- 1 Le programme de recherche Polisoma, inscrit dans l’action de recherche « Émotions, communications e (...)
- 2 Lors de ces entretiens collectifs, ont été mis en place deux groupes de discussion (focus groups), (...)
1Notre contribution est issue d’une étude menée dans le cadre d’un programme de recherche pluridisciplinaire, intitulé Polisoma1, qui porte sur la place des émotions dans le management des unités de soin et vise plus spécifiquement la population des cadres de santé. Parmi les différentes techniques d’enquête retenues et mises en œuvre, nous avons souhaité nous appuyer sur une méthode de recherche visuelle avec pour perspective de recherche d’appréhender le(s) rapport(s) affectif(s) entretenu(s) par les cadres de santé vis-à-vis de leur travail. Pour ce faire, nous avons mobilisé des cadres de santé du CHU constituant notre terrain d’investigation et organisé plusieurs groupes focus, lors d’entretiens collectifs, animés par notre groupe de chercheurs2. Lors de ces temps, notre propos a alors consisté à solliciter les représentations construites par les cadres de santé touchant à la fois à l’hôpital d’aujourd’hui et de demain au travers d’une méthode visuelle. Nous nous sommes ainsi demandé dans quelle mesure le recours à l’image permet d’approcher les dynamiques affectives qui peuvent être en jeu chez ces professionnels de santé vis-à-vis de l’institution hospitalière.
2Suivant cette perspective, notre parti-pris méthodologique a été de passer par le truchement de l’image, en demandant au groupe de cadres de santé sollicité de réaliser des collages, afin de figurer leurs visions de l’hôpital, de leur métier ainsi que de la place des émotions au sein des unités de soin. Notre présente contribution s’appuie sur les résultats obtenus au travers de la démarche ici poursuivie. Après avoir présenté plus en détail la méthode de recherche utilisée, nous verrons qu’il ressort de notre étude des représentations de l’institution hospitalière et de son fonctionnement relevant d’une axiologie inscrite dans des extrêmes opposés, entre des perceptions de l’hôpital d’aujourd’hui, empreintes d’une grande violence, et des projections de l’hôpital de demain nourries d’aspirations positives. Puis, nous focaliserons notre regard sur les émotions qui se font jour au travers des collages réalisés par les cadres de santé. Enfin, nous questionnerons les perspectives ouvertes mais également les limites soulevées par l’appareil méthodologique mobilisé dans la mise en images des émotions que se proposait de poursuivre notre démarche de recherche, au regard notamment de la force herméneutique du recours à une méthode visuelle mais également des dérives interprétatives possibles.
3Notre recherche, qui s’inscrit dans une démarche qualitative, a visé à analyser l’activité affective de façon à rendre saillantes des dynamiques collectives et organisationnelles. Deux temps d’entretiens collectifs, d’une durée de trois heures chacun, réunissant deux groupes focus différents, ont ainsi été organisés avec des cadres de santé du CHU Grenoble Alpes. Un guide d’entretien a ainsi été réalisé, qui présente les différentes étapes poursuivies au cours des entretiens collectifs, comprenant quatre temps : phase 1 : échange collectif et constitution d’un vocabulaire partagé autour des significations et des représentations associées aux émotions au travail ; phase 2 : échange collectif autour de l’identification de situations de travail porteuses d’émotions (quel contexte ? quels acteurs impliqués ? quelles émotions en jeu ? quelle(s) source(s) de résolution de la situation ?) ; phase 3 : échange collectif autour de la prise en compte (ou pas) des émotions au travail d’un point de vue personnel et organisationnel ; phase 4 : réalisation de posters, avec une sélection d’images issues de magazines, permettant de représenter les émotions dans l’hôpital d’aujourd’hui et de demain. Notre présente contribution se concentre sur cette dernière étape de l’enquête qui recourt à une méthode visuelle que nous présentons ici plus avant.
4Au regard de notre questionnement, il a été opté de recourir au sein du protocole de recherche développé à une méthode de recherche visuelle, nous inscrivant dans une démarche qui se veuille participative et créative (Catoir et Jankeviciute ; Thomas) puisqu’il s’est agi d’impliquer les cadres de santé dans la production des images à analyser. Souvent mobilisé en tant qu’objet de recherche et de production de connaissances dans de nombreuses disciplines scientifiques, notamment en sciences humaines et sociales, le recours à l’image a ici été pensé comme un vecteur signifiant d’expression des émotions vis-à-vis du(es) rapport(s) affectif(s) construit(s) par les cadres de santé à l’institution hospitalière. Suivant cette perspective, le recours aux collages dans notre méthodologie de recherche entend réactiver le pouvoir expressif et imaginatif du matériau utilisé que sont les images fixes, le collage opérant une mise en mouvement des images fixes sélectionnées et venant créer une (de) « nouvelle(s) » image(s) sur leur support. Le collage représente en effet un support projectif permettant de donner « matière à représentation » et de stimuler la créativité des participants (Vassel ; Guelfand ; Lapeyre et Bonnefont). Par ailleurs, le recours aux images offre un accès d’ordre émotionnel et non réfléchi du fait que la mémoire rationnelle, sémantique, tend à se soustraire à la faveur de dimensions visuelles (Dellucci et Bertrand). En outre, la permanence de l’objet qu’est le collage réalisé tend à conférer un accès concret à la représentation et à l’imaginaire des participants.
- 3 Il s’agit de ne pas confondre ici image et imaginaire dans un rapport d’équivalence, avec l’écueil (...)
- 4 Dans le présent article, nous mentionnerons sous le codage HA1 et HA2 le contenu des posters toucha (...)
5Car de l’image à l’imaginaire, se dessine, outre la parenté étymologique (imago), des points de rapprochement et de continuité : les imaginaires tendent à être considérés dans des dimensions symboliques sous la forme d’images mentales de l’ordre de représentations internes (Wunenburger 2013) dans des rapports d’imitation, de reproduction ou encore de création3. Si l’imaginaire peut être appréhendé non pas selon un caractère fictionnel des représentations mais bien comme réalité à part entière permettant, parce qu’il s’en nourrit, de cerner et de comprendre le réel (Boia), l’image, en qualité de représentation, peut ainsi se concevoir à la fois en tant que ressort de l’imaginaire et du réel. En effet, selon Gilbert Durand, l’imaginaire des images dessine le cours d’un bassin sémantique en lien avec les symboles, le sens des images véhiculées. Suivant cette perspective, il a ainsi été demandé aux cadres de santé de se projeter sur deux horizons temporels, en considérant l’hôpital d’aujourd’hui mais également en imaginant l’hôpital de demain. Pour ce faire, il a été fourni aux cadres de santé lors de la tenue d’entretiens collectifs un ensemble de journaux et de magazines de différentes natures (voyage, décoration, sport, actualités, etc.) afin qu’ils conçoivent des collages avec pour indication « de représenter, à travers leur choix d’images, leurs visions de l’hôpital d’aujourd’hui et de demain et la place des émotions en son sein ». Les cadres de santé ont formé des petits groupes qui ont réalisé au total cinq posters de collages (deux posters sur l’hôpital d’aujourd’hui et trois posters touchant à l’hôpital de demain)4, faisant office de matériau de recherche recueilli. Les productions issues des groupes focus sont présentées ci-dessous :
Figure 1. Les posters « Hôpital d’aujourd’hui » (HA1 et HA2)
Figure 2. Les posters « Hôpital de demain » (HD1, HD2 et HD3)
- 5 Ainsi que nous le verrons, de leur propre initiative, les cadres de santé ont parfois assorti les i (...)
6Suite à cette phase de réalisation, un temps d’échange au sein des entretiens collectifs a été initié sur le support des posters, alors présentés à l’ensemble du groupe, avec pour objectif exploratoire de questionner les participants quant à leur choix d’images et de récolter certains éléments d’éclairage autour de leurs productions commentées de la sorte. Le corpus ainsi constitué à la fois de données visuelles et verbales5 a alors fait l’objet d’une analyse suivant une approche sémio-herméneutique dont nous précisons ici les contours.
- 6 Au-delà des images et des textes, l’approche sémio-herméneutique peut également toucher à l’étude d (...)
7Ancrée du côté d’une appréhension des organisations, entendues selon une acception large, allant de la référence à un groupe d’individus à la constitution de différents types d’entités sociales tels que l’entreprise, l’association, etc., l’approche sémio-herméneutique combine étude sémiotique et interprétative, ainsi que l’explicite la chercheuse en SIC Céline Bryon-Portet dans ses travaux. En effet, l’analyse sémiotique des images et des textes, qui nous intéresse ici6, se voit couplée d’une prise en compte des enjeux institutionnels au travers de la mobilisation des systèmes symboliques dont il s’agit tout à la fois de saisir les finalités et les effets. Pour ce faire, il est question pour le chercheur de mener un travail interprétatif à travers une analyse sémiotique, qui soit indexée au contexte spécifique de l’organisation étudiée : « L’on passe ainsi d’une analyse d’éléments signifiants in praesentia à la prise en compte de considérations in absentia, tout en résolvant l’écueil d’un trop grande polysémie, puisque la phase d’interprétation/compréhension restreint le champ des possibles attaché aux signes en ne retenant que les significations qui apparaissent les plus plausibles et pertinentes au regard du contexte socioculturel et de la cohérence globale du système symbolique étudié. » (Bryon-Portet 2011). La mise en relation des signes produits entre eux mais également avec le contexte organisationnel, considéré dans ses composantes socioculturelles mais aussi historiques, circonscrit le champ des significations dans l’entreprise d’interprétation. L’approche sémio-herméneutique invite ainsi le regard du chercheur à observer et à décrypter les images prises dans leurs potentialités à donner à voir l’organisation, ses modes de fonctionnements et politiques institutionnelles afférentes.
- 7 Ainsi que l’énonce la chercheuse : « Préciser le parcours des ensembles d’images constitués par le (...)
8Or, cette démarche nécessite de la part du chercheur une connaissance de la réalité socioculturelle des membres de la communauté observée, dans l’optique de pouvoir déchiffrer les signes, qui ne peuvent s’offrir à l’appréhension du non-membre. Pour le chercheur extérieur à l’organisation, une telle approche tend à induire une méthode d’enquête qui s’inscrive dans des logiques d’immersion vis-à-vis du terrain de recherche, en vue de se familiariser avec l’organisation. Dans l’adoption et la mise en œuvre de cette méthode d’analyse, il a donc été question de procéder à un croisement de nos regards, rendu possible au travers de la constitution de notre groupe de chercheurs issus à la fois du monde professionnel et exerçant au sein du CHU étudié ainsi que de la recherche. De cette rencontre, a pu s’opérer, dans l’analyse des images, un travail d’échange et de confrontation des points de vue, où il s’est agi de mêler regard « indigène » (Gouirir), du fait de la proximité entretenue avec le CHU en tant qu’acteur de l’organisation, et « regard éloigné » (Levi-Strauss 1983 : 11) des chercheurs, au vu de leur position d’extériorité vis-à-vis du terrain. Par ailleurs, si l’étude du contexte organisationnel se trouve au cœur de l’approche sémio-herméneutique, faisant l’intérêt de la démarche, un tel travail de sémiose se révèle également à penser au titre de la nature même de notre corpus, en vue de préciser le « trajet des images » (Bonaccorsi)7. En effet, les images ici étudiées sont produites par les participants dans le cadre des entretiens collectifs, et non issues du terrain de recherche lui-même, obligeant à une analyse réflexive vis-à-vis de l’élaboration herméneutique ainsi que du dispositif méthodologique mobilisé, que nous questionnerons plus avant.
9Il s’est donc agi de revisiter les modes d’investigation et d’analyse dans le cadre d’une approche sémio-herméneutique des collages réalisés par les cadres de santé. Suite à la phase de recueil de données, il a été construit une grille d’analyse des collages, sous la forme d’un tableau, structuré autour des deux points de vue temporels adoptés (hôpital d’aujourd’hui et de demain) et faisant figurer deux points d’entrées principaux permettant de répertorier, d’une part, les signifiants présents dans les images, comprenant à la fois les composantes descriptives de l’image et les éléments textuels, et d’autre part, les signifiés associés, étudiés en fonction de la prise en compte du contexte organisationnel du CHU. Une seconde étape dans le traitement des données a consisté à faire apparaître sous forme de thèmes les signifiés retenus afin de procéder à une confrontation des représentations entre les imaginaires construits autour de l’hôpital actuel et futur. Par ailleurs, il s’est agi de parvenir à distinguer ce qui, au sein des collages, dans l’image ou le texte mobilisés, s’apparentait au domaine des affects. Une fois cette phase d’analyse menée, un temps de restitution auprès des cadres de santé sollicités lors des entretiens collectifs a été mis en place, permettant ainsi de partager les résultats de l’approche sémio-herméneutique adoptée et de procéder là encore à un croisement des regards, constituant une ultime étape au titre de notre analyse.
10De notre analyse des collages, il ressort des représentations radicalement opposées de l’institution hospitalière actuelle et future. En effet, il se dégage une vision sombre et critique du fonctionnement de l’hôpital d’aujourd’hui, qui apparaît au travers d’illustrations violentes. L’hôpital est représenté comme étant aux mains d’un pouvoir gestionnaire centralisé suivant un mode de management pyramidal et pour le moins directif, n’incluant pas les cadres de santé dans les prises de décisions touchant aux modes de fonctionnement des unités de soin et venant heurter le quotidien de travail des personnels de santé. Le primat des logiques économiques dans l’administration et la gestion de l’hôpital se fait prégnant au sein de l’ensemble des posters. En miroir de la stratégie poursuivie par l’hôpital, une course au temps et à l’argent, fils directeurs thématiques des collages réalisés, rythment l’activité de travail du personnel, soumis aux injonctions de rentabilité qui émanent de la hiérarchie, représentée comme éloignée du terrain, non consciente voire indifférente vis-à-vis des problématiques et des difficultés auxquels le personnel se trouve confronté du fait des orientations prises. Les images mettent en scène une valse obsédante de nombres et de données chiffrées, en référence à la multiplication des indicateurs de qualité et autres reportings, menés selon une approche comptable, qui font florès au sein de l’hôpital. Dans ce contexte, le travail auprès des patients prend les traits d’une lutte quotidienne face aux obstacles rencontrés, du fait même de la prédominance, dans le système hospitalier actuel, de logiques économiques sur les logiques de soin. Le thème de la déshumanisation se fait jour à travers le recours à des images empreintes de brutalité. Les corps sont exposés, démembrés : ainsi de cette femme mi-humaine mi-robot représentée nue, écartelée et amputée ou encore de cette scène d’abattage qui montre les chairs des bêtes suspendues et où a été ajoutée par les cadres de santé la mention « à tout prix » (HA2).
Figure 3. Extraits des posters « Hôpital d’aujourd’hui » (HA1 et HA2)
11De telles images viennent porter témoignage d’une certaine violence dans la relation aux patients, qui se donnent à voir, dans les collages, comme réifiés par l’institution. Ressort des images choisies le manque d’humanité du système hospitalier dans la prise en charge des patients, critiqué ici par les cadres de santé. En écho à la violence des images choisies, un sentiment d’impuissance et de colère émane des posters touchant à l’institution hospitalière actuelle. Le personnel soignant se voit donc représenté, au sein des collages, comme étant en butte avec son administration centrale. A contrario, la vision de l’hôpital de demain laisse émerger une tonalité globale d’apaisement. Au sein des deux registres temporels, des mêmes thématiques se retrouvent mais traitées sur un mode différent, comme renouvelé, et connoté positivement dans le système hospitalier à venir. Le temps se fait alors allié dans le soin, au travers d’une réappropriation qui apparaît comme salutaire de la part du personnel soignant et permet de donner du sens au travail. De même, la place et le(s) rôle(s) du cadre de santé diffèrent dans les représentations qui en sont données au travers des collages, ainsi que nous allons le voir.
12Si le cadre de santé emprunte de nombreux visages au sein des collages réalisés, une détermination commune tend à émerger de ces multiples représentations au travers de l’héroïsation de ce dernier. Les images montrent des personnages, dans des postures souvent ordaliques, qui accomplissent des exploits notamment d’ordre sportif ou encore technique. Il point ici en filigrane des formes de mises en danger du cadre de santé dans l’exercice de son métier, relativement aux difficultés et aux empêchements organisationnels auxquels ce dernier doit faire face au sein de l’institution. Les nombreuses références aux obstacles rencontrés par rapport au système hospitalier actuel viennent signifier la dureté du travail et, ce faisant, renforcer le caractère héroïque de la mission. Le cadre de santé est représenté comme celui qui maintient, malgré tout, le cadre de fonctionnement, ce qui tient de la prouesse quotidienne. Plusieurs images font référence à l’intersection, au croisement, et évoquent la position d’interface du cadre de santé, qui se doit d’être à la fois à l’écoute de sa hiérarchie mais aussi de son équipe. Au-delà des tiraillements que ce rôle tend à générer, la solitude du cadre de santé constitue un thème lancinant dans l’ensemble des collages qui portent sur l’hôpital d’aujourd’hui. Plusieurs images choisies mettent en scène des personnages qui sont seuls. Le cadre de santé est celui qui fait front pour négocier et tenir sa place tant auprès du collectif de sa ligne hiérarchique que de celui de l’équipe de soignants qu’il manage : à ces deux extrémités, il est représenté, d’une part, dans une posture qui mêle vulnérabilité et combativité dans un rapport de force qui le montre seul face à la puissance de la direction et, d’autre part, à l’écart de son équipe dont il se présente comme tenu à distance. Dans les posters réalisés, un sentiment de solitude se dégage et le cadre de santé emprunte les traits du héros solitaire tel que Lucky Luke (HA1), Rambo (HD1) ou encore Astérix (HD3). L’isolement qui accompagne son rôle, son esseulement participent également de l’entreprise d’héroïsation du cadre de santé, à l’œuvre au sein des collages, par rapport à sa mission au sein de l’institution hospitalière. Une des évolutions notables entre les deux projections temporelles tient alors à la constitution dans l’hôpital de demain d’un collectif de soignants fort et représenté comme soudé, qui se voit associé à des mentions explicites de « bien-être au travail » (extrait HD3).
Figure 4. Extraits des posters « Hôpital de demain » (HD1 et HD3)
13Se profile à travers cette multiplication d’images de rassemblement le désir d’intégration du cadre de santé qui, en creux, marque la difficulté de se situer dans cette position d’entre-deux. A défaut, la figure du héros ordinaire, en lutte face à la force d’inertie de l’institution et garant du bon fonctionnement de son unité, participe d’une valorisation du cadre de santé dans son travail mais aussi vis-à-vis de sa mission.
- 8 Si par extension la vocation fait référence à l’inclination que toute personne peut ressentir vis-à (...)
- 9 Par opposition au profane, le sacré fait référence à ce qui est l’objet d’une vénération, suscitant (...)
14La prégnance de la vocation du rôle du soignant se fait jour au sein des collages, qui ravive ici l’étymologie du terme8 relativement à l’histoire de l’institution hospitalière et à ses origines religieuses (Imbert 1947, 1982). Dans les posters réalisés, la mission du cadre de santé prend des accents de sacré9, le rôle joué par ce dernier auprès des patients apparaissant comme primordial en regard des dysfonctionnements du système hospitalier que le cadre de santé s’ingénie à essayer de compenser. En effet, en dépit des contraintes institutionnelles (expression « je touille de la merde » HA1), le cadre de santé est représenté comme le protecteur, celui qui veille à l’intérêt du patient : l’image de la plante protégée au creux des mains d’un homme en blanc se fait centrale au sein d’un des posters qui évoque l’hôpital d’aujourd’hui (HA1). Est ainsi soulignée l’importance de sa mission première tournée vers la prise en charge des patients, qui positionne le cadre de santé comme le garant des soins qui sont prodigués aux patients. Les thèmes du don de soi voire du sacrifice, au travers de la figure du héros solitaire notamment, participent de la sacralisation du rôle tenu par le cadre de santé et plus largement par le personnel soignant : ils viennent traduire à la fois le poids de la charge qui incombe au personnel soignant mais aussi une implication de leur part qui dépasserait le seul cadre professionnel. A cet égard, il est à noter qu’est toujours usitée, dans certaines unités de soin, l’expression « porter les cornettes », en référence à l’ancienne coiffe des religieuses, le métier de soignant étant historiquement pratiqué par ces dernières (Viard). De telles références aux origines religieuses de l’institution viennent signaler l’abnégation qui peut être la leur dans leur travail de soignant ainsi que la force de leur mission. Au-delà, à travers la représentation du caractère sacré de leur mission, il s’opère une valorisation de leur rôle au sein de l’institution, auprès des patients, laissant apparaître un sentiment de fierté vis-à-vis de l’importance de la tâche qu’ils accomplissent.
15Par ailleurs, la référence au domaine du religieux se fait récurrente au sein des posters. Certaines images qui font écho aux cérémonies et rites religieux, tels que la représentation de la célébration du sacrement de l’Eucharistie, peuvent venir témoigner d’un idéal de communion, qui tend à se rattacher à l’expression d’un désir d’appartenance à un collectif. Comme l’explicite Céline Bryon-Portet (2011), les symboles sont représentés de façon à produire, d’une part, une médiation horizontale c’est-à-dire à renforcer la cohésion des membres, ici de l’institution hospitalière, afin de favoriser la création de liens. D’autre part, ils peuvent opérer une médiation verticale qui confère du sens aux groupements humains en les faisant communiquer avec une réalité transcendante qui les réunit. Par ailleurs, les références religieuses peuvent indiquer, de manière sous-jacente, l’omniprésence de la mort que le personnel de santé côtoie quotidiennement. Les évocations d’un Au-delà, dans les posters, peuvent apparaître comme les pendants des questionnements que suscite le spectacle de la mort de l’autre.
Figure 5. Extraits des posters « Hôpital d’aujourd’hui » (HA1) et « Hôpital de demain » (HD2)
16La transfiguration de l’image du cadre de santé ici opérée est à mettre en relation avec la critique formulée vis-à-vis du système hospitalier actuel qui privilégie un fonctionnement axé sur des logiques de rentabilité : le motif de l’écartèlement du cadre de santé signe un profond conflit de valeurs dans l’approche du métier et de la pratique professionnelle, qui oppose ce dernier aux cadres de l’administration hospitalière. Tel que nous venons de le voir, à travers l’héroïsation et la sacralisation de son rôle, se dévoile ici l’engagement du cadre de santé dans son travail, se jouant également sur le registre des émotions ainsi que nous allons l’observer.
- 10 Nous renvoyons également ici aux travaux de Fernandez et al. (2006, 2008 et 2014) qui s’intéressent (...)
17Les cadres de santé sont engagés affectivement dans l’exercice de leur métier, cela s’expliquant en partie par l’historique de leur profession issu au départ de la religion. Or, les collages réalisés lors des entretiens collectifs, qu’ils soient sur le thème de l’hôpital d’aujourd’hui ou de demain, mettent en exergue l’ambivalence affective qui les habite. Garant de l’organisation et de la continuité des soins, le cadre de santé est l’interface d’une équipe de soignants dont il gère les ressources humaines, d’une équipe médicale avec laquelle il collabore, d’autres professionnels internes ou externes à sa structure et d’une hiérarchie très pyramidale, mais également des patients et de leurs familles. Cette fonction de cadre intermédiaire dans la hiérarchie le situe à la croisée de nombreux professionnels donc de nombreuses attentes, parfois incompatibles, pouvant être source de tiraillements d’ordre émotionnel chez celui-ci. Dès lors, il lui faut trouver non pas un équilibre mais une homéostasie dans un univers constamment mouvant. Du fait de la multiplicité des situations, des enjeux et des visions, les cadres de santé sont amenés à faire preuve d’une maîtrise de leurs émotions mais aussi à faire face aux émotions des autres et à les réguler, constituant ici un travail émotionnel pouvant être coûteux10. Leurs responsabilités, qu’elles soient d’ordre explicite ou implicite, les obligent à être multitâches et adaptables, et la ductilité demandée, pour tenter de répondre et de satisfaire l’ensemble des demandes, peut conduire le cadre de santé jusqu’à l’épuisement émotionnel. A cet égard, plusieurs images viennent représenter la consomption : des allumettes consumées (HA1), des sandwiches rationnés (HA1) ou encore des montres (HA1 et HD1). La rationalisation des soins, caractérisée par une segmentation des tâches, est symbolisée par les tranches de sandwiches toujours plus fines (HA1), en écho aux moyens alloués qui restent constants alors même que le personnel hospitalier fait face à une augmentation d’activité et à une intensification du travail (images de la vitesse, de la course contre le temps HA1), impactant au-delà de la qualité des soins (Davezies), la santé au travail du personnel soignant (images de personnes fatiguées et lasses HA1).
18Comme évoqué précédemment, l’aspect financier occupe une grande part du système de santé actuel ; la tarification des actes à l’activité apparue en 2009 a bouleversé le sens des soins et des pratiques des professionnels de santé. Ce nouvel indicateur a insufflé un paradoxe et marqué une scission dans la conception du métier : soigner se devant d’être rentable, une antinomie apparaît au sein des posters, qui atteste de modifications profondes dans le sens du travail des professionnels. Les préoccupations financières qui achoppent aux logiques soignantes s’expriment en termes émotionnels et se traduisent par un fort sentiment de culpabilité chez les cadres de santé, tiraillés entre des fonctionnements qu’ils perçoivent comme contraires. L’engagement affectif qui est le leur et les sollicitations émotionnelles auxquelles ils se trouvent sujets entrent en confrontation avec la demande de maîtrise des émotions voire de neutralité affective formulée par l’institution, se faisant ainsi source d’ambivalence. En effet, les cadres de santé ont à cœur de se réinscrire dans des relations qui prennent en compte l’humain (images de mains entrelacées HD1) et qui impliquent un échange d’ordre émotionnel (mentions « bienveillance », « confiance » et « empathie » HD1).
Figure 6. Extraits des posters « Hôpital d’aujourd’hui » (HA1 et HA2)
19« Le grand écart » (HA1), soit l’irréductible conciliation, entre les objectifs de soin et les objectifs économiques alimente un sentiment de rupture vis-à-vis d’une hiérarchie qui se montre indifférente et tend à susciter chez les cadres de santé un dégoût allant jusqu’à l’aversion. La course au temps et à l’argent au sein de laquelle leur institution les positionne leur donne le sentiment de ne pas réaliser leur travail correctement (« je touille de la merde » HA1). De telles dynamiques affectives se voient renforcées par l’exigence de l’institution de fournir des indicateurs en conformité avec les objectifs d’ordre quantitatif établis, qui sont autant de reportings quotidiens à mener, induisant un contrôle permanent facteur de tension (mentions « alerte », « je suis givré » et « cadres demandés » HA2, « on se calme » HA1). La maîtrise des outils informatiques constitue alors pour le cadre de santé une compétence incontournable, dont l’appropriation s’effectue, quant à elle, in situ. Or, de cette maîtrise informatique des indicateurs dépend en partie la réappropriation du pouvoir d’agir des cadres de santé dans le sens où ces derniers peuvent parvenir à utiliser les indicateurs imposés dans l’intérêt des patients. Un des enjeux pour les cadres de santé est donc bien de tenter de dépasser ce conflit de valeurs quotidien avec lequel ils sont aux prises en vue de « retrouver un équilibre » (HD1), qui s’opère également au bénéfice de l’équipe et des patients.
20Au sein du paradoxe de la rentabilité du soin, la question pour les cadres de santé est de savoir comment repositionner l’humain au cœur de ces organisations. La logique du don (Mauss), qui tend à animer les cadres de santé bien qu’elle ne soit pas spécifique à leur profession, se retrouve dans les interactions qu’ils tentent d’entretenir avec les patients, témoignant ainsi d’une implication affective de leur part. Au-delà de l’empathie (« force de vie » HA1), voire de l’amour (« I love you » HA2), dynamiques affectives qui relient les cadres de santé à leur cœur de métier, ressortent de l’analyse des posters d’autres affects tels que la colère mais également l’espoir. Ces émotions, qui ne sont pas présentes dans les posters de l’hôpital d’aujourd’hui, témoignent chez les cadres de santé d’une volonté de renouveau, qui est source d’apaisement et se voit conditionnée à une réappropriation de la liberté d’action. Rappelons que la fonction de cadre de santé est somme toute récente. A la suite de la création des écoles d’infirmier(e)s au XIXe siècle, la « surveillante » de l’équipe paramédicale, qui est une religieuse, a pour rôle de superviser les soins et de punir le cas échéant. Placée sous la responsabilité du médecin ou du directeur, cette fonction est alors essentiellement répressive et s’apparente à du contrôle. Il faut attendre le début des années 1940 pour qu’un diplôme de cadre infirmier soit créé. Ce diplôme est alors garant du fait que le cadre est expert dans le domaine des soins, dans l’organisation du travail, dans la supervision de l’hygiène des soins et des locaux, le tout s’inscrivant dans la lignée des directives médicales. C’est en 1995 que le titre de cadre de santé apparaît autour de deux nouveaux pôles de formation : le management et la gestion. Or, dans les représentations du cadre de santé au sein des posters de l’hôpital de demain, ce dernier n’est plus un maillon intermédiaire de la chaîne mais un professionnel appartenant à une équipe, lui permettant, tel que les images le montrent, de faire face aux tempêtes, aux têtes pensantes de l’administration, dans une démarche de (co-)construction (images de grues avec la mention « avancer » HD2). L’avenir de l’institution hospitalière est à imaginer et à bâtir collectivement. Il signe un renouveau du management pour retrouver du collectif, garant de la qualité des soins mais également de la santé au travail des soignants (Detchessahar). L’horizon qui se dessine vise à donner un sens nouveau au et dans le travail.
21Les cadres de santé, représentés comme dotés d’un pouvoir d’agir manifeste (mentions « redonner du sens à son travail » et « libre et serein par nature » HD2), nourrissent alors une nouvelle conception de leur métier ainsi que l’illustrent les formules choisies : « je ne veux pas avoir d’idées préconçues sur ce que doit être ma carrière » (HD2), « toujours plus ambitieux » (HD3), « multitâches mais pas fanées » (HD3). Leur fonction se voit ainsi comme revalorisée et renouvelée, au profit d’une résurgence d’attrait, source de « petits bonheurs » et de « rêves » (HD2). Par-dessus tout, l’isolement et la solitude ne font plus partie du quotidien du cadre de santé mais laissent place à la création d’un groupe représenté comme uni (image de l’équipage avec la mention « plus forts » HD2). Le primat du collectif est omniprésent dans les posters de l’hôpital de demain (« le collectif est notre moteur » HD3) et ce qui constituait le travail invisible (Bourret) du cadre de santé devient ici exposé et reconnu car partagé entre les différents cadres de santé, qui forment une équipe. Un sentiment d’espoir émane des posters, qui vient croiser les mises en scène d’une révolte des usagers (images de manifestation HD3).
22La figure de l’usager prend les traits du patient averti qui a compris qu’au sein du système actuel, la santé était synonyme d’argent, ce qu’il réfute et ce contre quoi il se dresse. En somme, ce dernier redevient acteur de son parcours de soin. Les affects se retrouvent donc au cœur de revendications politiques (Sloterdijk). La réappropriation du pouvoir n’est pas seulement celle des cadres de santé mais bien l’expression de la revendication de chacun, devenant acteur dans la mise en œuvre des valeurs fondatrices d’un système public aujourd’hui disséminé. Ce renouveau s’opère à la faveur d’un changement de paradigme, placé sous le signe de l’innovation au sein de structures hospitalières « nouvelle ère » (HD2). Ces changements se matérialisent au travers de la représentation d’un courage retrouvé chez les cadres de santé, s’illustrant au sein de formules se faisant maximes (« n’ayons plus peur » et « brisons les difficultés » HD1), qui s’inscrivent dans le sens d’une affirmation de la position du cadre de santé au sein de l’institution. Dans les posters de l’hôpital de demain, ce n’est pas tant le travail des cadres de santé qui est bouleversé mais la manière dont il est appréhendé et le sens qui lui est attribué.
23Les cadres de santé sont représentés dans une posture d’émancipation vis-à-vis d’une identité professionnelle construite sur les valeurs tributaires d’un historique religieux en lien avec les fondements institutionnels, dont ils conservent la logique du don mais la transforment à la faveur d’un management participatif, permettant une réelle prise en compte des professionnels dans le processus décisionnel alors collectif. Ici le parti-pris consiste à ne plus avoir à subir ni à porter le poids des injonctions institutionnelles, ce qui se traduit dans les collages par des ajouts textuels tels que « le meilleur choix, c’est parfois de ne pas choisir » (HD2) ou « on ne change pas le monde sans détruire le système » (HD2). Les cadres de santé ne veulent plus être complices d’un système qui ne les laisse pas vraiment être maîtres de leurs décisions et se montrent désireux de découvrir de nouvelles marges de manœuvre ainsi que d’autres possibilités de régulation. Ce renouveau, vecteur de « bonheur au travail » (HD3), apparaît comme une source d’apaisement pour les cadres de santé. Il est perçu en tant que symbole d’une « sérénité et (d’une) liberté retrouvée » (HD2). La mention « confiance, espérance, bienveillance » (HD1) résume les dynamiques affectives alors en jeu chez les cadres de santé, en corrélation avec une qualité de vie au travail favorisant la relation à l’autre. Via la solidarité qui émane du collectif, les cadres de santé puisent force et confiance, ouvrant alors le champ des possibles quant à une transformation et une évolution du système hospitalier actuel.
24Par la méthode de recherche visuelle adoptée, notre objectif consistait à approcher le rapport affectif des cadres de santé vis-à-vis de l’institution hospitalière, de sorte que les émotions associées s’expriment au travers des collages réalisés, fonctionnant comme autant de récits dans les mises en images et en textes des participants autour de l’hôpital d’aujourd’hui et de demain. Au titre des possibilités offertes par une telle démarche, nous pouvons retenir la participation singulière des personnes enquêtées, ici les cadres de santé, puisqu’il s’agit de partir des créations des participants, constituant ainsi un point d’entrée dans l’approche herméneutique engagée. Au travers de la mobilisation de l’image, il s’agissait de tenter de dépasser une appréhension des émotions qui soit uniquement ancrée dans la parole. La réalisation d’images a ainsi constitué une voie d’approche renforcée et diversifiée dans l’expression des émotions par rapport à la seule verbalisation des entretiens collectifs menés. A cet égard, l’analyse du matériau recueilli d’après une approche sémio-herméneutique, propice à l’étude des images, nous a permis, au travers du couplage des regards proches et éloignés instauré, de guider le travail de recherche à la fois dans l’apposition de bornes conférées à l’interprétation mais également dans la prise en compte d’éléments signifiants que seule une connaissance du contexte peut être susceptible d’observer. A travers cette proposition méthodologique, il nous a semblé intéressant de voir dans quelle mesure le recours à l’image par les cadres de santé donnait à voir l’engagement affectif, la violence de leur quotidien de travail ainsi que l’espoir de changement qu’ils nourrissaient.
25Par ailleurs, les supports des collages ont permis de médiatiser les temps d’échange instaurés avec les personnes interrogées et ont servi de cadre à l’interprétation du chercheur, dans une articulation de l’image à la parole, autour des vécus affectifs qui se font jour au sein des posters. Dès lors, au cœur de l’enjeu méthodologique, l’exploration des images, prenant la forme d’un exercice de pensée du côté des participants (projeter l’hôpital de demain), a visé à réinterroger le rapport affectif construit par les cadres de santé au sein de leur travail et à initier chez ces derniers une réflexivité dans la mesure où ils étaient invités à s’inscrire au-delà de la représentation d’un présent dans la projection d’un futur, pouvant se faire opérateur de changement.
26Pour autant, une telle démarche soulève plusieurs questionnements qui sont autant de limites à prendre en considération dans le travail de recherche. Si la méthode visuelle mobilisée favorise l’expression de la créativité des personnes enquêtées, ce qui peut participer d’une sollicitation de leurs imaginaires, il convient d’interroger l’écart de représentations entre l’hôpital d’aujourd’hui et de demain qui oppose deux visions et où l’institution de demain apparaît comme idéalisée : s’agit-il de représentations utopiques de l’institution hospitalière à venir, où se jouerait une suspension du réel attestant, au travers de ces visions fantasmagoriques bercées d’espoir de l’hôpital de demain, une impossibilité de dépassement des difficultés et des rapports de pouvoir au sein du système hospitalier actuel ? Tel que l’énonce Stéphane Olivesi, « le récit utopique ne dissocie jamais la dimension critique à l’égard du présent d’une visée positive tournée vers le futur » (Olivesi : 59). Les collages prendraient ainsi les traits d’un récit partagé au sein duquel les deux figurations en apparence antithétiques de l’hôpital d’aujourd’hui et de demain peuvent être appréhendées comme une même narration : la représentation idéaltypique de l’institution hospitalière future donnant à voir les difficultés du présent de l’exercice professionnel et du quotidien des cadres de santé. Ou au contraire, de telles représentations témoignent-elles des capacités de mobilisation des cadres de santé, au-delà des obstacles politiques, dans une dimension prospective et programmatique de passage à l’action, dont se ferait notamment révélateur le désir de révolte présent dans les posters ?
27De tels questionnements, qui sont autant de pistes que vient soulever l’approche méthodologique menée, appellent ainsi à poursuivre le travail de recherche dans l’exploration plus avant du terrain d’enquête, à travers la mise en place de temps d’observations ou encore la constitution d’un corpus qui soit directement issu du terrain de recherche. Si le travail sur les images initié tend à renseigner sur le rapport affectif des cadres de santé, se pose néanmoins la question de l’assignation des rôles et des émotions associées dans les représentations de la profession (faire preuve d’empathie, être engagé affectivement dans la relation aux patients, etc.), qui pourrait être véhiculée au sein même des groupes focus et, partant, de la démarche de recherche adoptée, rendant nécessaire la confrontation des résultats obtenus, au travers de la mobilisation de techniques d’investigation complémentaires.