ALEMANNO Sylvie P. et MAYERE Anne (Dir.), 2018. Communication organisationnelle : formes et transformations contemporaines
ALEMANNO Sylvie P. et MAYERE Anne (Dir.), 2018. Communication organisationnelle : formes et transformations contemporaines. Paris : L’Harmattan. ISBN 978-2-343-13661-5
Texte intégral
1Cet ouvrage porte sur les perspectives théoriques relatives à la communication des organisations. Il propose de revisiter à la fois les méthodes mobilisées pour appréhender les phénomènes communicationnels et les approches pour reconsidérer le rôle de la communication dans les processus organisants. Structuré en cinq parties, l’ouvrage s’articule autour d’une double logique : l’une de questionner les formes organisationnelles contemporaines, l’autre d’étudier les processus organisants grâce auxquels la communication n’est plus un adjuvant mais une dynamique sociale, orchestrant les équilibres instables et évolutifs des organisations.
2La première partie aborde les formes organisationnelles contemporaines. En effet, chaque contribution revisite la pensée communicationnelle au xxie siècle à travers des propositions d’analyses épistémologiques singulières : l’expression des organisations à l’écran (Nicole D’Almeida), les rapports entre la sémiotique des objets et l’agir communicationnel pour comprendre l’acceptation sociale des objets connectés (Fabienne Martin-Juchat), « l’écrire » comme fait de communication et processus organisant à travers l’étude des prescriptions produites dans l’organisation du travail (Pierre Delcambre).
3La deuxième partie s’applique à réinterroger le rôle constitutif de la communication dans l’institutionnalisation des organisations, conceptualisé sous l’idée d’organizing. Les quatre contributions discutent de cette approche à partir de terrains d’étude très diversifiés : 1/ la construction de 6 niveaux d’institutionnalisation et la production de processus organisés agençant l’identité sociale de l’organisation dans le cadre de d’élaboration d’un journal interne (Ivan Ivanov), 2/ les adaptations entreprises par les équipes pédagogiques des Universités Françaises et le constat de négociations discursives entre les différents niveaux organisationnels (Benoit Cordelier, Hélène Montagnac-Marie), 3/ l’examen des jeux d’autorité à l’œuvre lors de la conception d’un projet de formation impliquant plusieurs services déconcentrés de l’État (Anja Martin-Scholz), 4/ L’étude de la dimension organisante de trois sites web d’Infrastructures des Données Géographiques (IDG) et la gouvernance informationnelle qu’elle génère, notamment en termes de médiations des savoirs produits (Karel Soumagnac-Colin, Nathalie Pinède).
- 1 Pour rappel, le Bitcoin est une crypto-monnaie mise en circulation en 2009 et fondée sur le réseau (...)
4Dans la troisième partie, la communication organisationnelle est étudiée par le prisme des technologies de l’information et de la communication, en s’intéressant plus particulièrement à la manière dont le numérique (re)configure l’organisation, dans ses formes, ses métiers, ses processus. La publication via Twitter des pratiques de travail, ainsi que l’utilisation du miccroblogging par les employés permet de décrire et d’exprimer le travail en train de se réaliser. Par la mise en visibilité du travail, de nouvelles communautés de pratiques émergent et reconfigurent l’organizing au sein de l’institution (Claudine Bonneau, Viviane Sergi). Dans un autre registre, l’étude du dispositif de crowdsourcing de Quirky (plateforme collaborative permettant de financer des projets d’inventeurs) amène à établir un parallèle entre l’architecture technique du dispositif (structuration des données, manipulation algorithmique etc.) et l’interface architextuelle qui soumet les utilisateurs à des schèmes organisationnels centrés sur une économie de la contribution et de l’attention (Olivier Sarrouy, Florian Hémont). L’article consacré à la profession de community manager montre comment se construit le processus identitaire collectif de ce métier (Olivier Galibert). Enfin la dernière contribution propose d’établir un parallèle entre le fonctionnement du Bitcoin1 et les plateformes de crowdsourcing à travers l’étude des médiations numériques mobilisées, et plus particulièrement l’expression de la confiance dans les transactions coopératives réalisées (Manuel Zacklad, Clara Sok).
5Les contributions de la 4e partie traitent des normes et processus communicationnels. Le cas des échanges médiatisés par un équipement en technologie numérique d’information-communication (TNIC) entre pilotes et contrôleurs pour réguler les flux aériens souligne la dynamique de rationalisation des activités (Marie Bénéjan). Dans la même veine, l’activité de notification d’un événement indésirable pour formaliser les risques de sécurité aérienne contribue à la négociation du sens de ce qui est inscrit dans les formulaires par les contrôleurs (Karoline Swiderek). L’exemple de la campagne de communication d’action et d’utilité publique de la Communauté du Pays d’Aix est proposé dans l’article suivant. Céline Pascual Espuny et Audrey Bonjour détaillent la manière dont le processus de coopération inter-organisationnel visant à sensibiliser différents publics aux bons usages d’un lieu public se trouve ajusté par des logiques d’influence mutuelles. L’analyse des normes produites par le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) à travers l’exploration des données d’un service d’information médicale hospitalier illustre la manière dont le « corps patient » se trouve réinscrit dans une logique scripturale à vocation performative (Isabelle Bazet).
6La 5e partie questionne les transformations identitaires et les équipements du management de l’organisation. En prenant l’exemple de la procédure d’évaluation professionnelle comme dispositif communicationnel pluridimensionnel, Marie-France Peyrelong et Valérie Lépine démontrent que le management de soi devient un espace de (re)négociation relationnelle et d’intercompréhension. La politique du « grand dialogue » impulsée par la Poste donne lieu à une analyse spécifique des normes organisationnelles relatives à la prévention des risques psycho-sociaux. Les deux études de cas proposées dans l’article d’Émilie Blanc dressent le constat du rôle singulier du travailleur social pour impulser une communication du changement. L’usage de l’improvisation théâtrale en entreprise comme équipement managérial participe de la modélisation des processus de changement (Mikaël Gléonnec, Laurent Vincent). L’examen des nombreuses figures du travailleur indépendant montre que les différentes formes de coordination, mutualisation et communication qui ne se déroulent plus à l’intérieur de l’organisation se réaménagent ailleurs et autrement (Géraldine Guérillot, Isabela Paes, Jean-Luc Moriceau et Julien Billion).
7Enfin, la 6e partie porte sur les innovations et les recompositions organisationnelles. L’analyse du système de veille sanitaire et de défense d’un service de santé des armées lors de l’épidémie d’Ebola montre comment, en temps de crise, la gestion de l’information (re)structure les formes de collégialité entre les individus (Raphaël Châtelet, Marc Tanti). La technique du branding, utilisée dans le cadre de la campagne publicitaire de l’Université du Québec à Montréal, est analysée comme processus continu de négociations et de représentations (Sophie Del Fa). La contribution suivante s’intéresse au développement de dispositifs coopératifs au sein des Universités qui s’impose face à la nécessité de faire évoluer les missions vers l’accueil et l’accompagnement de nouveaux publics. Cela se traduit notamment par la création d’activités dont le business plan devient l’artéfact médiateur (Christian Bourret).
8L’étude de cas d’une recherche doctorale CIFRE dans le secteur aéronautique permet à Gaëlle Baudry, Laurent Morillon et Benoit Cordelier d’analyser la manière dont les processus organisationnels sont co-construits entre chercheurs et praticiens. En s’appuyant sur la théorie de la conversation/texte, ils constatent que la réalité organisationnelle s’agence autour de textes dont la fonction de traduction sert à opérationnaliser et valider le travail du chercheur, aux prises avec les temporalités de l’organisation et celle du monde académique.
9Particulièrement riche et dense, cet ouvrage consiste en un panorama particulièrement éclairant des approches conceptuelles, théoriques et empiriques contemporaines de la communication organisationnelle. La pluralité des méthodes recensées offre des perspectives d’analyse novatrices pour penser la communication comme processus en analysant soit les formes organisationnelles contemporaines, soit les équipements ou dispositifs organisants.
Notes
1 Pour rappel, le Bitcoin est une crypto-monnaie mise en circulation en 2009 et fondée sur le réseau pair-à-pair. Il repose sur un protocole permettant d’effectuer des transactions de paiement directement entre un émetteur et un récepteur.
Haut de pagePour citer cet article
Référence électronique
Géraldine Goulinet Fité, « ALEMANNO Sylvie P. et MAYERE Anne (Dir.), 2018. Communication organisationnelle : formes et transformations contemporaines », Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 15 | 2018, mis en ligne le 01 janvier 2019, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/5338 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.5338
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page