- 1 Ce travail a été conduit dans le cadre du projet ANR ENEID – Éternités numériques, coordonné par Fa (...)
- 2 Harvey Molotch, Marilyn Lester, « Informer : une conduite délibérée : de l’usage stratégique des év (...)
- 3 Johan Galtung, Mari Ruge, « Structuring and selecting news », dans S. Cohen, J. Young (dir.), The M (...)
1Quelles vies méritent hommage ? Quels décès sont médiatisés ? L’analyse de la couverture journalistique des vies et des morts montre que toutes les catégories sociales et tous les décès ne bénéficient pas du même traitement ni de la même attention médiatique1. Si l’annonce d’un décès déclenche parfois un récit héroïque, elle peut aussi précipiter dans l’oubli certaines personnalités pourtant connues de leur vivant. L’image des personnalités décédées n’est donc pas une simple reconduction de celle de leur vivant : elle recouvre une identité médiatique produite par les journalistes au moment de la mort, journalistes qui, en sélectionnant, mettant en avant et en récit certains aspects de la vie de l’individu, participent à des régimes de valorisation et de reconnaissance2. Cet article propose d’étudier les régimes de valeurs et de reconnaissance qui gouvernent la médiatisation d’un décès, tant dans le type d’hommages rendus, que dans les portraits esquissés ou encore la mise en récit d’un parcours et d’une vie. Les identités médiatiques des personnalités au moment de leur mort constituent alors autant de verdicts sur la valeur informative du décès (newsworthiness3) et sur la correspondance aux normes sociales de la personnalité concernée. Aussi s’agit-il de saisir la couverture médiatique des décès et les identités qu’elle esquisse comme autant de traces des processus d’appréciation et de légitimation de certaines personnalités – en fonction des catégories qui leur sont assignées – mais aussi de certaines morts, suivant l’impact qu’elles peuvent avoir sur l’image du vivant.
- 4 Ici considérés comme des rapports sociaux organisant le monde social. Voir à ce sujet Éric Macé, Ér (...)
2Notre étude s’appuie sur l’analyse d’un corpus d’articles de presse en ligne, de reportages radio et télévision, et de sites spécialisés, constitué à partir de la base OTMedia, base d’archive expérimentale transmédia issue d’un projet INA/ANR regroupant presse, télévision, radio, web. Le corpus recouvre l’ensemble des décès médiatisés de l’année 2012. La méthode consiste à analyser de façon quantitative les 19043 occurrences recueillies, en mobilisant tout à la fois des facteurs de catégorisation sociale (classe, race, genre4, mais aussi profession, nationalité), des facteurs de célébrité et les facteurs de décès (type de mort). L’objectif est de produire une cartographie compréhensive de la médiatisation des décès, en mettant au jour les hiérarchies implicites et les rapports de pouvoir qui travaillent cette dernière, et en interrogeant les effets de redoublement ou au contraire d’euphémisation du facteur célébrité. Nous défendons que si certains critères sociaux (masculinité, francité), déjà à l’œuvre dans l’identité de la personnalité de son vivant, favorisent une couverture médiatique d’importance, les circonstances troubles ou brutales de la mort sont des facteurs premiers de l’événementalisation des décès.
3Nous avons choisi pour cet article de nous concentrer sur les hiérarchies organisant et structurant la médiatisation des décès. Se pose en effet la question d’une part, des critères de sélection des individus qui auront droit à une médiatisation au moment de leur mort et d’autre part, de la valeur informative et sociale accordée à leur disparition, dont seront fonction le volume et la durée de la couverture proposée. Nous faisons l’hypothèse que ces critères qui président à la fois au gatekeeping et à l’événementialisation des annonces de décès dépendent étroitement de différents facteurs identitaires – parmi lesquels nous avons choisi de privilégier le genre et l’appartenance ou non à la communauté nationale – ainsi que des circonstances de la mort, qui elles-mêmes peuvent faire rejouer l’identité de l’individu. Dit autrement, deux variables semblent affecter de façon déterminante la durée et l’intensité du traitement : d’un côté, le statut et l’image qu’un individu a acquis de son vivant, qui conditionnent une reconnaissance ou une fascination plus ou moins marquées après sa mort ; de l’autre, les causes, réelles ou présumées, du décès, plus ou moins spectaculaires et/ou sujettes à polémique.
4Parmi les critères retenus, celui de l’appartenance ou non à la communauté nationale, est un facteur de partition du corpus, qui influe sur le degré de couverture journalistique. Si en nombre de personnalités, le corpus présente un certain équilibre (52 % de personnalités françaises, contre 48 % de personnalités étrangères), la moyenne de médiatisation par personnalité – 33 pour les personnalités françaises et 19 pour les personnalités de nationalités étrangères – montre que la couverture est de moindre intensité lorsqu’il s’agit de décès de personnalités d’autres nationalités. Autrement dit, les personnalités françaises ont plus de propension à créer l’événement que les personnalités étrangères, comme en témoigne par ailleurs la différence d’écart moyen : 49 pour les personnalités françaises contre 25 pour les personnalités étrangères. Certains cas de décès fortement médiatisés comme celui de l’attentateur Mohammed Merah, peuvent toutefois biaiser les résultats de telle sorte que la moyenne de médiatisation des personnalités françaises redescend à 26 si l’on retire les 2981 occurrences afférentes à ce dernier et que l’écart à la moyenne n’est plus que de 35. Reste que sur les 20 personnalités les plus médiatisées, 7 seulement sont d’autres nationalités, soit un tiers – proportion qui se confirme à l’échelle des cinquante personnalités dont le décès est le plus médiatisé.
Graphiques 1 et 2 – Répartition français.e.s/autres nationalités en nombre et en moyenne d’occurrences par personnalité.
Sources : auteur.e.s.
- 5 Friedrich Ungerer, « Emotions and emotional language in English and German news stories », dans S. (...)
- 6 Sur la production médiatique de la différence raciale, voir notamment Stuart Hall, « Le blanc de le (...)
5On peut ici émettre deux pistes d’analyse. Dans cette division de la couverture journalistique entre personnalités françaises et d’autres nationalités, joue un moteur classique de la couverture journalistique : la valeur informative d’un décès augmente avec la proximité de l’événement. L’intensité de la couverture des décès de personnalités françaises peut ainsi s’expliquer par la valeur informative attribuée par les journalistes à l’annonce de décès ainsi que par la pratique journalistique elle-même qui consiste à rendre l’information attractive, à travers la mention d’œuvres et de réalisations renvoyant à un univers familier, ou de valeurs supposément partagées par les publics, à l’instar des valeurs nationales5. La catégorisation par la nationalité semble en outre pouvoir recouper, quoique partiellement, une division du corpus en termes ethnoraciaux : 168 des 343 personnalités d’autres nationalités sont identifiées par une ethnicité (parfois blanche) voire une non-blanchité – celle-ci relevant soit de la simple mention du pays d’origine (Camerounais, Gabon, Maroc, Pologne), soit de l’association à des subcultures marquées par l’histoire des minorités (par exemple Etta James, « chanteuse de blues et de jazz »), soit, dans de rares cas, par la mention de la couleur de peau (Donna Summer, « la chanteuse noire »). À l’inverse, sur 365 personnalités françaises décédées, seules 25 font l’objet d’une mention d’ethnicité (juif, noir, arabe, antillais.e). De tels résultats n’expliquent pas tant la plus forte attention aux personnalités françaises, qu’elles ne mettent en lumière la construction journalistique de la communauté nationale, au travers de figures majoritairement blanches, ainsi que la moindre euphémisation des processus de catégorisation par la race lorsque l’on se tourne vers des personnalités étrangères6.
6Parmi les critères testés, le genre est sans aucun doute le plus structurant tant il donne lieu à des différences de médiatisation. Sur l’ensemble du corpus 2012, on dénombre un total de 599 personnalités hommes contre 109 personnalités femmes, soit 85 % d’hommes contre 15 % de femmes – la nationalité n’ayant pas d’incidence sur cette répartition. Ces chiffres sont en outre renforcés par le fait que sur les 599 décès d’hommes, plus d’un vingtaine (Mohammed Merah, Jean-Luc Delarue, Richard Descoings, Gilles Jacquier, Thierry Roland, Raymond Aubrac, Ahmed Ben Bella, Norodom Sihanouk, Claude Miller, Maurice Herzog, Patrick Ricard, Édouard Leclerc…) suscitent 150 occurrences ou plus, là où seulement trois décès de femmes dépassent la barre des 150 occurrences – avec une forte différence entre eux, les décès de l’actrice Sylvia Kristel et de la chanteuse Donna Summer, réunissant respectivement 187 et 168 occurrences, loin derrière les 934 occurrences de Whitney Houston. Cette sous-représentation des femmes se traduit également par une attention médiatique de moindre importance, même si la différence ici est moins marquée : le décès d’une personnalité homme donne lieu en moyenne à 27 occurrences contre 23 pour le décès d’une personnalité femme. Ces moyennes doivent cependant être interprétées avec précaution, car elles reposent sur quelques décès particulièrement médiatisés et ne sauraient être complètement détachées de leur dimension conjoncturelle. Le décès de Whitney Houston en février 2012 participe à ce titre à gonfler la moyenne de médiatisation globale des femmes. En témoigne le croisement du critère du genre et de la nationalité. Le nombre d’occurrences consacrées aux décès de femmes correspond à 6 % du corpus des annonces ou hommages rendus aux personnalités françaises, tandis qu’il atteint 28 % pour les personnalités d’autres nationalités. La moyenne de médiatisation quant à elle dessine un véritable fossé entre le traitement des décès d’hommes (37) et de femmes (13) de nationalités françaises, alors qu’elle rend compte d’une plus forte attention médiatique aux décès de femmes (32) qu’aux décès d’hommes (16) de nationalités étrangères.
Graphiques 3 et 4 – Répartition hommes/femmes en nombre de personnalités et en moyenne d’occurrences par personnalité
Source : auteur.e.s.
- 7 GMMP 2009/2010, France, Projet mondial de monitorage des médias. Rapport national. En ligne : http (...)
- 8 Éric Macé, Représentation de la diversité dans les programmes de télévision, Rapport au Conseil sup (...)
- 9 Éric Macé, La Société et son double, Paris, Armand Colin/Ina, 2006.
7Ces quelques chiffres permettent de dessiner certaines caractéristiques du corpus analysé. Si l’on ne s’attache qu’au profil démographique des personnalités dont le décès est médiatisé, le corpus présente une différence de traitement entre les hommes et les femmes plus importante que dans les grands médias d’information. Parmi les études existantes sur la répartition hommes/femmes dans les médias, le rapport du GMMP de 20097 montre en effet que les journaux d’information, presse, télévision et radio, comprennent, tous statuts confondus (présentateurs/trices, témoins, expert.e.s, journalistes) 24 % de femmes, tandis que le rapport du CSA défend quant à lui que les femmes composent 33 % de la population télévisuelle d’une semaine de télévision8. Toutes choses égales par ailleurs – les thèmes et les découpages des corpus ne sont pas les mêmes –, tout dans notre corpus semble toutefois se passer comme si la mort était une « affaire d’hommes » et les femmes avaient une moindre propension au décès… Ce raisonnement par l’absurde traduit combien au-delà de la dimension conjoncturelle des décès, cette sous-représentation des femmes est le produit d’une cristallisation des rapports sociaux de genre, voire dont les effets se voient redoublés symboliquement9.
8L’analyse de la répartition du corpus en fonction des professions (mentionnées ou déduites) rend compte des processus de légitimation différenciés de personnalités en fonction du genre et de la nationalité. La profession dans le cadre de la médiatisation des décès est en soi un critère de célébrité : elle désigne souvent le domaine dans lequel la personnalité a des réalisations notoires. Elle peut ainsi relever d’un titre de gloire ou désigner le domaine auquel est associé un titre de gloire. Mais toutes les professions ne semblent pas propices à la célébration, de même que les accomplissements ou réalisations ne suscitent pas le même intérêt selon le domaine d’activité évoqué. L’analyse de la répartition démographique des personnalités en fonction des professions permet d’abord de dessiner des hiérarchies entre les professions, et par voie de conséquence, des sphères de légitimité.
- 10 Denis Ruellan, Les « Pro » du journalisme, de l’état au statut. La construction d’un espace profess (...)
9Les domaines le plus souvent mentionnés sont la politique et le sport. La catégorie de responsables politiques, couplée à celle de « gouvernant » (comprenant les chefs d’États et souverain.e.s), regroupe 102 personnalités de notre corpus et est de loin la plus représentée, talonnée de près par la catégorie sportif/ve (81 personnalités), à laquelle pourrait s’ajouter celle d’entraîneur/sélectionneur (17 personnalités). Il convient toutefois de noter que, bien que majoritaires, les décès afférents à ces catégories ne suscitent qu’une faible attention médiatique, comme en témoigne la moyenne de médiatisation (de 14 pour les responsables politiques et de 12 pour les sportifs/ves). Il s’agit alors de catégories dont la médiatisation semble être entrée dans les routines journalistiques, de telle sorte qu’un décès dans l’un de ces domaines est nécessairement évoqué, notamment par l’AFP, sans pour autant être repris. Un des biais méthodologiques de la base OTMedia participe toutefois de la très forte représentation des personnalités politiques : celle-ci ayant été constituée à l’occasion de l’élection présidentielle de 2012, elle comprend un nombre important de journaux, de sites et d’émissions politiques. L’autre catégorie particulièrement importante dans le corpus se compose des « journalistes, photoreporters, critiques » avec 55 personnalités, auxquels on peut ajouter les « animateurs/trices, producteurs/trice de médias, directeur/trice de chaîne » avec 10 personnalités. Cette médiatisation d’importance traduit des effets de proximité et d’identification, ici professionnelle, de la part des journalistes, l’attention étant redoublée lorsque la mort intervient dans des circonstances troubles. C’est par exemple le cas de Gilles Jacquier (512 occurrences), reporter à France 2. Bien qu’inconnu du grand public jusque-là, le reporter de guerre français cristallise dans sa mort même, due à l’exercice de son métier, tous les idéaux de la profession journalistique : le terrain, le reportage, le courage physique, la vocation à témoigner10.
10Les domaines du cinéma, de la musique et des arts sont, quant à eux, largement représentés : on recense ainsi 70 « musicien/ne.s, chanteurs/ses, compositeur/trice.s », 55 « comédien/nes, acteur/actrice.s, danseur/se.s », 46 « écrivain/e.s, romancier/e.s, dessinateur/trice.s », 25 « artistes, peintres, sculpteur/trice.s » ou 23 « réalisateur/trice.s, metteur/teuse.s en scène, scénaristes, chorégraphes ». Il est à noter que cette catégorie apparaît très fortement partagée, avec d’un côté les auteur.e.s d’une culture noble – Maurice André, trompettiste classique (66 occurrences) ; Chris Marker (91), Theo Angelopoulos (89), et Claude Miller (269), tous trois qualifiés de « cinéastes » – et de l’autre, les acteurs d’une culture grand public ou populaire, à l’instar du chanteur Éric Charden (11), ou de Larry Hagman, acteur et réalisateur états-unien (144). Si pour les premiers, les titres rappellent les faits marquants d’une carrière prolifique, ils tendent, pour les seconds, à réduire les réalisations à un standard (la chanson titre du groupe Éric et Charden, L’Aventura) ou un personnage (JR dans la série Dallas). Ici se joue donc deux processus d’évaluation de l’information, qui s’appuient, d’une part, sur une conception légitimiste de la culture, d’autre part, sur l’idée d’une familiarité du public avec la culture populaire. On note en outre l’omniprésence de domaines professionnels faisant autorité, soit parce qu’ils relèvent de professions très diplômées ou de domaine d’expertise : 19 « professeur.e.s, universitaires, chercheur.e.s, intellectuel.le.s » et 14 « scientifiques, médecins psychiatres, psychanalystes », plusieurs de ces membres étant également cités en vertu des récompenses reçues (prix littéraire ou prix Nobel). Peu médiatisées comme l’attestent les moyennes de médiatisation, ces catégories constituent toutefois une partie non négligeable qui nourrit une valorisation du travail intellectuel, convergente avec celle des arts et de la culture.
Graphique 5 – Répartition des personnalités en fonction des professions
Source : auteur.e.s.
11La couverture des décès apparaît alors comme un moment privilégié de production d’un imaginaire national, à travers la mise en avant de personnalités au parcours légitime, renvoyant à des valeurs supposément consensuelles. En témoigne le croisement des variables nationalité et professions. Les personnalités de nationalités étrangères sont majoritaires parmi les sportif/ve.s, les comédien.ne.s, les chanteur/se.s et les gouvernants. Celles présentes dans le classement de tête des décès les plus médiatisés sont quant à elles soit issues du domaine de la musique populaire (Robin Gibb, Whitney Houston), soit chefs d’État ou rois (Ahmed Ben Bella, ex-président algérien ; Norodom Sihanouk, l’ex-roi du Cambodge) là où les personnalités françaises opèrent dans des domaines diversifiés (Richard Descoings, haut fonctionnaire ; Claude Miller, cinéaste ; Gilles Jacquier, journaliste ; Jean-Luc Delarue, animateur TV ; Raymond Aubrac, résistant). Il apparaît alors que, dans le cadre des autres nationalités, certains domaines de la culture populaire globalisée (musique pop ou disco, cinéma hollywoodien) ou le statut de gouvernant (chef d’État souverain.e, roi/reine) favorisent, voire conditionnent une médiatisation d’importance. Pour les personnalités françaises, ce sont les professions du politique et du journalisme qui dominent. Certaines catégories, comme celle d’entrepreneurs, de PDG ou d’industriels, sont en outre exclusivement incarnées par des personnalités françaises. L’appartenance à ces dernières s’accompagne le plus souvent d’une couverture élogieuse, marquée par les hommages officiels, créant et célébrant des figures de l’entreprenariat, comme l’indiquent les termes usités pour qualifier Patrick Ricard, « entrepreneur emblématique » (AFP, 18/08/2012), ou Édouard Leclerc, « pionnier des grandes surface » (AFP, 17/09/2012). Un autre domaine, principalement occupé par des personnalités françaises, est celui de la Résistance, le décès des membres historiques faisant l’objet d’une médiatisation quasi-routinière qui peut se comprendre comme un moment de célébration de valeurs consensuelles, celles de la liberté et du combat pour la France. Se dessine ici l’image gratifiante d’une France, à la fois à la pointe sur le plan économique et industriel, et terre de liberté et de résistance. Il en découle toutefois une série d’invisibles et d’exclusions. Les classes populaires ou moyennes sont ainsi totalement absentes du corpus à l’exception de quelques décès intervenus dans le cadre de faits divers, tandis que des domaines d’activité comme le militantisme donnent lieu à une faible médiatisation, comme s’ils n’étaient pas suffisamment « nobles » pour être médiatisés.
Graphique 6. Répartition des professions des personnalités décédées en fonction de la nationalité
Source : auteur.e.s.
Graphique 7 – Répartition des professions des personnalités décédées en fonction du genre
Source : auteur.e.s.
- 11 Marlène Coulomb-Gully, Cécile Méadel, « Plombières et jardinières. Résultats d’enquêtes et considér (...)
12L’analyse quantitative de la répartition hommes/femmes en fonction du type de profession confirme la dimension structurante du genre et la « séparation des mondes » évoquée par Marlène Coulomb-Gully et Cécile Méadel à propos de la division genrée de la couverture journalistique11. En valeur absolue (nombre de personnalités), les domaines les plus représentés sont les plus masculins, dans l’imaginaire auquel ils renvoient et qu’ils produisent à la fois. Le sport, la politique, la défense ou encore l’entreprenariat, apparaissent comme l’apanage quasi exclusif des personnalités hommes du corpus. La catégorie « responsables politiques » est par exemple composée de 14 femmes et 121 hommes, soit 10 % de femmes pour 90 % d’hommes. De même, la catégorie sportif/ive.s ne présente que 4 femmes contre 77 hommes. S’il n’existe aucun domaine exclusivement associé aux femmes, l’analyse de la distribution genrée des professions permet de montrer que les personnalités femmes sont majoritairement des comédiennes et des chanteuses issues de la culture populaire. Ainsi, les 5 décès les plus médiatisés concernent tantôt des stars de la musique soul, disco ou blues (Whitney Houston, Donna Summer, Etta James), des comédiennes du petit écran (Rosy Varte, Kathryn Joosten), du cinéma populaire (Tsilla Chelton), du théâtre de boulevard (Sophie Desmarets) ou du cinéma érotique (Sylvia Kristel). Non seulement les personnalités femmes appartiennent à des domaines bénéficiant d’une moindre légitimité, mais elle forment également deux catégories bien distinctes, voire antinomiques : d’une part, les personnalités « glamour », traitées en tant que symboles de séduction, mais dont l’aura présente, par là même, un certain trouble, en tant que femmes « de mauvaise vie » (Whitney Houston, 1ère du classement avec 934 occurrences, Sylvia Kristel, 2e avec 187, Donna Summer, 3e avec 168, etc.) ; d’autre part, des femmes dont la célébrité s’est imposée à un âge relativement avancé, grâce à la composition d’un ou de personnage(s) populaire(s) : entre autres, Tsilla Chelton, 4e du classement (129 mentions), surtout connue pour son rôle de « Tatie Danielle » (Étienne Chatilliez, 1990), Rosy Varte (5e, 94 occurrences), interprète principale de la série télé Maguy, ou encore la reine du théâtre de boulevard Sophie Desmarets (10e, 56 occurrences). Au-delà de cette bipartition reconduisant le cliché de genre « La maman et la putain », le point commun dans le traitement du décès de ces vedettes féminines réside dans le fait qu’elles sont très largement confondues avec le personnage qui les a rendues célèbres. La dimension réductrice et disqualifiante de cet imaginaire de la féminité frappe en comparaison avec la liste des 25 décès les plus médiatisés du côté des personnalités masculines. L’univers de la masculinité se construit dans une apparente diversité et autorité, à travers une série de personnalités renvoyant à des domaines légitimes et des positions à responsabilité – on retrouve ici les catégories évoquées plus haut : chefs d’État, hauts fonctionnaires, entrepreneurs, journalistes. Si certaines figures de la culture populaire sont effectivement présentes dans ce classement de tête (Pierre Mondy, Robin Gibb, Claude Pinoteau), elles incarnent une version parmi d’autres de la masculinité, et notamment parmi des figures « légitimes ». La masculinité dans ce corpus se construit alors dans une occupation hégémonique de l’ensemble des domaines et des professions – des légitimes au moins légitimes – et une diversité de profils, là où la féminité se dessine sur le terrain des professions les moins légitimes et se voit renvoyée au genre.
13Dans cette répartition de la couverture journalistique des décès, on ne saurait négliger le poids du facteur décès, que nous avons choisi de renseigner lorsque celui-ci était explicité par les titres des différents médias. Comme pour les données qui précèdent, il s’agit ici de distinguer la répartition démographique du corpus et la moyenne de médiatisation. Le graphique 8 donne ainsi à voir une des particularités de la médiatisation des décès : la plupart des causes de décès ne sont pas énoncées par les journalistes. Sur l’ensemble du corpus, 521 relèvent de la catégorie « non renseignée ». Il semble donc bien qu’il y ait ici une forme de pudeur journalistique et d’autocensure lorsque l’on en vient aux causes de la mort. On note en outre que les causes les plus souvent énoncées relèvent de la longue maladie, du cancer ou de la crise cardiaque, à savoir ici des causes dicibles en ce qu’elles peuvent apparaître « ordinaires » et qu’elles ne viennent pas ternir l’image forgée pendant le vivant. Certaines circonstances (accident, noyade, morts suspectes) sont quant à elles évoquées lorsqu’elles font l’objet d’une procédure judiciaire et qu’elles appartiennent de fait au domaine public. Le détail de cette répartition en fonction de la variable de la nationalité et du genre montre toutefois quelques éléments significatifs. Certains types de décès, tel le suicide, ne concernent que quatre personnalités dans le corpus, dont trois sont de nationalité étrangère. Le cas le plus marquant est le décès de Tony Scott, intervenu le 20 août 2012, qui fait l’objet d’une forte médiatisation avec plus de 260 occurrences. Les trois autres cas concernent des personnalités secondaires : Don Cornelius, « créateur de l’émission “Soul Train” » (02/02/2012, Free Actualités), Etienne Kosciusko-Morizet, frère de la femme politique Nathalie Kosciusko-Morizet (23/05/2012), et Bob Welch, « l’ancien chanteur du groupe Fleetwood Mac » (AFP, 08/06/2012). Si dans ces trois cas, le suicide est sans doute une des raisons de la médiatisation, on remarque qu’une des conditions de son évocation est qu’il touche ici des personnalités peu connues de leur vivant.
14L’établissement de la moyenne du nombre d’occurrences par type de décès, permet de désigner certaines logiques d’attention médiatique. Les décès survenant dans des circonstances troubles (overdose, absence d’explication) sont de loin les plus fortement médiatisés, avec une moyenne de 144, largement supérieure à la moyenne globale du corpus de 27 occurrences par personnalité décédée. Ils comprennent des décès faisant événement, tels ceux de Richards Descoings ou de Whitney Houston. On notera également l’importance de la médiatisation des morts brutales, faisant suite à une situation de conflit. La moyenne particulièrement élevée de 505 s’explique par le fait que celle-ci comprend le cas de Mohammed Merah. Les morts soudaines, inattendues, les suicides, de même que les crises cardiaques, toutes aussi soudaines, suscitent un fort intérêt journalistique, par leur dimension imprévisible. C’est le cas d’Olivier Ferrand (221 occurrences), directeur du Think tank du parti socialiste Terra Nova, dont le décès intervient à l’âge de 41 ans, en pleine campagne législative. Ce n’est plus tant la personnalité qui se trouve au cœur du processus de médiatisation, que la mort elle-même et le fait que cette mort intervient de façon inattendue et dans un contexte de campagne électorale qui lui confère un sens et une résonnance politiques. Au-delà de ce cas, l’âge n’apparaît pas cependant comme un critère particulier d’attention journalistique, seules dix personnalités du corpus ayant moins de 50. Il résulte de la faible mention des causes de la mort et de l’attention portées aux morts violentes et troubles, une partition entre d’un côté, des morts dicibles et acceptables (cancer, longue maladie, AVC) qui affectent peu la médiatisation et l’image du vivant, et de l’autre, des morts problématiques (morts troubles, violentes) et/ou des morts indicibles (suicide), qui constituent en soi un intérêt journalistique. Cette partition relève aussi d’une hiérarchisation des types de morts : dans le corpus, point de morts du Sida par exemple et très peu d’Alzheimer, comme s’il s’agissait là de « mauvaises mort », pouvant ternir nécessairement l’image des personnalités.
Graphique 8 – Répartition des personnalités décédées en fonction du type de mort
Source : auteur.e.s.
Graphique 9 – Moyenne de médiatisation par type de décès
Source : auteur.e.s.
- 12 Richard Dyer, Le Star system hollywoodien, trad. N. Burch, Paris, L’Harmattan, 2004.
- 13 Stuart Hall, « La redécouverte de l’“idéologie” : retour du refoulé dans les Media Studies » (1982) (...)
15Les stars, à travers leur image, cristallisent les contradictions idéologiques du monde social, contradictions qu’elles participent à « gérer » ou à résoudre en incarnant des positions parfois alternatives voire subversives12. Si les critères du genre, de la nationalité, de la profession, influent sur le degré d’attention médiatique et organisent, par des effets d’inclusion et d’exclusion, cette médiatisation, ils peuvent également se traduire dans les « chaînes de signification »13 qui permettent de qualifier la personnalité en fonction de la catégorie à laquelle elle se voit assignée. Nous souhaitons donc conclure ce travail en explorant de plus près la représentation même de la célébrité, de sa vie, de son œuvre, au moment de la mort, c’est-à-dire en prenant en considération la possible relecture de cette œuvre et de cette vie en fonction du type de mort. Nous proposons de distinguer trois types de phénomènes de productions identitaires.
16Premier type de productions identitaires, les décès les plus fortement médiatisés concernent les personnalités dont la célébrité est liée à des accomplissements mais dont l’image médiatique est parsemée d’éléments troubles, que la mort vient renforcer. Ces décès donnent lieu à une couverture journalistique à la dimension feuilletonnante qui relève tout à la fois d’une exacerbation des contradictions sociales souvent irréconciliables que contient l’image de la personnalité – une personnalité ayant connu un succès fulgurant qui décède d’une overdose par exemple – mais aussi d’informations propres aux décès – les causes du décès annoncées par le médecin légiste quelques semaines après la mort. Dans ce cas, la controverse sur la vie se conjugue à la controverse sur la mort : l’identité trouble du vivant se voit redoublée par les circonstances troubles de la mort, de même que l’hétérodoxie de l’existence jette elle aussi le trouble sur les circonstances de la mort. La toxicomanie de la chanteuse américaine Whitney Houston (934) crée d’emblée l’horizon d’attente d’un décès par overdose, celle de l’animateur français Jean-Luc Delarue (850) ainsi que son mariage avec une « beurette » alimente des rumeurs post-mortem tour à tour sur une mort non naturelle, sa conversion supposée à l’islam et son inhumation dans un carré musulman ; dans le cas du directeur de Sciences Po, Richard Descoings, (604) ce sont les ragots ayant circulé de son vivant sur son homosexualité qui éveillent les soupçons sur les raisons de son décès brutal, d’autant que les circonstances de sa mort se prêtent à toutes les spéculations. Mieux : en sens inverse, l’enquête sur la mort de Descoings, entraîne des révélations, officielles cette fois-ci, sur sa vie et sa sexualité. La médiatisation de ces trois figures ambivalentes montre à chaque fois qu’en tant que faits médiatiques, la mort d’un personnage public et les événements de son existence s’éclairent et se renforcent mutuellement.
- 14 Patricia Hill Collins, « “Get Your Freak On”. Images de la femme noire dans l’Amérique contemporain (...)
17Dans l’ensemble de ces cas, l’identité trouble qui se cristallise dans la couverture médiatique, tend à conforter l’association de certaines catégories sociales à un imaginaire de déviance : celui d’une homosexualité débridée avec Richard Descoings, celui de la « welfare queen » accolé aux femmes afro-américaines avec Whitney Houston14. Autrement dit, la part de trouble peut renforcer des logiques de stéréotypisation, comme en témoigne tout particulièrement le traitement médiatique de certaines figures féminines du corpus. On pourrait citer également le cas de Sylvia Kristel, dont l’image médiatique du vivant est teintée de controverse. À sa mort, l’actrice néerlandaise fait l’objet d’une double assignation. D’abord, elle est ravalée à son statut de sex-symbol : « Décès de la femme fantasme Sylvia Kristel, l’interprète d’“Emmanuelle” » (AFP, 18/10/2012), « Sylvia Kristel : la femme-fantasme » (AFP, 18/10/2012 ; Le Républicain lorrain, 19/10/2012), « Sylvia Kristel, la mélodie de l’amour charnel » (Les Inrocks, 20/10/2012), « La plus célèbre incarnation du désir au cinéma vient de décéder » (Nouvelobs.com, 18/10/2012). Ensuite, elle est constamment référée à son rôle d’“Emmanuelle” – « Sylvia Kristel, “Emmanuelle” pour toujours » (AFP, 18/10/2012), « Emmanuelle n’est plus, Sylvia Kristel est décédée » (La Nouvelle République, 18/10/2012), « Sylvia Kristel, l’inoubliable “Emmanuelle” est décédée » (Purepeople, 18/10/2012) – au point que Le Monde se sent obligé de faire amende honorable, en titrant « Sylvia Kristel, l’actrice derrière “Emmanuelle” » (18/01/12) et en précisant dans son chapeau : « Il est parfois injuste d’estimer que la carrière d’un comédien ne s’est réduite qu’à un seul rôle. Mais c’est bien le cas pour l’actrice néerlandaise morte à l’âge de 60 ans. » Tel est le sort, en effet, des actrices dont la mort est la plus médiatisée, dont l’apothéose, au sens littéral du terme, est suggérée par l’éternité d’un personnage qui prend définitivement le pas sur la femme. Avant même que la comédienne néerlandaise s’éteigne, ce principe est on ne peut plus clairement posé : « Sylvia Kristel lutte contre la mort, mais Emmanuelle est immortelle » (Lexpress.fr, 09/07/2012).
- 15 Chris Rojek, Celebrity, Londres, Reaktion Books, 2001: p. 17.
18Autres décès largement médiatisés, ceux des figures connues pour leurs accomplissements ou leur œuvre, dont la mort est « naturelle » (vieillesse, maladies de fin de vie). Il s’agit d’évoquer ici leur œuvre, leur carrière ou leurs réalisations. Ces figures relèvent de la célébrité « conquise » (achieved celebrity) définie par Chris Rojek15 par opposition aux célébrités « héritée » (ascribed) ou « conférée » (attributed) créée de toutes pièces par la communication et les médias. Ces personnalités « légitimes », symbolisent au plus haut point des valeurs consensuelles : tel Raymond Aubrac (427 occurrences), l’un des résistants français les plus connus. Dans ce cas, la couverture journalistique ne fait qu’abonder dans le sens des hommages qui consacrent ces grands hommes, y compris de leur vivant. L’image de la personnalité de son vivant se trouve confortée au moment de la mort : point de trouble jeté cette fois-ci, mais au contraire une avalanche de termes laudatifs et d’expressions qui inscrivent la personnalité dans le cadre de ces valeurs jugées consensuelles. À son décès, Raymond Aubrac se voit ainsi célébré par la presse : « héros de la résistance » (AFP, 11/04/2012), « l’un des derniers cadres de la Résistance » (ladepeche.fr, 11/04/2012), « le grand résistant » (AFP, lexpress.fr, Francesoir.fr, 11/04/2012), « cofondateur du mouvement Libération Sud » (lefigaro.fr, 11/04/2012), « un des ultimes symboles de la Résistance » (AFP, 11/04/2012), « grand officier de la Légion d’honneur, Croix de guerre 39-45, rosette de la Résistance » (RFI.fr, 11/04/2012), autant de termes élogieux qui érigent Raymond Aubrac au rang de héros national. Notons enfin qu’à travers la célébration de ces personnalités « légitimes », certaines catégories sociales se trouvent largement gratifiées, quoique façon implicite : ainsi des critères de la masculinité, d’appartenance à la nation, d’hétérosexualité et de blanchité, auxquels correspondent la grande majorité de ces héros du bien.
- 16 Dennis F. Thompson, « The Private Life of Politicians », raison-publique.fr, 6 février 2010. En lig (...)
19Un dernier processus nous semble digne d’attention, qui sous-tend l’hypothèse d’une centralité du facteur « décès » dans le processus de production identitaire au moment de la mort. Il s’agit ici des personnalités méconnues de leur vivant, dont le décès fait l’objet d’une très forte médiatisation. Cela concerne les cas de décès brutaux, inattendus, qui suscitent un intérêt premier de par leur brutalité. Ces derniers cristallisent toute une série d’angoisses sociales autour de la mort et de la vie, et donnent lieu à la production d’une identité circonstancielle, quasi-artificielle tant elle se construit en dehors de toute médiatisation ou image préalablement établie par les médias. Il y a alors décorrélation entre célébrité et médiatisation. L’un des cas les plus frappants à cet égard est celui de Tony Scott, réalisateur de film à grand succès (Top Gun ou encore True Romance) et frère de Ridley Scott. Peu connu en France, son décès fait l’objet d’une couverture d’importance, avec pas moins de 410 occurrences, s’étendant du 20 août 2012 au 8 novembre 2012. Or on ne peut guère soutenir que Tony Scott ait été particulièrement connu en France de son vivant. C’est donc aussi et peut-être surtout l’origine de sa mort – un suicide en sautant d’un pont en Californie – qui provoque une couverture massive de sa disparition. Qui plus est, l’abondance de ce traitement est probablement favorisée par la nationalité du protagoniste – le fait tout simplement qu’il ne soit pas français : on sait en effet la réticence des médias nationaux, du fait des dispositions prévues par la loi française sur la vie privée (art. 9 du code civil), à aborder les aspects les plus sensibles de la vie d’un personnage public français ; or cette réticence tombe dès lors qu’il s’agit d’une personnalité étrangère, dont les ayant droits seront moins enclins à porter plainte sur le sol français. En tout état de cause, le cas de Tony Scott devient alors un prétexte pour parler du suicide, et l’image médiatique qui se forge autour du cinéaste est avant tout porteuse d’un débat. En outre, cette médiatisation aboutit parfois à une séquence finale, celle du metareporting16, véritable moment de réflexivité journalistique qui se traduit par une discussion autour du « buzz » produit par une : « Mort de Tony Scott : l’art délicat de la nécrologie » (Slate.fr, 22/08/12). Ce metareporting rend compte d’une logique d’emballement médiatique qui semble, à un moment donné, échapper au contrôle des journalistes. Les médias se donnent alors à voir dans toute leur dimension performative, à produire des identités sans lien avec une « réalité » ou une identité de départ.
20Cette analyse montre la centralité d’une structuration de la couverture médiatique par les rapports sociaux de genre, des critères de nationalité ou encore de profession. Les logiques de valorisation ne sont donc pas neutres : certains critères favorisent certaines catégories au détriment d’autres, produisant autant de différences sociales que les logiques professionnelles du journalisme soulignent et intensifient. Parmi les divisions qui organisent le corpus, trois peuvent être retenues : une sous-représentation des femmes et des professions afférentes aux catégories populaires ; une surreprésentation des professions du politique, du sport et du journalisme, domaines par ailleurs associés à la masculinité ; une événementialisation touchant prioritairement les morts dans des circonstances troubles ou brutales. La valorisation journalistique de la masculinité, de certaines professions et certains domaines « légitimes » (sport, culture, politique, journalisme) se voit toutefois reconfigurée par le facteur « décès », qui joue tel un élément premier de la médiatisation de la mort des célébrités. Aussi les identités qui se formalisent dans la médiatisation des décès ne sont-elles pas seulement à l’image des rapports de force et des conflictualités du monde social. Elles peuvent aussi être des identités ad hoc, émergeant et émanant des circonstances du décès, avant tout porteuses d’angoisses sociales autour de la mort.