et le résultat de ce processus (Anderson, 1965) ; 3) une pratique professionnelle nécessairement liée à la production d’idées et de contenus nouveaux, originaux et uniques (Malmelin & Nivari-Lindström, 2017) ; 4) un savoir-faire professionnel technique et littéraire qui influe sur la lisibilité et l’intelligibilité des textes organisationnels (Edens, 1980).

De l’individu à la collectivité au travail

5Un nombre important de théories classiques considèrent l’individu créatif comme un être organisationnel « solitaire » et séparé de la collectivité au travail. La créativité est appréhendée alors à travers l’analyse de facteurs individuels et environnementaux qui influencent les processus internes cognitifs grâce auxquels des idées nouvelles et originales se produisent, se transforment et se matérialisent (Woodman, Sawyer, & Griffin, 1993). Les salariés créatifs ont un mode de pensée et un comportement proactif (Kim, Hon & Lee, 2010) ainsi que des idées, des intuitions et des logiques particulières qui leur permettent de se démarquer des autres individus au travail comme étant plus adaptables, disciplinés, indépendants et attentifs aux détails (Clark, 1979). L’originalité, la flexibilité et la capacité de produire des idées nouvelles sont des qualités fondamentales des personnes créatives (Guilford, 1959). La source même de la créativité se trouve ainsi à l’intérieur des individus qui interagissent avec autrui et la société sans pour autant influencer leurs traits distinctifs respectifs (Fletcher, 2006).

  • 2 À titre d’exemple, pour travailler comme responsable des médias sociaux dans le service des communi (...)

6C’est bien cette image répandue du salarié modèle créatif que les employeurs cultivent lorsqu’ils cherchent à embaucher des relationnistes. Il est fréquent de lire des offres d’emploi en RP2 qui exigent d’être créatif pour la réalisation de tâches spécifiques comme concevoir, écrire et mettre en place des supports de communication internes et externes. Au-delà de l’exigence de pouvoir travailler en réseau, la créativité est habituellement abordée comme une qualité requise du candidat et non pas une compétence liée au travail en équipe.

7Cette vision de l’individu créatif est remise en question par un grand nombre de chercheurs (Thompson, 2018 ; Glǎveanu, 2014 ; Lombardo & Kvalshaugen, 2014), qui prétendent que ce sont les pratiques professionnelles – et non pas les esprits individuels – qui font émerger, façonnent et incorporent les processus créatifs. La créativité serait moins un attribut personnel que le résultat des interactions entre différents individus et sous-systèmes organisationnels incorporés dans un système social plus large marqué par une multitude de règles et de procédures organisationnelles (Csikszentmihályi, 1990). En l’occurrence, l’écriture en RP comme une pratique professionnelle créative ne peut pas être réduite à la somme des facteurs individuels et environnementaux (Harvey, 2014), car tout travail écrit en entreprise émerge des processus participatifs réalisés dans un système qui est celui de l’organisation. L’écriture est toujours le produit des pratiques collaboratives entre individus et objets techniques (Duff & Sumartojo, 2017) dans le sens où les dispositifs (ordinateur, téléphone, visioconférence, etc.) ne transmettent pas simplement des messages et des contenus, mais agissent sur le processus d’écriture et transforment, traduisent, déforment, modifient (Latour, 2005) les produits écrits finis.

8L’écriture en entreprise est donc créative dans le sens où elle est articulée autour d’une double activité continue : elle est un acte d’engagement collectif guidé par des pratiques professionnelles – peu importe si le résultat final est perçu comme utile ou pas (Nayak, 2008) – et, en même temps, le fruit des interactions entre les individus et les objets au travail qui prennent de multiples formes écrites. Par exemple, lorsqu’un relationniste rédige un communiqué de presse ou une publication interne, il ne fait pas que livrer un produit plus ou moins bien écrit et élaboré : il interagit également avec différents acteurs (salariés, managers, partenaires, journalistes, etc.), grâce à un nombre de dispositifs techniques dont la présence – sinon l’absence – influe sur le processus créatif et sur le produit fini. Lorsqu’un relationniste est chargé de rédiger et d’éditer des supports de RP traditionnels et électroniques, son écriture émerge dans un site organisationnel comme une pratique professionnelle conjointe (Schatzki, 2005) située (Suchman, 1987) et distribuée (Hutchins, 1994). Cette manière d’appréhender l’écriture permet de comprendre à quel point la créativité est improvisée et momentanée, puisqu’elle est agie par des ajustements techniques et négociations humaines quotidiennes qui donnent lieu à des formes et des dispositifs nouveaux et originaux porteurs des missions professionnelles et des stratégies organisationnelles.

Du texte actuel à l’écriture actualisante

9La créativité dans les organisations fait l’objet de nombreux travaux récents (Duff & Sumartojo, 2017 ; Bilton & Cummings, 2014 ; Prince, 2014) et de discussions renouvelées dans le champ de l’information et de la communication (le dernier congrès de la Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication, qui a présenté près de cent travaux différents, en fait preuve3). Parmi les différentes manières d’aborder la création et la créativité dans les industries culturelles et dans les organisations (Moeglin, 2018 ; Flew, 2011), nous nous concentrons ici sur la créativité dans les directions de RP en tant que processus d’écriture qui aboutit à des formes écrites originales. « Creativity refers to the creation of valuable and useful new products, services, ideas, procedures or processes by individuals working together in a complex social system » (Woodman, Sawyer & Griffin, 1993, p. 293). Cette manière d’aborder la créativité n’est ni la seule, ni la plus exhaustive, mais vue ainsi, elle suppose, en premier lieu, que quelque chose de nouveau et d’actuel soit développé et non pas quelque chose qui existe déjà, même si toute écriture en organisation qui aboutit à une nouveauté n’a pas nécessairement recours à la créativité. Ceci est particulièrement prégnant lorsqu’il s’agit de mettre l’entreprise « sous presse » (Agnès & Durier, 1992) afin de faire peau neuve ou de donner un souffle créatif aux supports écrits et électroniques comme les newsletters, les notes de service, les communiqués de presse, les publications dans les portails internes et les sites web, les rapports et les bilans d’activité. Bien qu’il soit souvent submergé par de nombreux textes institutionnels et « marronniers », le rôle du relationniste qui les rédige est toujours d’innover, de proposer un angle d’actualité et d’y apporter des informations nouvelles à l’attention du lecteur.

  • 4 La différence entre la création et la créativité, selon Pierre Moeglin (2018), est que la première (...)

10Même si pour certains auteurs (Bilton & Cummings, 2014) l’innovation et la créativité sont mutuellement constitutives et indivisibles, être créatif ne présuppose pas nécessairement la création quotidienne de quelque chose de nouveau4. Pour Taylor (1975), les créativités expressive, inventive et innovante permettent de mettre en place des dispositifs qui ne sont pas forcément inédits (à la différence de la créativité émergente). En revanche, ce type de créativité puise son originalité dans les multiples manières de combiner des événements passés et des histoires déjà racontées, ce qui permet de trouver des voies originales, de les relater dans un contexte nouveau ou en vue d’objectifs actualisés. Malmelin et Nivari-Lindström (2017) démontrent, par exemple, que le travail des professionnels finlandais de la presse magazine n’est pas tellement caractérisé par l’invention d’histoires uniques et de récits inédits, mais par la manière dont ces derniers les présentent et les articulent. Une des personnes faisant partie de ladite étude déclare très justement au sujet de la créativité : « It’s not always a matter of coming up with new ideas, but also of finding new ways to process old ideas » (cité par Malmelin & Nivari-Lindström, 2017, 339). Pour elle, il suffirait que le produit écrit livré à l’issue de ce processus soit perçu comme bon, efficace, adapté : créer des supports communicationnels de qualité est bien un des objectifs premiers poursuivis par les directions des RP.

Les écritures technique et littéraire

11La qualité des produits écrits est pourtant difficile à saisir et à mesurer, car elle est liée aux compétences et aux prédispositions du locuteur, au contexte de sa production ainsi qu’à la manière dont les lecteurs l’interprètent (Deuze, 2007). Bien qu’il existe plusieurs efforts de proposer des cadres et des méthodologies pour mesurer et évaluer la qualité des produits communicationnels (Ouellette, 2011), son audit reste complexe, car il implique la prise en compte de plusieurs dimensions conjointes (par exemple, pour ce qui concerne la communication interne, il s’agit des dimensions gestion rationnelle ; intégration ; patrimoniale, maïeutique, logistique, cf. Carayol, 1994). Néanmoins, plusieurs travaux en linguistique et en communication permettent de cerner certains traits de la qualité et de la créativité textuelles.

12Les maximes conversationnelles de Grice (1979) visent à éclairer les principes de coopération qui agissent la situation et l’intention communicationnelle des interactions linguistiques (orales et écrites) entre un locuteur et un destinataire. Ces maximes, qui incluent la quantité, la qualité, la relation et la manière, supposent que le locuteur reconnaît – d’une manière explicite ou implicite – l’intention du destinataire, ce qui correspond à son vouloir dire. Pour que la qualité des énoncés linguistiques soit assurée, le locuteur ne doit pas dire ce qu’il croit être faux et ce qu’il ne peut pas considérer comme vrai. En tant qu’acte et instrument communicationnels qui véhiculent des informations et des représentations du monde, le langage et les énoncés textuels portent simultanément plusieurs fonctions. Chaque texte accomplit des fonctions expressives (expression de sentiments par l’émetteur), conatives (impressions et réactions du récepteur), référentielles (informations sur le contexte), phatiques (assurer le contact physique avec le récepteur), métalinguistiques (clarifier le code) et poétiques (soigner l’esthétique) (Jackobson, 1963). D’où l’idée que le texte peut servir à plusieurs choses et objectifs à la fois et que la créativité dans l’expression écrite s’exprime dans la combinaison inédite et originelle de ces différentes fonctions. En conséquence, aucun texte ne peut être appréhendé ou analysé en soi, car il est toujours en lien avec d’autres textes qui le précèdent et qui le précisent ou complexifient : il est donc transtextuel (Genette, 1992). Ces liens peuvent avoir une influence directe sur la créativité grâce aux allusions, aux métaphores et aux allégories qui renvoient le lecteur vers d’autres mondes et représentations individuelles et collectives. L’esthétique, le design et la forme du texte (épitextualité) sont des éléments centraux qui agissent sur la manière dont l’auteur conçoit les textes et les supports écrits. Chaque texte peut ainsi être référé à un genre (architextualité) qu’il modifie (hypertextualité et hypotextualité) ou élargit et qui permet à l’auteur de faire surgir – comme un palimpseste – des éléments esthétiques et créatifs renouvelés.

13Deux éléments essentiels, outre les aspects esthétiques (Rastier, 1994) et le design des supports écrits, permettent de cerner la créativité dans les processus et les produits écrits : la lisibilité et l’intelligibilité des textes. Si la lisibilité dépend de l’écriture dite technique, l’intelligibilité est plutôt le fruit de l’écriture littéraire, qui se différencie considérablement de la première (Edens, 1980). L’écriture technique génère des textes en utilisant un langage et une structure des phrases et des paragraphes simples. La logique intrinsèque du texte permet de diminuer, voire supprimer, la possibilité d’en faire une mauvaise interprétation. Les phrases produites par l’écriture technique sont courtes, claires et sans ambiguïté, alors que le texte est structuré par des informations vérifiables qui sont présentées aux lecteurs comme des extraits d’une multitude d’événements actuels.

14Selon Barthes (1960), l’écriture littéraire est l’apanage de l’écrivain alors que l’écriture technique est plutôt celle de l’écrivant. L’écrivain travaille sa parole suivant des normes artisanales qui incluent la pertinence et la perfection, mais aussi le style et le genre. Pour l’écrivain – un auteur qui « absorbe le pourquoi du monde dans un comment écrire » (Barthes, 1960, 148) – le texte est un produit ambigu du réel qui accomplit une fonction de représentation du monde et qui perd toute sa véracité, car il neutralise les informations qui véhiculent le vrai et le faux. Pour l’écrivant, le texte n’est qu’un instrument de communication qui suppose un « faire » et qui est utilisé en vue d’un objectif préalable. Contrairement à celle de l’écrivain, sa parole – dépourvue de style – met fin à l’ambiguïté du monde, car elle constitue en soi une multitude d’informations incontestables qui neutralisent les représentations grâce aux informations et aux explications irréversibles.

15L’écriture littéraire est souvent vue comme opposée à l’écriture technique (Barthes, 1960), car elle assure non pas la lisibilité, mais l’intelligibilité des textes (Edens, 1980). Sa qualité première est la compréhensibilité des écrits et non pas la véracité et la logique des textes produits. Cette écriture est une source créative, car son auteur utilise davantage la richesse du style et des genres.

16Pourtant, bien qu’ils soient différents, ces deux types d’écriture ne sont pas contradictoires, mais complémentaires et peuvent être, tous les deux, créatifs. L’idée même de la transtextualité (Genette, 1997) suggère qu’aucun texte ne peut être écrit et lu séparément, car il est toujours en lien avec une multitude d’autres textes qui le précèdent, enrichissent et développent. L’écriture technique incorpore donc, peu ou prou, des fragments des textes littéraires et renvoie les lecteurs vers d’autres auteurs et contextes d’écriture. Les textes organisationnels comme un millefeuille transtextuel brouillent ainsi les styles d’écritures et remettent en cause l’orthodoxie canonique des genres (Delcambre, 1997 ; 2018). Les écritures professionnelles, selon Pierre Delcambre (1992), n’appartiennent à aucun métier en particulier et aucune profession n’a l’exclusivité de l’écriture dans les organisations. En tant que processus constant et inachevé, l’écriture – ou le rapport à l’écrit – est un rapport à son propre métier. Le genre, qui tracerait la distinction entre l’écriture technique et littéraire, n’est pas une forme textuelle assujettie à une classification taxonomique, mais une action récurrente, une réponse typifiée des pratiques d’écriture professionnelle qui forment dans le temps des attentes communes (Russel, 2012). Ce qui différencie les différents genres n’est donc pas la forme canonique de l’écrit, mais la fonction textuelle ainsi que l’action (la pratique) que l’auteur exerce sur le texte dans un contexte précis.

17Quant à l’intention et l’identité de l’auteur (ou plutôt des auteurs) du texte dans les organisations, elles sont difficiles à cerner et à comprendre. Qui est l’auteur d’un bulletin interne ou d’une publication dans le journal des salariés ? Celui qui propose l’idée ? Celui qui rédige le texte ? Celui qui corrige et valide les versions intermédiaires du texte écrit ? Celui qui autorise (bon-à-tirer) la publication ? Si plusieurs auteurs et co-auteurs partagent la responsabilité du texte dans les organisations (Chantraine, 1995), le processus d’écriture dépasse largement la figure esseulée de l’écrivain et de l’écrivant pour former un auteur « bâtard » (Barthes, 1960), un écrivain-écrivant, dont les écrits sont officiellement libres, mais génèrent leurs propres règles sous couvert d’une écriture organisationnelle commune (les supports de communication interne en sont une bonne illustration).

18Sousa (1970) souligne que dans les organisations l’écriture technique se doit d’utiliser des figures littéraires, même si dans la pratique cela dépend de celui qui écrit, de sa personnalité et, surtout, de ses interactions avec les autres. L’écriture littéraire peut transmettre des informations actuelles sous les habits des émotions et des impressions subjectives, basées sur des récits individuels ou des vécus collectifs. L’écriture technique est créative dans le sens où elle permet non seulement d’élaborer des supports de communication nouveaux, mais aussi de choisir des angles et des éclairages différents et originaux afin de trouver de nouvelles manières de transmettre des informations actuelles (Berglez, 2011). C’est précisément cette alchimie écrite de technicité et de lisibilité qui est si chère et prisée par les rédactions de RP.

19Tableau 1 résume les différentes manières d’appréhender la créativité à travers l’écriture dans le domaine des RP.

Tableau 1. La créativité à travers l’écriture en RP

Créativité

Écriture

Application en RP

Individuelle

Liée aux qualités personnelles et aux intentions de l’auteur (quantité, qualité, relation, manière)

Le relationniste est adaptable, indépendant, original, flexible et apporte des idées nouvelles

Collective

Pratique collaborative (située et distribuée)

Construite via interactions, collaborations, engagement, participation, autorégulations

Processus

Avant et pendant (étape initiale et effective)

Prise de rendez-vous, enregistrement, retranscription des entretiens, co-écriture effective, rédaction des versions intermédiaires

Résultat

Après (produit fini est transtextuel)

Multiples co-auteurs, ajustements, corrections, filtres managériaux, censure, autocensure, renvois vers d’autres textes et contextes

Nouveauté

Porte sur des événements inédits/Histoires originelles

Moment présent, actualité, informations récentes, ici et maintenant

Déjà connu

Porte sur des événements passés/Combinaison atypique

Moment passé, styles variés, angles non ordinaires, cadrage et recadrage

Lisibilité

Technique (écrivant)

Informer, logique, structure, éléments vérifiables

Intelligibilité

Littéraire (écrivain)

Comprendre, analytique, émotions, symboles, sentiments

Les RP, les relationnistes et l’écriture journalistique créative

20En RP, l’art d’écrire est abordé tantôt comme une compétence technique (Broom & Dozier, 1986), tantôt comme une habileté au service de la coalition dominante (Grunig, 1992). La compétence est définie ici comme un concept plus large que le savoir-faire, qui inclut des habiletés propres au métier exercé ainsi que des habiletés génériques qui sont typiquement liées à la communication écrite et orale (Jeffery & Brunton, 2010 ; Cernicova, Dragomir & Palea, 2011).

Le manager et le technicien en RP

  • 5 Toutes les traductions de l’anglais vers le français sont faites par l’auteur.

21Les travaux de Broom et Smith (1978) sur les rôles fondamentaux du relationniste – l’expert, le technicien, l’animateur et le facilitateur de problèmes5 – sont l’une des premières tentatives d’appréhender le travail des relationnistes à travers l’écriture. Leurs travaux ont connu plusieurs développements, comme ceux apportés par Dozier (1981) lorsqu’il propose d’y inclure le spécialiste de relations médias – salarié non-cadre chargé des relations avec les médias externes – et le communicant de liaison qui fournit du conseil au management, mais qui n’est pas un manager lui-même. Au-delà des différentes variations de ce modèle, deux grandes figures du relationniste se dégagent (Piekos & Einsiedel, 1990) – le manager et le technicien – et tous les autres rôles peuvent être classés, peu ou prou, comme des sous-catégories de ces deux grands rôles.

22Le technicien en RP intervient lorsque l’organisation fait appel à la réalisation d’outils et de supports écrits, grâce à des compétences spécifiques : écrire, rédiger, synthétiser, éditer des supports de communication internes et externes lisibles, compréhensibles et de bonne qualité (Broom, 1982). Ces compétences sont représentées de manière quasi transversale dans les activités des RP internes et externes et les métiers qui y sont liés. Au niveau technique, le professionnel de RP internes, par exemple, s’occupe de concevoir, développer, élaborer, mettre en place, maintenir et actualiser des supports de communication écrits, électroniques et audiovisuels à destination des salariés. Différentes études classent les habiletés liées à l’écriture et à l’édition de supports écrits parmi les compétences les plus importantes en RP internes (Verčič, Verčič & Sriramesh, 2012). Les différentes étapes de l’étude Delphi, qui fait partie du projet European Public Relations Body of Knowledge (Verčič, 2000), positionnent la compétence communicationnelle (concevoir, écrire, éditer…) comme étant la plus importante pour le relationniste. Cette étude souligne également que la communication interne est parfois même confondue avec le fait d’écrire des textes pour différentes publications internes (De Céglie & Ivanov, 2012), telles que les journaux internes, les blogs d’entreprise et les Intranets.

23De fortes attentes en termes de créativité envers les relationnistes sont explicitement formulées par l’encadrement. Une page web ou, encore, une newsletter doivent sans doute avoir un design créatif, attrayant et attirant pour plaire visuellement aux lecteurs, mais si leur contenu n’est pas actuel, lisible, compréhensible et original, ils les déserteront peu à peu. Sans la créativité, l’écriture organisationnelle tombe dans le piège de la langue de bois ou de la langue de coton (Huyghe, 1991), étant perçue comme le haut-parleur de « la voix de son maître » (Ivanov, 2013).

24Plusieurs facteurs peuvent freiner la créativité dans les rédactions de RP. En amont, le travail du technicien de RP est strictement défini et irrigué par les clauses de son contrat professionnel et par le mandat qu’il doit porter. La pratique de ses missions professionnelles peut être rapidement perçue comme non conforme aux exigences hiérarchiques. À cet achoppement de la créativité rédactionnelle s’ajoutent les contraintes liées aux orientations stratégiques et aux politiques officielles propres à l’organisation pour laquelle le relationniste œuvre. Pendant le processus effectif d’écriture des textes (prise de rendez-vous avec les personnes à interviewer, prise de parole, enregistrement, retranscription des entretiens, écriture effective, rédaction des versions intermédiaires, etc.), de forts phénomènes d’autocensure (Morillon & Bouzon, 2009) influencent les pratiques du relationniste aussi bien que le produit final écrit qu’il livre. Durant cette période, le relationniste ajuste constamment ses pratiques professionnelles aux directives de son encadrement, mais aussi aux attentes de ses collègues qui influencent directement sa latitude créative (Unsworth, Wall & Carter, 2005). Une fois écrit, le texte fini est soumis à une multitude de corrections et validations hiérarchiques (Both, 2006) qui finissent parfois par édulcorer, voire amputer, les qualités littéraires du texte. Cette étape d’après l’écriture effective est caractérisée par l’établissement et l’imposition de filtres managériaux (Nicotri, 2001) qui permettent au management de s’assurer de la conformité ultime du texte avant la publication, ce qui estropie encore une fois la lisibilité et la compréhensibilité du texte et, ainsi, la créativité.

25Si cette antinomie dans la nature du travail du technicien est bien connue dans les organisations, à notre connaissance, il n’existe aucun remède universel. La prise en compte d’un certain nombre d’éléments comme la routinisation et la standardisation des tâches, le climat au travail, le leadership ou, encore, la dynamique du travail en équipe (Choi, Anderson & Veillette, 2009) peut accroître la créativité et diminuer les effets causés par les injonctions hiérarchiques freinant la latitude du relationniste. Le technicien de RP a donc besoin d’une zone de confort relativement large pour pouvoir mettre en pratique de plein gré ses missions professionnelles. Pour aller au-delà de ce point de vue, nous soutenons ici que c’est la maîtrise d’un type d’écriture particulier qui peut aider les relationnistes à créer cette zone de liberté dans laquelle l’écriture technique assurera la transmission d’informations actuelles respectant les cadres organisationnels établis, et l’écriture littéraire – la combinaison nouvelle d’éléments déjà connus qui, une fois échafaudés, donneront lieu à des angles et des messages originaux. Nous défendons l’idée que l’écriture typiquement journalistique est capable d’assurer, à la fois, la lisibilité et l’intelligibilité des textes et de donner de la latitude aux techniciens de RP afin d’écrire de manière technique et littéraire à la fois.

Écriture journalistique et créativité

26La créativité dans l’écriture journalistique consiste dans la capacité à écrire et à fournir aux lecteurs des textes qui apportent soit quelque chose de nouveau, soit quelque chose de connu, mais présenté d’une manière nouvelle et non conventionnelle (Gilhooly, 1988). Il s’agit ici, suivant la définition de l’information (Bougnoux, 1993), d’apporter aux lecteurs des informations nouvelles, actuelles ou actualisées, mais présentées d’une manière originale, novatrice et créative. En tant que métier de la fonction information (les RP relèvent de la fonction communication), le journalisme intègre pleinement ces caractéristiques dans son écriture.

27De nombreux auteurs décrivent les différents atouts et techniques d’écriture journalistique (Ross, 2005 ; Char, 1999 ; Noël, 2005), mais dans le cadre de cet article, nous discuterons deux éléments textuels liés à la créativité : le style et le cadrage (Berglez, 2011). Le style est l’ensemble des formes, des structures et des règles d’écriture qui permettent aux journalistes de capter l’attention du lecteur avec des histoires actuelles, inattendues, spectaculaires et uniques (Johnson-Cartee, 2005), dont la présentation écrite respecte les règles d’écriture journalistique (pyramide inversée, 5W, habillage, angles, attaque et chute, etc.). Le style est un mélange de maîtrise de techniques d’écriture et d’aptitudes personnelles permettant de s’exprimer par écrit de manière originale, lisible, voire unique. Il est tant le résultat de l’apprentissage universitaire que le fruit de l’expérience et du vécu personnel et professionnel. Le cadrage facilite la sélection d’informations et l’éclairage nouveau de certains événements ou problématiques, dont la connexion et la combinaison donnent lieu à une interprétation ou à une compréhension particulière (Grunwald & Rupar, 2009). Le cadrage est lié au contexte, à l’actualité sociale et publique et à l’environnement interne et externe qui sont susceptibles d’éclairer différemment un événement déjà existant. Le cadrage est continuellement ajusté en lien avec des facteurs externes, mais aussi par rapport au climat interne au travail et à la dynamique de l’équipe comme dans n’importe quelle organisation (les médias sont aussi des entreprises comme les autres, cf, Mortensen & Svendsen, 1980).

28La maîtrise de l’écriture journalistique permet non seulement d’améliorer la lisibilité et l’intelligibilité des textes en interne comme en externe, mais assure aussi au relationniste une certaine latitude chère à la créativité dans un cadre organisationnel contraignant marqué par des prescriptions hiérarchiques. Néanmoins, un problème de taille reste à résoudre : comment intégrer les compétences écrites dans les directions de RP si elles ne sont pas propres aux RP, mais au journalisme ?

29Les formations en RP (au moins pour ce qui concerne le Canada et la France) ne proposent pas de programmes homogénéisés qui enseignent l’écriture journalistique (aux États-Unis, par exemple, depuis 1870, dans tous les collèges et universités une formation obligatoire en écriture générale, appelée composition studies, est dispensée – cf. Russel, 2012). Bien qu’il n’existe pas une étude scientifique comparative exhaustive des formations en écriture dispensées aux étudiants de RP (et en communication) en France et au Canada, nous allons mobiliser ici un quelques études avec l’intention de décrire certaines tendances, similitudes et différences.

30Flynn et Sévigny (2009) soulignent que les programmes de RP de 1er cycle au Canada accordent une grande priorité aux formations en communication plus larges plutôt que de se concentrer sur les compétences techniques écrites en RP, alors que les programmes spécialisés de Maîtrise en RP au Canada se font plutôt rares. De l’autre côté de l’Atlantique, en France par exemple, l’enseignement au niveau universitaire des techniques d’écriture en RP n’est que très peu présent dans les programmes de premier et de deuxième cycle. Une revue exhaustive des formations universitaires (Collet, Ivanov & Maas, 2016), réalisée sous l’égide de la Société Française des Sciences de l’information et de la Communication (SFSIC6), montre la quasi-absence de formations homologuées RP.

31L’apprentissage des techniques journalistiques en RP se fait donc en grande partie sur le terrain. Ehling (1992) démontre qu’en réalité, il est très fréquent de pratiquer ce métier sans avoir obtenu un diplôme spécialisé en RP. « La grande enquête : vers une meilleure connaissance des pratiques en communication dans les organisations canadiennes » (David & Motulsky, 2010) révèle que plus de la moitié des cadres de communication interviewés au Québec ont obtenu leur dernier diplôme via des formations autres qu’en communication. La nécessité d’améliorer (ou de s’approprier) les techniques d’écriture se fait toujours sentir, tant du côté des relationnistes que de celui des publics internes et externes. Une étude menée par Kim et Johnson (2011) démontre qu’une large majorité de relationnistes considère le savoir journalistique comme essentiel pour leur travail. Ils jugent que pour pratiquer efficacement le métier de relationniste, une spécialisation en journalisme est absolument nécessaire pour mieux apprendre à écrire dans des styles et des formats variés. Or, pour Kim et Johnson (2011), ces compétences ne peuvent pas être acquises uniquement sur le terrain ou exclusivement par la voie de formations continues, car elles sont une combinaison complexe de formations universitaires spécialisées, de pratiques professionnelles quotidiennes et de savoir-faire personnel.

32Cette disparité – tant au niveau de la formation qu’au niveau des pratiques – montre que l’intégration des compétences écrites journalisme aux activités de RP reste problématique. Elle évoque directement la professionnalisation et la reconnaissance interne et externe des semi-métiers (Etzioni, 1969) et des activités hybrides, comme ceux du relationniste, que nous allons discuter dans la dernière partie de ce texte.

Discussion

33La pratique quotidienne des RP est une activité contestée et contestable (Cheney & Christensen, 2001) qui est loin d’avoir gagné un niveau de reconnaissance professionnelle et de confiance publique pour être qualifiée au rang de profession (Hughes, 1958). La professionnalisation des relationnistes – un processus complexe par lequel une activité devient une profession (Dubar, Tripier & Boussard, 2015 ; Parsons, 1968) – est à l’heure actuelle toujours inachevée et à l’ordre du jour des discussions menées par les réseaux scientifiques et professionnels. L’écriture créative en RP peut-elle contribuer à la professionnalisation des relationnistes et à la légitimation de leur semi-métier ?

34L’écriture technique et littéraire est la compétence la plus basique des relationnistes (Ivanov, 2019) qui constitue le pivot de leurs activités quotidiennes. Ce n’est pas surprenant qu’une large majorité de relationnistes se considère beaucoup plus heureuse et épanouie lorsqu’elle est chargée de rédiger et de créer des supports internes et externes plutôt que de réaliser des tâches de gestion (McGoon, 1995). Ce sentiment semble être partagé par les employeurs qui ont de fortes attentes en termes de compétences écrites et rédactionnelles lorsqu’ils embauchent des professionnels des RP (Flynn, 2014). Les capacités relationnelles et l’esprit créatif recherchés par les recruteurs sont systématiquement conjugués avec la compétence d’écrire pour un public large et diversifié. Mais sur le terrain, le relationniste n’est souvent que le simple exécutant des injonctions de la direction et son écriture est façonnée par des injonctions hiérarchiques et l’autocensure (Morillon & Bouzon, 2009). Pour gagner en latitude rédactionnelle, son travail peut être mieux considéré, valorisé et reconnu en interne, dans les organisations, et en externe, dans la société, pour passer d’un statut de semi-métier au rang de profession.

35Tant en Europe qu’en Amérique du Nord, des associations professionnelles et des réseaux académiques travaillent pour résoudre les problèmes liés à la professionnalisation des relationnistes et des communicants et œuvrent pour l’octroi aux relationnistes d’un capital de confiance plus important (Karsenty, 2011) afin de donner une juste place à leurs aptitudes créatives. Ce processus de reconnaissance passe inévitablement par la multiplication des formations universitaires structurées et homogénéisées (Evetts, 2006) et davantage basées sur l’apprentissage et la pratique des techniques d’écriture empruntées (et surtout adaptées) du journalisme. Proposer de nouveaux cours universitaires n’est, certes, pas un processus simple et rapide, mais cette sensibilisation aux besoins de formation approfondie sur l’écriture journalistique en RP peut être initiée d’abord avec l’embauche de professeurs à temps partiel ou des intervenants professionnels (comme c’est le cas avec les Licences professionnelles en France) spécialisés dans ce domaine. Les associations professionnelles et savantes, comme le Réseau international sur la professionnalisation des communicateurs (Resiproc), la Société Canadienne de Relations Publiques (SCRP) et la Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication (SFSIC) jouent ci un rôle important. Elles continuent à sensibiliser la communauté des RP sur la nécessité d’assurer la formation et l’amélioration continue des compétences techniques des relationnistes tout au long de leur carrière. Cela correspond en sus aux besoins en termes de formation en journalisme exprimés par les relationnistes sur le terrain (Kim et Johnson (2011). Mais mieux former les relationnistes serait-il suffisant pour rendre leur écriture davantage lisible et intelligible ?

36Une pratique technique et littéraire de l’écriture en RP, suffisamment « libérée » des injonctions hiérarchiques organisationnelles, est une condition sine qua non de la professionnalisation (Evetts, 2006) des relationnistes. Et si la pratique améliorée ne saurait être assurée sans une formation adéquate, il nous semble qu’embaucher des anciens journalistes dans les rédactions de RP aiderait les relationnistes à mieux maîtriser l’écriture technique et littéraire et à produire des supports d’information et de communication lisibles et intelligibles. Si les compétences écrites et éditoriales sont l’apanage du journalisme, y a-t-il des professionnels autres que les journalistes qui pourraient mieux les mettre en œuvre au sein des organisations ? Cette idée, bien que très contestée, fait de plus en plus son chemin (Ivanov, 2014). L’embauche d’(anciens) journalistes par les organisations privées et publiques a fait naître des formes professionnelles hybrides, comme par exemple le journalisme d’entreprise (Ivanov, 2016). Cette hybridation correspond justement à la définition complexe de la créativité qui ne saurait être définie et comprise à travers une seule pratique professionnelle, soit-elle blâmée ou dénigrée. La créativité n’est-elle pas une des qualités des « bâtards » qui osent faire les choses différemment ? Et si tel était le cas, l’écriture comme compétence fondamentale en RP semble être particulièrement bien outillée pour jouer un rôle central dans le processus de reconnaissance de cette profession à travers la constitution d’une activité pivot et d’une identité spécifique qui seraient celles de l’écriture créative dans les organisations.

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Notes

1 Cf. « La professionnalisation des communicateurs. Dynamiques, tensions et vecteurs », Cahiers du Resiproc, 2013, (1), URL : https://resiproc.org/2017/07/04/la-professionnalisation-des-communicateurs-dynamiques-tensions-et-vecteurs/

2 À titre d’exemple, pour travailler comme responsable des médias sociaux dans le service des communications au sein du Kativik Regional Government, « Les candidats doivent faire preuve de créativité dans la production de textes, d’images et de vidéos » (cf.https://emplois.ca.indeed.com/viewjob?jk=66b0fd5695208751&tk=1dau2pjlb5j59800&from=company). Pour être recruté en tant que Responsable communication et RP au sein du Medef (Côte-d’Or, France), le candidat doit savoir combiner créativité et organisation (cf. https://www.indeed.fr/Emplois-Medef?vjk=8494d908c9151f7e). La créativité est aussi requise pour obtenir un poste chez Gabriel Pizza en tant que Event & PR Coordinator. Pour être recruté, le candidat doit être « creative and imaginative thinker » (cf. https://ca.indeed.com/viewjob?jk=0f29718efa9fa2fe&tk=1dau32bn25ndr800&from=company).

3 Cf. https://www.sfsic.org/index.php/evenements-de-la-sfsic/congres-sfsic-2018

4 La différence entre la création et la créativité, selon Pierre Moeglin (2018), est que la première se situe à côté de la dépense improductive alors que la créativité est plutôt liée à l’utilité et à la productivité.

5 Toutes les traductions de l’anglais vers le français sont faites par l’auteur.

6 https://www.sfsic.org/

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Pour citer cet article

Référence électronique

Ivan Ivanov, « Du semi-métier aux activités bas de gamme : l’écriture en relations publiques peut-elle être créative ? »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 17 | 2019, mis en ligne le 01 septembre 2019, consulté le 20 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/6116 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.6116

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Auteur

Ivan Ivanov

Ivan Ivanov, PhD, professeur de communication et relations publiques au département de Communication à l’Université d’Ottawa, Canada. Il s’intéresse au rôle constitutif de la communication organisationnelle ainsi qu’aux évolutions des pratiques de relations publiques, qui se trouvent au carrefour de l’information et de la communication. Il privilégie des approches ethnographiques multi-situées et in vivo.

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